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Massif du Mont-Blanc : identification d’une structure hydrogéologique majeure Jean-Christophe Maréchal To cite this version: Jean-Christophe Maréchal. Massif du Mont-Blanc : identification d’une structure hydrogéologique majeure. La Houille Blanche - Revue internationale de l’eau, 2000, 6, pp.78-86. ฀hal-00466779฀ HAL Id: hal-00466779 https://hal.science/hal-00466779 Submitted on 24 Mar 2010 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of scientific research documents, whether they are published or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés. 1 Massif du Mont-Blanc : identification d’une structure hydrogéologique majeure par Jean-Christophe Maréchal Jean-Christophe Maréchal, LGIH, Université de liège, B-19, 4000 LIEGE, Belgique (tel : 00 32 4 366 20 34, fax : 00 32 4 366 28 17, E-Mail : jc.marechal@ulg.ac.be) Résumé L’hydrogéologie des massifs cristallins alpins est encore fortement méconnue. La compréhension du stockage de l’eau souterraine et de la localisation des réserves revêt une importance d’autant plus grande que le tourisme ne cesse de se développer dans ces régions. Le tunnel routier du Mont-Blanc offre une belle opportunité d’observer l’aquifère cristallin en profondeur. Cet ouvrage a traversé durant son percement une « structure hydrogéologique majeure », à l’origine de fortes venues d’eau (environ 1000 l/s) durant les travaux. Les forts débits encore présents actuellement (environ 200 l/s) indiquent que l’accident tectonique en cause est à l’origine d’une ressource en eau importante et pérenne. Les observations effectuées sur les venues d’eau concernées permettent de préciser le fonctionnement de cette structure hydrogéologique au sein du Massif du Mont-Blanc. La zone consiste en un accident tectonique subvertical, traversé par le tunnel sur une longueur de 600 mètres, dans lequel la densité de fracturation s’accroît sensiblement. Une tectonisation plus intense s’est exprimée par des phénomènes de cataclase et mylonitisation qui ont transformé par endroits le granite en matériaux argileux. La zone est constituée d’un empilement horizontal de panneaux étanches et de panneaux perméables, à l’origine de nombreuses venues d’eau différenciées. Son rôle hydrogéologique est celui d’un drain vertical longeant et cloisonnant le massif. L’accident tectonique, siège de nombreuses venues d’eau dans le tunnel, est accompagné d’une chute de température des eaux. Cette anomalie géothermique négative, liée aux fortes infiltrations d’eau froide provenant des glaciers et circulant en profondeur, était déjà présente avant le percement du tunnel. Ceci indique l’existence d’importantes circulations d’eau dans la zone avant le percement du tunnel. Cette zone est alimentée par la fonte des neiges au début de l’été, au niveau du Glacier du Géant et plus probablement du Glacier de Toule. L’hydrogramme de crue est fortement écrêté par d’autres exutoires jouant le rôle de trop-pleins (écoulements hypodermiques vers des sources de la vallée). Le sommet de la crue, accompagné d’un phénomène de dilution excluant le simple effet piston, apparaît dans le tunnel au début du mois de novembre, soit quatre mois après la fonte des neiges. Ces vitesses de circulation sont confirmées par les teneurs en tritium qui sont significatives de temps de transit de l’ordre de une année, ainsi que par un essai de traçage. Les analyses chimiques montrent que les eaux situées de part et d’autre de la zone tectonisée sont de nature très différente. L’accident joue non seulement un rôle de drain, mais également de cloison compartimentant les circulations d’eau dans le massif. Les observations de débits et de teneurs en tritium effectuées sur les venues situées dans le granite au cœur du massif montrent que ces eaux possèdent des vitesses de circulation relativement semblables à celles de la zone fortement tectonisée. Les fortes venues d’eau et l’anomalie géothermique de la zone tectonisée sont donc plus vraisemblablement l’effet d’une plus grande transmissivité (concentration 1 2 de fractures sur un large tronçon) plutôt que d’un accroissement local de conductivité hydraulique (fractures très ouvertes) qui auraient alors induit des circulations plus rapides. Abstract The hydrogeology of Alpine crystalline massifs is still strongly unknown. The knowledge of groundwater reserves is important as far as tourism is developing in these regions. The Mont-Blanc road tunnel allows us to observe the crystalline aquifer at a large depth. This underground work has crossed over, during the drilling, a major « hydrogeological structure », at the origin of large water inflows (1000 l/s). The large discharge rates now still present (200 l/s) indicate that the concerned tectonic accident is at the origin of an important and permanent water resource. Observations made on the concerned water inflows permit to determine the behaviour of this hydrogeological structure in the middle of the Mont-Blanc Massif. The zone consists in a tectonic subvertical accident, crossed over by the tunnel on a lenght equal to about 600 meters, in which fracturation is higher. A more intense tectonisation is illustrated by cataclase and mylonitisation phenomena which have transformed the rock at some places in clay materials. The zone is constituted by an horizontal piling of impermeable and permeable panels, which separate different water inflows. Its hydrogeological rule is a vertical drain along and separating the massif. The zone where are large water inflows, is accompanied by a water temperature decreasing. This geothermal anomaly, due to the large cold water infiltration from the glaciers was already existing before the tunnel drilling : this indicates the existence of large water flows in this zone before the tunnel drilling. This zone is recharged by snow melt at the beginning of summer, on the Glacier du Géant and more probably on the Glacier de Toule. The flood hydrograph is strongly cut by others outfalls which constitute a by-pass to the valleys (through low depth flows). The flood maximum, coupled with a dilution phenomenon excluding a simple piston effect , appears in the tunnel at the beginning of November, four months after the snow melt. These flow velocities have been confirmed by tritium analyses (medium times of transit equals to about one year) and by a tracer test. Chemical analyses show that waters situated in the two parts of the massif separated by the tectonised zone are different. The accident is a drain, but also a panel separating water flows in the massif. Hydrograph observations and tritium analyses made on water inflows situated in the granite in the middle of the massif show that these waters have flow velocities similar to these ones in the tectonised zone. The large water inflows and the thermal anomaly in the tectonised zone are thus probably the effect of a higher transmissivity (fractures concentration in a large zone) and not the effect of a local increasing of hydraulic conductivity (open fractures). 1. Introduction Les ressources en eaux souterraines de montagne sont rares et d’autant plus précieuses que le tourisme ne cesse de se développer dans ces régions. L'hydrogéologie des roches cristallines dans ce type de contexte a été peu étudiée jusqu'à présent. De nombreuses incertitudes subsistent quant au fonctionnement des aquifères cristallins montagneux; qu'il s'agisse de la perméabilité des massifs, de la vitesse de circulation des eaux ou de l'importance des réserves en jeu. Le tunnel routier du MontBlanc, percé au début des années 1960, offre une belle opportunité d'observer directement le milieu souterrain au coeur du Massif du Mont-Blanc. La coupe hydrogéologique offerte ainsi aux scientifiques permet d'observer l'aquifère en profondeur. Lors du percement du tunnel routier du Mont-Blanc, une série d’importantes venues d’eau localisées sur un tronçon de 600 mètres de longueur ont été rencontrées par l’ouvrage au cœur du granite 2 3 (Baggio et Malaroda, 1962). De forts débits sont encore présents dans cette zone quarante ans plus tard (Maréchal, 1998). Les investigations menées récemment permettent de préciser la nature et le comportement de cette structure hydrogéologique majeure au sein du massif du Mont-Blanc, ainsi que les principales caractéristiques qui la différencient du reste du massif. L’identification et la caractérisation d’une telle structure hydrogéologique revêtent de l’importance non seulement pour l’hydrogéologue dans la perspective de l’exploitation future des ressources montagneuses en eau souterraine, mais également pour l’ingénieur dans le cadre de la réalisation de d’ouvrages souterrains à grande profondeur en milieu montagneux. 2. Contexte des venues d’eau Le massif du Mont-Blanc, comme le massif des Aiguilles-Rouges, est un massif alpin à matériel hercynien et plus ancien. Constitué de terrains cristallins et cristallophylliens, il possède une forme allongée du SW au NE (figure 1). Le tunnel, perpendiculaire à l'orientation du massif, traverse celuici sous les Aiguilles du Midi et de Toule : sa longueur totale est de 11600 mètres. De l'entrée française (Chamonix), le tunnel recoupe sur 3100 m une série de schistes cristallins (figure 2). Il traverse ensuite la masse granitique centrale sur environ 6775 m avant de pénétrer dans des terrains mésozoïques essentiellement carbonatés (1300 m). Le contact entre le granite et la couverture mésozoïque est de type tectonique tandis que celui avec les schistes correspond à un métamorphisme de contact : passage progressif (425 m) du complexe schisto-cristallin au granite intrudé postérieurement. Les formations sont affectées de fractures subverticales distribuées en éventail selon une direction parallèle à l'allongement du massif (Bertini et al., 1985). Figure 1 : Carte géologique générale des Massifs Cristallins Externes du Mont-Blanc et des Aiguilles-Rouges [d’après Von Raumer, 1976]. 3 4 Les quantités d'eau enregistrées dans le tunnel routier du Mont-Blanc sont considérables : les jaugeages effectués à l'avancement ou juste après dérochement sont présentés sur la figure 2 (Baggio et al., 1960; Baggio & Malaroda, 1961; 1962; 1963; 1964a et b; Gudefin, 1967). Le débit total drainé par la galerie en cours d'avancement valait 1566 l/s. Les plus grosses venues d’eau sont localisées dans une zone fortement tectonisée, longue de 600 mètres, située dans la partie italienne du tunnel au cœur du granite, entre les PK 7,930-F et 8,530-F (PK-F : Point Kilométrique mesuré depuis l’entrée française). Elle correspond à un grand accident tectonique intra-massif dans lequel la fracturation s’intensifie. De grosses quantités d'eau y ont été rencontrées lors du percement avec des débits oscillant entre 12 et 800 l/s selon les venues situées entre les PK 7,932-F et 8,536-F, soit un total de 1084 l/s dès le percement. Les venues d'eau étaient telles qu'elles ont retardé d'un mois les travaux. Entre les PK 8,150-F et 8,530-F, Baggio & Malaroda (1960, 61, 62, 63 et 64) et Gudefin (inédits) parlent d’une zone de cataclase et mylonitisation intenses, tout comme aux environs des PK 7,950-F et 8,060-F. Elle est directement suivie par une zone extrêmement peu fracturée. Dans le tunnel, cette dernière est totalement sèche - encore actuellement une seule venue (débit inférieur à 5 l/min) est décelée entre les PK 8,523-F et 8,874-F (Maréchal, 1998). Elle joue un rôle de barrière hydraulique favorisant le stockage d'eau et les écoulements dans la zone plus fracturée qui la précède. Ainsi les eaux circulant dans le massif se concentrent dans cette zone et s'écoulent vers le tunnel. En surface, une mylonite alpine d’orientation N45°E a été observée, à proximité de la zone fortement tectonisée dans le tunnel (Antoine et al., 1978). Figure 2 : Venues d'eau enregistrées dans le tunnel du Mont-Blanc. Les débits ont été mesurés moins d’un jour après le percement. Une grosse venue est observable dans les granites aux environs du PK 8,0-F. La très forte venue enregistrée dans la partie italienne du tunnel a été précédée d'une série d’autres venues. Lors du percement, depuis l’attaque italienne, à l'intérieur de la zone tectonisée, les débits des venues d'eau ont augmenté avec l'avancement de 12 l/s au PK 8,536-F à 30 l/s au PK 8,516-F à 60 l/s au PK 8,058-F et 800 l/s pour la principale venue au PK 7,932-F (figure 3). Ce phénomène tient à la nature de la zone drainante. Celle-ci est en effet constituée d'une succession de panneaux drainants et étanches selon la nature des matériaux la constituant. Les panneaux étanches (composés de matériaux argileux, produits extrêmes de la cataclase, observés dans cette zone) s'opposent aux circulations et favorisent la concentration des écoulements au contact de la kakirite avec le granite sain (exemple du PK 8,058-F). La superposition de panneaux aux propriétés hydrogéologiques différentes est à l’origine d’une anisotropie dans le tenseur de perméabilités de la zone : celle-ci possède une fonction drainante (verticalement, selon l’orientation des panneaux) et une fonction étanche 4 5 (perpendiculairement à cette orientation). L’eau s’est alors accumulée derrière la zone et le percement du tunnel a provoqué la vidange du château d’eau ainsi constitué. Ce qui explique l’intensité de la forte venue du PK 7,932-F. Figure 3 : Fracturation et venues d’eau dans la zone fortement tectonisée du granite du Mont-Blanc. 3. Anomalie géothermique Les profils de température des venues d’eau effectués dans le tunnel suivent globalement l'évolution de l'épaisseur de la couverture rocheuse (figure 4). Sur le profil réalisé dès le percement du tunnel (1959-1962), après une augmentation progressive des températures dans les schistes cristallins et les calcaires proches des deux extrémités, les eaux atteignent un palier de température au sein du granite central. Ce palier se situe aux environs de 30°C, température relativement faible étant donné l'importante couverture rocheuse (2300 m). Le faible gradient géothermique (= 13°C/1000 m) s'explique par le relief du massif (le gradient géothermique est plus faible sous les sommets que dans les vallées), la présence d'une couverture de glaciers et l'existence de circulations d'eau. 5 6 40 Température de l'eau (°C) 35 1959-1962 1996 30 25 20 15 10 5 0 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 Distance depuis l'entrée française (km) Figure 4 : Profils de températures des venues d'eau dans le tunnel du Mont-Blanc. Traits pleins : mesures effectuées dès le percement (1959-1962). Cercles grisâtres : mesures effectuées en 1996. Une anomalie thermique négative est présente au droit de la zone à fortes venues (environs du PK 8,0F). Elle était déjà bien marquée dès le percement du tunnel; elle a joué un rôle précieux dans la galerie en réfrigérant celle-ci permettant aux ouvriers de travailler dans des conditions acceptables (Guichonet & Bernieri, 1966). Une autre petite anomalie apparaît au PK 5,000-F, liée à une autre venue d’eau. Ces anomalies thermiques sont dues aux grosses quantités d'eaux froides (provenant de la fonte des glaciers) s'infiltrant en surface et s'écoulant vers le tunnel en refroidissant le massif à l'entoure. De précédentes analyses en oxygène-18 sur les eaux du tunnel ont montré l’existence de circulations verticales entre les zones d’alimentation et le tunnel (Fontes et al., 1978). Dans la zone à grosses venues des PK 7,930-F à 8,530-F, les mesures de températures effectuées à l'avancement du tunnel (figure 4) indiquent la préexistence de circulations d'eau dans cette zone avant le percement. En effet, les équipes italiennes ont constaté après 2 km de percement, un refroidissement subit des venues d'eau dans le tunnel alors que l'épaisseur de la couverture rocheuse continuait d'augmenter. Ces informations ont conduit les équipes de forage à se méfier de l'existence d'une zone à fortes circulations et ce à juste titre, puisque ces venues ont été rencontrées quelques mois plus tard et ont provoqué un arrêt des travaux pendant un mois (Guichonet & Bernieri, 1966). Les circulations pourraient être orientées perpendiculairement à la galerie et ce, au sein de la zone fortement fracturée et tectonisée traversée par le tunnel. Celle-ci, d'orientation N45°E parallèle aux grands accidents affectant le massif (Oulianoff, 1965 ; Bertini et al., 1985), constitue un panneau plus perméable dans lequel les écoulements se concentraient avant le percement de la galerie. L'exutoire de ces circulations n'est pas formellement connu. Il peut s'agir probablement d'exutoires situés dans la vallée glaciaire de la Brenva, située quelques centaines de mètres au sud du tunnel et parallèle à celuici. Si le profil de température effectué récemment a une forme globalement similaire à celle du profil réalisé dans les instants qui ont suivi le creusement, on constate tout de même un refroidissement général des venues (figure 4). Les venues chaudes se refroidissent assez peu en général : elles passent de 30°C en moyenne à 28°C. Par contre des chutes de température importantes se sont produites dans les deux zones différenciées précédemment (tableau 1). 6 7 Zone [PK] Refroidissement entre 1961 et 1996 [°C] Vitesse de refroidissement [°C/année] 5,000 8,200 3,000 – 7,000 11 4 2 0,44 0,16 0,08 Tableau 1 : Evolution des températures des venues d'eau depuis le percement du tunnel. Les venues sont caractérisées par un refroidissement variable selon leur position. Les deux zones, sièges des deux principales venues d'eau, se sont refroidies assez sensiblement au cours des années. A l'opposé, le reste du massif (PK 3,000 – 7,000-F), moins perméable, subit un refroidissement moins important. Par ailleurs, le taux de refroidissement est directement relié à l'importance des circulations préexistant dans le massif avant le percement du tunnel. Ainsi le refroidissement est plus grand dans la zone perméable ne possédant pas ou peu d'exutoire avant le percement du tunnel : il s'agit de la zone 5,000-F, située plus à l'intérieur du massif, soit loin des exutoires potentiels. Elle possède le refroidissement le plus important de tout le tunnel. La zone du PK 8,200-F étant le siège de circulations avant le percement du tunnel, subit un refroidissement plus faible que la zone 5,000-F mais cependant plus important que la zone centrale du granite. Les observations effectuées au cours des précédentes études sur les eaux du tunnel (Baggio & Malaroda, 1962 ; Fontes et al., 1978 ; Lale Demoz, 1979 ; Dubois, 1992) permettent de préciser quelque peu l'évolution des températures depuis la réalisation de l'ouvrage (figure 5). Les venues chaudes des PK 3,500-F et 4,500-F ont évolué dans un premier temps avec un refroidissement de 2°C en près de 17 ans. Ensuite, elles ont atteint un plancher et semblent ne plus évoluer. Considérées comme représentatives du comportement général des venues chaudes, elles sont maintenant caractérisées par un état apparemment thermiquement permanent. La venue du PK 8,200-F (une des venues froides de la zone tectonisée) montre une évolution parfaitement linéaire depuis la construction du tunnel. Thermiquement, elle n'est pas encore en équilibre : son état est transitoire, elle se refroidit encore à l'heure actuelle. La venue froide du PK 5,000-F se comporte de manière intermédiaire puisqu'il semble qu'elle se soit refroidie rapidement au début suite à la mise en circulation des eaux, et évolue plus ou moins linéairement actuellement. L'évolution des températures traduit donc assez fidèlement l'influence du tunnel sur les circulations d'eau. Une modélisation mathématique des écoulements et échanges de chaleur dans le massif à très long terme (Maréchal, 1998 ; Maréchal et al., 1999) montre que c’est l’ensemble des venues d’eau dans le tunnel qui sont dans une phase de refroidissement depuis la fin de la dernière période glaciaire (moment où les infiltrations d’eaux froides sont devenues significatives sur une grande partie du massif). Le percement du tunnel a simplement accéléré ce processus de refroidissement en intensifiant vers la profondeur les circulations d’eau froide dans le massif. Les modèles mathématiques montrent que si aucun changement climatique n’intervient d’ici là, les températures se stabiliseront en-dehors de la zone tectonisée à 4,8°C dans environ 100 000 ans et dans la zone tectonisée à 0,7°C dans 50 000 ans environ (Maréchal et al., 1999). Ces résultats traduisent la grande inertie des phénomènes thermiques à l’échelle d’un tel massif montagneux. 7 8 Température de l'eau (°C) 35 30 25 20 15 10 5 Venues chaudes PK 3,500-F Venues froides PK 5,000-F PK 4,500-F PK 8,200-F 0 1960 1970 1980 1990 2000 Année Figure 5 : Evolution dans le temps de la température des venues d’eau dans le tunnel du Mont-Blanc. 4. Fonctionnement hydraulique Le débit mesuré au percement valait au total 1084 l/s dans la zone tectonisée ; après 40 jours, il valait 530 l/s (Baggio et Malaroda, 1962) et actuellement il atteint encore environ 200 l/s (Maréchal, 1998). En admettant que durant les premiers mois, le niveau statique de la nappe aquifère est resté stabilisé à 1400 m au-dessus de l’ouvrage et que l’eau fournie l’était par décompression de l’eau et du massif, l’ajustement de la décroissance de débit durant les premiers mois par la solution du puits artésien (Jacob et Lohman, 1952) permet d’estimer la conductivité hydraulique moyenne équivalente (K = T/e = 5,8.10-7 m/s) et le coefficient d’emmagasinement spécifique (Ss = S/e = 1,3.10 -5 1/m) de cette zone dont l’épaisseur vaut e = 600 m. La conductivité hydraulique moyenne équivalente de la zone tectonisée est 500 fois plus élevée que celle du reste du massif (K = 1,2.10-9 m/s; Maréchal, 1999). Entre février 1996 et janvier 1998, les débits ont été mesurés en continu par deux limnigraphes ainsi que la conductivité électrique et la température de l’eau mensuellement, dans le collecteur principal de la galerie (qui draine les eaux de façon gravitaire vers les deux sorties du tunnel), en amont (limnigraphe 1) et en aval (limnigraphe 2) de la zone fortement tectonisée. Le limnigraphe n°1 (au PK 7,930-F) totalise les venues d’eau drainées par le tunnel dans le granite fissuré entre les PK 5,800-F (ligne de partage des eaux entre les parties française et italienne du tunnel) et PK 7,930-F : les valeurs moyennes mesurées sont de l’ordre de 15 l/s pour un tronçon d’une longueur totale de 2130 mètres. Le limnigraphe n°2 (au PK 8,530-F) intègre l’ensemble des venues d’eau existant entre le PK 5,800-F et le PK 8,530-F. Par différence entre les mesures de ces deux appareils, on calcule la contribution de la zone fortement tectonisée uniquement (figure 6) : elle représente un débit moyen de 196,5 l/s pour une longueur de 600 mètres. Le débit linéaire dans la zone fortement tectonisée est cinquante fois supérieur à celui du granite normalement fissuré (tableau 2). 8 9 Paramètre Débit : QMIN Débit : QMOYEN Débit : QMAX Rapport : QMAX/QMIN Débit linéaire : QMOYEN / L Granite fissuré (PK 5,800-F - PK 7,930-F) 13,8 l/s 15,0 l/s 15,7 l/s 1,13 0,007 l/s/m Zone fortement tectonisée (PK 7,930-F - 8,530-F) 180,9 l/s 196,5 l/s 217,3 l/s 1,20 0,362 l/s/m Tableau 2 : Caractéristiques des débits mesurés. Les débits des deux zones (figure 6) varient peu au long des deux années de mesures. Il semble que les débits soient maintenant stabilisés (régime permanent) quarante ans après le percement du tunnel, indiquant que la ressource est pérenne. Une augmentation des débits correspondant à l’arrivée des eaux de fonte sur le massif a lieu durant le début de l’automne aux deux points de mesures. La faible amplitude des pics de crue (Qmax/Qmin < 1,20) implique que d’autres exutoires jouent le rôle de trop-pleins (écoulements hypodermiques dans la zone décomprimée vers les sources) et écrêtent les hydrogrammes. Ces augmentations (légèrement plus forte dans la zone tectonisée) sont accompagnées d’une diminution de la conductivité électrique de l’eau liée à un phénomène de dilution des eaux profondes par des eaux plus récentes issues de la fonte des neiges et peu minéralisées. Ce phénomène est légèrement plus marqué dans la zone tectonisée où le rapport des conductivités électriques extrêmes est plus élevé (= 1,22) qu’en-dehors de celle-ci (= 1,08). 9 10 300 Zone fortement tectonisée 275 250 225 200 175 150 févr-96 mai-96 août-96 nov-96 févr-97 mai-97 août-97 nov-97 mai-97 août-97 nov-97 mai-97 août-97 nov-97 mai-97 août-97 nov-97 Date 100 95 90 85 80 75 70 févr-96 mai-96 août-96 nov-96 févr-97 Date 20 19 18 17 16 15 14 13 12 11 10 Granite fissuré févr-96 mai-96 août-96 nov-96 févr-97 Date 170 165 160 155 150 145 140 févr-96 mai-96 août-96 nov-96 févr-97 Date Figure 6 : Evolution des débits et conductivités électriques des eaux du collecteur principal. 10 11 Le temps de réaction entre la fonte sur le massif au printemps et la crue enregistrée dans le tunnel est de quelques mois. La diminution de conductivité atteste qu’il ne s’agit pas d’un simple effet piston : les eaux arrivant dans le tunnel à l’automne sont en partie celles qui se sont infiltrées au printemps précédent. Un essai de traçage réalisé le 9 juillet 1997 entre l’affleurement de la zone fortement tectonisée au droit du tunnel à une altitude de 3300 mètres environ (rimaye du Glacier de Toule) et le tunnel a confirmé ces vitesses d’écoulement. L’uranine a été détectée dans le tunnel, près de 2000 mètres de dénivelé plus bas, durant la crue dans le courant du mois de novembre, soit environ quatre mois après l’injection (Maréchal, 1998). La réaction semblable et simultanée des deux limnigraphes indique que les circulations dans la zone tectonisée et à son amont (dans le granite normalement fissuré) sont caractérisées par des vitesses très proches. Ce résultat assez étonnant sera discuté dans la suite. Les variations de températures des eaux aux limnigraphes sont influencées par les circulations d’air dans la galerie (air plus chaud l’été que l’hiver). En conséquence, les venues d’eau sont plus chaudes durant l’été. Ces résultats ne sont donc pas interprétables d’un point de vue hydrogéologique et n’ont pas été présentés. 5. Chimie physique et isotopique Une série de 15 analyses chimiques sur 6 venues d’eau ont été effectuées durant cette étude (tableau 3). Les eaux sont typiques d’eaux issues de roches cristallines : les ions dominants sont le calcium (Ca) et les bicarbonates (HCO3), les minéralisations sont faibles (très souvent moins de 100 mg/l) et les teneurs en sulfates (SO4) et sodium (Na) élevées. Leur qualité chimique est irréprochable. Les venues issues de la zone tectonisée sont logiquement un peu moins minéralisées que les autres : les apports d’eaux récentes peu minéralisées y sont légèrement plus importants qu’ailleurs. Ce sont les teneurs en silice qui sont le plus affectées par ce phénomène, avec des teneurs en moyenne inférieures à 3 mg/l dans la zone tectonisée tandis qu’elles varient entre 10 et 25 mg/l en-dehors de celle-ci. 11 12 Code Date T C Type Ca Mg Na K HCO3 SO4 Cl H4SiO4 TDS PK 9,865 26/03/96 20,4 303 Na-(Ca)-Cl-HCO3-(SO4) 7,7 0,1 62,2 2,0 76,9 30,7 49,1 21,6 250,3 PK 9,398 26/03/96 19,1 107 Na-Ca-HCO3-SO4-(Cl) 9,2 0,0 12,9 0,9 34,9 16,4 5,1 19,2 100,7 PK 9,086 26/03/96 24,9 112 Na-Ca-HCO3-SO4-(Cl) 6,7 0,0 17,5 0,6 36,6 14,1 6,9 25,3 110,1 PK 8,231 26/03/96 7,9 68 Ca-(K)-HCO3-SO4 14,2 0,2 1,8 4,8 40,8 12,5 0,0 3,8 80,1 PK 8,231 03/06/96 8,0 67 Ca-(Na)-HCO3-SO4 12,8 0,2 2,0 2,0 29,3 13,4 1,1 5,0 66,1 PK 8,231 09/09/96 8,2 70 Ca-(Na)-HCO3-SO4 13,2 0,2 2,1 2,0 29,3 14,7 1,1 2,9 66,0 PK 8,231 10/02/97 8,1 83 Ca-(Na)-HCO3-SO4 12,6 0,2 2,1 2,0 29,3 13,4 0,9 0,8 61,8 PK 8,231 12/05/97 7,9 67 Ca-(Na)-HCO3-SO4 11,4 0,2 2,1 1,9 24,4 13,9 1,2 0,6 56,1 PK 7,933 10/02/97 8,7 89 Ca-(Na)-HCO3-SO4 10,2 0,3 3,0 2,3 24,4 14,3 0,9 6,6 62,8 PK 7,933 12/05/97 8,5 77 Ca-Na-HCO3-SO4 10,6 0,3 3,7 2,4 24,4 16,8 1,0 0,8 60,8 PK 6,109 26/03/96 29,0 97 Ca-Na-HCO3-SO4 14,4 0,1 6,9 1,0 39,6 18,9 0,5 18,4 101,9 PK 6,109 03/06/96 29,3 99 Ca-Na-HCO3-SO4 11,7 0,1 8,2 1,0 30,5 20,6 1,8 10,6 86,8 PK 6,109 09/09/96 29,4 96 Ca-Na-HCO3-SO4 11,0 0,1 7,9 1,0 29,3 19,8 1,4 23,8 96,6 PK 6,109 10/02/97 29,2 98 Ca-Na-HCO3-SO4 11,4 0,1 8,2 1,0 30,5 20,3 1,5 11,2 86,4 PK 6,109 12/05/97 29,3 98 Ca-Na-HCO3-SO4 12,0 0,1 8,1 1,0 31,7 20,6 1,5 9,9 87,3 Tableau 3 : Résultas des analyses chimiques effectuées sur les venues d’eau du tunnel du Mont-Blanc (T : température [°C] ; C : conductivité électrique [S/cm] ; TDS : minéralisation totale [mg/l]). Le type désigne le type d’eau déterminé selon la classification de Jaeckli [1970]. La minéralisation totale est calculée au moyen de la somme des concentrations en ions et silice exprimées en mg/l. Les venues échantillonnées en aval de la zone tectonisée (PK 9,086-F, 9,398-F et 9,865-F) sont de type bicarbonaté-sodique ou chloruré-sodique. Les teneurs élevées en sodium oscillent entre 13 et 62 mg/l tandis que les teneurs en calcium n’excèdent pas 10 mg/l. Les teneurs en sulfates sont comprises entre 14 et 31 mg/l. Les venues de la zone tectonisée et celles situées à l’amont sont de type bicarbonaté-calcique. Les teneurs en sulfates sont de l’ordre de 15 mg/l dans la zone tectonisée, et légèrement supérieures (20 mg/l) en amont dans le granite fissuré. Les teneurs en sodium sont inférieures à 4 mg/l dans la zone tectonisée tandis qu’elles atteignent 8 mg/l dans le granite fissuré à l’amont. Les venues suivies régulièrement (PK 6,109-F et 8,231-F) possèdent une chimie très stable à mettre en relation avec la faible variation de leurs paramètres physico-chimiques (figure 7). Ceci montre que le léger phénomène de dilution observé sur ces venues n’affecte pas la répartition des différents composants de l’eau. 12 13 25 P K 6,109-F P K 8,231-F 20 P K 7,933-F 15 10 5 1996 1997 0 Date 25 20 15 P K 6,109-F 10 P K 8,231-F P K 7,933-F 5 1996 1997 0 Date Figure 7 : Evolution dans le temps des teneurs en calcium (Ca) et sulfates (SO4) des venues d’eau. Les éléments en traces sont très présents dans les eaux du granite du Mont-Blanc : on citera principalement le strontium (Sr), le lithium (Li), le Bore (B), l’arsenic (As), le molybdène (Mo) et l’uranium (U). Ces éléments ont précédemment été identifiés comme étant de bons traceurs du granite du Mont-Blanc (Dubois, 1992). Venue PK 9,865 PK 9,398 PK 9,086 PK 8,231 PK 7,933 PK 6,109 Sr 388,7 198,5 164,3 49,0 51,1 97,3 Li 599,7 98,67 124,8 4,44 7,55 30,26 B 879,2 193,9 179,7 6,61 22,73 30,09 Al 9,52 25,86 22,07 23,38 32,49 42,78 Fe 6,51 8,98 6,47 12,97 9,01 20,04 Zn 8,54 3,24 11,57 18,1 4,52 23,89 As 9,48 6,97 16,2 2,25 7,0 14,25 Br 153 28,01 21,75 3,26 5,22 8,46 Rb 32,05 9,83 7,23 0,36 0,57 2,79 Mo 60,38 56,36 46,08 23,7 56,06 50,22 I 19,8 2,98 2,88 2,49 1,63 2,75 Cs 7,04 1,75 1,77 0,01 0,01 1,1 Ba 12,2 1,21 2,67 1,0 0,56 0,55 W 114,6 44,11 36,5 1,08 4,82 16,9 U 9,38 3,73 6,21 131,4 263,1 46,42 Tableau 4 : Teneurs des eaux en éléments en traces (exprimées en g/l). Les éléments V, Cr, Mn, Ni, Co, Cu, Cd, Pb et Th ont été dosés avec des teneurs inférieures à 1 g/l. Pour de nombreux éléments tels que As, Li, Rb et Sr, leur concentration chute dans la zone tectonisée à grosses venues d’eau (figure 8). Il en est de même pour B, Br, Cs et W. Seul l’uranium possède un comportement différent avec une augmentation des teneurs dans la zone tectonisée. Dans le massif de Belledonne, il a été montré également que l’uranium avait tendance à se concentrer dans les zones de fissures où il avait reprécipité après lessivage de la roche mère (Cruchet, 1983). Les eaux situées de chaque côté de la zone fortement tectonisée possèdent une composition en traces très différente. C’était également le cas pour les ions majeurs. Ces résultats confirment le rôle de cloisonnement que joue la zone fortement tectonisée sur les circulations d’eau dans le massif. 13 14 35 30 Rb 25 As Zone tectonisée 20 15 10 5 0 6 700 600 500 400 300 200 100 0 500 7 8 9 PM [m] depuis l'entrée italienne 10 11 10 11 10 11 Zone tectonisée Li Sr 6 7 8 9 PM [m] depuis l'entrée italienne 400 Zone tectonisée U 300 200 100 0 6 7 8 9 PK [km] de puis l'e ntré e française Figure 8 : Teneurs en éléments en traces des eaux du granite du Mont-Blanc. Des analyses de teneurs en tritium ont été effectuées sur une venue (froide) de la zone fortement tectonisée (PK 8,231-F) et une venue (chaude) située au cœur du granite (PK 6,109-F). Les données (figure 9), réparties entre 1974 (Fontes et al., 1978 ; Michelot, 1982) et 1997 (Maréchal, 1998) permettent d’effectuer un ajustement par un modèle isotopique de type Piston-Flow (Richter et al., 1992). Il montre que les temps de transit moyens de ces eaux sont faibles : de l’ordre de 1 à 2 ans, conformément aux temps calculés précédemment sur ce site (Michelot et al., 1983) et en accord avec les résultats des traçages et suivis de débits. Par ailleurs, les temps de transit ainsi calculés sont égaux dans et en dehors de la zone tectonisée : les fortes venues d’eau froide de la zone tectonisée sont donc plus vraisemblablement l’effet d’une plus grande transmissivité (concentration de fractures sur un large tronçon) plutôt que d’un accroissement de conductivité hydraulique local (fractures très ouvertes) qui aurait alors induit des circulations plus rapides. 14 15 250 1 an 2 ans 200 5 ans Tritium simulé par le modèle piston 10 ans Tritium mesuré (PK 6,109-F) 150 Tritium mesuré (PK 8,231-F) 100 50 0 74 75 76 76 77 78 79 80 81 82 83 84 85 86 87 88 89 90 91 92 93 94 95 96 Année Figure 9 : Evolution en fonction du temps de la teneur en tritium de deux venues dans le tunnel du Mont-Blanc. Ajustement par un modèle isotopique de type Piston-Flow. Les teneurs en oxygène-18, très négatives (comprises entre -14,7 et -15,7 ‰), sont indicatives d’une zone d’alimentation située à très haute altitude, conformément aux suppositions d’alimentation par les glaciers de Toule et du Géant (altitude supérieure à 3000 mètres). 6. Conclusions L’ensemble des données acquises sur les venues d’eau drainées par le tunnel routier du Mont-Blanc permettent de préciser le comportement hydrogéologique de la zone fortement tectonisée traversée par l’ouvrage, et siège d’importantes circulations d’eau. La zone consiste en un accident tectonique subvertical, traversé par le tunnel sur une longueur de 600 mètres, dans lequel la densité de fracturation s’accroît sensiblement. Une tectonisation plus intense s’est exprimée par des phénomènes de cataclase et mylonitisation qui ont transformé par endroits le granite en matériaux argileux. La zone est constituée d’un empilement horizontal de panneaux perméables et étanches. Son rôle hydrogéologique est celui d’un drain vertical longeant et cloisonnant le massif. Les circulations d’eau, présentes avant le percement du tunnel, ont été intensifiées suite au nouvel exutoire que constitue celui-ci. Un fort refroidissement des venues depuis le percement de l’ouvrage en atteste. Quarante ans après le percement du tunnel, les débits semblent maintenant stabilisés et un régime permanent s’est mis en place du point de vue hydraulique. Cette zone est alimentée par la fonte des neiges au début de l’été, au niveau du Glacier du Géant et plus probablement du Glacier de Toule. Le sommet de la crue, accompagné d’un phénomène de dilution excluant le simple effet piston, apparaît au début du mois de novembre, soit quatre mois plus tard. Ces vitesses de circulation sont confirmées par les teneurs en tritium qui sont significatives de temps de transit de l’ordre de une année, ainsi que par un essai de traçage. Les faibles variations du chimisme, comparées aux faibles variations de débit traduisent le rôle tampon joué par le massif entre la zone d’infiltration à plus de 3000 mètres d’altitude et l’exutoire dans le tunnel à 1300 mètres. 15 16 Les analyses chimiques montrent que les eaux de part et d’autre de la zone tectonisée sont très différentes. Ceci confirme le double rôle hydrogéologique joué par cette structure : drain vertical et cloison horizontale. Les observations de débits et de teneurs en tritium effectuées sur les venues situées dans le granite au cœur du massif montrent que ces eaux possèdent des vitesses de circulation relativement semblables à celles de la zone tectonisée. En conséquence, il semble que les fortes venues d’eau froide dans la zone tectonisée sont l’effet d’une plus grande transmissivité locale (concentration de fractures sur un large tronçon) plutôt que d’un accroissement de conductivité hydraulique (fractures très ouvertes). Cette structure hydrogéologique majeure est à l’origine d’une ressource importante en eau de qualité très stable, à l’abri des pollutions d’origine agricole notamment. Il convient à l’avenir d’en tenir compte lors de l’exploitation des ressources en eau du massif. Elle montre par ailleurs que les travaux souterrains dans ce type de massif réputé sec doivent être réalisés en considérant les eaux souterraines comme une donnée importante dans la conception du projet. Références bibliographiques ANTOINE P., FERAUD J. & POULAIN P.-A. (1978). - Carte géologique de la France à 1: 50 000. Feuille n° 31 Mont-Blanc. BAGGIO P., ELTER G. & MALARODA R. (1960). - Il traforo del Monte Bianco; prime osservazioni geologiche sul tratto dall'imbocco italiano alla progressiva 1300. Accad. naz. dei Lincei. Rend. Sc. fis. mat. e nat. 28, 470-477. BAGGIO P. & MALARODA R. 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