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The Red Bulletin FR 12/23

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FRANCE DÉC. 2023-JANV. 2024

HORS DU COMMUN

LE CHANGEMENT

NINOU, MATRIIX, NELO, LIRILIA et MEL un autre esport est possible avec les femmes de la Karmine Corp

Votre magazine offert chaque mois avec




É D ITO R I A L

Le gaming et l’esport sont encore, en 2023, sujets Ă  bien des clichĂ©s. Et au sein mĂȘme de ces scĂšnes, les joueuses sont trop souvent des cibles, victimes de moqueries, voire plus. Un cercle vicieux. Les femmes font partie du « game » et nous avons eu l’occasion de les mettre en avant dans le TRB. Ce mois-ci, nous allons plus loin, en dĂ©diant une cover Ă  une Ă©quipe constituĂ©e de femmes (une world first en presse ?) : la team Karmine Corp, engagĂ©e sur le tournoi international Valorant Game Changers. Notre sĂ©rie photos et nos portraits de ces joueuses, solides, soudĂ©es et sincĂšres, peuvent ĂȘtre trompeurs... Ce ne sont pas des pop stars que vous y dĂ©couvrez, mais bien des pros. Des joueuses performantes et engagĂ©es. Avec LiriLia, Ninou, Nelo, Matriix et Mel, changez de point de vue sur l’esport. Bonne lecture ! Votre RĂ©daction

JEAN DE BLIGNIÈRES Photographe, DA et rĂ©alisateur basĂ© Ă  Paris, Jean se prĂ©sente comme « passionnĂ© par la couleur et toujours en recherche de nouvelles techniques pour lier l’élĂ©gance au beau ». Il signe ici la sĂ©rie avec la chanteuse en ­ascension Joanna. « J’ai beaucoup apprĂ©ciĂ© travailler avec elle et mĂȘler nos deux univers et nos deux styles. » Page 70

BRICE BOSSAVIE Ce journaliste indĂ©pendant basĂ© Ă  Paris est spĂ©cialisĂ© en musique, internet, et sujets de sport et de sociĂ©tĂ©. Il travaille avec des titres comme LibĂ©ration, Society ou l’Abcdr du Son, et anime Une Deux, podcast foot et rap du journal L’Équipe. Il signe ici le sujet de couverture, l’équipe fĂ©minine de la ­Karmine Corp. Page 42

FELIPE BARBOSA

Le demain de l’esport, en studio, face au ­photographe brĂ©silien Felipe Barbosa. Page 42

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Photographe brĂ©silien basĂ© Ă  Paris, il a rĂ©alisĂ© des campagnes pour KFC, Puma, Asics, ou McDonald’s, et collaborĂ© avec des mĂ©dias comme Brut, AnOther magazine, Les Inrocks ou Society. Pour ce numĂ©ro, il a rencontrĂ© l’équipe fĂ©minine de la Karmine Corp. « L’opportunitĂ© de dĂ©couvrir de plus prĂšs l’univers de l’esport. » P. 42 THE RED BULLETIN

FELIPE BARBOSA (COUVERTURE), EMMANUEL GARCIA

COMPTEZ SUR ELLES

Contributions



CONTENUS

ADIEU MÉLANCOLIE

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Le rappeur bruxellois Swing a dĂ» se dire adieu Ă  lui-mĂȘme pour renaĂźtre, et envisager son futur avec quiĂ©tude. PHOTO

L’ART DE L’ACTION

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Red Bull Illume, le plus percutant des concours photo, est de retour. Notre preview des plus beaux shots. ESPORT

CHANGER LA DONNE

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L’esport 100 % fĂ©minin prend de l’ampleur ! Parmi les talents Ă  suivre de prĂšs, dĂ©couvrez les joueuses de la Karmine Corp.

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E-FMX

RÉVOLUTION SILENCIEUSE 56 Quand un boss du FMX, le Suisse Mat Rebeaud, envisage la bascule de sa discipline vers l’électrique. C U LT U R E

GÉNIE DU SENSIBLE G A L E R I E 8 F I N G E R B O A R D S 14

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Gospel, rap et jazz, la formule de Tuerie, artiste sensible, ambitieux et généreux issu de Boulogne.

L A P L A Y L I S T D E Y A M Ê 16 B I E N N A L E N É M O 18

L’ÉPOPÉE DE JOANNA

P O P & P S Y 20

Si l’industrie musicale a pu vouloir la catĂ©goriser, Joanna a tenu bon pour imposer sa personnalitĂ©, et a su surmonter les pires tourments de la vie.

HÉROS & HÉROÏNES

INSURFABLE ?

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L’Australien Matt Formston surfe des murs d’eau Ă  NazarĂ©, mais Ă  l’aveugle. Vraiment Ă  l’aveugle.

VIE AU GALOP Comment un enfant des tours de Nanterre, Djibril Sako, s’est fait une place dans le millieu Ă©questre. 6

C U LT U R E

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PERSPECTIVES V O Y A G E : L E S Î L E S L O F O T E N 81

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F I T N E S S : F R O I D D E V A N T ! 86 M A T O S : M O N T R E S A U T O P 90 M E N T I O N S L É G A L E S 96 P O U R F I N I R E N B E A U T É 98 THE RED BULLETIN

LÉO GROSGURIN/RED BULL ILLUME, FELIPE BARBOSA

V A C A N C E S E X T R Ê M E S 17


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THE RED BULLETIN

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Bedford, Indiana, USA

UNDERGROUND Notre planĂšte est truffĂ©e de riviĂšres ­souterraines, et Brian Grubb, double champion du monde de wakeskate, ­rĂȘvait d’en parcourir une. En juillet dernier, l’AmĂ©ricain a emmenĂ© son e-Foil (planche de surf Ă  foils Ă©lectriques) Ă  30 mĂštres sous terre pour visiter Myst’ry River, plus long cours d’eau souterrain navigable des USA. À 32 km/h, Grubb a parcouru un dixiĂšme de ses 34 km. « C’était plus serrĂ© que prĂ©vu, ­admet-il. Ça peut paraĂźtre cool dans la vidĂ©o, mais c’était technique. » À voir sur redbull.com


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ROBERT SNOW/RED BULL CONTENT POOL

DAVYDD CHONG


San José, Costa Rica

MAINS LIBRES

Nous pourrions vous dire que Kenneth « Pollis » Tencio a appris Ă  faire du BMX dans les rues de Cartago, au Costa Rica. Nous pourrions mentionner sa mĂ©daille d’argent en Freestyle Park aux Championnats du monde de cyclisme urbain 2018. Nous pourrions mĂȘme raconter qu’il a obtenu son surnom alors qu’il servait dans la police de Glasgow. Mais nous ne le ferons pas (ce dernier point est d’ailleurs un mensonge). Nous vous laissons juste apprĂ©cier ce sublime no-hander. redbull.com ; IG : @agustinmunoz


DAVYDD CHONG AGUSTIN MUNOZ/RED BULL CONTENT POOL, PETER MORNING/RED BULL CONTENT POOL

Mammoth Lakes, CA, USA

À L’ATTAQUE

Maddie Mastro collectionne les surnoms. Mais on ne se fait pas appeler « Mad Dog » et « Maestro » si on n’en est pas digne. P ­ assionnĂ©e de snowboard depuis ses six ans, la Californienne est une habituĂ©e des mĂ©dailles – trois d’argent, deux de bronze – aux Championnats du monde et aux ­Winter X Games, et a reprĂ©sentĂ© les US aux JO d’hiver 2018 et 2022. Ici, nous observons son sens de l’attaque (Mad Dog, vu ?) lors d’une session de la Red Bull Snow Team en mai dernier. Grrrr
 IG : @maddie_mastro

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Oberland bernois, Suisse

CLASSIC ROC

Au cƓur de l’action avec l’alpiniste et freeskieuse autrichienne Nadine Wallner s’attaquant au marathon vertical de la Jungfrau, en juillet dernier. Son coĂ©quipier, le guide de montagne et grimpeur suisse Simon Wahli, et elle ont rĂ©ussi l’ascension de la vallĂ©e de Lauterbrunnen au sommet de la Jungfrau (4 158 m), en passant par deux voies (classĂ©es 7a+ et 7a) et l’arĂȘte du ­RotbrĂ€ttgrat en un temps ­record de 16 heures et 20 minutes. ­Cerise sur le g ­ Ăąteau ? Wallner est devenue la ­premiĂšre femme Ă  la rĂ©aliser.

TIM MARCOUR/RED BULL CONTENT POOL

DAVYDD CHONG

À voir sur redbull.com

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Dans les annĂ©es 90, deux ados passionnĂ©s de skate dĂ©couvrent les finger boards et fabriquent leurs propres mini-modules. En deux dĂ©cennies, leur hobby est devenu une entreprise. Ados dans les annĂ©es 90, Jo Buchan et Tom Passmore sont des obsĂ©dĂ©s du skate. Mais la pluie constante et le manque de spots dans leur petite ville du Pays de Galles rendent les sessions en plein air rares. FrustrĂ©s, ils tombent sur le ­fingerboarding, un skateboard Ă  Ă©chelle rĂ©duite utilisant les doigts Ă  la place des pieds. Et ils ne tardent pas Ă  construire leurs propres skateparks et rampes pour se perfectionner. Puis, la vie Ă©loigne les deux amis du Pays de Galles et les conduit vers d’autres centres d’intĂ©rĂȘt. Mais, en 2020, plus de vingt ans aprĂšs la mise en sommeil de leur monde de skate miniature, Finlay, le fils de Buchan ĂągĂ© de 12 ans, dĂ©terre ses vieux objets bricolĂ©s, ravivant ainsi l’intĂ©rĂȘt de son pĂšre. Ils se mettent Ă  construire de nouvelles rampes et de nou14

Les obstacles de skate conçus par Sinister Fings ressemblent Ă  s’y mĂ©prendre Ă  des vrais, Ă  base d’emballages et autres dĂ©chets.

THE RED BULLETIN

LOU BOYD

Les mains sales

RICK SMEE

SINISTER FINGS

veaux rails pour le fingerboard, comme Buchan l’avait fait ­lorsqu’il avait l’ñge de son fils. Buchan s’aperçoit que les ­modules qu’ils fabriquent dĂ©passent en qualitĂ© la plupart des produits disponibles sur le marchĂ©. « La plupart du matos est trĂšs amĂ©ricain, trĂšs net, inspirĂ© de rues vierges, dĂ©veloppe Jo Buchan. Le Royaume-Uni n’est pas comme ça ; nous sommes plus crados, plus sombres, et nous voulons ­capturer cette essence. Nos piĂšces se concentrent sur ­l’hyperrĂ©alisme – des dĂ©tails comme les emballages, les mĂ©gots de cigarettes, la moisissure et la rouille. » Sous le nom de Sinister Fings, le pĂšre et le fils vendent dĂ©sormais leurs rĂ©pliques rĂ©alistes de spots de skate britanniques. Des halfpipes graffĂ©s aux poubelles dĂ©bordantes, en passant par les bancs en bĂ©ton Ă  l’extĂ©rieur de la galerie d’art Tate Modern de Londres, ils veillent Ă  ce que leurs modules reproduisent l’expĂ©rience rĂ©elle du skate en utilisant des matĂ©riaux de rĂ©cupĂ©ration, ­notamment des composants de skateparks recyclĂ©s et des objets trouvĂ©s dans la rue. Et lorsqu’il s’agit d’ajouter des dĂ©tails complexes Ă  chaque modĂšle, Buchan se tourne vers son ami d’enfance Passmore. « Je suis charpentier de mĂ©tier, mais Tom est exceptionnellement crĂ©atif, », explique Buchan. Leur premiĂšre gamme, Sinister Street, est dĂ©sormais disponible en ligne, et les skate shops du Royaume-Uni et des États-Unis ont demandĂ© Ă  ce que leurs propres skateparks locaux reçoivent le traitement Sinister Fings. « Actuellement, nous travaillons sur une version du South Bank de Londres, dit ­Buchan. Finlay est notre PDG et dirige notre marketing en ligne. C’est lui le responsable. Un membre du “board” Ă  plus d’un titre. » Instagram : @sinister_fings


TH E MO ST CAPAB LE R ARE LY GO IT ALO N E . TH E MO ST CAPAB LE R ARE LY GO IT ALO N E .

AU S T R A L I A N O U T B AC K @ B F G o o d r i c hT i r e s

11.10 . 2 2

AU S T R A L I A N O U T B AC K @ B F G o o d r i c hT i r e s

11.10 . 2 2


YAMÊ

Tempo L’artiste franco-camerounais Ă  la voix de soprano dĂ©voile les rythmiques de son ambition musicale. Originaire du Val-d’Oise, YamĂȘ, artiste autodidacte qui ne jure que par le clavier, est certainement l’une des voix les plus intĂ©ressantes du moment dans le monde du hip-hop français. Connu pour l’interprĂ©tation de son titre BĂ©cane sur la plateforme Colors, oĂč il a dĂ©voilĂ© au public l’étendue de sa tessiture, YamĂȘ fait partie de celles et ceux qui n’ont guĂšre besoin d’auto-­tune. Chez lui, l’aigu est naturel, et ne laisse pas indiffĂ©rent, comme son EP Elowi, sorti en octobre dernier : l’art d’exprimer ce qui n’est pas manifestĂ©, autrement dit, imperceptible. Ce fĂ©ru de musique live qui parcourt les jams parisiennes nous prĂ©sente un ensemble de morceaux dont il aimerait atteindre l’aisance et la technicitĂ© instrumentale.

Snarky Puppy

Josman

Anderson .Paak

Yolele (1995)

Lingus (2014)

J’aime Bien ! (2018)

Come Down (2016)

« J’ai dĂ©couvert Papa Wemba, quand j’étais enfant. Sur ce morceau, il contrĂŽle sa voix d’une maniĂšre que j’ai toujours admirĂ©e. Je trouve que mon placement des notes ressemble beaucoup au sien. Il a un confort dans les aigus que je ressens aussi. Sa proposition musicale m’a beaucoup poussĂ© Ă  chanter comme je le fais aujourd’hui. »

« Snarky Puppy est un collectif de jazz et funk d’une vingtaine de personnes. Avec le titre ­Lingus, ils prouvent qu’on peut avoir une grosse Ă©quipe et faire du jazz moderne, car leur interprĂ©tation et leur mix les ancrent dans notre Ă©poque. Ce son m’a vraiment donnĂ© envie de lancer mon projet et d’arriver un jour sur scĂšne avec un groupe similaire. »

« Je trouve le parcours et la carriĂšre de Josman exemplaires. Ce son-lĂ  a quelque chose de trĂšs mĂ©lodieux et de lourd Ă  la fois. C’est un titre de trap trĂšs musclĂ©, avec des paroles trash, mais acceptables dans l’espace public grĂące Ă  sa douceur. Et en mĂȘme temps, il est simple, je le joue parfois. Je valide fort. Peut-ĂȘtre que je ferai des sons comme ça un jour. »

« Pour moi, avant, ce n’était pas possible de chanter aussi bien, avec autant de flow, en faisant de la batterie. En ­regardant son live dans NPR Music Tiny Desk Concerts, je me suis dit que je voulais aussi avoir cette classe et atteindre ce niveau sur scĂšne. Et pour cela, il faut ĂȘtre tellement bon avec son instrument que ça a l’air innĂ© d’en jouer. »

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THE RED BULLETIN

OJOZ

Papa Wemba

MARIE-MAXIME DRICOT

Écoutez les titres de YamĂȘ sur Spotify en scannant le QR code.


VOYAGES D’ÉLITE

Direction l’inconnu

KRISTOF STURSA, NIMSDAI/RED BULL CONTENT POOL

LAURA HOLT

Partir en expĂ©dition ne signifie pas forcĂ©ment quitter son job. Chaque annĂ©e, de plus en plus de voyageurs ordinaires accomplissent des exploits extraordinaires avec l’aide d’aventuriers chevronnĂ©s comme Nims Purja. En 2021, un docu Netflix sur un alpiniste nĂ©palais peu connu (qui a escaladĂ© les quatorze sommets de 8 000 m du monde en un temps record de sept mois) a trouvĂ© un Ă©cho au-delĂ  de la communautĂ© des alpinistes. Aujourd’hui, Nims Purja aide les voyageurs ordinaires Ă  repousser leurs propres limites en grimpant avec lui et son Ă©quipe d’Elite Exped, sociĂ©tĂ© qui propose des ascensions des sept sommets (les plus hauts de chaque continent) et des aventures dans la « zone de la mort », Ă  8 000 mĂštres d’altitude. Des activitĂ©s autrefois rĂ©servĂ©es aux pros. « Longtemps, les gens ont pensĂ© que les grandes montagnes n’étaient pas pour eux, dĂ©clare Purja. J’espĂšre leur montrer qu’il n’est jamais trop tard pour entreprendre un nouveau voyage. » Nothing is Impossible a Ă©tĂ© diffusĂ©, l’intĂ©rĂȘt pour les expĂ©ditions d’élite a e­ xplosĂ©, en particulier parmi les explorateurs ordinaires. Mais il n’en tire pas tout le mĂ©rite : « Le COVID a incitĂ© les gens Ă  rĂ©flĂ©chir Ă  ce qu’ils veulent vivre, Ă  leurs grands rĂȘves lorsqu’ils pourraient Ă  nouveau voyager. » ­Untamed Borders est une autre entreprise qui aide les gens Ă  ­rĂ©aliser leurs rĂȘves d’aventure. Au dĂ©part, il s’agissait d’une ressource logistique qui aidait les Ă©quipes de tournage Ă  accĂ©der Ă  des endroits difficiles d’accĂšs, mais elle s’est dĂ©veloppĂ©e pour inclure les fans d’aventure de THE RED BULLETIN

Plus haut et plus loin : (de haut en bas) le tout premier voyage commercial en kayak dans la vallĂ©e du Panshir en Afghanistan, avec Untamed Borders ; Nims Purja d’Elite Exped.

tous les jours. Elle a connu une augmentation de 20 % des expĂ©ditions depuis 2019. Untamed Borders se spĂ©cialise dans les « endroits prĂ©sentant un risque pour la sĂ©curitĂ©, oĂč vous aurez besoin de papiers supplĂ©mentaires ou d’une aide logistique », explique son fondateur, James Willcox. Il s’agit notamment d’excursions dans le corridor isolĂ© du Wakhan, en Afghanistan, ainsi que de destinations insolites comme le Tadjikistan. À mesure que ce type de voyage se dĂ©veloppe, le profil des aventurier·Úre·s Ă©volue : les originaires de pays non ­occidentaux reprĂ©sentent dĂ©sormais 15 % des rĂ©servations. Pour Frank Cheshire, responsable de la marque et des produits (cyclisme) pour l’opĂ©rateur mondial Intrepid Travel, le changement le plus perceptible est le profil des participants et participantes. « Nous avons rĂ©cemment lancĂ© les

Women’s Expeditions, conçues pour les voyageuses et dirigĂ©es par elles, explique-t-il. L’objectif est de faire tomber les barriĂšres, de dĂ©mystifier les idĂ©es fausses et de donner un aperçu de la vie des femmes au Pakistan ou au Maroc, par exemple. » L’augmentation de la demande s’accompagne d’une plus grande responsabilitĂ© environnementale. Toutes ces agences limitent ou compensent l’impact de leurs voyages et s’efforcent d’avoir un effet social positif ; Elite Exped et Untamed Borders forment et emploient des personnes locales pour s’assurer que la communautĂ© soit positivement impactĂ©e. Les voyages d’entrĂ©e de gamme, comme l’expĂ©dition au camp de base de l’Everest avec Elite Exped, commencent Ă  3 000 dollars par personne. untamedborders.com ; eliteexped.com ; intrepidtravel.com 17


La compagnie Adrien M & Claire B propose via une expĂ©rience immersive et hypnotique, une interprĂ©tation de la perte d’un pĂšre Ă  la naissance d’un fils.

BIENNALE NÉMO

Multiformes Pour sa 5e Ă©dition, NĂ©mo – Biennale internationale des arts numĂ©riques de la RĂ©gion Île-de-France – offre une expĂ©rience galvanisante et dĂ©concertante, en interrogeant les personnalitĂ©s multiples Ă  l’ùre numĂ©rique. Et vous transporte au-delĂ  de votre rĂ©alitĂ©. Aux confluences de l’expĂ©rimentation et de l’ingĂ©nierie esthĂ©tique, la Biennale donne la parole aux artistes qui explorent la multiplicitĂ© des identitĂ©s d’aujourd’hui et de demain en entraĂźnant le public au-delĂ  du perceptible, du ­tangible pendant trois mois, dans 22 lieux en Île-de-France. De la petite Ă  la grande couronne de Paris, expositions, installations et concert seront prĂ©sentĂ©s. Le public pourra alors envisager de nouvelles formes de vie tout en rĂ©alisant l’inintelligibilitĂ© extĂ©rieure Ă  son ĂȘtre. Son exposition principale, Je est un autre ?, situĂ©e au Cent-Quatre, propose des 18

dispositifs ludiques, des installations et des films qui parfois rassurent, parfois inquiĂštent, mais qui, sans aucun doute, travaillent notre regard critique sur l’ùre numĂ©rique avec pĂ©dagogie. De la fresque digitale monumentale de Marco ­Brambilla, Heaven’s Gate, Ă  l’installation imposante de Christian Rizzo et les avatars interactifs d ­ ’Universal Everything, enfants et adultes voyagent sans fin, entre les diffĂ©rents espace-temps. Si Demain est dĂ©jĂ  Ă©crit et que le futur reste Ă  venir, n’est-il pas dĂ©jĂ  prĂ©sentement lĂ  ? « Comment en sommes-nous arrivé· e·s-lĂ  ? », interrogent les

Le collectif Universal Everything repousse les limites de l’innovation avec Maison Autonome. THE RED BULLETIN


Le producteur, DJ et compositeur Evian Christ, originaire de Liverpool, lors de son live immersif.

THE RED BULLETIN

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BIENNALE DE NÉMO/ADRIENMCLAIREB/UNIVERSAL EVERYTHING/FREDERIK HEYMAN/MARCO BRAMBILLA

MARIE-MAXIME DRICOT

Isabelle Huppert, Kim Peers et Michùle Lamy s’interrogent sur le souvenir de soi dans le futur, dans Virtual Embalming de Frederik Heyman.

Ɠuvres de France Cadet, Ian Spriggs et Donatien Aubert : androĂŻde, hybridation humainmachine, intelligence artificielle, emprise des technologies de communication. Il n’est pas certain que les moutons ­tĂ©lĂ©phones de Jean-Luc Cornec puissent nous aider Ă  analyser tout cela, mais pourquoi ne pas essayer de dĂ©crocher pour Ă©couter ce qu’il y a de l’autre bout de la ligne ? L’exposition principale de NĂ©mo est une expĂ©rience scientifique qui relĂšve de la dystopie. L’art cĂŽtoie sans vergogne le monde des sciences, pour finalement entrer en symbiose, Ă  l’instar des mĂ©duses d’ADN de Fabien LĂ©austic. Pris au piĂšge de notre propre rĂ©alitĂ©, avec Je est un autre ?, c’est pour le meilleur comme pour le pire qu’on s’abandonne Ă  un univers fantasmagorique, artificiel, quelques fois dangereux, mais aussi calme et placide. En tĂ©moigne l’Ataraxie (qui signifie « paix de l’esprit ») de Maxime Houot, une installation de plus de 30 mĂštres de haut qui tĂ©lĂ©porte le public dans une sĂ©quence mĂ©ditative, voire narcotique, grĂące Ă  des bras mĂ©caniques et tentaculaires, lesquels dessinent une succession de tableaux im­mersifs. Exaltation. Biennale NĂ©mo, Je est un autre ? Du 30 septembre 2023 au 7 janvier 2024 ; CENTQUATRE-PARIS, 5 rue Curial, 75019 Paris ; biennalenemo.fr ; IG : @biennalenemo

Heaven’s Gate clĂŽture la sĂ©rie de collages vidĂ©o Megaplex de Marco Brambilla, et cĂ©lĂšbre les rĂȘves et excĂšs du glamour hollywoodien Ă  travers les sept niveaux du Purgatoire.


MĂ©decin psychiatre, Jean-Victor Blanc utilise la pop culture pour faire progresser les connaissances sur la santĂ© mentale auprĂšs du public. Depuis 2018, le Dr Jean-Victor Blanc utilise la pop culture pour faire avancer le dĂ©bat sur la santĂ© mentale grĂące au festival Pop & Psy. Comme bon nombre de spectateurs et spectatrices, l’interprĂ©tation du titre L’enfer par Stromae, au sujet de son mal-ĂȘtre, au JT de 20 heures en 2022, n’a pas laissĂ© Jean-Victor Blanc indiffĂ©rent. « C’était la premiĂšre fois qu’il y avait un Ă©vĂ©nement de cette envergure en France. Ce qui est trĂšs intĂ©ressant, c’est qu’il y a eu une augmentation des appels au 3114, le numĂ©ro de prĂ©vention suicidaire, donc ça a pu sauver des vies. » Ici, le message d’un artiste pop a pu servir Ă  une prise de conscience sur la santĂ© mentale. MĂȘme si avant cela, d’autres exemples ont pu attirer l’attention du plus grand 20

nombre, comme remarque le psychiatre : « On m’a proposĂ© de faire une confĂ©rence, c’était l’annĂ©e oĂč il y avait la sĂ©rie 13 Reasons Why qui sortait sur Netflix, c’était aussi une pĂ©riode oĂč l’on parlait de l’état de santĂ© de Britney Spears, et oĂč Mariah Carey avouait son trouble bipolaire. Je trouvais intĂ©ressant d’utiliser tout ça pour parler du sujet. » Suite Ă  cette premiĂšre confĂ©rence, Jean-Victor connecte avec Florence TrĂ©dez, journaliste pour Elle, puis Emmanuelle Fellous, ex-responsable de contenu chez Majelan (podcasts et livres audio). De ces rencontres vont germer le livre Pop & Psy – Comment la pop culture nous aide Ă  comprendre les troubles psychiques (2019, Ă©d. Plon), dans lequel la figure de Kanye West

Le Dr Jean-Victor Blanc, mĂ©decin psychiatre Ă  l’hĂŽpital Saint-Antoine (AP-HP), enseignant Ă  la Sorbonne UniversitĂ©, et auteur.

THE RED BULLETIN

HUGUES MARLY

Culture mentale

FLORENT VANONI, BENOIT GABORIAUD

POP & PSY

ou le film Melancholia permettent d’aborder les questions de bipolaritĂ©, et les dangers de la dĂ©pression. Une entrĂ©e vers d’autres propositions, dont un festival, avec une premiĂšre Ă©dition en 2022, qui rĂ©unit 10 000 personnes en un week-end. Au programme, tables rondes et Ă©changes avec des personnalitĂ©s publiques (le rappeur/acteur Gringe, Diariata N’Diaye, membre du Haut Conseil Ă  l’ÉgalitĂ©) pour aborder des thĂ©matiques nĂ©cessaires, telles que les violences faites aux femmes, la place des proches pour les personnes atteintes de schizophrĂ©nie ou le coming out sur un trouble psy. De plus, l’intĂ©rĂȘt grandissant autour de Pop & Psy apporte une prĂ©sence mĂ©diatique Ă  Jean-Victor Blanc, soit un moyen d’aider des personnes Ă  sortir de leur isolement. « Une patiente est venue me voir pour une pathologie rare, suite Ă  une interview oĂč je parlais du film Swallow. C’est Ă  propos de la maladie de Pica, c’est le fait d’ingĂ©rer des choses non-alimentaires. Elle n’avait jamais osĂ© en parler, c’était Ă©normĂ©ment de culpabilitĂ©. C’est une histoire qui m’a marquĂ©. Elle ne savait mĂȘme pas que c’était une maladie psychique. » La parole continue de se ­libĂ©rer cette saison, Ă  Paris, Ă  travers le cinĂ©-club et son cycle Fame au cinĂ©ma Le Brady, des confĂ©rences au MK2 Beaubourg, et une deuxiĂšme Ă©dition du festival Pop & Psy, du 24 au 26 novembre Ă  Ground Control, qui abordera, entre autres, la dĂ©pression post-partum avec la sage femme, autrice et chroniqueuse Anna Roy. Toute une ­dynamique de connaissances et d’échanges autour de la santĂ© mentale, et mĂȘme une façon d’amĂ©liorer l’inclusion des personnes concernĂ©es par les troubles psychiques. Festival Pop & Psy, 24 au 26 nov. 2023, Ground Control, 81, rue du ­Charolais, 75012 ­Paris ; ­popetpsy.fr ; IG : @culturepopetpsy


LA PHOTO EN ACTION ‱ Capteur X-Transℱ CMOS 5 HS rĂ©troĂ©clairĂ© & empilĂ© de 26,1 Mpx & X-Processor 5 ‱ Viseur 5,76 mĂ©gapixels, 120 ips, grossissement 0,8x ‱ Stabilisateur 5 axes 7 IL (Ă©quivalent Ă  7 diaphragmes) ‱ VidĂ©o 6K30p 4:2:2 10 Bit ProRes Interne sans recadrage ‱ Rafale 40 ips sans blackout, plein cadre/illimitĂ©e Ă  30 ips en JPEG, 20 ips en RAW DĂ©couvrez CONTRAST, un projet photo & vidĂ©o rĂ©alisĂ© au X-H2S, portĂ© par MĂ©lody Donchet, 6 fois championne du monde de football freestyle. Photo Tristan Shu X-Photographer, Fujifilm X-H2S objectif XF8-16mm F2.8 R LM WR. VidĂ©o inĂ©dite Ă  retrouver sur la chaine Youtube Fujifilm France https://www.youtube.com/user/FujifilmFrance

www.fujifilm-x.com


H É RO S & H É RO Ï N ES

INSURFABLE ?

Imaginez-vous rider les vagues de NazarĂ©, au Portugal, et devenir un tout petit point sur un mur d’eau de 15 mĂštres. Les yeux fermĂ©s. C’est ainsi que Matt Formston a surfĂ© des vagues monstrueuses qu’il ne pouvait pas voir. TEXTE AMY WOODYATT

the red bulletin : Comment surfer quand on ne voit rien ? matt formston : J’ai commencĂ© Ă  l’ñge de cinq ans sur un bodyboard, et mon pĂšre me poussait dans les vagues, m’y faisait entrer et me tirait ensuite vers l’extĂ©rieur. J’ai appris Ă  sentir la planche. Un bodyboard n’a pas d’aileron, il faut donc surfer en utilisant les rails (bords de la planche, ndlr), pour apprendre Ă  sentir l’eau qui s’écoule. Ensuite, j’ai commencĂ© Ă  pagayer moi-mĂȘme, Ă  entendre les vagues qui venaient vers moi. En fait, je

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me sers de mes pieds comme d’une canne pour sentir ce qui se passe. Ce sont des milliers et des milliers d’heures passĂ©es Ă  prendre de bonnes et de mauvaises vagues, Ă  apprendre ce que je ressens et ce que mon corps doit faire.

peur en voyant la vague. Pourtant, parmi les personnes hautement qualifiĂ©es qui s’y rendent, peu d’entre elles sont mortes. Je savais que je m’étais entraĂźnĂ© aussi dur que les autres, avec la meilleure Ă©quipe au monde. Sur le papier, j’étais en sĂ©curitĂ©.

Quelles ont Ă©tĂ© vos motivations ? Avant, mon attitude Ă©tait la suivante : « Je veux prouver aux autres ce que je peux faire. » En rĂ©alitĂ©, j’essayais de prouver que je n’avais pas de handicap. On me disait : “Tu ne peux pas”, et j’essayais de leur prouver qu’ils avaient tort. Aujourd’hui, c’est plus la curiositĂ© de ce qui est possible qui me pousse.

Comment pouvez-vous surfer NazarĂ© ? Toute l’équipe se fait confiance pour dĂ©cider si j’y vais ou non car je ne peux pas voir la taille de la vague. Je ne la dĂ©couvre que lorsque j’arrive au fond de la vague. Lorsque Lucas Chumbo (ancien champion de surf brĂ©silien qui remorque Formston dans les vagues, ndlr) m’a placĂ© au bon endroit pour que j’aie la bonne vitesse, il donne un grand coup de sifflet et je sais que c’est le moment. Je me tire vers l’avant Ă  l’aide d’une corde, ce qui me permet de franchir le rebord de la vague.

Comment transposer cela au surf de grosses vagues ? Les plus grosses vagues que j’ai trouvĂ©es en Australie mesuraient 7,5 m. À NazarĂ©, on surfe des vagues de 15 m. Il n’y a pas de progression graduelle ! J’ai travaillĂ© sur ma respiration. Car on risque toujours d’ĂȘtre Ă©jectĂ© de sa planche, et quand cela arrive, si on n’a pas la capacitĂ© respiratoire et mentale, il y a de fortes chances qu’on y reste. J’ai une femme et des enfants, et je voulais absolument rentrer pour les retrouver. Je me suis entraĂźnĂ© jusqu’à ce que ma plus longue respiration dure cinq minutes et quarante secondes. Ensuite, j’ai fait des exercices Ă  poumons vides, au cas oĂč je percute l’eau et que tout mon air soit expulsĂ© et que mon rythme cardiaque augmente. J’ai appris Ă  rĂ©duire mon rythme cardiaque sous l’eau. J’expulsais tout mon air et mon entraĂźneur Ă©crasait ma cage thoracique. Sans air dans les poumons, j’ai fait un tour de 25 mĂštres sous l’eau.

Qu’avez-vous ressenti lorsque vous y avez surfĂ© la premiĂšre fois ? Je n’ai entendu que son sifflement. Puis le monde entier s’est tu. J’ai juste descendu cette Ă©norme vague, et j’ai pu sentir l’eau monter sur ma planche. J’ai eu l’impression que la planche filait Ă  60 km/h. Quand j’ai entendu ce coup de fouet de la vague, j’ai su que j’avais rĂ©ussi Ă  me mettre Ă  l’abri. Ensuite, tout le son est revenu et j’ai pu entendre tous les gars crier, les jet-skis vrombir et le fracas des vagues qui se brisent. Quels sont vos prochains objectifs ? J’envisage d’établir un record du monde d’apnĂ©e, suite Ă  tout l’entraĂźnement que j’ai fait sur ma capacitĂ© respiratoire. C’est quelque chose que je devrais exploiter. IG : @mattformston

La balance risque/famille est dĂ©licate ? Le risque est subjectif. Il n’est pas nĂ©cessairement basĂ© sur des donnĂ©es. J’ai Ă©tudiĂ© le cas de NazarĂ© : les gens prennent THE RED BULLETIN

THE BLIND SEA FILM

Cet Australien est aveugle depuis l’ñge de 5 ans. Pour lui, surfer offre des possibilitĂ©s infinies. Les sensations sont ici essentielles. Formston a passĂ© les quatre derniĂšres dĂ©cennies Ă  peaufiner son surf, apprenant Ă  manƓuvrer sur des vagues qu’il ne peut pas voir. AprĂšs qu’il a perdu la vue, les parents de Formston ne l’ont pas traitĂ© diffĂ©remment. Ils l’ont maintenu dans une Ă©cole ordinaire, l’ont inscrit au rugby et encouragĂ© Ă  essayer tous les sports qu’il voulait. AprĂšs des annĂ©es de paracyclisme, avec un record du monde, des titres nationaux et une participation aux Jeux paralympiques, Formston s’est tournĂ© vers la mer. « Je voulais devenir surfeur pro mais, en raison de mon handicap, je ne pouvais pas me mesurer aux autres dans l’eau, explique-t-il. MĂȘme lorsque je faisais du vĂ©lo, je disais toujours : “J’ai hĂąte d’ĂȘtre Ă  la retraite pour pouvoir surfer”, parce que c’est ce que j’aime faire. » Lorsque l’occasion de participer aux premiers championnats du monde pour surfeurs et surfeuses aveugles s’est prĂ©sentĂ©e, il a plongĂ© tĂȘte la premiĂšre. Puis, comme il fait rarement les choses Ă  moitiĂ©, Matt s’est prĂ©parĂ© Ă  prendre de grosses vagues Ă  NazarĂ©, la Mecque du surf de gros.


« Je n’ai entendu que le sifflement de la vague. Puis le monde entier s’est tu. » Le voyage de Formston a Ă©tĂ© immortalisĂ© dans un documentaire, The Blind Sea, qui sortira dĂ©but 2024.

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H É RO S & H É RO Ï N ES

VIE AU GALOP

À 28 ans, Djibril Sako est cavalier en compĂ©tition et moniteur d’équitation. Une trajectoire peu commune pour cet ancien enfant des tours de Nanterre, qui a rĂ©ussi Ă  intĂ©grer un milieu qui lui Ă©tait inaccessible. TEXTE BRICE BOSSAVIE

Djibril Sako me reçoit dans un centre Ă©questre du trĂšs huppĂ© XVIe arrondissement parisien, au cƓur du bois de Boulogne. En regardant son parcours, rien ne le destinait Ă  finir Ă  cet endroit. Mais, la dĂ©brouille et la dĂ©termination en ont voulu autrement : « C’est un milieu qui est assez aisĂ©, oĂč il faut un petit peu d’argent pour pouvoir en faire, mais je me suis dĂ©brouillĂ©. » Djibril Sako est en effet cavalier. Et il a dĂ©marrĂ© sa vie dans un environnement plutĂŽt Ă©loignĂ© de celui que l’on attribue habituellement Ă  l’équitation : les tours colorĂ©es de la citĂ© Pablo Picasso, Ă  Nanterre. Pour en arriver lĂ , il a fallu un coup de pouce du destin. « On ne partait pas en vacances avec plusieurs amis et on s’est dit un jour qu’on allait s’inscrire Ă  une colonie de vacances multi-activitĂ©s organisĂ©e par la mairie quand on avait 13 ans. » Parmi les sports proposĂ©s : l’équitation. Le dĂ©but d’une passion qui va le suivre depuis sa jeunesse jusqu’à aujourd’hui. « Je n’avais jamais vu de chevaux de ma vie. Et quand j’ai dĂ©couvert cet animal, j’ai vraiment senti un truc super fort. Pendant tout mon temps libre durant la colo, j’ai dĂ©cidĂ© d’aller au centre Ă©questre. » Une fois rentrĂ© Ă  Nanterre, Sako sent qu’il lui manque quelque chose : monter Ă  cheval. « L’équitation Ă©tait devenue une Ă©chappatoire, un moyen de me retrouver avec moi-mĂȘme. DĂšs lors, je me suis dit qu’il fallait que je travaille lĂ -dedans. » Djibril Sako va alors tout faire pour mettre un pied, dĂšs le plus jeune Ăąge, dans le monde de l’équitation. Seul problĂšme : il n’a pas assez d’argent pour se payer des cours. Le Nanterrois va alors prendre son tĂ©lĂ©phone et contacter plusieurs centres Ă©questres dans la rĂ©gion,

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PHOTO GUILLAUME LANDRY

en leur proposant un marchĂ© : le laisser monter Ă  cheval gratuitement en Ă©change de plusieurs heures par semaine passĂ©es Ă  s’occuper des animaux du centre. Un poney club Ă  Rueil-Malmaison (Hauts-de-Seine) finira par accepter, et le laissera faire ses premiers pas dans le monde de l’équitation. Toujours avec la mĂȘme dĂ©termination : « Quand j’étais dans le centre Ă©questre, des parents me donnaient de petits pourboires que j’économisais. ParallĂšlement, j’allais aussi dans les supermarchĂ©s acheter des packs de canettes. Je les revendais ensuite Ă  l’unitĂ© dans mon quartier, et avec cet argent-lĂ , je suis allĂ© m’acheter mon premier pantalon d’équitation. » SĂ©nĂ©gal et CorĂ©e du Sud MalgrĂ© son investissement et sa passion, Djibril doit faire face Ă  une difficultĂ© : le regard des autres. Sa passion pour l’équitation fait froncer quelques sourcils Ă  Nanterre. « Quand les gens avec qui je traĂźnais ont appris qu’ils me voyaient moins Ă  cause du cheval, ils m’ont regardĂ© en se moquant. C’était inconnu pour eux, ils voyaient ça comme un sport de bourgeois. Mais j’étais tellement dĂ©terminĂ© que j’ai dĂ©cidĂ© que je ne laisserai personne me casser ça. » Djibril se plonge dans son activitĂ©, jusqu’à passer ses diplĂŽmes pour devenir soigneur puis entraĂźneur d’équitation. Il obtiendra toutes ces certifications et commencera sa carriĂšre, entre cours d’équitation et concours, puis remportera les championnats de France d’équitation par Ă©quipe en 2016. MalgrĂ© tous ses efforts, ­Djibril Sako peine pourtant Ă  ce moment-lĂ  Ă  vivre convenablement de son activitĂ©. Son travail de jeune moniteur n’étant pas extrĂȘmement bien payĂ©, il vit toujours chez ses parents. Et finira par prendre une dĂ©cision qui changera sa trajectoire de vie. GrĂące Ă  une offre d’emploi, le jeune

Sako part vivre au SĂ©nĂ©gal, oĂč il exerce en tant que moniteur dans un centre Ă©questre Ă  Dakar, pendant un an et demi. Juste aprĂšs, il rĂ©pondra Ă  une autre offre en tant que cavalier, cette fois-ci en CorĂ©e du Sud, pour trois mois. « J’ai vu d’autres façons de faire de l’équitation, j’ai appris d’autres cultures, j’ai pu dĂ©couvrir plein de choses humainement. C’était le bon moment pour le faire. » Transmission Fort de ses expĂ©riences Ă  travers le monde, et de sa dĂ©termination, Djibril Sako a rĂ©ussi Ă  intĂ©grer, Ă  son retour en France L’Étrier de Paris, un des clubs hippiques les plus rĂ©putĂ©s de France dans le XVIe arrondissement parisien. Une rĂ©compense pour le Nanterrois, qui a dĂ©marrĂ© dans la profession alors qu’il n’avait pas assez d’argent pour se payer des cours. « Je ne vais pas dire que tous les jeunes de quartiers vont devenir cavaliers, mais j’ai envie de montrer, aux jeunes de chez moi, Ă  travers mon parcours, que tout est rĂ©alisable. J’ai rĂ©ussi Ă  m’insĂ©rer dans un milieu qui n’était peut-ĂȘtre pas le mien de base. » Ces derniĂšres annĂ©es, Sako a ainsi participĂ© Ă  plusieurs opĂ©rations de sensibilisation avec des associations pour raconter son histoire auprĂšs de jeunes en difficultĂ©s. Le but : leur montrer qu’une autre voie est possible. « J’ai fait des stages oĂč j’expliquais aux jeunes mon parcours, avant de les faire monter Ă  cheval. Le matin, ils et elles disaient que ce n’était pas trop leur truc. En fin de journĂ©e, plus personne ne voulait quitter le centre Ă©questre. » Mission accomplie. IG : @dji_sak

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« Ils voyaient ça comme un sport de bourgeois. » Djibril Sako, au sujet de la perception des gens de Nanterre sur sa pratique de l’équitation. Moquerie.

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H É RO S & H É RO Ï N ES

ADIEU MÉLANCOLIE

TiraillĂ© entre la rĂ©alitĂ© et les allĂ©gories de la vie, le rappeur bruxellois, Swing, offre un premier album pittoresque et poignant, Au Revoir SimĂ©on. Un marathon existentiel oĂč s’apprivoiser requiert rĂ©silience et endurance. TEXTE MARIE-MAXIME DRICOT

LĂ©thargie et nostalgie. Swing, de son vrai nom SimĂ©on, en est sorti. Rappeur connu pour avoir passĂ© prĂšs de dix ans au sein du trio belge L’Or du Commun, il s’affirme dĂ©sormais en solo avec son premier album Au Revoir SimĂ©on, qui prend le contre-pied de ses prĂ©cĂ©dents LPs Marabout et Alt F4. Quinze titres qui font un Ă©tat des lieux de lui, de nous, de la sociĂ©tĂ© et des espace-temps dans lesquels nos histoires vĂ©cues, parfois, nous perdent. Ici, Swing, fait deux pas de cĂŽtĂ© et dĂ©bite son chemin parcouru sur des mĂ©lodies R’n’B aux rythmes frĂ©nĂ©tiques. Un rap alternatif dont les basses accentuent la sĂ©vĂ©ritĂ© de sa plume et le piano l’immensitĂ© de l’intime. Si chaque premier album est un rite initiatique qui dĂ©finit la proposition d’un artiste pour les quelques annĂ©es Ă  venir, il est aussi sujet Ă  de multiples expĂ©rimentations et collaborations. EnregistrĂ© au printemps 2022 au cĂŽtĂ© de son ami producteur Crayon, on retrouve Ă©galement sur l’album la prĂ©sence du notorious Prince Waly (Un seul ciel) et du rappeur belge YG Pablo (Reykjavik). Avec Au Revoir SimĂ©on, Swing fait preuve de sarcasme et se dit au revoir pour mieux commencer la nouvelle Ă©tape de sa vie, celle d’un adulte entre autres choses. Adieu les faux semblants, l’artiste n’a plus de temps Ă  perdre : « Je pense que dire au revoir SimĂ©on, ça fait rĂ©fĂ©rence Ă  cette part d’enfant que parfois, on doit laisser derriĂšre soi pour rĂ©ussir Ă  retrouver un Ă©quilibre et rĂ©ussir Ă  passer au-dessus de certains obstacles de la vie, tout en essayant de la prĂ©server un minimum, car je l’associe aussi Ă  ma crĂ©ativitĂ© qui fait le lien avec ma rĂ©silience »

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PHOTO MELIE HIRTZ

En effet, pour beaucoup de personnes, la force morale est un outil primordial pour Ă©voluer en sociĂ©tĂ©. Et pour reprendre les termes du rappeur, la chance peut s’avĂ©rer ĂȘtre une jolie garce qui rentre dans nos vies puis disparaĂźt comme un Doliprane. C’est donc avec audace et assurance que Swing raconte la prĂ©caritĂ© sociale et le racisme, Ă  travers le titre Kobe, qui rĂ©sonne avec Richesse sorti il y a cinq ans. RĂȘver de grandeur quand on est Noir n’est pas une mince affaire et Swing semble parfois dĂ©faitiste (Mafia), me dit-il Ă  juste titre : « Être un homme noir, c’est dĂ©jĂ  une forme d’obstacle. Quand je vois comment c’est en train d’évoluer en Belgique et en France, j’ai l’impression que ce n’est pas du tout en train de s’arranger. Alors on se demande si ça va changer un jour, car ce sont tout le temps les mĂȘmes histoires qui se rĂ©pĂštent. On ne peut pas toujours parler de choses positivement et surtout sur ce sujet-lĂ . Il faut ĂȘtre rĂ©aliste. J’aurais pu ĂȘtre plus dur dans mes propos. » Mais Swing, c’est aussi une rĂ©flexion sur l’amour et la condition humaine, avec son morceau MĂ©lanome, qui s’apparente Ă  une tumeur dont la frontiĂšre entre la lĂąchetĂ© et l’empathie est infime. Ne diton rien pour ne pas blesser, pour se prĂ©server ou par manque de courage ? Si l’amour est le sens de la vie, mentir par amour est-il concevable ? « Pour moi, l’amour prend toute la place dans ma vie, je suis trĂšs en lien avec mes Ă©motions, dans mes rapports aux autres et Ă  moimĂȘme, dans ma musique. » Une chose dont SimĂ©on est convaincu aprĂšs ces deux annĂ©es de tristesse et de baisse d’amour-propre. C’est primordial de s’aimer pour ĂȘtre vivant, me raconte-t-il. Un raisonnement qu’il introduit avec Gigi, « plus besoin de frĂŽler la mort pour juste ĂȘtre heureux d’ĂȘtre en vie » et dont la rĂ©sultante n’est autre que l’allĂ©gresse :

« Rien Ă  fĂȘter, mais on danse quand mĂȘme. » Par ailleurs, SimĂ©on qui a ­traversĂ© des moments de deuils au cours de l’écriture de cet album, a souhaitĂ© en faire un projet aussi bien personnel qu’universel : « J’espĂšre que ça pourra rĂ©sonner avec les blessures de chacun. » Querelle entre espoir et dĂ©sillusion, existence et hallucination. L’album de Swing est une succession d’analogies, un vingt-quatre images par seconde voire une peinture de Magritte dans lequel il Ă©tait prisonnier : « Quand on regarde le tableau L’Empire des lumiĂšres, c’est impossible de savoir si nous sommes le jour ou la nuit. Ça m’a beaucoup inspirĂ©, car pendant mon processus de reconstruction, j’ai eu la sensation de perdre pied Ă  un moment donnĂ©, de ne plus ­distinguer la rĂ©alitĂ©. » Selon le rappeur, nous, mortel·le·s, avons l’habitude de nous construire tout un univers, le problĂšme, c’est que lorsqu’il est dĂ©truit, nous tombons dans un surrĂ©alisme, qui nous pousse Ă  entrer en conflit avec nousmĂȘme : le cƓur et la raison. On se voit alors dĂ©connecté·e·s de notre propre monde. GrĂące Ă  Au Revoir SimĂ©on, l’artiste semble ĂȘtre sorti de sa torpeur. Maintenant, il s’agit de comprendre qui il est, et de s’habituer Ă  son nouveau moi : « Je dois m’accepter, car j’ai changĂ©. Le monde dans lequel nous vivons n’est pas simple Ă  apprĂ©hender quand on est extrĂȘmement sensible. » Et si la clef Ă©tait simplement de vivre dans le moment prĂ©sent comme on peut l’entendre via la voix du pĂšre de SimĂ©on dans l’interlude REC030221 ? Se dire qu’au-delĂ  des projections, qui on est, c’est finalement dans l’instant. Au Revoir SimĂ©on, dispo dĂšs le 1er dĂ©c. IG : @swing_simeon

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« Plus besoin de frĂŽler la mort pour ĂȘtre heureux d’ĂȘtre en vie. » La guĂ©rison est un processus long et intense, surtout lorsqu’il s’agit de rĂ©apprendre Ă  s’aimer.

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L’art de l’action

RED BULL ILLUME tĂ©moigne de l’engagement des pros de l’aventure et des action sports et de celles et ceux qui capturent leur gloire derriĂšre l’objectif. MenĂ© tous les deux ans, le concours prĂ©sente les travaux des photographes les plus talentueux·euses au monde. Ouvrez les yeux, voici un avant-goĂ»t de la promotion 2023. Texte DAVYDD CHONG et PH CAMY

BRYAN NIVEN Demi-finaliste, top 250, Creative category BRYAN NIVEN/RED BULL ILLUME

Des skills et un Ɠil vif sont clefs dans la photo de sports extrĂȘmes, mais il ne faut jamais sous-estimer le fameux coup de bol. Le photographe amĂ©ricain Bryan Niven Ă©tait Ă  l’eau au large de Pismo Beach, Californie, prĂȘt Ă  shooter, lorsque « un Ă©clair de nĂ©oprĂšne est apparu de nulle part et le leash d’un surf est passĂ© devant mon visage ! Une fois sur le sable, j’ai parcouru mes photos. Et puis, j’ai dĂ©couvert cette image ». bryanniven.com ; IG : @bryanniven

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DELPHIN MONTESSUIT Demi-finaliste, top 250, Creative category

(en face) HANNES BERGER Finaliste, top 50, Energy

AprĂšs avoir shootĂ© le grimpeur Virgile Devin sur le spot de l’Usine, Ă  Voreppe, le Français a eu « l’idĂ©e d’un collage ­minimaliste Ă  haut contraste » : « J’ai conçu la scĂšne en utilisant un bloc de glace gĂ©nĂ©rĂ© numĂ©riquement. Cette image est le rĂ©sultat des inspirations qui ont façonnĂ© mon parcours : les montagnes, le pouvoir des sports extrĂȘmes, les nouvelles façons de crĂ©er, le tout partagĂ© avec de bons amis. » IG : @delfaim

« Nous Ă©tions en repĂ©rage en Inde, prĂšs d’Alsisar, raconte le photographe autrichien, et notre guide a mentionnĂ© un dĂ©sert dans le secteur. Fabio (Wibmer, un patron du VTT, ndlr) et moi avons Ă©changĂ© un regard entendu, car l’idĂ©e d’un shooting dans le dĂ©sert nous trottait dans la tĂȘte depuis un moment. Le lendemain, on sanglait son vĂ©lo dans une jeep, et c’était lancĂ©. » hannesberger.com


DELPHIN MONTESSUIT/RED BULL ILLUME, HANNES BERGER/RED BULL ILLUME

Red Bull Illume

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GUY FATTAL Demi-finaliste, top 250, ­Masterpiece by Sölden De son enfance en IsraĂ«l, Ă  JĂ©rusalem, Ă  sa vie actuelle Ă  Whistler, au Canada, la nature et les action sports sont une passion de longue date pour Fattal. Juste aprĂšs s’ĂȘtre fait un ligament croisĂ©, il Ă©tait dans la peuf canadienne, en train de shooter le:freeskieur Tom Peiffer, aux Pleine face notre abords du ­Tricouni photographe a dĂ» Peak. « La ligne plaisir de offert un contraste dynamique remplacer un FolkTom hero:a“I’m notfiltre making folk music avec cette toile de sereine, d’objectif brisĂ© peufond aprĂšs that everyone’s heard,” Jackson says. “Inous avoir pris ce clichĂ©. dĂ©livrant cette image magnifique. » always embrace my uniqueness. Not guyfattal.com : @guyfattalphoto everyone will get; itIGall the time” 32


GUY FATTAL/RED BULL ILLUME

Trinity Rodman


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IAN COLLINS/RED BULL ILLUME, JEREMY BERNARD/RED BULL ILLUME

IAN COLLINS Demi-finaliste, top 250, Playground by Radiant Photo « Fin 2021, Brandon (Semenuk, un king du VTT, ndlr) et moi sommes allĂ©s dans le dĂ©sert de l’Utah pour un shooting Ă  la fois perso et pour la marque Troy Lee Designs, se souvient le photographe amĂ©ricain. Nous avons trouvĂ© ce rocher en plein milieu d’une zone bien connue et avons grattĂ© une ligne en pleine nuit. Le lendemain matin, nous sommes ­revenus et avons shootĂ© en pleine lumiĂšre. » Mission accomplie. iancollinsphotography.com ; IG : @iancollinsphotography

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JEREMY BERNARD Demi-finaliste, top 250, Innovation « Je me sers de la vie rĂ©elle, ­explique le Français Jeremy Bernard Ă  propos de ses photos, de la chair incarnĂ©e sur des pages. Quand j’ai montrĂ© Ă  Nina (Caprez, compagne de Jeremy, et grimpeuse de renom, ndlr) une photo de ce spot, elle a adhĂ©rĂ© direct. Elle venait d’accoucher, mais comment rĂ©sister Ă  l’un des plus hauts 8a, d’un bloc unique et autoportant, ce ­Monolithe du Beaufortain ? » jeremy-bernard.com IG : @jeremy_bernard_photography


JB LIAUTARD/RED BULL ILLUME

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JB LIAUTARD Finaliste, top 50, Playground by Radiant Photo Parfois, un lieu semble trop beau pour ĂȘtre vrai. Voyez cette dune Ă  Nazca, au PĂ©rou, oĂč JB Liautard a shootĂ© la star du VTT enduro/freeride Kilian Bron. « J’ai fait voler mon drone au-dessus et la vue Ă©tait impressionnante, dit le photographe français. Le vent venait de sculpter cette dune avec un motif parfait
 Trop parfait. Cela semblait faux. » Qu’importe. jbliautard.com ; IG : @jbliautard

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LÉO GROSGURIN Demi-finaliste, top 250, Photos of Instagram Laissons le Français LĂ©o Grosgurin nous parler de sa photo avec le rider VTT Arthur Deblonde : « Une image trĂšs dĂ©licate Ă  rĂ©aliser, avec cet arbre magnifique, les cascades dans le fond, tout tellement parfait. On s’est pointĂ©s un matin pour construire un jump, puis j’ai fixĂ© un kilo de flashs Ă  un drone et l’ai envoyĂ© au-dessus de l’arbre et du kicker, mais c’était trĂšs venteux et il a chutĂ© plusieurs fois. La fenĂȘtre de tir Ă©tait trĂšs rĂ©duite, mais je voulais tout avoir Ă  l’image. Un test, une prise de vue, et on avait la photo impeccable. » IG : @leogrgr

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LÉO GROSGURIN/RED BULL ILLUME


KEVIN MOLANO Finaliste, top 50, Lifestyle by COOPH « Dans le monde du skate, oĂč les tricks sont engagĂ©s et les crashs frĂ©quents, explique le photographe colombien, skate or die reprĂ©sente un engagement total envers cette discipline. » Sa photo de la skateuse locale Nataly Lucano aprĂšs une bonne chute mĂ©morable Ă  Bogota l’illustre parfaitement. kevinmolanoph.com ; IG : @kevinmolanoph

TOM McNALLY Demi-finaliste, top 250, Lifestyle by COOPH Les grimpeurs doivent grimper. Lorsque les rochers prĂšs de sa maison du Lake District en Angleterre sont trop humides et brumeux, Will Birkett s’entraĂźne dans son garage. « J’aime les photos qu’on met du temps Ă  comprendre, comme celle-ci, dit McNally. Pour moi, il y a deux choses qui font vraiment l’image : le panneau sur la porte et l­’arriĂšre de la tĂȘte de Will. » tommcnally.co.uk ; IG : @tommcnallyphotography 40

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KEVIN MOLANO/RED BULL ILLUME, TOM MCNALLY/RED BULL ILLUME, DENIS KLERO/RED BULL ILLUME

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DENIS KLERO Demi-finaliste, top 250, RAW Le point culminant de la carriĂšre de Klero est un projet de BASE-jump qu’il a tournĂ© sur l’Everest avec feu Valery Rozov, en 2013. Mais pour cette photo, il est restĂ© terre Ă  terre. « J’avais vu un ­c­lichĂ© d’un photographe portraitiste avec une mise en scĂšne similaire
 J’ai adorĂ© l’esthĂ©tique, et j’ai prolongĂ© le concept avec la skateuse Liliya Sukhankova, dans une pose dynamique. » klero.ru ; IG : @denisklero THE RED BULLETIN

Scannez le code pour ­tĂ©lĂ©charger l’album photo Red Bull Illume 2023. Rendez-vous le 30 nov. pour dĂ©couvrir les laurĂ©at·e·s de l’édition 2023. ­redbullillume.com 41


Les cinq joueuses de l’équipe Valorant Game Changers, lors du ­shooting The Red Bulletin au studio photo Fridge. AprĂšs avoir enchaĂźnĂ© les ­trainings et les ­compĂ©titions dont le KCX, l’heure est enfin Ă  la dĂ©contraction.


CHANGER LA DONNE Cinq femmes bousculent les codes et les idĂ©es prĂ©conçues sur l’esport français : avec leur Ă©quipe dĂ©diĂ©e au sein de la structure Karmine Corp, L ­ iriLia, Mel, Nelo, Ninou, et Matriix montrent Ă  tous que le jeu vidĂ©o compĂ©titif professionnel (esport) est aussi possible pour les femmes. Et servent de modĂšles pour les joueuses de demain.

Texte BRICE BOSSAVIE Photos FELIPE BARBOSA

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Game Changers

« Le public nous a acclamĂ©es comme n’importe quelle autre Ă©quipe. » Emash

uatre rideaux, de la pĂ©nombre, et un peu d’incertitude. Sur la pyramide au centre de la DĂ©fense Arena, LiriLia, Nelo, Mel, Ninou, Matriix et Emash attendent. Les mains derriĂšre le dos, postĂ©es les unes Ă  cĂŽtĂ© des autres, les six jeunes femmes savent qu’elles s’apprĂȘtent peut-ĂȘtre Ă  vivre un des moments les plus forts de leur vie, sans trop savoir Ă  quoi s’attendre. Jusqu’à ce que l’horloge passe 18 h 15 : sous la voix du host Doigby, quatre grands rideaux de plusieurs dizaines de mĂštres de hauteur tombent d’un coup du plafond de la plus grande salle fermĂ©e d’Europe ce 16 septembre 2023 pour rĂ©vĂ©ler l’intĂ©gralitĂ© des membres de la Karmine Corp, organisation d’esport majeure en France. Face aux joueurs et joueuses disposé·e·s tout autour de la grande structure Ă  Ă©tages : 30 000 personnes, rassemblĂ©es ce jour-lĂ  pour cĂ©lĂ©brer le KCX, Ă©vĂ©nement annuel de la Karmine Corp Ă  Paris durant lequel des fans de toute la France se rĂ©unissent. « Au moment oĂč le rideau tombe, je n’entends plus rien autour de moi. J’avais juste l’impression qu’on ne faisait qu’une. 44

Up & down

Depuis dix mois, les cinq membres de l’équipe Game Changers enchaĂźnent les tournois et prouvent une chose : les femmes ont tout autant leur place dans le monde de l’esport compĂ©titif que les hommes. Une initiative couronnĂ©e d’applaudissements lors du dernier KCX qui, en dehors des enjeux sportifs, a aussi pour but d’inspirer d’autres filles Ă  se lancer dans le monde du jeu vidĂ©o compĂ©titif, encore aujourd’hui trĂšs masculin. LiriLia, capitaine de l’équipe, explique : « Quand j’étais plus jeune, il y avait quelques joueuses. Mais la scĂšne Ă©tait tellement peu dĂ©veloppĂ©e que je ne pouvais pas me projeter plus que ça. Tu savais que tu prenais un risque fou

KCX/YANIS LARRAS

Q

Il y a une partie de moi qui est restĂ©e lĂ -bas », affirme quelques semaines plus tard, Emash, commentatrice de ­Valorant devenue assistante coach de la KCorp, pas encore redescendue de son nuage. Les Ă©motions ne vont pas s’arrĂȘter lĂ  : deux heures plus tard, sur la mĂȘme scĂšne, les cinq jeunes femmes, accompagnĂ©es de Emash et de LaAw, entraĂźneur principal, vont jouer une partie de Valorant, jeu de tir Ă  la premiĂšre personne en ligne, au milieu de la salle pleine. Avant de monter sur scĂšne, chaque membre est prĂ©sentĂ©e une par une, tout en fendant la foule. Emash va alors ĂȘtre frappĂ©e par un dĂ©tail : « J’ai remarquĂ© que le public nous a acclamĂ©es comme n’importe quelle autre Ă©quipe. C’était un message particuliĂšrement fort ce soir-lĂ . »

THE RED BULLETIN


L’équipe fĂ©minine de la Karmine Corp, Valorant Game Changers en pleine action Ă  l’occasion du KCX3, le 16 septembre 2023, Ă  Paris La DĂ©fense Arena. Lors d’une soirĂ©e exceptionnelle pleine de divertissements et de rebondissements, les Ă©quipes de la Karmine Corp ont affrontĂ© le reste du monde. THE RED BULLETIN

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Game Changers

Ă  te lancer dans l’esport professionnel en tant que femme. Aujourd’hui ce n’est pas forcĂ©ment le cas. » Fin 2022, l’association France Esports rĂ©vĂ©lait son baromĂštre des comportements des joueurs en France. Dans les chiffres, on apprenait alors qu’on trouvait plus de joueuses (52 %) que de joueurs (48 %) « grand public » de jeux d’affrontements, soit des jeux dans lesquels se confrontent des joueur·euse·s en ligne. Mais concernant les pratiquant·e·s en compĂ©tition au niveau amateur, les chiffres s’effondrent totalement : 94 % d’hommes pour 6 % de femmes. Dans une vidĂ©o publiĂ©e sur sa chaĂźne YouTube en dĂ©but d’annĂ©e, le journal Le Monde rĂ©vĂ©lait qu’au niveau professionnel, parmi les mille joueur· euse·s d’esport les mieux rĂ©munĂ©ré·e·s dans le monde
 seulement une Ă©tait une femme. Pourtant, les ligues d’esport – performance qui ne se repose pas sur des capacitĂ©s physiques – sont officiellement mixtes au niveau professionnel. Une ouverture qui ne s’applique pourtant pas dans la rĂ©alitĂ©. Et la cause est plutĂŽt simple : le patriarcat. Dans une longue sĂ©rie de messages sur X (ex-Twitter) LaAw, entraĂźneur de l’équipe Karmine Corp Game Changers expliquait dĂ©but 2023 les raisons qui expliquent pourquoi les femmes sont bien moins reprĂ©sentĂ©es que les hommes dans l’esport. DĂšs le plus jeune Ăąge, les jeunes filles seraient beaucoup moins poussĂ©es Ă  aller vers le jeu vidĂ©o, activitĂ© historiquement vue comme masculine, au point de beaucoup moins franchir le pas professionnellement que les hommes. « Mathieu (LaAw, ndlr) a Ă©voquĂ© une trĂšs bonne image qui Ă©tait que les hommes ont pris l’ascenseur lĂ  oĂč les femmes ont Ă©tĂ© obligĂ©es de monter les escaliers, appuie Emash. C’est exactement ça. C’est une course, et on part avec dix minutes de retard, donc il ne faut pas s’attendre Ă  ce que l’on gagne tout de suite. »

L’équipe fĂ©minine de la Karmine Corp, Valorant Game Changers au grand complet. De gauche Ă  droite : Emash (assistante coach), LiriLia (capitaine), Matriix, LaAw (coach), Nelo, Ninou et Mel. Une structure professionnelle qui dessine l’esport de demain.

Gotaga m’a dit : « Mel, c’est la chance d’une vie, il faut que tu la saisisses. » 46

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MÉLINA HOUSSEIN (X) @MelHssn Pseudo : Mel Âge : 27 ans RĂŽle : Controller Agent favori : Omen QualitĂ© : Good vibes


MATHILDE BELTOISE (X) @Bully_Nelo Pseudo : Nelo Âge : 21 ans RĂŽle : Flex Agent favori : Breach QualitĂ© : MĂ©caniques

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Game Changers

Obstacle

LES MOTS DE COACH LaAw « Emma m’a contactĂ© fin 2022 pour me faire savoir que la ­Karmine Corp allait potentiellement lancer une Ă©quipe fĂ©minine sur le jeu Valorant, et j’ai Ă©tĂ© ensuite mis en relation avec eux. Ils m’ont fait part de leur projet, j’ai exprimĂ© mes envies, et finalement ça correspondait bien, donc je suis devenu coach. J’ai vraiment beaucoup appris de cette annĂ©e, notamment sur le cĂŽtĂ© exigeant de l’esport pro. En tant que coach, on doit arriver Ă  leur faire comprendre qu’elles font partie des 0,0001 % des joueuses dans le monde Ă  ĂȘtre payĂ©es pour faire ça, il faut ĂȘtre hyper prĂ©cis et rigoureux dans tout ce qu’on fait. Coacher une Ă©quipe fĂ©minine m’a complĂštement plongĂ© dans le sujet de la place des femmes dans l’esport. Je me suis vraiment renseignĂ© sur la cause fĂ©minine en gĂ©nĂ©ral, comprendre pourquoi il y a une diffĂ©rence de niveau. Ça m’a ouvert les yeux. Mais c’est un sujet qui dĂ©passe le sport, ça concerne toute la sociĂ©tĂ© entiĂšre. » THE RED BULLETIN

Si les cinq membres de la Karmine Corp Valorant Game Changers en sont arrivĂ©es lĂ , leur parcours n’a en effet pas Ă©tĂ© sans embĂ»ches. AprĂšs avoir Ă©tĂ© initiĂ©es aux jeux vidĂ©o souvent via leur pĂšre ou leur grand frĂšre, les cinq jeunes femmes passent plusieurs annĂ©es Ă  jouer sur des jeux en ligne comme Counter-Strike, League Of Legends, ou Overwatch, aprĂšs les cours. MalgrĂ© leur bon niveau, elles vont devoir faire face Ă  un obstacle de taille. RĂ©guliĂšrement, lorsqu’elles se connectent pour jouer en ligne, une partie de la communautĂ© des joueurs vient perturber leurs parties. Il ne faut mĂȘme souvent pas grand-chose pour que les ennuis commencent. « En dĂ©but de partie, quand tu ouvres ton micro et qu’ils entendent une voix de fille, ça peut te tomber dessus direct. Parfois, ça peut ĂȘtre juste un “hello” et c’est mort », soupire LiriLia. Pendant leurs parties, des commentaires fleuris peuvent alors ­survenir. « C’est un peu moins le cas aujourd’hui, mais par le passĂ© quand je saluais les autres joueurs on me disait direct : “Oh une fille !” puis certains se mettaient Ă  aboyer, ou alors Ă  me dire “Go back to the kitchen” quand je ratais quelque chose, se rappelle Mel. C’était vraiment pas mal de propos misogynes. » Alors qu’elle commence Ă  atteindre un trĂšs bon niveau, Emash, actuellement coach assistante et commentatrice, dĂ©cide, aprĂšs des heures passĂ©es sur le jeu de tir Overwatch, de prendre ses distances avec ce dernier. Une des raisons : les commentaires qu’elle recevait au quotidien en jouant en ligne. « J’avais atteint le rang diamant (niveau de compĂ©tence, ndlr), et j’ai fini par dĂ©sinstaller le jeu. Ça me faisait du mal d’entendre des mecs me dire que j’étais une fille et que je devais retourner Ă  la cuisine. » Au printemps 2023, l’IFOP dĂ©voilait une enquĂȘte sur le sexisme dans le monde du jeu vidĂ©o en France. On apprenait alors que 40 % des joueuses confiaient avoir dĂ©jĂ  Ă©tĂ© victimes de comportements sexistes en ligne. Et elles Ă©taient autant Ă  utiliser des stratĂ©gies d’évitement pour ne pas

« On me disait : “Go back to the kitchen” quand je ratais quelque chose. » Mel

donner d’indications sur leur sexe aux autres participants en jouant. « Les gens ne se rendent pas compte Ă  quel point les mots et les messages que vĂ©hicule la sociĂ©tĂ© ont un impact, s’agace Emash. Game Changers est aussi lĂ  pour y rĂ©pondre. »

« La chance d’une vie »

Le 21 fĂ©vrier 2021, le jeu vidĂ©o de tir en ligne Valorant publie un tweet qui va changer la trajectoire de nombreuses joueuses : dans une vidĂ©o de 2 minutes, Anna Donlon, la productrice exĂ©cutive, annonce la crĂ©ation d’une ligue visant Ă  mettre en avant les femmes et les communautĂ©s marginalisĂ©es au sein du jeu, grĂące Ă  des compĂ©titions dĂ©diĂ©es tout au long de l’annĂ©e, et, surtout, des championnats du monde. Son nom : Game Changers. Quand elle en reparle, LiriLia affiche un grand sourire : « C’était incroyable, j’étais vraiment hyper contente. Je pense que ça a rassurĂ© beaucoup de femmes qui jouaient au jeu, parce qu’on savait que ça allait permettre de dĂ©bloquer beaucoup de choses, et nous crĂ©dibiliser au sein de la communautĂ©. » TrĂšs rapidement, les plus grosses structures prĂ©sentes sur le jeu se lancent dans l’aventure et commencent Ă  annoncer des Ă©quipes dans la compĂ©tition. En France, dans le milieu de l’esport, une rumeur commence petit Ă  petit Ă  monter fin 2021 : la Karmine Corp, une des plus grosses structures en France avec Vitality ou Solary, songerait Ă  lancer aussi son Ă©quipe. Au mĂȘme moment, Emash, qui commentait jusque-lĂ  des matches sur le jeu, s’active dans le milieu pour convaincre une structure de monter une Ă©quipe dans laquelle elle serait assistante coach, accompagnĂ©e de Mathieu « LaAw » Plantin en entraĂźneur principal. TrĂšs vite, le squelette de l’équipe envisagĂ©e se forme : trois joueuses françaises expĂ©rimentĂ©es dĂ©jĂ  sur le circuit dans d’autres Ă©quipes (LiriLia, Ninou et Nelo) et deux profils prometteurs plus jeunes avec la Belge Matriix, et Mel. Cette derniĂšre n’est d’ailleurs pas inconnue du public d’Internet : elle est la petite sƓur de Gotaga, un ex-joueur pro et un des crĂ©ateurs de contenus les plus cĂ©lĂšbres de France pour ses exploits sur Call Of Duty par le passĂ©, et aujourd’hui pour ses contenus sur Twitch et YouTube, qui compte des millions d’abonné·e·s. Lorsque son tĂ©lĂ©phone sonne, Mel doit alors faire face Ă  un dilemme : « Je travaillais avec mon 49


« En voyant notre Ă©quipe, beaucoup de filles se disent que c’est possible pour elles aussi d’avoir une carriĂšre dans l’esport. » LiriLia


Game Changers

Au sujet de l’action menĂ©e par la Karmine Corp, toutes les joueuses de l’équipe s’accordent sur les mots de LiriLia.

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NOUHARA MARCOS ­ORAHA (X) @Ninouuu__ Pseudo : Ninou Âge : 25 ans RĂŽle : Initiatrice Agent favori : Skye QualitĂ© : Sang-froid

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Game Changers

« Nous portons une certaine cause. » LiriLia

ASMA BOUGHIDA (X) @LiriLia Pseudo : LiriLia Âge : 25 ans RĂŽle : Lead in game/Flex Agent favori : Astra QualitĂ© : RĂ©flexion


LÉA RANSQUIN (X) @matriixl Pseudo : Matriix Âge : 18 ans RĂŽle : Duelist Agent favori : Raze QualitĂ© : AgressivitĂ©


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sera officiellement nĂ©e. Le dĂ©but d’une aventure de presque un an aujourd’hui pour Mel, LiriLia, Nelo, Ninou et Matriix.

ModĂšles

EMASH

27 ans, assistante coach : « Les gens ne se rendent pas compte à quel point les mots ont un impact. Game Changers est aussi là pour y répondre. »

grand frĂšre sur sa chaĂźne et j’étais trĂšs bien. Et j’ai reçu une proposition pour rejoindre la Karmine Corp. » Dans le doute la jeune femme consulte son frĂšre. « On s’est parlĂ© pendant plusieurs heures, et il m’a dit : “Mel, c’est la chance d’une vie, la mĂȘme que j’ai eu quand j’avais 15 ans, et il faut que tu la saisisses. Parce qu’aprĂšs ce sera trop tard. Et si jamais ça ne fonctionne pas, on sera encore lĂ  pour toi aprĂšs.” » Le 2 janvier 2023, Emash publie une photo de signature de contrat tirĂ© d’un Ă©pisode du dessin animĂ© Les Simpsons sur son compte X sans rien dire de plus. Un mois plus tard, la premiĂšre Ă©quipe fĂ©minine Game Changers de la Karmine CorpTHE RED BULLETIN

« On doit commencer par les fondations pour ensuite aller vers le sommet. » Emash

Le jour du shooting photo pour The Red Bulletin, l’ambiance est Ă  la dĂ©contraction. Pendant les prĂ©parations, les joueuses se vannent, se piquent, et, surtout, se complimentent. Des indices qui ne trompent pas : en match, mais aussi en dehors, les cinq membres de l’équipe se sont bien trouvĂ©es. Il faut dire que les derniers mois ont Ă©tĂ© plutĂŽt intenses pour les sept membres de l’équipe rĂ©cemment formĂ©e, entre les entraĂźnements quotidiens, les bootcamps, les compĂ©titions rĂ©guliĂšres, les interviews, et leur prĂ©sence au KCX Ă  La DĂ©fense Arena mi-septembre 2023. Les rĂ©sultats, eux, ont d’abord Ă©tĂ© prometteurs, puis frustrants. La preuve que le niveau de la compĂ©tition est dĂ©jĂ  relevĂ©, deux ans seulement aprĂšs le lancement de Game Changers : « On ne s’en rend pas compte avec le cĂŽtĂ© starification de la Karmine Corp, mais par rapport Ă  d’autres Ă©quipes bien installĂ©es, on part d’un peu plus loin, analyse Emash. On a deux profils moins expĂ©rimentĂ©s (Matriix et Mel, ndlr) que l’on doit accompagner, donc il y a aussi un petit aspect centre de formation ou chacune doit s’entraider pour soutenir les autres. C’est comme une pyramide, on doit commencer par les fondations pour ensuite aller vers le sommet. » Pourtant, ces derniers mois en dehors des matches en compĂ©tition, les joueuses ont rĂ©coltĂ© d’autres succĂšs. RĂ©guliĂšrement sur leurs tĂ©lĂ©phones, les diffĂ©rentes membres de la Karmine reçoivent des messages privĂ©s. Leurs contenus : des remerciements d’autres joueuses. « Beaucoup de filles m’ont dit qu’elles Ă©taient fiĂšres de ce qu’on reprĂ©sentait, et ça m’a fait comprendre qu’on portait une certaine cause, s’exclame LiriLia. Ce sont souvent des personnes qui jouent pour leur plaisir et qui, en voyant notre Ă©quipe, se disent que c’est aussi possible pour elles d’avoir une carriĂšre dans l’esport. » De son cĂŽtĂ©, Mel confirme les propos de sa capitaine. « Je reçois Ă©normĂ©ment de messages de filles douĂ©es aux jeux vidĂ©o, qui se posent des questions sur leur avenir, et qui envisagent maintenant de devenir pro. » Elle ajoute : « Encore plus depuis que la Karmine a recrutĂ©. Elles se disent que ce choix de vie est possible pour elles aussi. » Sans doute la plus belle des victoires. 55


MĂȘme sans faire de bruit, Mat crĂ©e des remous lorsqu’il s’élance sur la piste de GrangesprĂšs-Marnand.

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RÉVOLUTION SILENCIEUSE MAT ­REBEAUD, star du FMX, a troquĂ© un moteur bruyant pour un doux ronronnement. Avec les motos Ă©lectriques, il dĂ©couvre un tout nouveau terrain, pour lui et pour son sport. Texte ANNA MAYUMI KERBER

Photos DEAN TREML


Mat avant l’entraĂźnement sur sa piste dans le canton de Vaud. L’agriculteur voisin se rĂ©jouit de la rĂ©duction sonore.


Mat ­Rebeaud

Avec sa moto Ă©lectrique, Mat Rebeaud explore de nouvelles pistes, comme ici au parc Ă©olien du Saint-Gothard.

P

ortĂ© par le chant des oiseaux, Mat ­Rebeaud s’envole. Jambes au ciel, mains bien agrippĂ©es Ă  la selle, il reste au moins quatre secondes dans les airs. Quand sa moto atterrit, on entend juste un lĂ©ger vrombissement. LĂ©gende mondiale du FMX (motocross freestyle), Matthieu « Mat » Rebeaud fait son premier backflip en 2003. D ­ epuis, le Suisse romand a raflĂ© Ă  peu prĂšs tous les trophĂ©es possibles dans l’univers du FMX, Red Bull X-Fighters, Night of the Jumps, championnats du monde, et sept fois mĂ©daillĂ© aux X-Games. D ­ Ă©sormais, c’est une vĂ©ritable figure de proue du motocross Ă©lectrique.

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Quatre ans plus tĂŽt, sa premiĂšre vidĂ©o sur une moto Ă©lectrique Ă©tait accueillie par un flot de messages haineux. On ne voulait pas d’un sport sans le bruit du moteur et l’odeur du gasoil. Mat est restĂ© stoĂŻque. « Moi aussi j’aime le bruit, l’odeur, ce sont des bons souvenirs. Mais l’électrique rend les choses beaucoup plus simples et plus cool. Je peux rouler quand je veux, sans dĂ©ranger personne. » Pour Mat, les motos Ă©lectriques ouvrent de nouvelles portes.

Into the wild

Au guidon de son modĂšle Ă©lectrique, il peut faire du freestyle dans des endroits interdits aux motos traditionnelles. Il s’est envolĂ© sur les pistes enneigĂ©es de Laax, rĂ©servĂ©es uniquement au ski ou au snowboard, a survolĂ© les escaliers du MusĂ©e des transports de Lucerne (une nuit au musĂ©e ? un rĂȘve de gosse) et peut mĂȘme rĂ©aliser des tricks sur des barrages ou dans le parc Ă©olien du Saint-Gothard. « Pouvoir explorer de nouveaux territoires, c’est vraiment gĂ©nial », explique-t-il. Les rampes et les pistes de terre sont une chose, la nature

en est une autre
 tout Ă  fait diffĂ©rente. Et justement, il voit l’avenir en vert pour le motocross. La premiĂšre fois, ça n’est pas venu tout seul. « Sur une Ă©lectrique, on n’entend pas les vibrations du moteur, juste celles de la piste. » C’était un peu compliquĂ©, il lui manquait tous ces retours qu’il avait l’habitude de recevoir de son engin. « J’entendais les moteurs des autres, mais je manquais d’infos sur les sons de ma propre moto. » Puis il s’est adaptĂ© et son ouĂŻe est devenue plus sensible. Maintenant, il peut entendre si la chaĂźne est bien huilĂ©e ou pas, dĂ©tails importants mais gĂ©nĂ©ralement impercep-

« Sur une moto ­électrique, on n’entend pas les vibrations du moteur, juste celles de la piste. » 59


Mat ­Rebeaud

« Nous sommes en pleine mutation, y compris en ce qui concerne le motor­sport. » tibles, noyĂ©s qu’ils sont dans le brouhaha du moteur. DĂ©sormais, les points nĂ©gatifs se limitent Ă  certains facteurs marginaux, comme le fait de jurer qui perd un peu de sa spontanĂ©itĂ©. Son « Merde ! » n’est plus masquĂ© par le furieux vrombissement du moteur. C’est mĂȘme le contraire : maintenant, sa frustration couvre le lĂ©ger vrombissement de la machine. Mat a passĂ© deux ans Ă  plancher sur le dĂ©veloppement du nouveau modĂšle Stark. RĂ©sultat : une moto esthĂ©tiquement infaillible de 118 kilos, soit 10 kilos de plus qu’une moto traditionnelle dans la mĂȘme catĂ©gorie. « Mais on fait une Ă©conomie de sept Ă  huit litres d’essence et donc de poids par la mĂȘme occasion », observe Mat. Cela lui permet de faire des courses de 45 minutes Ă  une vitesse maximale de 142 km/h ou de rouler six heures d’affilĂ©e sur un terrain facile. Au niveau des compĂ©titions, les modĂšles Ă©lectriques sont encore dans une zone grise. Les catĂ©gories se basent sur des critĂšres tels que la taille du moteur ou le nombre de cylindres, ce qui n’est pas compatible avec les moteurs Ă©lectriques. Sa Stark Ă©quivaut Ă  un 450 cc. « On en est pleine Ă©poque de transition », prĂ©cise-t-il. Les premiĂšres compĂ©titions 100 % Ă©lectriques vont bientĂŽt arriver. Le compte Ă  rebours est lancĂ©. En attendant, il profite de cette unique opportunitĂ© qu’il s’est crĂ©Ă©e en passant Ă  l’électrique.

La moto, une affaire de famille

Antoine Rebeaud, son pĂšre, fait dĂ©jĂ  les cent pas sur la piste d’entraĂźnement non loin de Payerne, son lieu de naissance. Il vĂ©rifie les pneus et la chaĂźne de la Stark, resserre quelques vis au niveau de l’embrayage. Sur sa piste, Mat Rebeaud s’entraĂźne depuis des annĂ©es dĂ©jĂ . Depuis ses tout premiers pas dans la discipline – il roule sa premiĂšre moto Ă  4 ans et prend part Ă  sa premiĂšre course Ă  10 ans – ­Antoine accompagne son fils sur quasiment toutes les compĂ©titions, s’assurant que la technique est toujours 60

Dans l’atelier qui jouxte sa maison, Mat met en place le chñssis de sa Stark VARG.

au top. « Quand c’est moi qui m’occupe de la moto, il sait que tout est au poil. » Les mots sont rares mais le respect mutuel Ă©vident, mĂȘme pour un observateur extĂ©rieur. « Pendant dix ans, nous ne sommes plus partis en vacances. En effet, tous les week-ends et tout notre temps libre Ă©taient consacrĂ©s aux compĂ©titions et aux spectacles de Mat. Il participait Ă  plus de cinquante Ă©vĂ©nements par an Ă  cette Ă©poque. Depuis, ce sont moins d’une trentaine. » Avec le passage Ă  l’électrique, Mat ne fait plus autant appel Ă  son pĂšre en cas de pĂ©pin : une puce intĂ©grĂ©e permet de rĂ©gler pas mal de trucs d ­ epuis un ordinateur Ă  Barcelone. Cela d ­ Ă©range-t-il Antoine ? « Non ! », rit-il. Lui-mĂȘme trouve cet apprentissage perpĂ©tuel passionnant :

« Moi aussi j’aime le bruit, l’odeur, ce sont de bons souvenirs. Mais l’électrique rend les choses plus simples. » THE RED BULLETIN


La maison de Mat et de sa famille. Les ­panneaux solaires alimentent partiellement maison, voiture et ­vélos en électricité.

Photo du grand-pĂšre de Mat, Fredy Rebeaud, sur une DKW, de 1953. La fascination pour les deux-roues est dans la famille.

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Mat ­Rebeaud

« Je ne suis pas du genre Ă  dire : “Hey, tu dois faire ça comme moi. Je le fais parce que j’aime ça.” » les nouvelles technologies leur permettent de ­savoir combien de temps Mat reste en l’air lors de ses tricks ou Ă  quelle vitesse il prend ses virages. Et A ­ ntoine en connaĂźt un rayon. Mat dispose d’environ quatre secondes en l’air pour effectuer ses cascades. Dans les compĂ©titions, les choses se passent ainsi : plus la rampe est grande, plus le saut est haut, plus il a de temps pour les tricks fous. « C’est du temps de gagnĂ©, mais en cas de chute, je prends aussi plus cher. » Mat n’est pas devenu champion par hasard. C’est une affaire de famille : son grand-pĂšre a remportĂ© de nombreuses courses nationales sur une DKW. Son pĂšre a fait de la compĂ©tition sur une Montesa 2 temps. « Beaucoup de choses ont changĂ© depuis, prĂ©cise Antoine, et pas qu’au niveau du bruit qui brille dĂ©sormais par son absence. » Le grand-pĂšre a roulĂ© avec le mĂȘme casque tout au long de sa carriĂšre, lui n’en a eu que deux. Contraste avec le garage de Mat : des dizaines de casques en rang militaire font face Ă  plus d’une douzaine de motos et de vĂ©los. Mat Rebeaud est le visage du motocross freestyle made in Switzerland depuis vingt ans. Le clou du garage ? La Stark et ses 118 kilos pour 80 cc. Une vraie beautĂ©. Un mur entier de l’atelier du garage est recouvert d’outils, de tournevis, clĂ©s, marteaux et compagnie. Au centre, une borne de recharge. Quant au bruit ? Non, ça ne lui manque vraiment pas. Et Ă  son fils aĂźnĂ© encore moins : le garçon de 5 ans ne supporte pas le tintamarre des anciennes motos de papa. Dans la cour, avec son petit frĂšre de 3 ans, ils partent dĂ©jĂ  Ă  l’assaut des rampes sur leurs motos Ă©lectriques accompagnĂ©s par le tintement des cloches de vaches.

Idylle paysanne

Nous sommes en Suisse romande. Les veaux du beau-pĂšre de Mat broutent paisiblement dans le champ voisin. Sur les portails, la façade de la maison (et mĂȘme tatouĂ©s sur les bras de Mat et de 62

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Mat, sa Stark VARG, et nombre de casques dans le garage de sa maison qui témoignent de ses cascades et exploits.

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« Je suis convaincu que le passage Ă  l’électrique peut conquĂ©rir un nouveau public qui ne s’intĂ©resserait ­jamais au motocross autrement. »


Mat ­Rebeaud

Lors de l’entraĂźnement Ă  Granges-prĂšsMarnand (canton de Vaud), Mat ne lĂ©sine pas sur les figures les plus folles.

Avec sa moto e-FMX, Mat peut rouler lĂ  oĂč les autres ne le peuvent pas. Ici, au barrage du Saint-Gothard.

sa femme Floriane), ces trois lettres : RMF, les initiales du couple, symbole de cette forte cohĂ©sion familiale. Peut-ĂȘtre pas ses enfants, mais ses petits-enfants lui demanderont comment c’était Ă  l’époque
 Lorsque les motos marchaient encore Ă  l’essence. Mat s’en rĂ©gale d’avance. « Je pourrai leur dire que les motos faisaient un sacrĂ© boucan et que tout le monde faisait la gueule quand les premiers modĂšles Ă©lectriques sont apparus. Ça va ĂȘtre drĂŽle. » HĂ©ritĂ©e de la grand-mĂšre de Floriane, la maison a Ă©tĂ© entiĂšrement rĂ©novĂ©e. Nostalgique de l’ancien, ils ont choisi de conserver les poutres sous le toit, et se rĂ©jouissent des grandes fenĂȘtres qui donnent sur les collines environnantes. L’électricitĂ© issue des panneaux solaires suffit Ă  alimenter l’ancienne ferme, mais les 10 kW ne permettent pas de recharger les motos et la voiture Ă©lectrique Hyundai Ioniq 5. Il faut donc les brancher sur une prise secteur. Un coup de pouce minimal, conclut Mat. Les Rebeaud restent malgrĂ© tout largement auto-­suffisants.

Plaisir et discrétion

« Plein de gens me contactent sur les ­rĂ©seaux et me disent : “J’adore ce que tu fais, j’aimerais bien m’y mettre aussi.” Je leur rĂ©ponds : “C’est simple, achĂšte une moto, puis un van ou un bus et

« Pouvoir explorer de nouveaux ­territoires en Ă©lectrique, c’est vraiment gĂ©nial ! » roule 2-3 heures jusqu’à la piste d’entraĂźnement.” » En Suisse, les pistes de motocross sont fermĂ©es le d ­ imanche pour Ă©viter les nuisances sonores
 L’ironie veut qu’il s’agisse forcĂ©ment du jour oĂč la plupart peuvent s’adonner Ă  leur passion, sans compter que c’est un sport qui prend du temps, autre facteur qui fait que beaucoup y renoncent. Les motos Ă©lectriques peuvent sauver notre sport, explique Mat. « Je suis convaincu que le passage Ă  l’électrique peut conquĂ©rir un nouveau public qui ne s’intĂ©resserait jamais au motocross autrement. » Imaginez des pistes de motocross tout prĂšs des villes ou mĂȘme au centre-ville, Ă©quipĂ©es de station de rechargement, car c’est encore ce qui manque trop souvent sur les tracks : « Ce serait une vĂ©ritable rĂ©volution ! » IG : @matrebeaud 65


GĂ©nie du sensible GrĂące Ă  sa plume sincĂšre et un savant mĂ©lange entre gospel, rap et jazz, TUERIE a secouĂ© le rap français ces derniĂšres annĂ©es. AprĂšs une carriĂšre qui tarde Ă  dĂ©marrer, il s’impose dĂ©sormais par sa singularitĂ©. Rencontre Ă  hauteur d’homme avec un artiste ambitieux et gĂ©nĂ©reux. Texte HUGUES MARLY

Photos FIFOU

Avec la sortie en 2021 de son album Bleu Gospel, puis celle de Papillon Monarque cette annĂ©e, Tuerie (Paul Nnaze de son vrai nom) propose des rĂ©cits de vie poignants et des ego-trips mordants Ă  travers une combinaison rĂ©ussie qui sent bon les chants d’églises afro-amĂ©ricains et le rap de haute volĂ©e, guidĂ© par les maĂźtres du genre, Kendrick Lamar en tĂȘte. Le rappeur originaire de Boulogne qui est aussi passĂ© par une chorale, a Ă©tĂ© bercĂ© par le jazz, le funk et la soul hybride de Prince, ainsi que des groupes de rock tels que Nirvana ou Queen. D’ailleurs, il transpire le cĂŽtĂ© Ă  fleur de peau du premier, et parfois mĂȘme l’énergie grandiloquente du second. Quand il parle de ses inspirations, il cite aussi Jacques Brel, Daniel Balavoine ou encore la chanteuse RosalĂ­a, dont il apprĂ©cie l’audace. Une mosaĂŻque d’influences oĂč chaque fragment vient ­apporter une nuance de couleur Ă  cet ­artiste qui ne s’impose aucune barriĂšre. Tout comme son ami et frĂšre de son ­Luidji, qui rempli des ZĂ©niths, et qui lui 66

aussi fait bouger les lignes, via un rap de crooner intimiste et sĂ©duisant. Leur structure, Foufoune Palace, est jusqu’au bout une affaire de famille, puisque, dans cette maison, les deux artistes se partagent les services du producteur Ryan Koffi, dont les compositions soignĂ©es et inspirĂ©es, infusĂ©es de jazz et de neo soul, participent Ă  la signature ­sonore du label. Aujourd’hui, le rappeur boulonnais, laurĂ©at du prix JosĂ©phine 2023, connaĂźt un joli succĂšs aux cĂŽtĂ©s de ceux avec lesquels il avance depuis plusieurs annĂ©es, et Tuerie collabore Ă©galement Ă  la rĂ©alisation de titres pour d’autres a ­ rtistes (Jewel Usain, rĂ©cemment), et se produit sur scĂšne jusqu’en Belgique. Le parcours de ce personnage hors-norme avant de s’imposer dans le rap francophone fut pourtant difficile.

Transformer ses plaies

Jusqu’à l’adolescence, Tuerie navigue entre la France et le Cameroun, le pays oĂč il est nĂ©, qui est aussi celui de ses parents. MalmenĂ© par une histoire familiale chaotique et douloureuse, dans laquelle son pĂšre tient un rĂŽle particuliĂšrement toxique, c’est grĂące Ă  la force de sa mĂšre que le rappeur va rĂ©ussir Ă  tenir dans tout ce tumulte. AprĂšs de graves problĂšmes de santĂ©, il partira vivre en France pour y rester. MalgrĂ© tout cela, ce papa de 35 ans semble prendre du recul : « Aujourd’hui, ça nourrit mon art. Il y a beaucoup de rappeurs qui se la racontent un peu, avec des vĂ©cus d’écorchĂ©s vifs. En rĂ©alitĂ©, il s’agit plus de la vie de leurs parents. Bleu Gospel, c’est le plus vibrant hommage aux efforts de ma mĂšre. » Dans cette nourriture artistique, on trouve aussi tout ce que le Cameroun a pu lui offrir, notamment un rapport au langage trĂšs riche : « C’est le pays avec le plus de dialectes diffĂ©rents, ça chante Ă  tous les coins de rue, tout le monde y parle un français extrĂȘmement Ă©loquent. Ce truc du battle rap, c’est totalement naturel au pays, ce n’est que de la rĂ©partie.» C’est sĂ»rement pour cela que sa musique ne tombe jamais dans le pathos, il y a toujours une lueur d’espoir, une forme de cĂ©lĂ©bration chez Tuerie, une ­façon de sublimer les traumatismes. « Ma mission, c’est de rendre digestes des rĂ©cits difficiles Ă  l’aide de sourires, de ritournelles, de petites boutades en plein milieu d’un morceau. Mes changements de voix qui donnent l’impression de regarder un film ou d’ĂȘtre au thĂ©Ăątre, ça THE RED BULLETIN


Tuerie entend ­sublimer les traumatismes grùce à sa ­musique.

« Ma mission, c’est de rendre digestes des rĂ©cits difficiles Ă  l’aide de sourires, de ritournelles. »


« C’est une tare de ne pas pouvoir dĂ©voiler ses Ă©motions, ce truc absurde : un homme ne pleure pas. »


Tuerie

« Il fallait convaincre les gens qui ont envie de me jeter des tomates. » met la distance nĂ©cessaire pour protĂ©ger l’auditeur. » Quand on parle de cet art du contraste qui constitue l’un des fils rouges de sa musique, il commente ainsi : « C’est spontanĂ©, c’est liĂ© au cĂŽtĂ© taquin que j’ai dĂ©veloppĂ© en faisant des battles, en Ă©tant le clown de la classe. Ma premiĂšre rĂšgle, c’est que je n’ai pas le droit d’ennuyer le public. » Il voit aussi son Ă©criture comme un chemin de rĂ©silience. « C’est de l’art thĂ©rapeutique. » Et assume pleinement la part de vulnĂ©rabilitĂ© dans sa proposition. « C’est une tare de ne pas pouvoir dĂ©voiler ses Ă©motions, ce truc absurde de prĂ©tendre qu’un homme ne pleure pas, ou doit ĂȘtre fort ! Ça demande trop d’énergie. Je prĂ©fĂšre laisser des clĂ©s aux gens, quitte Ă  ce qu’on dise que je fais de la musique chialĂ©e. » L’artiste va plus loin dans ce raisonnement quand il s’agit de mettre de la chanson dans son rap, et de ce que peuvent se permettent les rappeurs aujourd’hui. « Je pense que la personne qui nous a permit de faire ça, c’est Lauryn Hill, sauf qu’il y a ce cĂŽtĂ© sexiste qui lui procure un laisser-passer : “C’est une fille, elle a le droit de chanter, c’est pas grave, ça reste soft.” Mais quand c’est Drake, c’est plus problĂ©matique. Maintenant, ça a changĂ©, et a ouvert la porte Ă  de grandes choses. »

Socialement vĂŽtre

La ville de Boulogne, tout particuliĂšrement sa citĂ© du Pont de SĂšvres, sont des terres de rap depuis fort longtemps. DĂšs le milieu des annĂ©es 90, Les Sages PoĂštes de la Rue ont imposĂ© leur ville sur la carte du rap français, Ă  l’aide de flows aiguisĂ©s, novateurs et de productions jazzy. Les annĂ©es 2000 verront s’affirmer des groupes aux atmosphĂšres bien plus sombres comme Lunatic (Booba et Ali), Mo’vez Lang ou le rappeur Salif. Une marque de fabrique dans laquelle Tuerie ne va pas trouver sa place. « Je passais pour un ovni, dans ma musique il y avait THE RED BULLETIN

beaucoup trop de sourires, beaucoup trop de couleurs », et ce malgrĂ© sa relation avec Booba. S’il travaille pendant un temps dans la boutique de vĂȘtements de ce dernier (la marque Ünkut) et qu’on l’invite sur les tournages de clips, ses contacts ne reprĂ©sentent aucune opportunitĂ©. Seul le renommĂ© Dany Dan des Sages PoĂštes de la Rue l’encourage Ă  persĂ©vĂ©rer. C’est donc ailleurs que le jeune Tuerie va tester sa musique, notamment dans le mĂ©tro. « Il fallait convaincre les gens qui ont envie de me jeter des tomates, ceux qui essaient de t’éviter, se disent que tu vas les soĂ»ler avec un accordĂ©on. C’était il y a environ dix ans. » Un moyen de se confronter au plus grand nombre, loin de toute zone de confort. RusĂ© et accompagnĂ© d’un live band dont il apprĂ©cie la sonoritĂ© organique (ce qui va le rapprocher de Luidji qui s’entoure lui aussi de musiciens), Tuerie accĂšde aux tremplins musicaux de sa ville qui privilĂ©gie plutĂŽt les formats rock, en louvoyant : « Sur les fiches d’inscription, je mettais nĂ©o metal gothique. » Il fait aussi partie du groupe Capsule Corp, au dĂ©but des annĂ©es 2010, mais c’est une pĂ©riode difficile pour le rap français, il y a peu de chance de rĂ©ussir dans une industrie qui a du mal Ă  rebondir face au tĂ©lĂ©chargement illĂ©gal. À cette pĂ©riode, il laisse de cĂŽtĂ© sa carriĂšre, et s’investit pendant huit ans dans les activitĂ©s socio-culturelles de sa ville, au Centre Boulonnais d’Initiatives Jeunesse (CEBIJE). C’est aussi pour lui une maniĂšre de continuer Ă  apprendre : « Ça m’a permis d’affiner mes compĂ©tences en terme de rĂ©alisateur de morceaux et de direction artistique. » Ce rĂŽle au sein du monde associatif local revĂȘt une dimension affective pour l’artiste. « J’ai toujours eu ce syndrome du sauveur, et cet endroit, c’était une façon pour moi de satisfaire ce besoin, jusqu’à ce que les gens au-dessus de moi ne me suivent plus. » Le CEBIJE a quelque chose d’une pĂ©piniĂšre, qui voit passer de

futurs t­ alents tels que le chanteur R&B Tayc ou le rappeur Malo. Ceci Ă©tant, aux yeux de Tuerie, la mission reste avant tout sociale, et non de transformer ce lieu en incubateur de jeunes a ­ rtistes. Mais sa hiĂ©rarchie ne le voit pas de cet Ɠil. L’expĂ©rience professionnelle se finit trĂšs mal, mais cette nouvelle Ă©tape laisse la possibilitĂ© au rappeur de se concentrer sur lui-mĂȘme, et de travailler sur son premier album, Bleu Gospel. « Ça fait partie du mal nĂ©cessaire. J’embrasse ces moments de toutes mes forces, ça m’a poussĂ© hors d’une forme de sommeil. Ça m’a permis d’augmenter mes capacitĂ©s. » MalgrĂ© la dĂ©ception, le monsieur retombe sur ses pieds, et une fois de plus, transforme la boue en or.

Papa artiste

Nouvelle vie, nouvelles contraintes et ­recherche d’un Ă©quilibre. Devenu pĂšre, en mĂȘme temps que rappeur Ă  plein temps, Tuerie aborde les difficultĂ©s et les efforts que peuvent reprĂ©senter ce genre de choix. « Quand tu as des rĂȘves aussi gros, ton chemin est obligatoirement fait de sacrifices. Il faut des heures de studio, il faut que j’aille clipper, il faut que je rĂ©flĂ©chisse avec mon Ă©quipe, et en mĂȘme temps, mon fils c’est aussi mon meilleur ami. Je l’amĂšne sur les tournages, parfois en interview, mais en v­ oulant apporter le meilleur aux gens que tu aimes, il y a moyen de s’en Ă©loigner. » Difficile de trouver le juste milieu ­selon lui, mĂȘme si son rĂŽle de pĂšre reste ce qu’il y a de plus important, tout en ­investissant Ă  fond son Ă©nergie dans la musique et dans son approche du live. Preuve en est sa performance au GrĂŒnt festival Ă  Bruxelles, en septembre dernier, desservie par des problĂšmes techniques, qui n’en reste pas moins l’une des plus impressionnantes de la programmation. Mais Tuerie ne s’arrĂȘte pas lĂ . Fin septembre 2023, dans La M ­ aroquinerie pleine Ă  craquer, il offre au public parisien une performance s­ olide de Papillon Monarque, tout aussi remarquable que puissante. « Je fais n’importe quelle scĂšne comme si je d ­ evais performer au stade de France. » Pour lui, l’important, c’est de crĂ©er du lien avec le ­public, de rentrer en communion avec celui-ci. Comme dans un gospel. IG : @tuerie__ Écoutez Papillon Monarque sur ­Spotify. 69


L’ÉPOPÉE DE JOANNA

Avec son deuxiĂšme album autoportrait, Where’s The Light?, l’auteure-compositrice-­interprĂšte JOANNA nous confie le secret de sa renaissance, qui marque assurĂ©ment un tournant autant sur le plan musical que personnel. Photos JEAN DE BLIGNIÈRES

Deux ans aprĂšs son LP SĂ©rotonine, Joanna est de ­retour avec Where’s the Light?.

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BOUCLES D’OREILLES : ARCHIVE STYLISTE ; ENSEMBLE TOP MANCHES LONGUES ET LEGGING : LUU7 ; SANDALES : NO DRESS

Texte MARIE-MAXIME DRICOT



Joanna

oanna, 24 ans, est une auteurecompositrice-interprĂšte française, originaire de Nantes. AprĂšs un premier album Ă  succĂšs en 2021, l’artiste revient en 2023 avec un album autoportrait, Where’s The Light? dans lequel elle aborde la dĂ©pression qu’elle a traversĂ©e. Elle nous explique le cercle vicieux que cela reprĂ©sente, entre dĂ©ni et lĂąchetĂ©, mais surtout, la maniĂšre dont elle a remontĂ© la pente : « J’ai rebootĂ© mon s­ ystĂšme. » Joanna nous invite Ă  pĂ©nĂ©trer dans son antre pour dĂ©couvrir les secrets de sa rĂ©surrection. « Cet album parle de mon cheminement pour sortir de la dĂ©pression. » Dix heures du matin, quartier de la BibliothĂšque François Mitterrand, je retrouve Joanna sur le shooting de The Red Bulletin, pour dĂ©couvrir qui se cache rĂ©ellement derriĂšre le nouvel album Where’s The Light? qui sortira le 24 novembre. Joanna se livre Ă  cƓur ouvert. Il faut dire que depuis la sortie en 2018 de son morceau SĂ©duction sur YouTube, qui atteint 100 000 vues en deux mois, la chanteuse s’est retrouvĂ©e sous le feu des projecteurs. 72

Peu de temps aprĂšs, le single sera diffusĂ© sur toutes les plateformes de streaming via le label de Yelle. La chanteuse devient la nouvelle voix de la pop française, Ă  la fois vaporeuse et dĂ©licate, qui fait vibrer nos oreilles et se retrouve dans la sĂ©lection 2019 des INOUĂŻS du Printemps de Bourges. DĂšs lors, Universal, Barclays et d’autres majors la repĂšrent, mais Joanna sortira son premier album SĂ©rotonine en 2021 via BMG, dans lequel elle conte les diffĂ©rentes Ă©tapes propres Ă  une relation amoureuse, le meilleur comme le pire. L’artiste autodidacte Ă  la direction artistique affirmĂ©e revient aujourd’hui avec un tout nouveau projet, Where’s The Light?, un rĂ©cit autobiographique qui nous plonge dans les mĂ©andres de sa reconstruction personnelle aprĂšs avoir subi un drame social, qui touche encore beaucoup trop de femmes Ă  ce jour. Joanna se raconte en musique en offrant un rĂ©cit intime et belliqueux, qui marque incontestablement une mĂ©tamorphose musicale et psychologique, dont elle est l’hĂ©roĂŻne.

CHEMISE ET VESTE : MM6 ;;CRAVATE : PERSONNALITIES ;; BOUCLES D’OREILLES : R.L.E ;;BOTTES : MIISTA

J

« Je pense que j’ai touchĂ© les prĂ©mices de l’extase, mais grĂące Ă  ce projet, j’espĂšre la ressentir. »

THE RED BULLETIN


Plus qu’un projet musical, son nouvel album revendique l’humanitĂ© et la ­libertĂ© de l’artiste Joanna sans pudeur ni modestie.



Joanna

« J’ai vĂ©cu quelque chose que je n’avais pas envie de vivre. »

PHOTO DE GAUCHE : VESTE EN CUIR : MM6 PHOTO DE DROITE : BONNET EN PERLES, BOUCLES D’OREILLES, T-SHIRT, JUPE ET GUÊTRES : LA COMPAGNIE DU COSTUME ; MINI SHORT : ALFIE ; CEINTURE : JUSTINE CLENQUET ; BOOTS : EMPTY BEHAVIOR

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Joanna

Un temps

Deux ans se sont Ă©coulĂ©s depuis le premier album de la Nantaise. C’est Ă  la fois beaucoup et pas grand-chose Ă  l’échelle d’une vie. Pour elle, cet album Ă©tait l’occasion de faire le point sur les aspects positifs et nĂ©gatifs de sa crĂ©ation tout en se laissant l’opportunitĂ© d’expĂ©rimenter son style musical. En effet, pour tout·e artiste, un premier album est gĂ©nĂ©ralement l’espace dans lequel il se cherche sur de nombreux aspects : crĂ©ation, Ă©criture, sujet, relations professionnelles, image, gestion des rĂ©seaux sociaux. Si SĂ©rotonine Ă©tait pour Joanna ce que l’on peut appeler un crash test, Where’s The Light? est sa nouvelle dĂ©finition de son ĂȘtre car, depuis, elle a testĂ© des choses, elle a appris Ă  se connaĂźtre et sait ce qu’elle veut : « C’est comme si j’avais pris conscience de ce qui m’entourait. J’avais envie d’enlever de ma vie tout ce qui me mettait mal Ă  l’aise. L’envie d’ĂȘtre moimĂȘme dans ma vie perso et pro. » L’impression de jouer un rĂŽle permanent pour satisfaire autrui, c’est ce que Joanna dĂ©finit comme malaisant, l’idĂ©e d’un projet que peuvent se faire les Ă©quipes qui l’entouraient : « J’ai l’impression que depuis que je suis rentrĂ©e dans l’industrie de la musique, j’ai fait face Ă  des situations oĂč l’on m’a mise dans des catĂ©gories en pensant que je n’étais que ça. J’avais la sensation qu’une partie de moi n’était pas prise en compte, dans mes prods, dans ma maniĂšre de poser. » En rĂ©sumĂ©, sa direction artistique. Elle a donc dit : « Stop ! » Pour autant, l’artiste a pleinement pris conscience qu’on ne pouvait pas la comprendre puisqu’elle-mĂȘme se dĂ©couvrait musicalement. Elle ne regrette pas les expĂ©riences qu’elle a vĂ©cues grĂące Ă  cet album : « Ça m’a aidĂ©e Ă  grandir. SĂ©rotonine, c’est un album qui me res76

semble dans le concept, l’univers et les paroles, mais pas dans la musicalitĂ©. Aujourd’hui, je passe un step en termes de composition et de cinĂ©matographie. » Et, c’est peu de le dire, avec Where’s The Light?, Joanna offre une narration angĂ©lique dont chaque titre, de sa genĂšse Ă  sa sortie, lui ressemble. Il s’agit d’un album « fidĂšle aux Ă©motions que j’ai envie de transmettre ».

Je

Lorsqu’on regarde attentivement les tracklists de SĂ©rotonine et Where’s The Light?, on se rend vite compte que la premiĂšre tourne autour du dĂ©sir, du drame entre sĂ©duction, jalousie, amour et lassitude, tandis qu’à l’inverse, la seconde se recentre autour de sa figure, ses maux et ses espoirs. Il y a une certaine forme d’affirmation de soi avec, en fil rouge, l’amour. L’écoute est progressive et Joanna nous amĂšne vers la lumiĂšre au fur et Ă  mesure que les morceaux dĂ©filent. C’est la raison pour laquelle le point de dĂ©part est le morceau Ă©ponyme de l’album, me raconte l’auteure-compositrice : « C’est la prise de conscience que je veux sortir de l’obscuritĂ© et petit Ă  petit, j’avais envie de donner la sensation Ă  l’auditeur· rice, qu’il y a quelque chose qui se dĂ©noue et que la lumiĂšre entre dans la piĂšce. » Le nĂ©buleux et le complexe s’effacent au profit d’une lĂ©gĂšretĂ© et d’une clartĂ© qu’on entend dans Exstase : « Avec ce titre, on peut s’endormir tranquillement, il est comme un sentiment de sĂ©curitĂ©. C’était important de faire ressentir de la positivitĂ© Ă  la fin de l’album, une touche de bienveillance avec un ton rassurant. » MalgrĂ© cela, l’artiste tient Ă  souligner que l’extase est une sensation qui lui est encore inconnue Ă  ce jour, car cet album est un itinĂ©raire pour sortir de la dĂ©pres-

sion : « J’ai tendance Ă  voir les choses de maniĂšre nĂ©gative, maintenant ça va mieux, mais il y a des Ă©motions que je dĂ©couvre aujourd’hui que je ne connaissais plus trop. Je pense que j’ai touchĂ© les prĂ©mices de l’extase, mais grĂące Ă  ce projet, j’espĂšre la ressentir. »

Épique

Dans la musique de Joanna, le romantisme palpable permet de continuer d’avoir la foi, un peu comme OphĂ©lie Winter en 1991, mais sans la dimension religieuse, car elle aussi disait : « J’en ai assez, je n’en peux plus, j’ai trop souffert/[
] C’est la lumiĂšre qui guide nos pas. » La Nantaise fait de ses quatorze titres une poĂ©sie dramatique remplie d’espoir qui se renforce par le caractĂšre Ă©pique de ses textes, sublimĂ©s par l’élĂ©gance de sa voix. Fighting est en la preuve : « Je reboote mon systĂšme, je suis prĂȘte pour la haine. » Souvenir d’une vie antĂ©rieure, Joanna prĂ©cise : « C’est un titre oĂč je me souviens que je me suis battue, que j’en suis arrivĂ©e lĂ , mais qu’il faut que je continue de lutter et que je sois prĂȘte. C’est comme si, quand j’avançais avec un mindset diffĂ©rent de la survie, c’était nĂ©cessairement la dĂ©pression. » Maladie psychique, la dĂ©pression entraĂźne une vision pessimiste du monde et de soi-mĂȘme, qui retentit de maniĂšre importante sur la vie. « Le problĂšme avec le trouble dĂ©pressif, c’est que l’on n’arrive pas Ă  ne pas s’y identifier. On mĂ©lange sa personnalitĂ© Ă  cette condition. On est constamment rattrapé·e, comme si on ne se connaissait qu’à travers cette expĂ©rience. C’est trĂšs dur de switcher. » Fighting en est le reflet, un vĂ©ritable tumulte de tous les traumatismes qu’elle Ă©voque dans Mes larmes sont belles – oĂč elle fait rĂ©fĂ©rence Ă  AthĂ©na, dĂ©esse de la guerre et de la sagesse – et dans Si je meurs tu fais quoi : « Tu m’as pourrie/rouĂ©e de coups/coupĂ©e mes veines/du sang partout/non, fais pas ça/si je meurs/tu fais quoi ? » Non, Joanna a bien trop d’espoir et d’ambition pour s’adonner Ă  de sombres pratiques. NĂ©anmoins, l’extrĂȘme sensibilitĂ© de la chanteuse la pousse constamment dans ses retranchements. Si je meurs tu fais quoi a une double lecture ; si la premiĂšre Ă©coute s’apparente Ă  une rupture amoureuse, c’est aussi un constat alarmant de ce que l’humain fait subir Ă  la planĂšte : « Les problĂšmes climatiques m’ont rendu trĂšs anxieuse il y a un THE RED BULLETIN

VESTE : PENG TAI ; CORSET : LEO ; CEINTURES : VINGT-DEUX ET LA COMPAGNIE DU COSTUME ;;BERMUDA : RUOHAN

« J’ai fait face Ă  des ­situations oĂč l’on m’a mise dans des catĂ©gories en pensant que je n’étais que ça. »


Joanna

L’éminence absolue. Where’s the light? nous rend compte d’une ­solitude partagĂ©e sur le point de cesser.


Assistant photo SOLIOU LIGALI @soliouligali Coiffure MELISSA ROUILLÉ @melissarouillehair Maquillage ANAÏS KREIB @anaiss.faces Stylisme / DA SAMANTHA GIL @ducotedechezsam


Joanna

BONNET EN PERLES, BOUCLES D’OREILLES, T-SHIRT, JUPE ET GUÊTRES : LA COMPAGNIE DU COSTUME ; MINI SHORT : ALFIE ; CEINTURE : JUSTINE CLENQUET ; BOOTS : EMPTY BEHAVIOR

« On m’avait fait ­comprendre que c’était de ma faute en m ­ e reprochant ­d’aimer plaire. » an et demi, j’avais l’impression qu’il n’y avait pas de solution. Mon objectif, c’était donc de rĂ©ussir Ă  faire une chanson qui parle de ce sujet sans ĂȘtre trop littĂ©rale. D’une certaine maniĂšre, ce qu’on inflige Ă  la planĂšte, c’est aussi ce qu’on se fait Ă  soi-mĂȘme », ça impacte notre santĂ© mentale.

En route

Plus l’album progresse, plus l’auditeur· rice comprend le long voyage que ­parcourt Joanna, grĂące Ă  un savant mariage entre l’hyperpop et la new wave aux semblants de R&B. Prendre conscience de son mal-ĂȘtre, de ses souffrances, de sa dĂ©solation et d’oĂč l’on vient est bouleversant. Parfois, on en arrive mĂȘme Ă  se situer entre le fantasme et la rĂ©alitĂ© pour mieux vivre notre condition. Surtout aprĂšs avoir subi un viol. Sujet phare de Where’s The Light? qui arrive juste aprĂšs un morceau qui Ă©voque le dĂ©ni, Meta deuil, Ă©crit dans une pĂ©riode de rupture qui l’a Ă©branlĂ©e : « Elle m’a ouvert les yeux sur moi-mĂȘme : oĂč est-ce que je me positionne, ce sur quoi j’ai fermĂ© les yeux, ce que j’ai laissĂ© faire et dans quelle situation j’ai pu me mettre parce que je ne savais pas dire non. » Comment interagissons-nous les uns avec les uns ? Pourquoi est-ce si difficile de dire non ? Par peur de blesser, de perdre l’autre ? Meta deuil pose un regard sur les deux versions qu’une histoire d’amour peut avoir, ce que l’on accepte de vivre, ce que l’on Ă©met comme message et ce que l’on reçoit via une communication pas si Ă©vidente : « J’avais besoin que la ­personne en face de moi me comprenne, je me suis battue pour ça, car je pensais que c’était logique Ă©tant donnĂ© qu’on Ă©tait ensemble. Et je me suis pris THE RED BULLETIN

un mur. » Un Ă©pisode qui rĂ©sonne avec une expĂ©rience passĂ©e de Joanna. Les qualifications de l’Eurovision 2022, la chanteuse y interprĂšte le son Navi­ga­ teure. « À l’origine, j’avais refusĂ© parce que je n’avais pas du tout envie de faire ça, sauf qu’on a insistĂ© et on m’a relancĂ©e Ă  multiples reprises, donc j’ai craquĂ©. » L’auteure-compositrice-interprĂšte m’explique qu’in fine, grĂące Ă  ça, elle sait maintenant dire non, que lorsqu’on n’impose pas ses barriĂšres, les personnes qui nous entourent se font de fausses images de nous, par faute de poser nos limites. Il est donc naturel, une fois le moment venu de s’exprimer, que ces mĂȘmes personnes soient dans l’incomprĂ©hension. Elles n’ont pas les clefs de lecture. « J’ai vĂ©cu quelque chose que je n’avais pas envie de vivre. » Sortir du dĂ©ni et vivre des Ă©vĂ©nements qu’on n’a pas envie de vivre, c’est ce que Joanna raconte d’une autre maniĂšre avec Ce n’est pas si grave. L’artiste dĂ©livre sa souffrance en mĂȘlant douceur, sang-froid et colĂšre. Un partage viscĂ©ral qu’elle ne fait pas Ă  demimot. Et Ă  celles et ceux qui reprendront son vers : « Pourquoi t’en parle maintenant ? », elle rĂ©pond : « Quand on vit un viol, on peut faire une amnĂ©sie, mais on peut aussi s’en souvenir et vouloir l’occulter. Mais la mĂ©moire revient toujours. Pour ma part, j’avais l’impression d’ĂȘtre responsable de ce qui m’était arrivĂ©, car autour de moi, je n’ai pas trouvĂ© l’aide dont j’avais besoin. On m’avait fait comprendre que c’était de ma faute en me reprochant d’aimer plaire. J’avais besoin de parler de cela, car se retrouver seule avec son dialogue intĂ©rieur qui nous rĂ©pĂšte ce qu’il se dit Ă  l’extĂ©rieur, c’est violent. Alors on rĂ©in-

vente les choses en se disant que ce n’est pas si grave. Mais le dĂ©ni, c’est dur, parce qu’il s’inscrit en nous, il est plus fort que la rĂ©alitĂ©, et ça nous pousse Ă  remettre en question la vĂ©racitĂ© d’un fait. » Reconstruction. Pour ce faire, Joanna s’est armĂ©e de courage et de lectures fĂ©ministes qui l’ont aidĂ©e Ă  mettre des mots sur des sensations pour rĂ©apprendre Ă  dĂ©lier sa parole et s’écouter. Par ailleurs, il me semble important de transmettre ce message que l’artiste m’a confiĂ© et qui est destinĂ© Ă  l’ensemble des personnes qui Ă©couteront ce morceau, toutes celles qui se sont, un jour, retrouvĂ©es dans sa situation : « Ce qu’il s’est passĂ©, c’est grave. Ce n’est pas votre faute. Vous n’ĂȘtes obligĂ©e de rien, si ce n’est d’apaiser votre traumatisme. » Chaque chose en son temps, la lumiĂšre n’est plus si loin et Ă  ses cĂŽtĂ©s marche son Cher Égo.

Apothéose

Sartre Ă©crivait, dans L’Être et le NĂ©ant (1943) : « C’est la conscience dans son ipsĂ©itĂ© fondamentale qui permet l’apparition de l’ego dans certaines conditions. » On a tendance Ă  bien trop le voir comme une partie diabolique de notre personne, alors qu’il peut ĂȘtre une arme pour continuer d’avancer vers un Ă©panouissement personnel lorsqu’on se situe encore dans les tĂ©nĂšbres, lesquels ne sont pas une fatalitĂ©. Alors Ă  la question l’Apocalypse Ă©tait-elle un mal nĂ©cessaire Ă  la reconstruction, Joanna me rĂ©pond cash : ­« ­CarrĂ©ment. Ce morceau, c’est l’illustration de comment je gĂšre mon anxiĂ©tĂ©. Si je ne peux pas en faire grandchose, autant profiter de la vie. J’y parle d’amour, d’amitiĂ©, de relation amoureuse et de relation sexuelle, on n’a pas le temps de tourner autour du pot, ça ne sert Ă  rien de faire sembler, restons qui nous sommes dans notre entiĂšretĂ©. » Avec ­Apocalypse, Joanna renaĂźt dans ce traquenard qu’est la vie. Elle nous plonge dans son mĂ©tavers aux bass lines fĂ©briles dignes d’un 6 heures du matin, en banlieue parisienne, en sortie de warehouse. On se laisse porter par la vie au lever du soleil, un sentiment de toute-puissance nous anime et, comme elle, on se concentre sur des sensations agrĂ©ables, en allant Ă  l’essentiel, pour vivre des expĂ©riences positives. « C’est mon mood. » L’album Where’s The Light? de Joanna dispo sur toutes les plateformes dĂšs le 24 nov. ; IG : @joannaclubbb 79


HORS DU COMMUN Retrouvez votre prochain numéro en décembre en abonnement avec et avec dans une sélection de points de distribution et sur abonnement. LITTLE SHAO/RED BULL CONTENT POOL

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PERSPECTIVES

LARS PETTER JONASSEN

Expériences et équipements pour une vie améliorée

AVENTURES EN NORVÈGE

Bienvenue aux Ăźles Lofoten.

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PERSPECTIVES Voyage

« Bains glacĂ©s, hors-bord et poisson. Au cƓur de la NorvĂšge, laissez-vous charmer par les Ăźles Lofoten, la vitesse en mer et le confort sur terre. »

K

lippfisk. Skrei. Wild cod. Trois noms pour dĂ©signer ce hĂ©ros local devenu indissociable de la vie des habitant·e·s des Ăźles ­Lofoten. Plus connu chez nous sous le nom de cabillaud ou de morue, ce poisson est Ă©galement devenu mon pain quotidien Ă  cĂŽtĂ© des autres spĂ©cialitĂ©s dont regorgent les Lofoten, ces quatrevingt Ăźles norvĂ©giennes situĂ©es au nord du cercle polaire. Moi, c’est Nina. RĂ©dactrice pour The Red Bulletin, je vais me lancer dans un concentrĂ© d’action de six jours avec au programme kayak, excursion en bateau Ă  moteur dans un fjord, sortie de pĂȘche en mer du Nord et mĂ©lange trĂšs spĂ©cial de surf et de vol. Ma guide ? Ragnhild ­Pedersen I­ ndresand, 26 ans, originaire de SvolvĂŠr, une petite bourgade de pĂȘcheurs coincĂ©e entre mer et montagnes. Une Mac Gyver au fĂ©minin qui dispose 82

disputent quelques poissons. Les emd’un plan B, C ou D pour l’escalade, le bruns de la mer du Nord nous assaillent kayak et le surf. Aujourd’hui, elle et son de tous cĂŽtĂ©s, et une personne dans fiancĂ© Laurids nous accompagnent sur mon dos hurle de joie, grisĂ©e par cette un bateau pneumatique semi-rigide Ă  chevauchĂ©e sauvage. Quand les seune vitesse de 40 nƓuds (environ cousses se font trop fortes, il faut quitter 75 km/h). Nous progressons le long des son siĂšge pour s’agripper aux poignĂ©es fjords jusqu’au Trollfjord, impressiondu bateau et mĂ©nager sa colonne vertĂ©nant bras de mer de deux kilomĂštres sibrale. Et mĂȘme si l’ñpre beautĂ© du paytuĂ© dans le dĂ©troit de Raftsund dont la sage nous laisse bouche-bĂ©e, mieux largeur n’excĂšde pas la centaine de vaut fermer son clapet pour Ă©viter une mĂštres Ă  cet endroit-lĂ . Notre petit bonne rasade d’eau de mer. AprĂšs cette groupe se compose de voyageurs et montĂ©e d’adrĂ©naline, voyageuses solitaires nous retournons dans aguerri·e·s par le notre hĂ©bergement froid : Cameron, du de SkĂ„rungen dans Colorado, Marit, de le village de Kabelvag. NorvĂšge, un intrĂ©pide Je commence Ă  combaroudeur allemand, prendre le sens du ­Thomas, et moimot « hyggelig » : mĂȘme. Au-dessus de Nina Kaltenböck (Ă  gauche) et terme d’origine danos tĂȘtes, mouettes la guide du groupe, Ragnhild Pedersen noise et norvĂ©gienne et aigles de mer se Indresand, originaire de SvolvĂŠr. THE RED BULLETIN

LARS PETTER JONASSEN

Nina Kaltenböck, rédactrice pour The Red Bulletin


PERSPECTIVES Voyage

Un dĂ©cor de carte postale nous attend Ă  HenningsvĂŠr, village de pĂȘcheurs de 500 Ăąmes. AmitiĂ©s sans frontiĂšres : l’AmĂ©ricain Cameron (Ă  gauche) et l’Allemand Thomas m’accompagnent pour un tour en hors-bord de SvolvĂŠr au Trollfjord (Ă  gauche).

Nous filons à 40 nƓuds le long des fjords de la mer du Nord à bord d’un bateau pneumatique. THE RED BULLETIN

dĂ©signe tout ce qui est confortable, douillet, apaisant, rĂ©confortant et traduit parfaitement nos conditions paradisiaques : feu crĂ©pitant, soupe de moules aux artichauts et morue obligatoire tout en planifiant notre lendemain. PDG de NorrĂžna Hvitserk ­Adventure, Marit Vidnes, la NorvĂ©gienne du groupe, m’accompagnera pour une intense sĂ©ance de sauna dans un cube vitrĂ© au milieu des montagnes enneigĂ©es, avant de nous dĂ©tendre dans un jacuzzi. Je lui demande comment sont les gens du pays. « Ils sont rĂ©servĂ©s, un peu distants de prime abord, et ne se mettent jamais en avant. C’est pour ainsi dire une loi tacite. » Je confirme : ici, on ne se vante pas de sa rĂ©ussite sociale (la NorvĂšge fait partie des cinq pays les plus riches au monde), de ses exploits sportifs ou de son intelligence. Marit est bientĂŽt prĂȘte pour un polar plunge, un saut en bikini dans la mer du Nord Ă  six degrĂ©s. 83


PERSPECTIVES Voyage

SvolvĂŠr LOFOTEN

NorvĂšge Oslo

Comment s’y rendre ? Le voyage en vaut la peine On rejoint SvolvĂŠr ou Ballstad sur les Ăźles Lofoten via les aĂ©roports d’Oslo et BodĂž. De lĂ , il suffit de louer un vĂ©hicule.

À chaque saison son charme En hiver, entre octobre et avril, les aurores borĂ©ales illuminent le ciel.

Bon Ă  savoir

84

L’imperturbable Roland Hummer m’initie aux joies de l’e-foil.

filme la scĂšne et les commentaires des ­tĂ©moins : “Now you have to buy the boat!” Si une biĂšre coĂ»te 10 € ici, combien vaut un kayak tout neuf. 50 biĂšres, 70
 ? Je suis interrompue dans mes laborieux calculs par un Ă©nergumĂšne filant Ă  plus de 50 km/h sur l’eau : ­Roland ­Hummer, originaire d’Autriche comme moi. Pour celles et ceux qui ne connaissent pas l’e-foil, ou surf Ă©lectrique : on dirait un homme du futur survolant les eaux sur une planche de surf Ă©quipĂ©e d’un hydrofoil Ă  moteur. Roland me propose une petite introduction : je n’avais jamais pratiquĂ© un sport nautique aussi marrant et aussi excitant. Un vrai coup d’adrĂ©naline ! PlongĂ©e en eaux froides, vol sur les eaux, surf Ă  gogo, j’ai tout vĂ©cu 
 mais n’ai pas pu admirer les aurores borĂ©ales. On reviendra, trĂšs vite !

adventure.norrona.com ; norrona.com THE RED BULLETIN

NINA KALTENBÖCK

Je l’imite et me sens complĂštement rĂ©veillĂ©e ! AprĂšs une excursion dans le village de pĂȘcheurs de HenningsvĂŠr, nous rejoignons Ballstad, autre village de pĂȘcheurs de 832 Ăąmes. Nous prenons nos quartiers dans la magnifique Hattvika Lodge puis je me prĂ©pare Ă  une sortie en kayak. PassionnĂ©e des activitĂ©s en plein air, Raga (pour Ragnhild) m’en enseigne les bases. « Serre bien les jambes et dĂ©tends-toi au niveau des hanches. La force vient de la rotation du torse, pas des bras », m’explique-t-elle avant de disparaĂźtre sur ses skis avec une partie du groupe dans son sillage. En hĂŽte chaleureux, Kristian BĂže, le propriĂ©taire de la Hattvika Lodge, m’accompagne pour une paisible traversĂ©e en kayak avec trois habituĂ©s
 jusqu’à un passage plus Ă©troit que prĂ©vu oĂč l’avant de mon kayak heurte un rocher de plein fouet. Bam !­Cameron

LARS PETTER JONASSEN, ROLAND HUMMER/@MY_EFOIL

La morue est sĂ©chĂ©e sur d’immenses Ă©chafaudages en bois. Kevin Karlsson fait le bonheur de nos papilles au Fangst (Ballstad) (en haut). Kristian BĂže, mon guide de kayak, me fait dĂ©couvrir le versant maritime des Lofoten (en bas).

NorrĂžna Hvitserk Adventure est une agence de voyages spĂ©cialisĂ©e dans les sĂ©jours en NorvĂšge. L’annĂ©e derniĂšre, elle s’est associĂ©e Ă  ­NorrĂžna, une marque spĂ©cialisĂ©e dans le sport de plein air. Mon ­sĂ©jour : Winter ­Adventure in ­Lofoten. adventure.norrona.com



PERSPECTIVES Fitness on pense aux gants et aux moufles, mais pas uniquement. « MĂȘme par des tempĂ©ratures au-dessus de zĂ©ro, le fait de garder des pieds froids et humides trop longtemps peut avoir des consĂ©quences irrĂ©versibles », nous avertit Leah Gruhn, qui a remportĂ© l’édition 2023 de l’Iditarod Trail Invitational, une course cycliste de 21 jours et 1 600 km Ă  travers l’Alaska, dans des conditions glaciales. C’est pour cela qu’elle conseille de porter des chaussures de cyclisme doublĂ©es de nĂ©oprĂšne ou des bottes avec des chaussettes bien chaudes. Pour les longs trajets, ou lorsqu’il fait trĂšs froid, enfilez un sac plastique sous ses chaussettes – ça les empĂȘche d’absorber la sueur et garde les pieds secs.

COUPS DE FRAIS

Petit coup de chaud

Selon Alice Goodridge, coach en natation, il y a de nombreux avantages Ă  faire du sport en plein air, mĂȘme en plein hiver. Goodridge est la fondatrice de SwimWild, une entreprise basĂ©e dans les Highlands Ă©cossais et spĂ©cialisĂ©e dans la nage en eaux vives : elle a l’habitude d’aller nager toute l’annĂ©e, quelle que soit la tempĂ©rature de l’eau, ce qui l’amĂšne rĂ©guliĂšrement Ă  devoir percer des trous dans la glace (photo). « AprĂšs avoir nagĂ© dans l’eau glacĂ©e, on ressent une incroyable sensation, comme de l’euphorie, explique-t-elle. Physiquement, on pourrait conquĂ©rir le monde. » Un constat que partage la NorvĂ©gienne Abelone Lyng, championne d’ultra-trail : pour elle, l’exercice par temps froid rend Ă©galement plus rĂ©sistant·e : « Si vous ĂȘtes sorti·e pour courir lorsqu’il faisait trĂšs froid, il sera plus facile de rĂ©sister aux alĂ©as climatiques lors d’une course cruciale. » 86

Au-delĂ  de ces simples constats, il y a des preuves scientifiques : en 2021, l’International Journal of Environmental Research and Public Health publiait des Ă©tudes ­indiquant que l’exposition ­rĂ©pĂ©tĂ©e au froid rĂ©duisait les battements cardiaques et ­favorisait la vasoconstriction, ce qui avait pour effet d’augmenter les perfs sportives et de booster le mĂ©tabolisme. Avec un bon Ă©quipement et quelques bons conseils, faire du sport par temps froid peut mĂȘme ĂȘtre beaucoup plus stimulant qu’en plein Ă©tĂ©. Alice Goodridge, Abelone Lyng et la cycliste amĂ©ricaine Leah Gruhn dĂ©voilent leurs tuyaux.

contraire se concentrer sur l’expiration – expirer va vous permettre de dĂ©passer vos ­limites mentales, et ainsi d’éviter potentiellement ce qu’on appelle le choc hypothermique, qui vous conduit Ă  hyperventiler face au froid. »

Pensez Ă  vos pieds

Par temps froid, ce sont les extrĂ©mitĂ©s qui dĂ©gustent en premier. Et une fois qu’elles sont engourdies, difficile de les faire bouger. Évidemment,

Inverser ses réflexes

Le premier conseil de Good­ ridge s’applique dĂšs que l’on rentre dans l’eau glacĂ©e : ­« À ce moment-lĂ , on a le souffle coupĂ© et instinctivement, on prend une inspiration, ­explique-t-elle. Il faut au

« On pourrait conquérir le monde. » Alice Goodridge, de SwimWild

L’hydratation !

À des tempĂ©ratures de − 20 °C, l’eau de la gourde « se transforme vite en gros glaçon », rappelle Lyng. En revanche, boire du chaud permet de rĂ©chauffer son corps : « Lors de la course Ice Ultra, on nous donnait de l’eau chaude tous les 10 km. J’avais toujours sur moi des sachets de poudre aux fruits ou au chocolat, et je m’en prĂ©parais dans les stands de secours. » Et si l’on ne dispose pas d’un staff pour nous approvisionner en eau chaude, une gourde isotherme fera l’affaire.

IG : @swimwild_uk ; @abelonely ; @leahgruhn THE RED BULLETIN

HOWARD CALVERT

Faire du sport en plein air quand il gùle dehors, ça ne vous tente pas ? Les avantages sont pourtant nombreux – si vous suivez de bons conseils.

MĂȘme avec les bons vĂȘtements, on finit par ressentir le froid. Abelone Lyng, qui a remportĂ© l’ultra-trail Beyond the Ultimate Ice Ultra en 2019 – une course de 230 km en autonomie Ă  travers le cercle arctique – a trouvĂ© la parade : « J’utilise une compresse chauffante, que je place dans une de mes mitaines et que je change de cĂŽtĂ© dĂšs qu’une main est rĂ©chauffĂ©e afin d’éviter la transpiration. Pour plus d’efficacitĂ©, placez-la Ă  l’intĂ©rieur du poignet. »

JANE BARLOW/PA/PICTUREDESK.COM

Nage de glace


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L’ÉLITE DE LA PERFORMANCE

Avec le PC MSI Stealth 16 Mercedes-AMG Motorsport, les constructeurs informatique et automobile signent une collaboration unique : le premier PC co-brandĂ© MSI × Mercedes AMG, qui vise Ă  offrir une expĂ©rience de jeu ultime et luxueuse. Thomas Drouet, pilote de compĂ©tition en GT3 et g ­ amer acharnĂ©, est ­l’ambassadeur d’un PC qui passionnera les fous de performance informatique et de sports mĂ©caniques.

D

es circuits automobiles aux jeux de simulateurs sur PC, jamais la frontiĂšre entre pilotage IRL et ­virtuel n’a Ă©tĂ© aussi mince. ­Thomas Drouet, pilote GT3 de l’écurie­ ­Akkodis-ASP Team, est le symbole de cette symbiose de performance tout-­ terrain. « Avant mĂȘme de devenir un ­pilote GT3, j’étais un gamer aguerri, ­explique Thomas. Adolescent, j’ai d’abord fait l­ ’acquisition d’un PC MSI, qui m’a ­p ermis de me confronter Ă  des jeux trĂšs exigeants en termes de performance comme de puissance. Puis j’ai trĂšs vite basculĂ© vers les composants MSI, notamment les cartes graphiques. C’est une marque Ă  laquelle je peux faire confiance, comme je peux me fier Ă  la Mercedes-­ AMG Ă  laquelle je confie mon destin en compĂ©tition. » CĂŽtĂ© circuits, la passion du pilotage est dĂ©jĂ  une vieille histoire pour ce jeune

« Comme ma voiture de compĂ©tition doit ĂȘtre au summum de ses possibilitĂ©s et de sa puissance, mon PC MSI Stealth 16 MercedesAMG Motorsport atteint lui aussi des sommets de performance. »

THOMAS DROUET

PC MSI Stealth 16 Mercedes-AMG Motorsport

athlĂšte de 24 ans. « Comme beaucoup de pilotes confirmĂ©s, j’ai commencĂ© par le karting, dĂšs mes 8 ans, puis Ă  17 ans, gagnĂ© par la fiĂšvre de la compĂ©tition et de la vitesse, j’ai intĂ©grĂ© la Formule 4. Je rĂȘvais dĂ©jĂ  du GT
 J’ai intĂ©grĂ© la catĂ©gorie GT4 en 2018, et la GT3 en 2021. J’ai Ă©tĂ© Champion de France GT4 en 2021, et Vice-Champion d’Europe Silver en GT3, la catĂ©gorie Junior, sur les ­s aisons 2021 et 2022. » Le talent français, en pleine ascension, Ă©tait donc un ambassadeur de choix pour MSI, l’un des rares Ă  pouvoir incarner Ă  merveille l’association entre deux entitĂ©s rĂ©putĂ©es pour leur technologie et leur performance : le mix de gaming et de compĂ©tition automobile. Qu’il soit sur circuit Ă  prĂšs de 300 km/h au volant de sa Mercedes-AMG GT3 Evo, ou chez lui en quĂȘte de vitesse sur un jeu de simulation, Thomas est toujours lĂ  oĂč il doit ĂȘtre, en confiance, dans une zone de performance et de fiabilitĂ© extrĂȘmes. « Chez moi, une fois mon PC MSI Stealth 16 Mercedes-AMG Motorsport allumĂ©, je bascule sur un autre type de circuit, virtuel. En tant que gamer, j’aborde la course autrement, mĂȘme si le rĂ©alisme de ces compĂ©titions virtuelles et la puissance d’exĂ©cution de mon PC MSI me rappellent la rĂ©alitĂ© des circuits. C’est bluffant. Avec le PC dĂ©veloppĂ© par MSI en collaboration avec MercedesAMG Motorsport, j’ai la sensation de glisser naturellement de la fulgurance des circuits Ă  un monde virtuel ou ma quĂȘte de vitesse devient plus ludique. » Mais pour ce fan du fameux circuit NĂŒrburgring Nordschleife (Allemagne), le gaming n’est pas qu’une activitĂ© de ­loisir. En compĂ©tition auto, le jeu, poussĂ© au plus haut niveau, en mode esport, revĂȘt dĂ©sormais une importance cruciale. « Un PC, c’est Ă©galement essentiel aux pilotes avant les courses lors de nos sĂ©ances sur le jeu Assetto Corsa Competizione, qui peuvent nous rapporter des points pour notre championnat IRL rĂ©el, le Championnat Fanatec Esports GT Pro Series. Car performer ou non, en simulateur, pourra changer l’issue d’un championnat trĂšs serré  L’esport et le p ­ ilotage IRL ne font dĂ©sormais plus qu’un. »


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L’ALLIANCE PARFAITE

UNE ALLIANCE PARFAITE Son design collaboratif allie harmonieusement l’élĂ©gance subtile de Mercedes-Benz Ă  des accents rouges frappants qui symbolisent Ă  la fois la performance AMG et l’esprit bouillonnant de MSI. Au-delĂ  de sa ligne, la performance est au cƓur du PC MSI Stealth 16 Mercedes-AMG Motorsport : MSI et Mercedes-AMG sont motivĂ©s par la performance, la technologie et le savoir-faire. Mercedes-AMG dĂ©fend le concept de « Changer le jeu », tandis que MSI s’est constamment engagĂ© dans des innovations rĂ©volutionnaires qui amĂ©liorent l’expĂ©rience de jeu.

Pour ce pilote engagĂ© sur le Fanatec GT World Challenge Europe cette ­s aison, la collaboration entre MSI et Mercedes-AMG Motorsport Ă©tait une Ă©vidence. Et la justesse de cette association entre deux entitĂ©s ultra-­ crĂ©dibles et hyper fiables ne f­ aisait aucun doute. « En fait, je me rends compte que j’ai toujours roulĂ© avec des pros, dit Thomas. C’est pour cela que j’ai toujours fait confiance Ă  MSI. Alors, comme moi, avec le PC MSI Stealth 16 Mercedes-AMG Motorsport, entrez dans un univers de performance ultime. »

Le PC MSI Stealth 16 MercedesAMG Motorsport est disponible exclusivement chez Boulanger. @msi_france ; @msigaming_france ; @mercedesamgmotorsport ; @thomas_drouet

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VISION NOCTURNE IWC SCHAFFHAUSEN PILOT’S WATCH AUTO­MATIC 41 BLACK ACES DĂ©veloppĂ© en partenariat avec la marine amĂ©ricaine, le cadran blanc de cette montre s’éclaire d’une ­lumiĂšre verte dans l’obscuritĂ© pour une visibilitĂ© optimale jusqu’au bout de la nuit. 7 500 € ; iwc.com

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Country Project Management Marin Heitzler

Ventes médias & partenariats Mark Bishop, mark.bishop@redbull.com

Direction artistique Marion Bernert-Thomann, Miles English, Tara Thompson Maquette Martina de Carvalho-Hutter, Kevin Faustmann-Goll, Carita Najewitz RĂ©daction photo Eva Kerschbaum (dir.), Marion Batty (adj.), Susie Forman, Tahira Mirza, Rudi Übelhör Gestion de la rĂ©daction Marion Lukas-Wildmann Managing Editor Ulrich Corazza

The Red B ­ ulletin est distribuĂ© chaque mois dans six pays. Vous d ­ Ă©couvrez ici la couverture de l’édition britannique, dĂ©diĂ©e au king du SuperEnduro, Billy Bolt. Le plein d’histoires hors du commun sur redbulletin.com

Global Content Tom Guise (dir.), Lou Boyd Responsable des contenus audios Florian Obkircher Gestion de l’édition Sara Car-Varming (dir.), Ivona Glibusic, Melissa Stutz (Innovator) Directeur Ventes mĂ©dias & partenariats Lukas Scharmbacher

Distribution et projets spĂ©ciaux Marie-Maxime Dricot Traductions et adaptations Willy Bottemer, ValĂ©rie Guillouet, Claire Schieffer, Jean-Pascal Vachon, Gwendolyn de Vries SecrĂ©tariat de rĂ©daction Audrey Plaza Abonnement Prix : 12 €, 10 numĂ©ros/an getredbulletin.com SiĂšge de la rĂ©daction 29 rue Cardinet, 75017 Paris +33 (0)1 40 13 57 00 Impression Quad/Graphics Europe Sp. z o.o., PuƂtuska 120, 07-200 WyszkĂłw, Pologne Ventes mĂ©dias & partenariats Yoann Aubry, yoann.aubry@redbull.com +33 (0)7 64 15 29 60

THE RED BULLETIN Suisse, ISSN 2308-5886 RĂ©daction Anna Mayumi Kerber (dir.), Christine Vitel SecrĂ©tariat de rĂ©daction Lucie DonzĂ© Country Project Management Meike Koch Ventes mĂ©dias & partenariats Christian BĂŒrgi (dir.), christian.buergi@redbull.com Marcel Bannwart, marcel.bannwart@redbull.com Michael WiprĂ€chtiger, michael.wipraechtiger@redbull.com

Date de parution / DĂ©pĂŽt lĂ©gal Novembre 2023 / À parution

Goldbach Publishing Marco Nicoli, marco.nicoli@goldbach.com

THE RED BULLETIN Allemagne, ISSN 2079-4258

THE RED BULLETIN USA, ISSN 2308-586X

RĂ©daction David Mayer

RĂ©daction Peter Flax (dir.), Melissa Gordon, Nora O’Donnell

Gestion de projet crĂ©ation senior Elisabeth Kopanz Direction artistique Peter Knehtl (dir.), Lisa Jeschko, Araksya Manukjan, Julia Schinzel, Florian Solly Direction Publishing Operations Sigurd Abele Direct to Consumer Business Peter Schiffer (dir.), Marija Althajm, Victoria SchwĂ€rzler, YoldaƟ Yarar Manager Vente et projets spĂ©cifiques Klaus Pleninger Service de publicitĂ© Manuela BrandstĂ€tter, Monika Spitaler Fabrication & Production Veronika Felder (dir.), Martin Brandhofer, Walter O. SĂĄdaba, Sabine Wessig Lithographie Clemens Ragotzky (dir.), Claudia Heis, Nenad Isailovic, Sandra Maiko Krutz, Josef MĂŒhlbacher

SecrĂ©tariat de rĂ©daction Hans Fleißner (dir.), Petra Hannert, Monika Hasleder, Billy Kirnbauer-Walek

Secrétariat de rédaction David Caplan

Country Project Management Natascha Djodat

Country Project Management Branden Peters

Ventes mĂ©dias & partenariats ­ Thomas Hutterer (dir.), Michael Baidinger, Franz Fellner, Ines Gruber, Moritz Philipp Haaf, Wolfgang Kröll, Gabriele Matijevic-Beisteiner, Yvonne Mensik, Alfred Minassian, Nicole Okasek-Lang, Britta Pucher, Nicole Umsait, Johannes Wahrmann-SchĂ€r, Ellen Wittmann-Sochor, Ute Wolker, Christian Wörndle, Sabine Zölß

Ventes médias & partenariats Marissa Bobkowski, marissa.bobkowski@redbull.com Tanya Foster, tanya.foster@redbull.com Todd Peters, todd.peters@redbull.com Dave Szych, dave.szych@redbull.com

Finances Mariia Gerutska (dir.), Nora Kovacs-Horvath Assistante du Management général Sandra Stolzer Directeur général Red Bull Media House Publishing Stefan Ebner

Les journalistes de SO PRESS n’ont pas pris part Ă  la rĂ©alisation de The Red Bulletin. SO PRESS n’est pas r­ esponsable des textes, photos, ­illustrations et dessins qui engagent la seule responsabilitĂ© des autrices et des auteurs.

Adresse Am GrĂŒnen Prater 3, A-1020 Wien, TĂ©lĂ©phone: +43 1 90221-0, redbulletin.com PropriĂ©taire, Ă©diteur et rĂ©daction Red Bull Media House GmbH, Oberst-Lepperdinger-Straße 11–15, A-5071 Wals bei Salzburg, Autriche FN 297115i, Landesgericht Salzburg, ATU63611700 Directeurs gĂ©nĂ©raux Dietmar Otti, Christopher Reindl, Marcus Weber

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THE RED BULLETIN Autriche, ISSN 1995-8838 RĂ©daction Nina Kaltenböck (dir.), Lisa Hechenberger SecrĂ©tariat de rĂ©daction Hans Fleißner (dir.), Petra Hannert, Monika Hasleder, Billy Kirnbauer-Walek Country Project Management Julian Vater Ventes mĂ©dias & partenariats Thomas Hutterer (dir.), Michael Baidinger, Franz Fellner, Ines Gruber, Moritz Philipp Haaf, Wolfgang Kröll, Gabriele Matijevic-Beisteiner, Yvonne Mensik, Alfred Minassian, Nicole Okasek-Lang, Britta Pucher, Nicole Umsait, Johannes Wahrmann-SchĂ€r, Ellen Wittmann-Sochor, Ute Wolker, Christian Wörndle, Sabine Zölß

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P O U R FI N I R E N B E AU T É

C’est un gros classique d’octobre sur Red Bull TV : le Red Bull Rampage, la plus grande compĂ©tition de VTT freeride au monde, organisĂ©e dans le dĂ©sert de l’Utah (USA). Les riders internationaux les plus engagĂ©s s’y lancent chaque annĂ©e, accompagnĂ©s de quelques potes, pour crĂ©er de leurs mains des lignes insensĂ©es. Chaque Ă©dition semble surclasser la prĂ©cĂ©dente et ce fut encore le cas le 13 octobre dernier. Vous voyez ici Cam Zink, vainqueur treize ans aprĂšs son premier sacre, exĂ©cuter un backflip d’anthologie. « J’ai l’impression d’avoir touchĂ© les Ă©toiles », a lĂąchĂ© l’AmĂ©ricain aprĂšs sa victoire. Nous aussi.

Le prochain THE RED BULLETIN sortira le 11 janvier 2024

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Jusqu’oĂč iront-ils ?


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* Les accessoires offerts sont fournis pendant une durée limitée et ne sont pas couverts par la garantie standard MSI. ** Les accessoires offerts peuvent varier selon le pays. Veuillez vérifier auprÚs de votre revendeur local.


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