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Journal Voyageurs

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par VOLUME 1 • 2023/2024 Amdo tibétain • Ouest américain • Méditerranée Oaxaca • Okinawa • Soudan • Little New York(s) Journal
VOLUME 1 ²⁰²³⁄2024 Journal

ÉDITO

Ce printemps, le maire de Portofino, célèbre petit port de Ligurie, prenait une décision radicale : interdire aux promeneurs de s’arrêter dans deux zones très fréquentées du village, sous peine d’être verbalisés. Si elle peut sembler sévère, la mesure est symptomatique d’un phénomène de surtourisme en constante aggravation. Neuf mille visiteurs en un week-end de Pâques, contre seulement 400 habitants à l’année : Portofino sature et n’est pas un cas isolé. Des villes emblématiques comme Venise, Amsterdam, Barcelone agissent elles aussi pour juguler leurs flots touristiques, réviser leur politique d’hébergement. Parfois, c’est plus radical, comme sur l’île grecque de Zante, où la baie du Naufrage est interdite d’accès jusqu’à la fin de la saison touristique. Préserver du surtourisme les sites naturels et culturels devient notre responsabilité à tous, voyagistes et voyageurs. Les solutions sont assez simples. D’abord, ne pas laisser Instagram guider ses choix. Ensuite, voyager à contretemps, dès que possible. En dehors de quelques semaines par an, il est tout à fait envisageable d’être au calme ! Ensuite, privilégier les pays méconnus, les régions confidentielles et les alternatives à l’avion (train, road-trip, bateau) qui ouvrent de nouvelles perspectives. Personnellement, j’opte souvent pour les destinations où, a priori, personne ne veut aller : Haïti, le Soudan, le Pakistan, le Nigeria. Accompagné d’un fixeur, en s’assurant d’être toujours en sécurité, ce sont des pays fascinants. Je ne le recommande pas à tout le monde, mais il est également possible d’appliquer le contre-courant sur des pays très sollicités. Question de volonté et d’inspiration.

Un dernier point sur lequel notre nouveau magazine Voyageurs espère bien vous éclairer.

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JEAN-FRANÇOIS RIAL Pdg de Voyageurs du Monde
© Prudence Dudan (ci-contre&en couverture)
Redonner du peps et du pop à des cartes postales vintage, c’est tout l’art, infiniment sphérique et féerique, de l’illustratrice Prudence Dudan. En couverture, le métro de Hong Kong fraîchement inauguré dans les années 1980.

SOMMAIRE

VOYAGEURS JOURNAL / VOLUME 1

VERSUS

Tartu vs. Bodo, capitales européennes de la culture 2024

PAGES. 8 — 9

UN DIMANCHE À…

Athènes, grâce aux conseils précieux de la conciergerie Voyageurs du Monde

PAGE. 10

UN MOT, UN CONCEPT

“Saunanjälkeinen”, en finnois : l’état post-sauna

PAGE. 11

CEUX QUI FONT…

L’Islande

PAGES. 12 — 15

LA FABRIQUE À SOUVENIRS

We are family

PAGES. 20 — 21

BOUCHE-À-OREILLE

Le chef Jean Imbert signe la nouvelle carte du Steam Ship Sudan, le bateau emblématique de Voyageurs du Monde

PAGE. 22

LE MONDE EN SÉRIES

Visiter la Corée du Sud depuis son canapé

PAGE. 23

BOOK LOVERS

La littérature de voyage de Vanessa Schneider, écrivaine et journaliste

GÉOPOLITIQUE DU VOYAGE

Le Pakistan

PAGES. 32 — 33

ENTRETIEN

Petite conversation sur le monde entre Richard Collasse, romancier et amoureux du Japon, et Jean-François Rial, pdg de Voyageurs du Monde

PAGES. 34 — 37

SNAPSHOT

L’instantané de Matthieu Paley

PAGES. 38 — 39

NOUVEAUX HÉROS

Gardiens des océans : cinq activistes bien décidés à rendre le monde meilleur

PAGES. 40 — 41

TRAINS DE VIE

Goodnight-Express

PAGES. 42 — 43

TENDANCE

Dix tented rooms d’exception pour dormir à la belle étoile

PAGES. 16 — 17

CQFD

L’équation idéale entre une envie, une expérience et un pays

PAGE. 18

JOURNAL D’UNE RÂLEUSE

Martine prend l’avion…

PAGE. 19

PAGES. 24 — 25

EN PRIVÉ

Un accès exclusif à des sites de fouilles égyptiens, en compagnie de l’Ifao du Caire

PAGES. 26 — 27

CABINET DE CURIOSITÉS

De Ramdane Touhami, directeur artistique touche-à-tout

PAGES. 28 — 31

ARCHI BEAU

L’art & la matière

PAGES. 44 — 45

4 VOYAGEURS

STORYTELLING

La carte postale : vintage, toujours tendance

PAGES. 48 — 53

DOSSIER MÉDITERRANÉE : ENTRE SEL ET TERRES

Tables vertueuses, criques cachées, chambres avec vue… Dix bonnes excuses pour mettre le cap sur la Grande Bleue et son bassin

PAGES. 88 — 101

SUR LES TRACES

DES PHARAONS NOIRS

Au Soudan, un voyage hautement symbolique

PAGES. 148 — 161

AMDO, LE TIBET SUR UN PLATEAU

Pèlerinage contemplatif, psalmodie bouddhiste et glamping écoresponsable

PAGES. 54 — 69

OAXACA

Le nouvel impressionnisme mexicain

PAGES. 102 — 117

LITTLE NEW YORK(S)

Little… Colombia, Caribbean, Poland & Greece : les microquartiers d’une grande métropole

PAGES. 162 — 173

PARCS & RÉCRÉATION

Un road-trip en famille, #vanlife, de L.A. aux parcs nationaux de l’Ouest américain

PAGES. 70 — 87

LONGUE VIE À OKINAWA

Des archipels en pointillé où vivre longtemps. Et caché

PAGES. 118 — 133

TOUT CHAUD

Tour du monde des nouveaux hôtels

PAGES. 134 — 147

SHORT LIST

Une sélection de dix voyages à inscrire à votre agenda 2024

PAGES. 174 — 187

VOYAGER DANS SA TÊTE

Par Philibert Humm

PAGE. 188

5 VOYAGEURS

“I walk, I cycle, I cook, I write”, indique son Instagram. Entre Bruxelles et Paris, elle est aussi auteure jeunesse et codirectrice du Picture Festival, dédié à l’illustration. Mue par la transmission à l’autre, elle est allée à la rencontre de Tibétains de l’Amdo.

Grand reporter au Monde, elle est aussi l’auteure d’une dizaine de romans et d’essais. Membre de plusieurs jurys littéraires et lectrice boulimique, elle se déplace toujours avec une valise pleine de livres. Elle signe très logiquement notre rubrique littéraire.

Voyageur dans l’âme et ultra créatif, l’homme aux mille projets passe de la mode au design, de la décoration aux produits de beauté, de l’édition à l’architecture, et c’est à chaque fois une réussite. Dans ces pages, nous lui avons offert une carte blanche.

Basé à Paris depuis près de vingt ans, cet Américain facétieux n’en oublie pas pour autant son pays d’origine. Il a flâné pour nous dans quatre des microquartiers de New York (Little… Colombia, Caribbean, Poland, Greece), en quête d’adresses typiques.

Il fut graphiste avant d’être photographe, et ça se voit. Ses compositions sont travaillées, équilibrées, tissent des trames géométriques et harmonieuses. Son reportage à Okinawa, succession d’archipels en pointillé, s’inscrit parfaitement dans sa recherche esthétique.

Collaborateur historique de Voyageurs du Monde, son objectif saisit immanquablement le beau. Qu’il s’agisse de photographier un intérieur, des objets de décoration ou des contrées lointaines, comme ici l’Amdo, berceau de culture tibétaine.

Rêverie et poésie sont les maîtresmots de cette artiste diplômée des Arts déco et passionnée par toutes les lectures possibles du monde. Depuis Ibiza, où elle vit, elle renverse, assemble, apose des bulles colorées – égrainées en début de magazine et sur le sujet “Carte postale” (pp. 48-53).

Ancienne collaboratrice du Tatler Magazine et du Daily Telegraph, elle a fondé l’agence Mundi & Co. Basée à Londres, elle développe des contenus stratégiques et créatifs à destination de marques de luxe durables. Elle nous livre le récit de son road-trip dans l’Ouest américain avec ses enfants.

VOYAGEURS 6
CONTRIBUTEURS
CAROLE SATURNO rédactrice voyage RAMDANE TOUHAMI directeur artistique ROMAIN LAPRADE photographe PRUDENCE DUDAN illustratrice VANESSA SCHNEIDER journaliste, écrivaine JOHN VON SOTHEN chroniqueur culture et société JÉRÔME GALLAND photographe FRANCISCA KELLETT rédactrice voyage

VOYAGEURS JOURNAL

VOLUME 1

DIRECTEUR DE LA PUBLICATION

Jean-François Rial

RÉDACTRICE EN CHEF

Nathalie Belloir

DIRECTION ARTISTIQUE

Faustine Poidevin, Olivier Romano

RESPONSABLE ÉDITORIAL

Baptiste Briand

RÉDACTEURS

Emmanuel Boutan, Stéphanie Damiot, Éléonore Dubois, ClaraFavini, Faustine Poidevin

SECRÉTAIRE DE RÉDACTION

Stéphanie Damiot

COORDINATRICE FABRICATION

Isabelle Sire

RESPONSABLE PHOTO

Marie Champenois

ICONOGRAPHES

Daria Nikitina, Alix Aurore Pardo

ONT ÉGALEMENT PARTICIPÉ

Geneviève Brunet, Adèle Carasso, Mathias Depardon, Claire Egloff, RaphaëlleElkrief, Lauriane Gepner, Philibert Humm, ArnaudMontagard, Anne-Claire Norot, Morgan Rousseau, BirgitSfat, PierreSorgue

Crédits photo: pp.16-17: Jack’s Camp, Banya Tree Al Ula, Aman i Khas, The Kutali Camp, San Camp, George Scott Riding Safaris, Wild Renfrew, Scarabeo Camp, Les Roches Noires, Umnya Dune Camp. Pp. 20-21 Anna Maria Jakobsen, Vakta House, Evgenij Yulkin, Jessica Lynn Culver/Getty Images, Dana Neibert Gallery Stock, Faustine Poidevin.

Voyageurs du Monde S.A. au capital social de 4315216€. 55, rue Sainte-Anne, 75002 Paris. Tél.: 01 42 86 17 00 -RCS Paris 315459016. Immatriculation Atout France IM075100084. Assurance RCP: MMA – 14, boulevard Marie-et-Alexandre Oyon, 72030 Le Mans, Cedex 9 -Contrat n° 127 113 949. Garantie financière: Atradius (823 646 252 –RCS Nanterre), 159, rue Anatole France, CS 50118, 92596 Levallois-Perret Cedex.

“Voyageurs du Monde s’est engagée dans une gestion responsable de ses achats papiers en sélectionnant despapiers fabriqués à partir de fibres etdebois provenant de forêts gérées durablement. Le choix d’éditer notre brochure à l’imprimerie Peau, imprimeur écoresponsable, labellisé Imprim’Vert et certifié FSC, s’inscrit dans la continuité de notre engagement en matière deprotection de l’environnement. Brochure imprimée avecdes encres végétales.”

© Lucy Laucht
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Capitales européennes de la culture 2024

L’UNE EST AU NORD DE LA NORVÈGE, L’AUTRE AU SUD DE L’ESTONIE. ELLES PRÉSENTENT DES ÉVENTAILS D’ÉVÉNEMENTS QUI LES RAPPROCHENT ET LES DIFFÉRENTIENT TOUT AUTANT. LA VIEILLE VILLE UNIVERSITAIRE ET L’EX-CAMP MILITAIRE SONT DEUX HISTOIRES D’AVENIR. UNE CONFRONTATION POUR CHOISIR. OU PAS.

BODO TARTU

POST-CULTURE

Arts of Survival

En présentant son projet, Bodo a choisi ce concept d’ARCTICulation, mêlant à la fois les mots “arctique”, “communication”, “art”, “culture”…. “Boring Bodo” devient ainsi l’endroit leplus trendy au nord du cercle polaire. Et la ville est altruiste dans son entrepreneuriat culturel: tout le Nordland est visé et l’héritage sami est mis à l’honneur. Tout comme les questions environnementales.

C’est le concept artistique au cœur de Tartu 2024. L’Estonie est bien placée pour lesavoir: on est toujours un peu “post-quelque chose”. La ville porte donc un projet d’avenir: lesarts de la survie. Autant de pratiques et de valeurs visant une good life pérenne. Des perspectives connectées et créatives qui dessinent les voies d’un futur dont la culture est le tremplin. Après nous, pas ledéluge!

LAND ART

Poisson star

Les 600événements qui vont rythmer l’année font de l’inattendu le ressort de leur impact. Dès février 2024, un grand show supervisé par leNordland Teater et les Berlinois de Phase7 se tiendra dans le port. Le poisson se fera star dans un stockfish opera. Land-art, concert en grotte marine, sculpture de 30 pieds de haut en mer et un festival de lumières arctiques mettront en avant un cadre naturel hors pair.

NOUVELLE HOSPITALITÉ

Arctic Hidewaway

Au large de Bodo, l’Arctic Hidewaway est plus qu’un hôtel. C’est une expérience, où se refaire une sensibilité. En ville, CraigAlibone et LystPa illustrent de succulente façon le devenir de la gastronomie nordique. Le premier en pâtisserie, le second en traitant le terroir avec subtilité. Baadin faisant un contrepoint craft beer. Stormen –Concert Hall et bibliothèque –est, lui, lelieu où bat le pouls de Bodo.

FESTIVAL GREEN

Toomemägi & Treski

L’esprit et l’appel des forêts sont prégnants. Aussi bien près du centre-ville de Tartu –l’illumination du parc de Toomemägi est une révélation– que dans le sud du pays, à Setomaa, où se tient le festival green de Treski, l’un desévénements phare de Tartu2024. Des lieux etdes rencontres qui engagent à considérer laplanète et àcroire toujours plus à la fécondité du do it yourself. Inspirant.

TECH ROOM Hotel Antonius

L’interactivité commande au centre scientifique AHHAA, qui propose une approche claire et ludique de la technologie. L’université de Tartu n’est pas le cerveau du pays pour rien. Non loin, l’hôtel Antonius cache son jeu up to date sous des atours romantiques. Les promenades sont pleines de cafés où –selon la saison–se réchauffer ou se ventiler. Et le Musée national estonien est un superbe morceau d’architecture.

ART DE VIVRE SAMI ARTICulation
9 VOYAGEURS

UN DIMANCHE À ...

Athènes

PAR LA CONCIERGERIE VOYAGEURS DU MONDE. SOUVENT SYNONYME D’UNE PAUSE AVANT LES ÎLES OU LE RETOUR EN FRANCE, LE SEPTIÈME JOUR DE LA SEMAINE

PEUT PARFOIS MANQUER D’INSPIRATION. À MOINS, BIEN SÛR, D’ÊTRE EXTRÊMEMENT BIEN RENSEIGNÉ…

“Un café dans le jardin national, ouvert dès le lever du jour, juste à côté du Parlement, pour commencer. Le lieu couvre seize hectares et réunit plus de cinq cents espèces de plantes exotiques. Magnifique ! Dirigez-vous ensuite vers le stade panathénaïque, où se sont déroulés les premiers JO de notre ère, en 1896. Baladez-vous dans les gradins en marbre blanc et imaginez un peu les courses de chars et toutes les célébrations dédiées à la déesse Athéna qui s’y sont déroulées au mitan du IIe siècle.

Rejoignez ensuite la place Avissinias, autour de laquelle bat, le dimanche, l’incontournable marché aux puces de Monastiráki. Mobilier, ex-voto, affiches anciennes et objets insolites se mêlent sous d’évi-

dentes influences orientales : un bonheur pour les chineurs ! Prolongez jusqu’au quartier de Psyrí, refuge des artisans et designers locaux, qui expriment leurs talents dans des lieux comme le Luv N Roll House. Le street-art y est aussi à l’honneur avec les fresques d’artistes grecs et internationaux.

Lorsque monte la chaleur, en bon Athénien, échappez-vous vers le Mikrolimano, le petit port du Pirée, pour déjeuner à la table étoilée du Varoulko Seaside ou, plus au sud, sur la riviera, à Vouliagmeni pour quelques sardines grillées face à la mer, chez Sardelaki me Thea. Dans l’après-midi, vous pourrez visiter l’étonnant Ellinikon Experience Park, une vision grecque de la ville du futur, mais aussi

la Fondation Stavros Niarchos, jamais à court d’expositions, d’événements sportifs et de concerts.

Puis, mettez le cap vers l’un des nombreux musées d’Athènes ouverts le dimanche. Notre coup de cœur reste la Fondation Goulandris, musée d’art moderne et contemporain situé dans le quartier peu touristique et artistique de Pangráti, boosté par la réouverture, en 2021, de la Galerie nationale. Enfin, aux beaux jours, finissez par un dîner-projection dans un cinéma de plein air : au Stellar Gastro, qui adapte son menu à la provenance du film, ou encore à l’Aegli, une institution qui propose projection privée et menu concocté par son chef. Un dimanche en version originale.”

VOYAGEURS 10

sauna njälk einen

ADJECTIF FINNOIS, DÉCRIT L’ÉTAT POST-SAUNA

Désormais inscrite au patrimoine culturel immatériel de l’Unesco, la culture finlandaise du sauna n’a pas attendu cette reconnaissance pour s’imposer comme le rituel incontournable du quotidien de tout un pays. En Finlande, où l’on dénombre plus de 3millions de saunas, on y va comme on se brosse les dents, ou presque, croyant aux bienfaits purifiants du löyly – la vapeur produite par le poêle– sur le corps et l’esprit. Le sauna est si important làbas qu’il existe même un vocabulaire spécifique. Ainsi, l’adjectif saunanjälkeinen, que l’on peut traduire par “après-sauna”, décrit l’état de bien-être qui suit le bain de vapeur. Déclarer être “saunanjälkeinen”, une sensation respectée et comprise de tous, suffirait en Finlande à justifier une soudaine oisiveté et même à échapper à certaines obligations.

Contactez nos spécialistes Finlande 01 85 08 10 45

Un mot, un concept
© Nuria Val

Ceux qui font…

L’ISLANDE

ÉTOILES DU NORD

UN DYNAMISME CRÉATIF CONTAGIEUX, DES PAYSAGES

À LA BEAUTÉ DE FEU ET DE GLACE, DES RESSOURCES NATURELLES INOUÏES… VÉRITABLE ÎLE AUX TRÉSORS, L’ISLANDE A DE QUOI ÊTRE FIÈRE. VOICI HUIT RAISONS

SUPPLÉMENTAIRES : HUIT FIGURES QUI VONT DE L’AVANT, PORTEUSES DE PROGRÈS OU D’INNOVATIONS. DES MODÈLES QUI, EN CONTINUANT À FORGER

L’IDENTITÉ DE LEUR TERRITOIRE, S’INSCRIVENT EN QUELQUE SORTE DANS L’ART DES SAGAS, CES RÉCITS MÉDIÉVAUX METTANT EN SCÈNE DES HÉROS LÉGENDAIRES.

© FotoVoyager

GÍSLI MATT CHEF PRODIGE

Originaire des volcaniques îles Vestmann, Gísli Matthías Auðunsson, de son vrai nom, grandit au milieu d’une famille de pêcheurs et de cuisiniers jusqu’à ses 6ans, lorsque ses parents partent s’installer dans la capitale. Au début des années 2010, après une formation d’apprenti cuisinier, il décide de renouer avec ses attaches insulaires et crée, à 23 ans, Slippurinn, unrestaurantfamilial et durable, ouvert exclusivement en été pour ne proposer que des produits locaux et de saison, àVestmannaeyjar. Dixans plus tard, Gísli Matt est devenu l’un des chefs phare de la nouvelle gastronomie islandaise et Slippurinn a acquis une réputation mondiale incontestable (l’Angevine Aurore Pélier Cady y a d’ailleurs travaillé dès 2019 avant de fonder Sweet Aurora, lire page 14). Entre deux ouvertures (la halle alimentaire Skál!, récompensée du BIB gourmand du Guide Michelin, en 2019; le lieu de restauration rapide Éta, en 2020; Næs, une table décontractée, en 2022), il multiplie les expériences et collaborations, notamment à New York et en France, pour promouvoir à travers le monde la cuisine islandaise et ses méthodes de conservation uniques. slippurinn.com

JOHAN SINDRA HANSEN & RAGNAR ATLI TÓMASSON INGÉNIEURS, SAUCE WASABI

Plante extrêmement difficile à cultiver et excessivement chère au poids, le wasabi pousse habituellement dans les lits des rivières du Japon. Des conditions qui ont très tôt poussé certains aux contrefaçons. Aujourd’hui, 95% de ce que nous croyons être duwasabi est frelaté. À la place? Duraifort doublé de colorant alimentaire vert et de moutarde. Il n’en fallait pas plus à Ragnar Atli Tómasson et Johan Sindri Hansen, deux jeunes ingénieurs en formation, pour amorcer un projet innovant avec présentation d’un business plan à l’appui. À l’époque, en 2015, ils sont en dernier semestre à l’Université d’Islande. Depuis, ils ont fondé l’entreprise Nordic Wasabi, dont le but est de cultiver des produits de haute qualité destinés à l’exportation en utilisant les ressources naturelles de leur pays. Leur wasabi, grandi sous serres high-tech à Egilsstadir, sur la côte Est, agrémente aujourd’hui les plats des plus grands restaurants étoilés de la cuisine nordique. nordicwasabi.com

EYJÓLFURFRIDGEIRSSON BIOLOGISTE AMOUREUX DES ALGUES

HARALDURTHORLEIFSSON

GRAND PRINCE DE LA TECH

Après avoir fondé Ueno en 2014, une entreprise venue en aide aux plus grosses sociétés du monde numérique, Haraldur Thorleifsson, dit Halli, vend sa compagnie à Twitter en 2021. Mais plutôt que d’être payé en actions, Halli préfère recevoir un salaire. Résultat, son taux d’imposition explose. Une façon pour lui de soutenir le système islandais de santé et d’éducation. Atteint de dystrophie musculaire et se déplaçant en chaise roulante, le quadragénaire crée aussi divers projets, notamment Ramp Up Reykjavik (2021), visant à construire des rampes pour les personnes à mobilité réduite. Un succès fait pour durer: 1 500rampes devraient être installées d’ici 2026. Infatigable, celui qui a été élu “personnalité de l’année” dans son pays en 2022 vient d’inaugurer à Reykjavik son café-bar-cinéma, Anna Jona, du nom de sa mère. Il travaille également avec sa femme à l’ouverture, en périphérie, d’une résidence d’artistes d’ici 2025. haraldurthorleifsson.com

En 2005, Eyjólfur Friðgeirsson, biologiste, décide de mettre en avant les trésors naturels de son pays et de créer l’entreprise, Íslensk Hollusta (“Bienfaits islandais”). En famille, il cultive alors plantes, mousses et lichens et confectionne infusions, sauces, jus, confitures et fromages dans le plus grand respect de l’environnement. Fournisseur majeur de produits alimentaires innovants, Eyjólfur Friðgeirsson a été le premier à remettre au goût du jour les algues séchées à déguster en collation –elles étaient autrefois consommées en temps de famine. Car il nourrit une véritable passion pour les algues,qu’il incorpore dans des sels de bain (faits à partir de sel géothermique local et de pierre ponce du mont Hekla), mais également en cuisine, notamment la Vertebrata lanosa, un légume de mer appartenant à la famille des algues rouges et dont le goût est similaire à celui de la truffe. Conscient de la richesse aromatique de cette truffe de mer essentiellement présente dans l’océan Atlantique Nord, Eyjólfur Friðgeirsson a lancé un projet, aidé par l’Union européenne, pour récolter, transformer et faire connaître cette algue savoureuse au plus grand nombre. Des produits uniques et sains vendus dans tout le pays et également disponibles en ligne. islenskhollusta.is

13 VOYAGEURS

GUDNI JOHANNESSON PRÉSIDENT POPULAIRE

Certes, le rôle tenu par le président de la République d’Islande est avant tout honorifique, protocolaire. Iln’empêche. Élu démocratiquement depuis le 1er août 2016 (il a été réélu en juin 2020, avec plus de 92% dessuffrages), cet universitaire, professeur d’histoire, embrasse pleinement sa mission de premier représentant de l’île. Simple et accessible, il se veut exemplaire. Ne soyez donc pas étonné de le croiser àla piscine ou, pour les amateurs de running, le long d’un sentier littoral en train de courir muni d’un sac pour collecter des déchets, encourageant ses concitoyens à faire de même. Fin avril 2023, un mois avant le quatrième sommet du Conseil de l’Europe, il a rappelé, à l’Assemblée parlementaire, son soutien à l’Ukraine, les dangers du nationalisme, l’importance de l’égalité de genre et de la lutte contre les violences faites aux femmes.

AURORE PÉLIER CADY PÂTISSIÈRE (ET DOUCEUR) ANGEVINE

KNÚTUR RAFN ÁRMANN & HELENA HERMUNDARDÓTTIR MARAÎCHERS BIO

Qu’est-ce qui peut bien traverser l’esprit d’un jeune couple lorsqu’en 1995 il entreprend de faire pousser des tomates à Reykholt, à une centaine de kilomètres à l’est de la capitale islandaise? Le goût du défi et sûrement celui des saveurs méditerranéennes. Depuis, l’agronome et l’horticultrice de formation, Knútur Rafn Ármann et son épouse Helena Hermundardóttir, ont essaimé et leur exploitation familiale (ils ont cinq enfants), baptisée Friðheimar, s’est dotée d’un restaurant qui propose à sa carte les produits de la serre : tomates –rouges et vertes–, basilic, poivrons, concombres… Et cela toute l’année, grâce à la géothermie et un système d’éclairage artificiel. La famille invite également ses visiteurs à découvrir les serres (5000 m2) et à repartir avec de délicieux paniers bio. Un marché intérieur dynamisé par lapandémie deCovid-19, et l’occasion pour Knútur et Helena de relever unnouveau défi: augmenter leur capacité deproduction en agrandissant les serres, et éviter ainsi d’avoir à licencier leurs salariés (une dizaine de personnes). Pari réussi: l’exploitation produit en moyenne une tonne de denrées par jour! Pour parfaire le tableau, le couple élève des chevaux et organise un concours hippique international. Mélanges d’épices et de condiments, coulis, chutney et soupe de tomates, etc. sont disponibles sur leur magasin en ligne. fridheimar.is

Passionnée par les gâteaux et par l’Islande, Aurore Pélier Cady y pose ses valises en 2019 et ouvre, troisans plus tard, la première pâtisserie fine française de Reykjavik, Sweet Aurora. Formée aux arts culinaires à l’Institut Paul-Bocuse de Lyon entre 2006 et 2008, latrentenaire originaire de la région d’Angers se lance courageusement dans l’aventure entrepreneuriale – les permis d’exercer sont longs à obtenir en Islande – et cela lui réussit. En élaborant des pâtisseries haut degamme et créatives, Aurore Pélier Cady est devenue une ambassadrice de la gastronomie française. Ainsi, paris-brest et saint-honoré au caramel salé voisinent avec gourmandise avec une tartelette vegan aux fruits delapassion. Elle a également à cœur de mêler lestrésors culinaires des deux pays, en intégrant, par exemple, de l’angélique ou du cerfeuil sauvage (kerfill), des herbes endémiques de l’Islande, à un éclair à l’abricot, vanille et ganache de chocolat blanc. Soucieuse de transmettre son savoir-faire, elleorganise séminaires et cours privés pour apprendre àmaîtriser les cuissons ou faire des “volcano macarons” à la ganache au chocolat fumé, en hommage à l’éruption du Fagradals all de 2021. Si son réseau est essentiellement constitué de restaurateurs et de chefs, elle ne passe pas une journée sans Uki, son husky adoré. sweetaurorareykjavik.com; @sweet_aurora_reykjavik

FERTRAM SIGURJONSSON ENTREPRENEUR MÉDICAL ÈS POISSONS

C’est en repensant à un de ses jobs d’été qui consistait à ramasser de la peau de poisson que Fertram Sigurjonsson a l’idée folle, au début des années 2000, de créer sa start-up Kerecis. Après avoir étudié l’anatomie du cabillaud, ressource quasi inépuisable en Islande, il réalise que ses caractéristiques principales sont semblables à celles de la peau humaine. Ainsi, fini les rejets de greffe! Il sollicite alors desaides financières, croise les avis médicaux et dépose des brevets. Quatre années sont nécessaires pour développer ses produits destinés à régénérer lestissus humains endommagés. Entreprise progressiste, Kerecis s’engage pour les Objectifs dedéveloppement durable établis par les Nations unies. Les peaux proviennent de stocks de poissons sauvages et sont transformées via une énergie 100%renouvelable dans la ville d’Isa ordur, près ducercle arctique. Une innovation qui vaut à FertramSigurjonsson de remporter le prix Entrepreneur of The Year 2021. kerecis.com

VOYAGEURS 14 Ceux
font…
qui
© Icelandic Explorer/Visit Iceland

VOYAGEURS

Lassés des chambres d’hôtels sans âme ? Laissez-vous tenter par les “tented rooms”. Sous l’impulsion d’hôteliers sensibles à nos envies de nature, un nouveau genre de campements, élégants et confortables, voit le jour partout à travers le monde, tout en préservant les milieux dans lesquels ils se sont nichés. Une occasion de renouer avec son âme d’enfant, aventurière et curieuse, pour vivre un moment de pure magie sous des cieux étoilés. Faites votre choix !

Les premiers rayons du soleil traversent la toile. Gardez les yeux fermés encore quelques minutes, profitez de la chaleur des draps et de la sensation de la nature tout autour. Au Botswana, au JACK’S CAMP (1) ou au SAN CAMP (2), les hululements s’intensifient la nuit: vous essayez de deviner quel animal rôde, et les rangers veillent sur votre sommeil. Apaisant! En Zambie, le KUTALI CAMP (5) surplombe 50 000 hectares de brousse où moult espèces se déplacent librement. Au petit matin, gazouillis d’oiseaux et doux parfums de rosée éveillent vos sens. Au Maroc, vous vous installez dans le très chic UMNYA DUNE CAMP (7) qui offre l’expérience d’immenses dunes désertiques et de paysages lunaires. Ici, ainsi qu’aux ROCHES NOIRES (3) , ce sont les étoiles que l’on admire comme nulle part ailleurs, et pourquoi pas jusqu’à l’aube… Ambiance tout autre au Canada, au WILD RENFREW (10), où, paré de votre chemise de bûcheron, vous vivez une aventure very cosy : poêle face au lit, balades en forêt, sauna et plongeons très (très) rafraîchissants dans le lac. Les plus sportifs opteront pour la nature sauvage du GEORGE SCOTT RIDING SAFARI (6), dans la Sierra Morena (Espagne), qui propose de majestueuses découvertes équestres au cœur de paysages andalous. Déjeuners au cœur de la garrigue, soirées autour de l’âtre. Simplicité et aventure, avec une touche de glamour : on est proche du raffinement extrême. Au Rajasthan, dixtentes bordent le parc national de Ranthambore: vous êtes à l’AMAN-I-KHÁS (9), campement d’exception aux lignes épurées imaginées par l’architecte belge Jean-Michel Gathy. Les tons blancs, sable et bruns des matières se fondent parfaitement avec les environs. Un véritable sanctuaire où l’on trouve encore des tigres du Bengale. Perdu dans la vallée d’Ashar, au nord de l’Arabie saoudite, le BANYAN TREE ALULA (4) vient tout juste d’ouvrir. Au milieu des tentes, une piscine creusée dans la roche, et tout autour un canyon colossal aux allures martiennes! À l’OURHABITAS (8) de Tulum, votre tente s’ouvre sur la plage. La musique se mêle aux bruissements du vent dans les palmiers, à l’air iodé et aux effluves de palo santo. La buena onda de cette enclave mexicaine vous traverse. Vous vibrez.

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CHAMBRES
DÉCRYPTE, EN DIXLIEUX D’EXCEPTION, L’UNE DES DERNIÈRES TENDANCES DE L’HÔTELLERIE : LES “TENTED ROOMS” .
Tendance 1 4 8 9
SOUS TENTES
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Ce

qu’il fallait démontrer

CQL’ÉQUATION IDÉALE ENTRE UNE ENVIE, UNE EXPÉRIENCE ET UN PAYS.

Prendre le large, combler son esprit d’aventurier +

Cocher des plongées rares : densité des espèces, beauté des sites +

Dormir sur l’eau, le charme d’un bateau traditionnel, l’éclat brut des îles =

RAJA AMPAT :

LE DERNIER ARCHIPEL, ENTRE INDONÉSIE ET PAPOUASIE

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DMarier l’élégance apaisante de lodges rares à l’adrénaline d’un tête à tête avec les Big Five +

Survoler la brousse, donner une autre dimension au voyage =

ZIMBABWE : LODGES D’EXCEPTION, BIG FIVE ET AVION-TAXI

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VOYAGEURS
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MARTINE PREND L’AVION…

Dans la bibliothèque de la maison de famille, je retombe souvent sur des “Martine”, récits qui ont alimenté mes rêves d’enfance. En tête des fantasmes, il y a ce “Martine en avion” de 1965, où l’on voit la jeune enfant, souliers vernis et jupette au vent, s’envoler pour Rome après une souple traversée d’un Orly peuplé de gentils bagagistes et de radieuses hôtesses coiffées de calots bleu ciel…

Mes rêves de voyage se sont réalisés et la perspective de partir pour l’aéroport me fit longtemps frémir d’impatience. Regarder les avions décoller, dévaliser le duty free, entendre des voix moelleuses annoncer des destinations exotiques... Ce sas vers l’ailleurs distillait déjà ses premières petites joies. Aujourd’hui, l’idée de me jeter dans cette arène surchauffée m’accable.

Arriver des plombes en avance, onduler mètre par mètre jusqu’au comptoir, faire un câlin à sa valise en lui souhaitant bonne chance (pourvu qu’elle atterrisse au même endroit que soi), refaire la queue pour passer la sécurité. Dégainer son passeport. Extirper son ordi, faire valser ses chaussures, sa ceinture, ses bracelets, sa monnaie, tasser sa veste, sacrifier sa bouteille d’eau pour en racheter une autre dix mètres plus loin au prix du whisky.

Un accident m’ayant laissé quelques grammes de titane dans le corps, je fais joyeusement sonner les portiques, et n’échappe jamais à la palpation suspicieuse d’une demoiselle dénuée d’humour, au sas où, jambes écartées et bras en l’air, je me sens déjà en état d’arrestation… Hermès, dieu des voyageurs, priez pour moi.

Après vous être refroqué en hâte, reste à traverser un duty free aux rayons de parfums suréclairés. Le temps indiqué pour rallier la porte est de… douze minutes! Sans rire? Ceux qui conçoivent les aérogares sont des sadiques. Ou des marathoniens. Il fait chaud, les annonces sont assénées par des voix de robots, vous évitez de justesse les pervers qui vous chargent au volant de voiturettes électriques (et qui ne s’arrêtent jamais pour vous prendre).

En salle d’embarquement, c’est le jeu des chaises musicales… : il n’y en a pas assez. Pas grave, on vous prie déjà d’embarquer, vous allez bientôt pouvoir vous asseoir et fermer les yeux. C’était sans compter la nouvelles manie des compagnies : vous expédier dans le jetway avant que la cabine ne soit prête. Pour eux : une corvée promptement bouclée. Pour vous : encore vingt minutes à poireauter, compacté derrière des vitres surchauffées.

Plus qu’un mètre, je vois le pilote dans le cockpit. Mon cerveau me restitue des images. Martine et sa jupette, c’est moi. Bientôt la délicieuse sensation du décollage, le ciel, les nuages, la dinette. Un nouveau rêve qui se réalise. La magie inaltérable du voyage.

PARTIR AVEC VOYAGEURS DU MONDE

Départ simplifié, fast-track aéroport, accès aux lounges, cartes d’embarquement reçues la veille, transferts sur demande, contrôles effectués en privé… : autant de services pour régler vos formalités en un clin d’œil. Une assistance précieuse pour voyager sans râler.

19 VOYAGEURS
Journal d’une râleuse
PAR GENEVIÈVE BRUNET © Keystone-France/Gamma-Rapho/Getty Images

WE ARE FAMILY

ÉTÉ COMME HIVER, JOUES ROUGIES PAR LE FROID OU SABLE ENTRE LES ORTEILS, LES ENFANTS ONT CETTE CAPACITÉ À S’ÉMERVEILLER DE TOUT, À VOIR CE QUE L’ON NE VOIT PAS. ET C’EST AUX ÂGES OÙ LES SENS ET LES IDÉES SE FAÇONNENT QUE LES VOYAGES ONT LE PLUS GRAND IMPACT SUR EUX. DES TERRITOIRES PORTEURS DE RÊVES REÇOIVENT

LES FAMILLES TOUT EN DOUCEUR, AUX ABORDS DE L’ÉQUATEUR OU À L’ORÉE DU PÔLE NORD, LES MENANT À LA RENCONTRE DE TOUS CES AUTRES QUI COMPOSENT LE MONDE.

GROENLAND

HIVER – 12/17 ANS

Le Groenland, vraiment ? De prime abord, les ados risquent d’être un peu désarçonnés. Mais ça, ce sera avant d’entrevoir le potentiel photogénique de cette terre sauvage, avant de repérer, au large de la baie de Disko, la queue d’une baleine à bosse, avant de vivre, ébahis, leur premier soleil de minuit. Puis, ils s’improviseront reporters dans les petits villages aux maisons colorées, naturalistes sur la trace des pingouins et renards polaires, explorateurs face aux immenses glaciers et icebergs grondants.

ISLANDE

HIVER – 0/5 ANS

Ils vont pousser des “ouaaaah” devant la puissance du geyser de Geysir, des “haaan” face aux impressionnantes chutes de Gullfoss, des “oooh” devant les chevaux-peluches galopant dans l’herbe vert fluo. Certains feront peut-être leurs premiers pas sur le sable noir des plages volcaniques, leur premier plouf dans ces piscines en plein air que les Islandais affectionnent tant, ou diront leur premier mot un soir d’aurores boréales. En Islande, tout est possible. Jules Verne y avait bien situé l’entrée vers le centre de la Terre…

VOYAGEURS 20 La fabrique à souvenirs

LAPONIE FINLANDAISE HIVER – 5/12 ANS

Des rennes, des rennes… et encore des rennes ! Pas étonnant que le Père Noël se plaise ici. La neige recouvre tout, y compris les petits chalets en bois dignes de contes de fées. Pour se déplacer dans ce royaume ouaté, c’est pas coton : on grimpe à bord d’un traîneau et hop, une joyeuse meute de chiens nous emmène à toute vitesse vers une autre aventure : une balade en raquettes, un tour en ski de fond, un safari à motoneige… La Laponie a plus d’un tour dans sa hotte !

COSTA RICA

ÉTÉ – 5/12 ANS

Bang ! Un singe vient de sauter sur le toit. Les toucans grognent et les perroquets pérorent à tout-va. Ils en font du barouf ces habitants de la jungle ! Les iguanes et les paresseux, eux, sont si calmes qu’on a parfois du mal à les voir. Alors, on multiplie les postes d’observation : au-dessus de la canopée à flanc de volcan, en bateau dans la mangrove, sur une planche côté Pacifique… Au Costa Rica, chaque pas entraîne une nouvelle rencontre, chaque rencontre tisse un nouveau lien avec la nature.

ÎLE MAURICE

ÉTÉ – 0/5 ANS

Le bleu de l’eau, le blanc du sable, le vert des pitons, le rouge des couchers de soleil… Au bord du lagon, on révise les couleurs. Les chiffres aussi : un dauphin, deux noix de coco, dix sourires. Entre les siestes à l’ombre des palmiers, Maurice éveille les sens en douceur. Les épices du marché titillent les narines, la mangue glisse entre les doigts, les nageoires colorées ondulent sous la surface, se rapprochent… Jusqu’aux éclats de rire ! Les premières fois sont encore plus belles sous le soleil.

AFRIQUE DU SUD

ÉTÉ – 12/17 ANS

À peine arrivé, on est tout de suite dans le bain, ou plutôt le bush. Vélo, rando, jeep… : tous les safaris mènent aux Big Five. Les ados travaillent leur œil de photographe, leur patience aussi, face à une faune qui ne s’adapte à personne. Dans le parc Kruger, lions, hyènes, koudous et aigles passent dans leur champ de vision, les laissent sans voix. Devant les fresques urbaines du Cap, ils retrouvent leur verve, s’étonnent d’un rien, s’enrichissent de tout. L’Afrique du Sud a des pouvoirs magiques.

21 VOYAGEURS

Bouche-à-oreille

EN QUÊTE DE SAVEURS sur le Steam Ship Sudan

Jean Imbert suivrait-il la piste d’Hercule Poirot ? L’hiver dernier, nommé aux commandes du Venice Simplon – Orient-Express, il réveillait l’âge d’or du train par touches de beurre safrané et autres délices faisant écho à son histoire. En 2024, le chef étoilé du Plaza Athénée prendra la barre d’un autre mythe agathachristique : le Steam Ship Sudan Cette fois, direction l’Égypte : “J’ai gardé une âme d’enfant, j’aime qu’on me raconte des histoires. Celle de ce bateau centenaire est tellement immense ! Par la cuisine, je m’inscris simplement comme un passeur”, estime le cuisinier star. Quant à la carte, les futurs passagers ne devraient pas être déçus : “Le Nil est une source d’inspiration intarissable, largement référencée à travers les livres, les films… L’erreur serait une carte à la mode, occidentalisée. Je vise une cuisine intemporelle basée sur les produits locaux – épices, lentilles, poissons – relevés de quelques twists”, confie-t-il en préservant le suspens.

22 ©
Richer Mamousse
Mathieu

Corée du Sud DEPUIS SON CANAPÉ

L’EFFERVESCENCE DE SÉOUL, L’AIR MARIN DE POHANG, LE CHARME RURAL DE JEJU… LE “PAYS DU MATIN CALME” SE DÉVOILE À TRAVERS TROIS SÉRIES CORÉENNES PITTORESQUES ET ATTACHANTES.

LE NORD SÉOUL BUSINESS PROPOSAL

Pour rendre service à sa meilleure amie, Shin Ha-ri se fait passer pour elle lors d’un rendez-vous arrangé avec un jeune chef d’entreprise, qui s’avère son patron. Quiproquos et marivaudages s’ensuivent dans un Séoul de carte postale dont on découvre quelques hauts lieux. Comme les berges aménagées du fleuve Han, où déambulent les héros sous les feux d’artifice après un dîner chic au restaurant sur l’eau Bella Cucina. Ou encore Gangnam et le marché aux fleurs de Yangjae, le plus grand de Corée, la N Seoul Tower qui domine toute la ville, et le parc d’attraction Lotte World. Cette délicieuse comédie romantique montre aussi de nombreuses spécialités culinaires, comme les tteokbokki (quenelles de riz dans une sauce épicée), que l’on déguste chez Meongteongguri Jeugseok Tteokbokki, dans le quartier étudiant de Gongneungdong.

L’ÎLE DE JEJU

Yoon Hye-jin, une jeune dentiste, s’installe à Gongjin, petite ville (fictive) en bord de mer, où elle tombe amoureuse de Hong Du-sik, un séduisant homme à tout faire. Tournée dans et autour de la cité portuaire et industrielle de Pohang, cette pétillante série romantique montre en filigrane l’organisation sociale coréenne, la vie et le rôle des personnes âgées. De Pohang, on voit surtout les pittoresques phares rouges, les petites boutiques traditionnelles et le marché de Cheongha-myeon, la longue plage de Wolpo où les deux héros se rencontrent pour la première fois, le port de Yangpo avec sa criée, Guryongpo-eup où se trouvent les petites maisons des protagonistes, ou encore le Sabang Memorial Park qui surplombe la mer. S’y trouve encore le bateau refuge de Hong Du-sik, créé pour la série.

Cette émouvante série chorale, où s’entrecroisent les destins d’une quinzaine de personnages, se déroule sur l’île de Jeju, à 85 kilomètres au sud de la Corée. Révélant des relations humaines parfois met en lumière les traditions et la vie quotidienne dans cette communauté insulaire. On partage notamment les rudes conditions de travail des , ces femmes plongeuses et pêcheuses de mollusques qui perpétuent cette activité ancestrale propre à Jeju. On s’immerge dans l’ambiance survoltée d’un marché couvert – dans la réalité, le Goseon 5-day Market à l’est de l’île. Outre les plages de Geumneung (à l’ouest) et de Woljeongri (au nord-est), Our Blues lors d’une scène poignante, sur les pentes enneigées du Hallasan, volcan situé au centre de Jeju et plus haut sommet de Corée du Sud.

VOYAGEURS

nous emmène,

difficiles, Our Blues haenyo ANNE-CLAIRE NOROT

MA LITTÉRATURE de voyage

Grand reporter au Monde et écrivaine prolifique, Vanessa Schneider a la passion des mots. Surtout ceux qui font voyager. Jamais sans un livre sur elle, elle partage ses lectures préférées, à glisser sans faute dans sa valise.

Book lovers 24 © Corey Hendrickson/Gallery Stock

La Splendeur des Lansing

Un couple de jeunes mariés passe son voyage de noces en Italie, aux crochets d’amis plus fortunés. En échange de la prodigalité de ces derniers, la jeune épouse doit envoyer chaque semaine une lettre au mari de la dame pour lui faire croire qu’elle est toujours à Venise avec sa fille alors qu’elle sillonne l’Italie avec son amant. Ce jeu de dupes tournera au vinaigre et on retrouve là tout le talent de la romancière américaine du XIXe siècle pour décrire à merveille les complexités de l’âme humaine.

Gatsby le Magnifique

Avec Gatsby, c’est un voyage dans le passé que l’on entreprend, dans l’Amérique des années 1920, celle des Années folles, décrite par celui qui est pour moi l’un des plus grands et des plus désespérés écrivains américains. Le roman tourne autour d’un personnage solaire, magnétique, au passé trouble, dont la fortune suscite l’attraction tout autant que la méfiance. Un roman au scalpel sur la bourgeoisie et les faux-semblants, l’argent et les sentiments.

LÉON TOLSTOÏ Anna Karénine

C’est évidemment une formidable histoire d’amour (Vladimir Nabokov dira que Tolstoï a atteint là “le comble de la perfection créative”). Anna Karénine scandalise la bonne société par sa liaison amoureuse et par son mépris des conventions sociales. Elle donne sa vie à Vronski, part vivre avec lui en Italie, puis en Russie centrale, mais partout sa réputation la poursuit. Car on le sait bien, penser que partir loin règle les problèmes, les souffrances et les douleurs est un mythe.

Blonde

De tous les romans de cette écrivaine américaine prolifique, Blonde est et restera certainement comme le plus marquant de l’œuvre de l’auteure. Car il capture d’une manière saisissante, bouleversante et brutale le destin tragique d’une icône : Marilyn Monroe. À travers ce roman-somme, c’est aussi dans un voyage dans l’Amérique des années 1950-60 que nous embarque Joyce Carol Oates – celle de la grandeur des studios d’Hollywood, des rêves étoilés, des Kennedy, mais aussi la face noire, la brutalité, l’ombre de la mafia, du banditisme et de la violence.

Mal de pierres

Avec la romancière contemporaine Milena Agus, on s’évade dans une Italie plombée par le soleil et les traditions. Mal de pierres se déroule en Sardaigne, dans les années 1940 où, n’être pas mariée à 30 ans devient suspect. Pour éviter le statut de vieille fille, Gabrielle, jeune Sarde aux yeux noirs que l’on dit un peu folle, prise régulièrement de douleurs, épouse finalement un homme qu’elle n’aime pas… Jusqu’à ce qu’elle torde le cou à son destin. Un court roman brûlant de sensualité et poétique à souhait.

Les Trois

Mousquetaires

Sans doute un des livres qui m’a fait le plus rire de ma vie. Il n’y a que les Anglais pour avoir un tel humour sur leur propre histoire. Nous partons là pour l’Afrique. Boyd, Britannique né à Accra en 1952, nous raconte les déboires de Morgan Leafy, fonctionnaire dans une contrée d’Afrique occidentale, penché sur la bouteille et la bonne chère, et qui commet gaffe sur gaffe. Une calamité, un archétype pour dénoncer une administration coloniale aussi grotesque que dangereuse.

C’est le roman qui m’a donné le goût de la lecture et du voyage. Je l’ai lu très jeune, puis au moins dix fois. Les Trois Mousquetaires, c’est la vie en mouvement, il se passe toujours quelque chose. D’Artagnan passe d’un cheval à un autre, n’en descend que pour livrer un combat à l’épée, puis repart sur sa monture avaler des kilomètres à travers les paysages de France, avant d’échouer, exténué et crotté, dans une auberge sans éclat. Le style tenu de Dumas est mis au service de cette cavalcade permanente, vibrant hommage à l’épopée et à l’aventure.

La librairie Voyageurs du Monde

Un passage obligé ! On y trouve tout pour préparer son voyage. Cartes géographiques, atlas, guides, albums photo, littérature d’aventure, polar, bd… Nos libraires passionnés sont là pour vous orienter et vous conseiller. 48, rue Sainte-Anne, Paris IIe

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VOYAGEURS
ALEXANDRE DUMAS
Un Anglais sous les tropiques

ÉGYPTOLOGUE d’un jour

S’ENFONCER DANS LES ENTRAILLES D’UNE MONTAGNE, VOIR APPARAÎTRE DES FRESQUES MILLÉNAIRES

À LA LUEUR D’UNE FRONTALE, PÉNÉTRER DANS UN TOMBEAU JAMAIS OUVERT AU PUBLIC. UNE EXPÉRIENCE VOYAGEURS DU MONDE EXCLUSIVE À VIVRE GRÂCE

À UN PARTENARIAT PRÉCIEUX AVEC L’INSTITUT FRANÇAIS

D’ARCHÉOLOGIE ORIENTALE DU CAIRE.

“La tombe 216 est la plus importante parmi la cinquantaine répertoriée à ce jour sur le site. Elle ne sera jamais ouverte au public”, prévient Cédric Larcher, jeune directeur de la mission de l’Institut français d’archéologie orientale (Ifao) en cours à Deir el-Médina, aux portes de Louxor et de la Vallée des rois. Pourtant, ce jour-là, l’égyptologue français ouvre l’hypogée dans lequel repose Néferhotep – architecte de Ramsès II – à un apprenti Indiana Jones, plus habitué aux plateaux de cinéma qu’aux fouilles archéologiques. Descendre dans un puits de huit mètres à l’aide d’une échelle, s’enfoncer dans les entrailles de la montagne à la lueur d’une frontale, arriver dans des appartements souterrains, suivre un couloir pour finalement escalader un mur et se glisser dans une ouverture qui mène à la chambre funéraire : “Inoubliable !”, selon l’aventurier d’un jour.

Une expérience rendue possible grâce à dix années d’une relation solide bâtie entre Voyageurs du Monde et l’Ifao, installé dans le palais Mounira, au Caire, depuis 1907, qui permet aujourd’hui de proposer cette approche exceptionnelle de l’Égypte antique. “En tant qu’égyptologues, et dans la mesure où la fréquence ne perturbe pas notre travail, c’est une réelle satisfaction de permettre à quelqu’un qui s’intéresse au sujet d’aller audelà de ce qu’il perçoit de l’Égypte. De lui faire vivre une réelle sensation sur le terrain, mais aussi d’apporter une explication pointue à son émerveillement”, témoigne Cédric Larcher.

Novices ou spécialistes, impossible effectivement de ne pas succomber devant la beauté des ornements réalisés 3 500 ans plus tôt mais dont les couleurs sont si vives qu’ils semblent avoir été faits la veille. Un état de conservation dû à l’emplacement et l’histoire de Deir el-Médina. Habité pendant une période de cinq cents ans, ce village prédynastique, perché en retrait du Nil, a été abandonné aux sables du désert libyque, jusqu’à sa redécouverte au début du XXe siècle par des fouilleurs italiens, puis français.

Outre les deux nécropoles, l’espace rituel composé de chapelles votives et de temples divins et royaux, les excavations ont mis à jour, sur sept hectares, une soixantaine de maisons dans lesquelles vivaient les artisans en charge des tombes de la Vallée des rois. Plusieurs dizaines de milliers d’objets livrent aujourd’hui encore une somme inestimable d’informations sur les pharaons du Nouvel Empire.

“La quantité phénoménale de documents inscrits retrouvés sur le site nous renseigne sur la vie professionnelle et l’organisation de ces artisans mais aussi sur les croyances locales, les interactions entre les personnes”, se réjouit le directeur de la mission qui ne s’interdit pas un rêve : “Découvrir la tombe inviolée d’un personnage inconnu, ce serait magnifique !” Un vœu qui, comme celui du comédien, égyptologue d’un jour, pourrait bien être exaucé sur ce site qui garde encore de nombreux secrets.

VOYAGEURS 26
En privé
© Bernard Bruyère/Ifao Triage de la céramique dans la maison de fouilles de Deir el-Médina, en 1937.

Cabinet de curiosités

PLANÈTE RAMDANE

UN JOUR AU PIED DE L’HIMALAYA POUR CRAPAHUTER ET RENCONTRER UN MAÎTRE DE CARRIÈRE DE MARBRE, LE SURLENDEMAIN EN ÉTHIOPIE POUR SHOOTER SA DERNIÈRE COLLECTION… RAMDANE TOUHAMI PASSE EN UN ÉCLAIR DE TOKYO À BUENOS AIRES, DE L.A. À MILAN, PARFOIS PARIS. DIRECTEUR ARTISTIQUE ET ENTREPRENEUR ICONOCLASTE À LA TÊTE D’UNE QUINZAINE

D’ENTREPRISES CRÉATIVES, L’ANCIEN SKATEUR EST DEVENU EN UNE DÉCENNIE

– AVEC SON ÉPOUSE, VICTOIRE DE TAILLAC – L’ARBITRE DU RAFFINEMENT “À LA FRANÇAISE”

(L’OFFICINE UNIVERSELLE BULY, C’EST EUX). IL LANCE UNE NOUVELLE IDÉE

À LA SECONDE OU PRESQUE, “PARCE QU’ON A QU’UNE VIE”, MAIS A ACCEPTÉ, POUR VOYAGEURS, DE S’ARRÊTER SUR QUELQUES SOUVENIRS ATTRAPÉS À LA VOLÉE.

TASSE À CAFÉ DESTINATION → SÉNÉGAL

“Un clin d’œil à mon dernier voyage à Dakar. J’adore le Sénégal. Il y a quelque chose de joyeux et d’apaisant dans cette tasse qui traduit bien mon impression du pays, même si mes voyages ne sont jamais statiques ! Voyager, c’est être au bon endroit au bon moment.”

SAC À DOS DESTINATION → JAPON

“J’ai trouvé ce sac à dos abandonné sur l’une des îles Goto, au sud du Japon. Je l’adore ! C’est un des premiers modèles The North Face de la fin des années 1970, début 80, mais surtout, son aspect cuit par le soleil et le sel fait qu’il a une histoire.”

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VOYAGEURS

GLOBE TERRESTRE MINIATURE

DESTINATION → ITALIE

“Chiné à la Mercanteinfiera de Parme, un marché aux puces incontournable, ce petit globe symbolise le fait que je suis constamment en mouvement. Je pars très souvent à l’improviste, au feeling. On a, dans une vie, un nombre limité d’étés, et le monde qui s’offre à vous invite à ne pas perdre de temps.”

ÉCUSSON RHONEGLETSCHER DESTINATION → ALPES SUISSES

“J’ai toujours aimé la montagne, des Pyrénées de mon enfance à mes derniers voyages – l’Himalaya, la Patagonie –, il y a toujours un sommet qui justifie un voyage. C’est un endroit où je me sens bien. Vous recevez cet écusson du glacier du Rhône lorsque vous passez à vélo le col de la Furka, à 2431 mètres.”

CHAPEAU GNAWA DESTINATION → MAROC

“Acheté à Marrakech, ce chapeau me ramène à mes origines : je suis descendant d’un ancêtre gnawa qui, en arabe, veut dire Guinée. Je suis donc africain même si cela fait cinq générations que nous sommes en France. Avec ma femme et mes enfants, nous avons vécu deux ans à Tanger.”

POLAROÏD SX-70 DESTINATION → TOKYO

“Il s’agit d’une série limitée éditée par la designeuse de mode Chitose Abe, créatrice de la marque Sacai. Une simplicité et une élégance qui résument bien le Japon.Quand je suis arrivé à Tokyo en 1996, c’était le futur de la planète. J’y ai vécu, nous y avons des boutiques, et je prépare l’ouverture d’un hôtel dans un style qui manque encore à la ville.”

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CATALOGUE SPORTIF DESTINATION → MUNICH

“Une référence aux sportifs du début du XX e  siècle. Au Japon, j’ai créé une ligne d’accessoires et de vêtements de montagne inspirée des pionniers. Son nom : Anarcho Mountaineers. Un clin d’œil à la fois à mon attirance pour l’aventure et mon côté anar. Dans la maison familiale, le portrait du Che était accroché à un mur.”

STYLO-RÈGLE D’ARCHITECTE

DESTINATION → AUTRICHE

“Il résume assez bien le pays. Je ne pourrais jamais vivre dans un pays autoritariste comme celui-ci. À Paris, j’ai ouvert cette année la Pharmacie des Âmes, une librairie engagée dans les luttes sociales et antiracistes, installée dans une ancienne officine, avec l’idée de soigner les esprits par les livres.”

VIGNETTE D’AUTOROUTE DESTINATION → SUISSE

“Je suis tout le temps sur la route. Je fais régulièrement le trajet vers la région de l’Oberland, en Suisse, où j’ai ouvert un hôtel cette année. J’ai beaucoup voyagé en road-trip : Amérique du Sud, États-Unis, Méditerranée…, et je garde un projet dans un coin de ma tête : Paris-Vladivostok-Tokyo.”

PORTE-CLÉ “1000 MIGLIA” DESTINATION →

“Le ’1000 Miglia’ est un rallye mythique, couru sur routes ouvertes, en Italie. J’ai eu la chance d’y participer. Il réunit des modèles de collection, au départ de Brescia en Lombardie. L’itinéraire est magique, c’est le plus beau voyage que vous puissiez faire en Italie.”

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LOMBARDIE

CASQUE EN OSIER DESTINATION → VIETNAM

“J’aime à la fois les objets insolites et ceux qui racontent une part d’histoire. Ce couvrechef était porté par les soldats japonais lors de l’invasion de l’Indochine en 1940. Je l’ai chiné au Vietnam. Je suis fan de ce genre de pays où tout, à commencer par la langue, vous fait perdre vos repères.”

BOÎTES À GRAINES DESTINATION → VALAIS (SUISSE)

“Ca fait partie de mes dernières belles trouvailles. Dénichées dans une école catholique du Valais, ces 543 petites boîtes contiennent des graines de variétés de plantes et d’herbes aromatiques du XVIII e siècle. Très bien conservées, elles ont encore la capacité à germer.”

CARNET D’ARCHIVES DESTINATION → MOYEN-ORIENT

“En 2004, avec le photographe Artus de Lavilléon, nous avons fait un périple dingue autour de la Méditerranée, en Lotus 7. Parmi les plus beaux souvenirs : Alep, d’une beauté hors normes, mais aussi la Jordanie. Ce carnet rassemble des archives touristiques du début du XX e siècle et fait référence à la Palestine, alors reconnue comme un pays.”

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Carte blanche
© Matthieu Paley

Géopolitique du voyage

LE PAKISTAN

dans le rétroviseur de Jean-François Rial, pdg de Voyageurs du Monde

FONDÉ EN 1947 LORS DE LA PARTITION DES INDES, CE PAYS FRONTALIER AVEC L’INDE, L’IRAN, L’AFGHANISTAN ET LA CHINE RESTE, MALGRÉ LES APRIORI, UN VOYAGE ESSENTIEL.

Le Pakistan est un pays clé pour comprendre le monde. Il compte parmi les cas d’école de la géopolitique mondiale, au même titre que l’Afrique du Sud, Israël ou encore le Nigeria. Des pays dont l’histoire et la trajectoire actuelle livrentun éclairage sur les relations internationales. Entouré de quatre nations stratégiques sur l’échiquier mondial – l’Inde, l’Afghanistan, l’Iran et la Chine –, le Pakistan est une pièce indispensable de la diplomatie. Ses liens politiques historiques avec les États-Unis, le conflit qui l’oppose à son voisin indien depuis la partition, la position ambiguë d’Islamabad dans la lutte contre le terrorisme ou encore son rapprochement économique avec Pékin, qui multiplie les investissements dans le pays, font du Pakistan l’une des pierres angulaires du Moyen-Orient.

Pour mieux comprendre cette dimension internationale, il faut voyager à l’inté-

rieur de ce pays extraordinaire qui a che parmi les plus beaux paysages de la planète. Sillonner notamment le Penjab et le Cachemire reste la meilleure façon de réaliser à quel point la séparation entre l’Inde et le Pakistan est arti cielle, tant les visages, les peuples et les habitudes sont similaires. À Islamabad, les mosquées constellées de mosaïques racontent celle de l’Islam et de ses diverses sensibilités.

À Lahore, la splendeur de la ville restaurée grâce au concours du prince Aga Khan IV, chef spirituel des musulmans ismaéliens, montre sans hésitation que l’Islam le plus éclairé garde la main face à l’obscurantisme qui sévit dans certaines régions, où bien sûr on ne voyagera pas. La région du Karakorum, et plus particulièrement la vallée de la Hunza –  ef des Ismaéliens –, est d’une beauté inestimable. Seconde ville du pays, Lahore fait aussi démonstration d’une diversité de cultes

VOYAGEURS

insoupçonnée à travers les temples hindous, sikhs et bouddhistes que le voyageur est amené à croiser en chemin.

En n, entre les forts moghols et les édi ces du Raj britannique, le Pakistan raconte un pan d’histoire dont le dernier volet est à peine centenaire. Trois générations plus tard, perchée sur les terrasses qui surplombent la capitale, la jeunesse pakistanaise se prépare, malgré l’instabilité institutionnelle de son pays, à en faire bouger les lignes. Le combat pour le respect des droits humains, l’émancipation et le droit à l’éducation des femmes, des valeurs aujourd’hui défendues sur le plan international se jouent ici même, dans les faubourgs de Peshawar, les villages reculés de la vallée de la Hunza. Ne serait-ce que pour cette raison, lestatut d’ambassadeur du monde extérieur inhérent au voyageur est essentiel et justi e à lui seul de se rendre dans un pays comme le Pakistan.

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PETITE CONVERSATION SUR LE monde

S’intéresser, débattre, envoyer promener ses idées: tel est l’objet de ce rendez-vous pour lequel JEAN-FRANÇOIS RIAL, PRÉSIDENT DE VOYAGEURS DU MONDE, reçoit une personnalité. Dans ce numéro, RICHARD COLLASSE, romancier, longtemps pdg de Chanel KK au Japon, un pays dont il est éperdument amoureux depuis cinquante ans. Hyperactif, émotif, drôle, l’auteur de La Trace livre un éclairage sur une culture à laquelle il se voue plume et âme, captivé par tout ce qui a trait à l’humain.

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Entretien
© Ayumu Yoshida
Richard Collasse, dans sa maison japonaise de Kamakura, au sud de Tokyo.

JEAN-FRANÇOIS RIAL : Vous partez pour Boston avant de rejoindre le Japon après un passage par Londres et Paris ! Ce rythme s’apprête-t-il à changer ?

RICHARD COLLASSE : Je quitte Chanel à la fin de l’année 2023 et j’ai des adieux à faire à peu près dans tous les pays du monde. Il y a cinq ans, j’étais dans une angoisse terrible car je suis comme une bicyclette : si je n’avance pas, je tombe. Après quarante ans de maison, j’envisageais déjà la catastrophe : m’installer devant ma télé avec des charentaises et mourir deux ans plus tard de tristesse. Je déteste le mot “retraite” ! Je préfère l’équivalent espagnol : “jubilación”. La jubilation, c’est très beau, c’est la liberté, liberté chérie. Je vais faire un tas de choses, notamment enseigner à HEC et mener des missions de consulting. Je suis aussi administrateur civil du pavillon français de l’Exposition universelle d’Osaka 2025. Je souhaite me consacrer à l’écriture, en tentant de publier un roman par an. Je travaille déjà avec une jeune dessinatrice sur un projet à mi-chemin entre la BD et le manga, autour du voyage. Il y a aussi la version illustrée du Dictionnaire amoureux du Japon , pour laquelle nous avons sélectionné cinquante entrées et ajouté celles de “sumo” et de “Takeshi Kitano”, un personnage étonnant et un ami qui en a peu. J’ai l’intention de voyager en Terre de Feu, au Vietnam, au Bhoutan… Avant, j’irai m’isoler trois mois dans le temple Daitoku-ji, au nord de Kyoto, afin de me laver l’esprit.

J.-F. R : Vous vivez depuis 1972 au Japon, et aujourd’hui également en Suisse. Pourquoi ce rapprochement ?

R. D. : Les Suisses sont un peu les Japonais de l’Europe. Ils ont la réputation d’être un peuple pas marrant et fermé. Mais derrière une façade qui montre peu la richesse de leurs émotions se trouvent des gens passionnés et dingues. La Suisse, c’est aussi parce que je veux aller davantage à la découverte des civilisations qui nous entourent en Europe. Au Japon, nous habitons à Kamakura, à cinquante minutes de Tokyo. Cette campagne à la ville compte 90 temples, dont le fameux Hachiman, l’un des trois plus importants sanctuaires shintoïstes du pays. Il y a aussi des surfeurs, c’est le Big Sur japonais. Nous sommes au fond d’une petite vallée, derrière le Grand Bouddha, dans une maison traditionnelle en bois, adaptée aux besoins occidentaux. Nous avons recréé un pavillon avec des tatamis et un onsen, où nous faisons la cérémonie du thé et recevons nos hôtes.

J.-F. R : Basé à Tokyo, vous y travaillez depuis toujours, parlez la langue, êtes marié à une Japonaise. Pourtant, vous avez longtemps douté de votre légitimité à écrire le Dictionnaire amoureux du Japon…

R. D. : Si je m’estime incompétent, c’est parce que le Japon est un puits sans fond. J’essaie simplement de couvrir mon incompétence par ma passion. Et c’est sans doute un défaut, mais je ne m’aime pas. Je traîne ce sentiment qui fait partie de mon côté sombre. Si je ne suis pas occupé, c’est la catalepsie totale.

J.-F. R : À travers vos écrits, vous semblez très émotif. Considérez-vous cela comme un atout ou un inconvénient, particulièrement dans un pays comme le Japon ?

R.D. : Lorsque j’y suis arrivé, à 19 ans, j’entendais souvent : “Vous êtes impétueux, colérique. Au Japon, il faut être patient, il ne faut jamais montrer ses sentiments.” Je n’avais pas l’intention de

changer pour faire plaisir et figurez-vous que ça m’a servi. En réalité, les Japonais sont eux-mêmes très émotifs, mais obligés de se protéger avec une gangue d’impassibilité, car ils vivent sur un tout petit pays, les uns sur les autres. Aux XIV et XVe siècles, ils passaient leur temps à se battre, avant que le grand Tokugawa Ieyasu prenne le pouvoir en 1635 et écrase les clans. Je vous recommande d’ailleurs le dernier film de Takeshi Kitano, Kubi (2023). “Kubi” désigne le cou. Aujourd’hui, l’expression “Kubi ni naru” signifie être viré, mais au XIVe siècle elle existait par le sabre. Si les Japonais sont impassibles, cela ne les empêche pas de ressentir et donc de comprendre les émotions. J’ai eu des disputes terribles et étonnamment, une fois la crise passée, j’obtenais ce que je voulais. Surtout, je créais avec ces gens-là une amitié indéfectible. Pourquoi ? Parce que j’ai toujours été sincère, appelons cela l’honnêteté des émotions. Parfois, cela me joue des tours. Depuis trente ans, ma femme me dit que je devrais grandir. Je suis un gamin de 70 ans et j’espère mourir gamin.

J.-F. R : Vous avez grandi au Maroc, beaucoup voyagé… Auriezvous pu avoir la même passion pour un autre pays ?

R. D. : Totalement. Dans mon roman La Trace, je raconte que je ne devais pas partir au Japon, mais au Brésil. Si j’y étais parti, sans doute y serais-je encore car effectivement, toute civilisation m’enchante. J’ai vécu une enfance très heureuse au Maroc qui m’a profondément marqué. Mon père, pilote de ligne, était détaché pour un contrat de deux ans. Finalement, nous y avons passé dix ans. Il était souvent absent, mais il m’a appris très tôt que le “chaouch” qui balaie son hangar avec minutie mérite plus le respect que le patron de la compagnie qui fait des conneries. Ma mère était très dure, au bon sens du terme. Elle est un peu comme la reine d’Angleterre, d’ailleurs elle lui ressemble. “Never complain, never explain” : elle nous a éduqués comme ça. Nous vivions principalement avec des Marocains et des Français qui adoraient le Maroc. Fatima, notre employée de maison, n’avait pas le droit de faire notre chambre, c’était notre tâche. De même, après le dîner, nous l’aidions à faire la vaisselle. Je l’appelais “ma sœur”, elle m’appelait “mon fils”, et à la fin du ramadan, nous mangions la harira ensemble. J’ai été élevé avec un amour de la curiosité. Mon père, lorsqu’il était en rotation en Afrique, en Asie ou en Amérique latine, ne restait pas au bord de la piscine, il allait découvrir le pays. J’ai hérité de ça, et lorsque vous êtes curieux, vous ne pouvez qu’aimer les cultures que vous traversez.

J.-F. R : Vous écrivez : “Vivre au Japon sans adopter le shintoïsme reviendrait à manquer l’essence de l’âme japonaise.” Le Japon a-til transformé votre façon de penser ?

R. D. : Le Japon est une terre magnifique, mais elle se mérite terriblement. Il y a des typhons, des glissements de terrain, des pluies torrentielles, des éruptions volcaniques. Il y a des tremblements de terre souvent accompagnés de tsunamis dévastateurs comme celui de 2011. Les Japonais disent : “Nous vivons sur le dos du poisson-chat.” Et quand le poisson-chat a envie de bouger, c’est catastrophique. Résultat, cette nature qui est à la fois magnifique mais extrêmement maligne au sens dangereux du terme, il faut l’apprivoiser. Cette tension entre les humains et la terre qu’ils habitent est à l’origine du shintoïsme, dont les déités sont partout : dans un arbre, une pierre – parce qu’elle peut rouler sur votre maison, donc il vaut mieux essayer de l’apprivoiser –, comme dans la rizière qui vous nourrit, etc. Si vous ne comprenez pas l’essence du shintoïsme, il est effectivement difficile de comprendre le Japon.

VOYAGEURS 36
Entretien

J.-F. R : Cette relation à la nature induit-elle une conscience écologique particulièrement forte ?

R. D. : Étonnamment, non. Le Japon est un pays de paradoxes. Le tri sélectif existe depuis cinquante ans. À la même époque, le gouvernement prenait des mesures pour réduire les émissions de CO2, en cinq ans les constructeurs automobiles ont atteint 60 % de diminution, et Tokyo est bien moins polluée que Paris. Le Japon a été le premier, avec Toyota, à construire des voitures hybrides. Mais cherchez aujourd’hui des voitures électriques japonaises… Le réchauffement climatique ne les préoccupe pas plus que ça. La nature est sacrée, il existe de nombreux parcs nationaux, mais les Japonais n’ont pas le sentiment de devoir protéger la biodiversité au sens scientifique du terme. Parce qu’il faut maîtriser cette nature et que pour la maîtriser, parfois il faut bétonner.

J.-F. R : Quelle part de la culture japonaise a été la plus difficile à apprivoiser ?

R. D. : Quand vous vous plongez dans les choses, elles deviennent limpides. La vie au Japon est régie par des principes. Rien d’incompréhensible. Un exemple : “iemoto”, le toit, structure la société. Ceux qui vivent sous le même toit, celui du foyer, de l’université, de l’entreprise, appartiennent au même clan. Il s’agit de ne pas se tromper. J’ai une femme japonaise dans ma vie (ndlr : voir l’entrée “Naoko” du Dictionnaire amoureux). Au début de notre relation, elle me disait souvent : “Tu ne comprendras pas, tu n’es pas Japonais.” Je lui ai toujours répondu : “A priori, tu as un cœur à la même place que le mien, tu as des tripes, un estomac comme moi, deux poumons, un sexe, il n’y a aucune raison pour que nous soyons différents. Notre cerveau peut raisonner différemment mais a priori, je ne comprends pas pourquoi je ne pourrais pas comprendre.” Ce réflexe très japonais est une forme de protection. Et elle s’intensifie avec l’explosion du tourisme.

J.-F. R : Comme réagissez-vous au succès du Japon chez les voyageurs ?

R. D. : J ’ai une grande colère vis-à-vis du gouvernement japonais qui a fait de grosses erreurs dans sa gestion du tourisme. Il y a vingt ans, le Premier ministre japonais de l’époque, Jun’ichiro Koizumi, avec lequel j’avais créé une relation inattendue lors d’un déjeuner en tant que président de la chambre de commerce européenne, demande à me consulter sur le sujet. Je lui fais part de ma surprise, mais le simple fait que j’appartienne au premier pays visité au monde l’intéresse. Les deux pays ne sont pourtant pas comparables : la France, au carrefour de l’Europe, et le Japon, destination isolée. Koizumi se plaint d’avoir moins de visiteurs que l’Irlande, avec 5 millions de touristes par an. Je l’alerte sur le fait que la civilisation et la nature japonaises sont fragiles et qu’il semble raisonnable de ne pas dépasser 30 millions de visiteurs annuels. Un nouveau Premier ministre est élu, Shinzo Abe, pour qui seuls les chiffres comptaient. Paix à son âme. Aujourd’hui, 60 millions de visiteurs débarquent chaque année par l’aéroport de Narita. Le pavillon d’or reçoit 30 000 visites quotidiennes, autant que Versailles qui est 400 fois plus grand.

J.-F. R : Quelles en sont les conséquences ?

R. D. : Sur ces 60 millions, vous avez beaucoup de Français qui sont, en général, respectueux de la culture japonaise. Il y a égale-

ment les Chinois qui, c’est ma théorie, viennent rechercher les racines de leur civilisation. Parce que le Japon a tout emprunté à la Chine, il l’a préservée en la magnifiant, les jardins de pierres notamment ont été inventés en Chine. La jeunesse, elle, vient pour prendre un selfie devant le Grand Bouddha et la tour de Tokyo. Mais lorsque des gamins américains entrent, torse nu, dans un sanctuaire, que de jeunes Chinois, pour une photo, se mettent sous la cascade du Kiyomizu-dera, grand temple de l’eau pure de Kyoto, ou grimpent dans un cerisier centenaire et en cassent les branches, le tourisme pose problème.

J.-F. R : Dans ce contexte de surtourisme global, que pensez-vous de l’instauration de quotas ?

R. D. : L e Japon doit regarder ce qui se passe à Barcelone, où la population est excédée ; à Venise, qui s’apprête à instaurer une taxe journalière aux visiteurs ; en Hollande, qui n’affecte plus de budget au tourisme. Les autorités devraient profiter de la crise sanitaire de 2020. Le pays est resté fermé très longtemps, c’était l’occasion de rouvrir les frontières de manière raisonnée et de revenir à 30 ou 35 millions de visiteurs. Même si je pense que l’on peut voyager de façon intelligente, je ne vois pas d’autre solution que la limitation aujourd’hui.

J.-F. R : S’agit-il aussi d’éducation ?

R. D. : Oui. Il faut réapprendre le respect et pour cela le Japon est un pays exemplaire. Les amis qui me rendent visite sont toujours étonnés de redécouvrir la courtoisie. Et à ceux qui me disent vouloir l’appliquer à leur retour en France, je souhaite bonne chance. Ceci dit, où que j’aille, même face au pire des accueils, je suis toujours ultra poli, ultra gentil, et en général le retour est positif. J’ai fait de très belles rencontres grâce à ça. Je le fais simplement parce que pour moi l’humain est important.

Dictionnaire amoureux illustré du Japon (Plon/Gründ, 312 p., 34,95 € )

BONNES PISTES

Votre quartier préféré à Tokyo ?

Toshima-ku, un petit quartier où nous avons habité vingt ans une maison en bois bordée de grands ginkgos biloba. L’air et l’esprit sont différents, c’est très calme, les maisons sont basses. Il y avait encore récemment un sento (ndlr : bains publics), mais à ma grande tristesse, il a disparu.

Votre restaurant préféré à Tokyo ?

Ce serait source de frustration car il pratique l’“Ichigensan Okotowari” : il ne reçoit pas un nouveau client sans que celui-ci soit introduit. Derrière ce qui peut passer pour de l’arrogance, c’est tout un concept basé sur la confiance. (ndlr : voir Le Dictionnaire amoureux du Japon)

Une région où voyager ?

L’île de Kyushu, la plus méridionale, avec ses deux volcans, le Sakurajima et le Unzen. Naoko et moi y avons effectué une grande virée à moto il y a trente ans. Et aussi, les îles au sud de Nagasaki.

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SNAPSHOT

LE DORMEUR DU HINGLAJ MATA PAR LE PHOTOGRAPHE MATTHIEU PALEY

“Hinglaj Mata est un temple hindou situé à Hinglaj, au Baloutchistan, à quatre heures de route de Karachi. Chaque printemps, lors du pèlerinage du Hinglaj Yātrā, des dizaines de milliers de fidèles convergent vers le temple depuis tout le Pakistan. Pendant plusieurs jours, ils célèbrent la déesse Sati à travers des rituels, dont l’ascension d’un volcan. Certains font encore le chemin à pied pendant huit jours, mais la Makran Coastal Highway permet désormais de s’y rendre motorisé. Ce jeune hindou aux mèches rouges, arrivé à moto, s’offre un repos mérité.”

Depuis plus de vingt ans, Matthieu Paley concentre son travail sur les régions sous-représentées d’Asie centrale et l’appauvrissement des cultures. Ses nombreux reportages pour le National Geographic lui ont valu d’être récompensé en 2017 par un World Press. Il a été désigné photographe de l’année 2022 par l’International Award & American Photography.

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GARDIENS des océans

Ils et elles sont militante et protectrice des profondeurs, ingénieur low-tech nomade des mers, biologiste marine, défenseur de la Méditerranée, réalisateur éco-activiste. Portraits d’une jeune génération en feu, bien décidée à rendre le monde meilleur.

Via son association Bloom, créée en 2005, la militante Claire Nouvian se bat contre la destruction des océans, du climat et des pêcheurs artisans. Une détermination sans failles qui la mène à travailler avec des parlementaires européens pour alerter et tenter d’acter des avancées écologiques et sociales.

“Les océans occupent 70 % de la planète, ils sont le plus grand régulateur du climat.” L’axiome, énoncé par Claire Nouvian, dévouée à la protection des océans, est simple, basique. Normalement, pas besoin d’en dire davantage pour comprendre la nécessité impérieuse à les préserver. Pourtant, ils ne cessent de subir les assauts d’une activité humaine toujours plus mortifère.

En absorbant quasiment un tiers de nos excès de CO2, les océans s’imposent comme une pompe à carbone géante dont l’efficacité n’est possible que s’il y a des animaux vivants dedans. Or, les lobbies de la pêche industrielle s’appliquent à enrayer ce merveilleux système de régulation, savamment étudié par la nature. L’IPBES (plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques), qui est donc à la biodiversité ce que le Giec (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) est au

climat, le confirme en identifiant la pêche industrielle comme la première cause de destruction des océans.

On a le(s) coupable(s). Et ils ont trouvé en la personne de Claire Nouvian une adversaire des plus combative. Cette ténacité, elle l’a en partie forgée dès l’enfance, suite à la séparation de ses parents. De jeunes années partagées entre l’Algérie, la France et la Chine (Hong Kong). Citoyenne du monde, elle parle six langues. Elle séjourne en Allemagne, en Thaïlande et en Argentine, et devient dès 1996, à 22 ans, journaliste,

avant de réaliser des documentaires animaliers pour de grandes chaînes de télévision. Elle filme déjà la destruction des forêts, de la biodiversité, des espèces, etc.

C’est une mission en Californie, à l’Aquarium de Monterey, qui sera déterminante. En étudiant le monde des abysses, elle constate qu’il n’existe que très peu d’informations accessibles au grand public. On est en 2001. Aucun traité, ni aucune loi non plus pour protéger les eaux internationales. Celles-là même qui sont souillées et exploitées à échelle industrielle depuis plus de trente ans.

En réponse à l’inaction des politiques et la complaisance des médias, Claire Nouvian crée, en 2005, l’association Bloom, une organisation non gouvernementale (ONG) de protection des fonds marins. En ligne de mire, le chalutage de fonds – et aujourd’hui, la senne démersale, qui consiste à déployer un filet en forme d’entonnoir sur une surface de trois kilomètres carrés, encore plus impactante. Des pratiques auxquelles il faut absolument mettre fin ! En dix-huit ans, l’intensité du combat n’a pas faibli. Car rien n’arrête celle qui, avec sa fondation, ne s’avoue jamais vaincue. Une force vitale, salvatrice, face à la catastrophe en cours et aux désillusions. Sinon comment empêcher que les océans ne deviennent des déserts ?

VOYAGEURS 40 Nouveaux héros
CLAIRE NOUVIAN // EUROPE & MONDE Denis Allard/Réa

CORENTIN DE CHATELPERRON // FRANCE

Tara Tari : c’est par ce nom exotique, celui du chantier naval sur lequel l’ingénieur Corentin de Chatelperron travaille en 2009, au Bangladesh, que tout commence. Sa sensibilité environnementale le pousse à chercher une alternative à la fibre de verre, matériau de construction polluant et onéreux. La fibre de jute s’avère une ressource locale, naturelle et très solide, qu’il met à l’épreuve dans la construction d’un petit voilier, le Gold of Bengal, sur lequel il embarque pour six mois. Il en revient avec un autre projet : l’autonomie en matière d’accès à l’énergie, l’alimentation et l’eau. En 2016, il repart à bord du Nomade des mers, un catamaran de quatorze mètres, pour tester la viabilité d’innovations simples, accessibles et utiles, glanées partout dans le monde. Aujourd’hui, il poursuit sa quête, notamment en définissant les principes de l’habitat low tech de demain.

ASHA DE VOS // SRI LANKA

“Si nous voulons sauver l’océan, chaque littoral a besoin d’un héros local”, martèle la biologiste marine et activiste Asha de Vos à longueur d’interviews. Les côtes sri lankaises tiennent en elle une héroïne de choix. Petite, elle rêve d’emboîter le pas au commandant Cousteau, dont elle découvre l’engagement en feuilletant les pages du magazine Geo. Elle est la première Sri Lankaise à décrocher un doctorat en recherche sur les mammifères marins et la première spécialiste des baleines bleues, qu’elle qualifie d’“ingénieurs de l’écosystème”, tant leur existence est vitale à la préservation de l’océan. Elle cofonde Oceanswell en 2008, première organisation de recherche et d’éducation sur la conservation marine au Sri Lanka. Asha de Vos reçoit en 2018 le prestigieux BBC 100 Women Award, en récompense à son engagement si inspirant.

LEFTERIS ARAPAKIS // GRÈCE

Il aurait pu être pêcheur comme tous les hommes de sa famille depuis cinq générations. Mais lors de sa première sortie en mer, il aperçoit dans ses filets une canette dont la date de péremption précède de sept ans sa naissance (il est né en 1994). Sa mission, ambitieuse, débute ce jour-là : nettoyer la Méditerranée. Il crée, en 2016, l’association Enaleia, qui encourage les pêcheurs à ramasser les déchets et les rémunère pour leurs efforts. S’inscrivant dans une économie circulaire, Lefteris Arapakis recycle les déchets avec l’aide d’autres associations. Son militantisme en faveur d’une pêche durable et de l’éducation des jeunes pêcheurs porte ses fruits. Aujourd’hui, plus de la moitié de la flotte grecque de pêche à grande échelle s’est engagée à participer à cette nouvelle pratique de collecte de déchets, et des opérations de nettoyage ont lieu jusqu’au large des côtes italiennes et kényanes.

GARY BENCHEGHIB // BALI

C’est en 2009, à 14 ans, qu’il crée sa première ONG, “Make a Change Bali”, et entreprend, avec son frère et sa sœur, des opérations de nettoyage des plages de l’île pour sensibiliser à la pollution plastique. Suivra “Make a Change World” via laquelle le jeune homme, formé entretemps à la réalisation de films aux États-Unis, mène des expéditions à travers le monde qu’il documente en vidéo. En 2020, c’est au tour de Sungai Watch de voir le jour. Son but : empêcher les détritus de se déverser dans l’océan par le déploiement de barrières mobiles fabriquées localement. Avec quelque 665 000 abonnés sur Instagram, 85 employés à plein temps, mille tonnes de plastique collectées, plus de 180 rivières indonésiennes équipées de barrages, etc., Gary Bencheghib, 28 ans, méritait amplement le prix Ramon Magsaysay 2022 (le Nobel asiatique) pour son engagement.

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Gary Bencheghib Lefteris Arapakis Bret Hartman Sanjit Das/Panos-Rea

GOODNIGHT

EXPRESS

LE TRAIN DE NUIT ACCÉLÈRE SON GRAND RETOUR EN EUROPE. COMPAGNIES PRIVÉES ET NOUVELLES LIGNES SE MULTIPLIENT EN RÉPONSE À L’ENVIE CROISSANTE D’ADOPTER UNE MOBILITÉ PLUS VERTUEUSE (NÉANMOINS CONFORTABLE) ET À CELLE, ÉVIDENTE, DE RENOUER AVEC LE VÉRITABLE VOYAGE.

20 h 12, vous prenez place à bord du Paris-Rome et de votre couchette privative. Bulle cosy , douche et vraie literie que vous rejoindrez après un dîner au wagon-restaurant. Sauf si ce soir, vous préférez le room service , comme vous le feriez à l’hôtel, avant de vous installer devant le dernier Wes Anderson – grand amateur de trains lui aussi (cf. À bord du Darjeeling Limited, son lm sorti en 2007). La nuit fut douce – bien que vous ayez veillé pour attendre la traversée des Alpes au clair de lune. Les paysages délent jusqu’au terminus. Bienvenue à bord du train de nuit version 2024.

Hier encore, l’aventure ferroviaire nocturne se résumait à deux extrêmes : d’un côté, un fantasme nommé Venice Simplon – Orient-Express, digne héritier de la première ligne mythique à avoir parcouru l’Europe dès la n du XIXe siècle, et véritable palace sur rails. De l’autre, une couchette-sandwich partagée avec quelques ron eurs à bord d’une voiture Corail cahotante, reliant le Pays basque après une dizaine d’escales. Entre les deux, le grand vide. Une pandémie plus tard, l’urgence cli-

matique et la montée du ygskam (la honte de prendre l’avion) font bouger les lignes. Relégué aux voies de garage depuis la “lowcostisation” du transport aérien, le train de nuit prend sa revanche.

Le train, en général, pouvant se vanter d’être le mode de transport collectif le moins polluant, reprend ainsi sa place sur la carte des transports intra-européens. Derrière le vœu d’un déplacement plus vert(ueux) que par les airs, les acteurs de cette nouvelle révolution du rail – inspirés par celle de la Compagnie internationale des wagons-lits dans les années 1920 – entendent “réenchanter le voyage en train de nuit”. Et d’ajouter au romantisme du slow travel les atouts du confort moderne : couchettes individuelles, literie confortable, connexion wi , i tutti quanti

En 2023, première à ouvrir la voie à ces trains de nuit reliftés, l’entreprise nationale autrichienne OBB affichait une trentaine de liaisons européennes à bord de ses Nightjet, dont Munich-La Spezia (Cinque Terre) et Vienne-Paris. Et la société belgo-néérlandaise European Sleepers lançait son premier train-couchettes,

Berlin-Bruxelles via Amsterdam, avec en point de mire Prague en fin d’année, et Barcelone courant 2025.

En France, malgré de récentes mesures gouvernementales interdisant les vols intérieurs courts (seules trois liaisons concernées pour l’instant, très loin des ambitions de la Convention citoyenne pour le climat) et une poignée de lignes nocturnes hexagonales remises en service, l’option de voyager par le rail vers l’Europe et de nuit restait quasi nulle. La start-up Midnight Trains compte bien changer la maldonne des sleepings et raccrocher ses wagons design au train qui est en marche : une première ligne Paris-Venise, annoncée pour la n 2024, doit servir d’étalon à une dizaine de liaisons au départ de la capitale.

Et pour rêver encore plus grand, le choix des palaces roulant s’élargit lui aussi : voyager la nuit dans l’ Orient-Express – La Dolce Vita, dernière capsule de luxe inspirée des sixties italiennes, et le jour à bord du British Pullman, traversant la campagne du Kent, dans la voiture Cignus imaginée par Wes Anderson lui-même. Quand la réalité rattrape la ction…

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Trains de vie
© Maxime d’Angeac/Martin Darzacq/Orient Express/Accor

L’ART & la matière

DES CRÉATIONS, DES RÉNOVATIONS, DES PROJETS EN COURS PARTOUT À TRAVERS LE MONDE. POUR LE VOYAGEUR PASSIONNÉ D’ART ET D’ARCHITECTURE.

SYDNEY, AUSTRALIE Modern Project

– Art Gallery

Il aura fallu dix ans pour que voie le jour l’aile nord de l’Art Gallery du Royal Botanic Garden. Une extension de 22 000 m² signée par les Japonais de SANAA. Les bâtiments, juxtaposés, tout en transparence, sont inondés de lumière. Modulable, le musée abrite une collection permanente de 36 000 œuvres dédiée aux artistes australiens et aborigènes, entre autres.

LONDRES, ANGLETERRE Battersea

Power Station

Sur la rive sud de la Tamise, l’immense site industriel s’est joliment réincarné en lieu hybride (avec cinéma, théâtre, restaurants, boutiques…) ne conservant de sa vie antérieure qu’une salle de contrôle au charme Art déco intact. Ajout insolite : un ascenseur s’est glissé dont l’une des cheminées dont le sommet offre une vue à 360 degrés absolument imprenable sur la ville.

COPENHAGUE,

DANEMARK

DesignMuseum

Danmark

Conscients de leur talent pionnier en matière de design, les Danois ont construit, dès la fin du XIXe siècle, un musée voué à montrer mobilier, céramiques, textiles, dessins ou encore art digital. Une rénovation de deux ans vient parfaire l’ensemble, doté de la plus grande bibliothèque spécialisée en arts décoratifs et design industriel de Scandinavie, et d’un agréable café.

beau
Archi
James Parsons, Christian Hoyer, DR

ET AUSSI...

PERELMAN PERFORMING ARTS CENTER (PAC)

ITALIAN AMERICAN MUSEUM (IAM)

STUDIO MUSEUM HARLEM (NOUVELLE ADRESSE) - RÉOUVERTURE 2024

UNIVERSAL HIP HOP MUSEUM - OUVERTURE 2024

THE FRICK COLLECTION - RÉOUVERTURE FIN 2024

OSLO, NORVÈGE Musée

Munch

Cinq fois plus grand que le musée construit en 1963 pour abriter les œuvres léguées par Munch à la ville d’Oslo, ce nouveau lieu est tout simplement monumental. Pas moins de 26 000 œuvres – peintures, gravures, photos, documents personnels… –, dont le célébrissime Cri, y sont exposées. Le sommet du bâtiment, tel un geste d’hommage, est incliné à 45 degrés.

Guggenheim

Abou Dhabi

Un projet architectural fou signé Frank Gehry. Un enchevêtrement de structures aux courbes futuristes, métalliques, dorées, d’un noir d’ébène ou couleur sable. En tout, 12 000 m² de galeries vouées à accueillir, en 2025, des œuvres modernes et contemporaines, dont celles de Niki de Saint Phalle, Andy Warhol, Jean-Michel Basquiat ou encore Anish Kapoor.

NEW YORK, ÉTATS-UNIS

Performing Arts Center

Au cœur de Manhattan trône désormais un mystérieux cube. Ses faces, recouvertes de fines plaques de marbre veiné semblent, une fois éclairées, se transformer en or. Un temple ? Oui, mais dédié au culte des arts, où artistes, riverains et visiteurs sont invités à célébrer la danse, le théâtre, la musique et l’opéra dans des espaces et auditoriums modulables.

ABOU DHABI, E.A.U.
culture addict a New York
Einar Aslaksen, Guggenhein Abu Dhabi, PAC NYC
© Prudence Dudan

VOYAGEURS JOURNAL

Le monde selon vos envies 48 — 187

48 — 53

STORYTELLING

La carte postale : vintage, toujours tendance

54 — 69

AMDO, LE TIBET SUR

UN PLATEAU

Pèlerinage contemplatif, psalmodie bouddhiste et glamping écoresponsable

70 — 87

PARCS ET RÉCRÉATION

Un road-trip en famille, #vanlife, de L.A. aux parcs nationaux de l’Ouest américain

88 — 101

DOSSIER MÉDITERRANÉE : ENTRE SEL ET TERRES

Dix bonnes excuses pour mettre le cap sur la Grande Bleue et son bassin

102 — 117

OAXACA

Le nouvel impressionnisme mexicain

118 — 133

LONGUE VIE À OKINAWA

Des archipels en pointillé où vivre longtemps. Et caché

134 — 147

TOUT CHAUD

Tour du monde des nouveaux hôtels

148 — 161

SUR LES TRACES DES PHARAONS NOIRS

Au Soudan, un voyage hautement symbolique

162 — 173

LITTLE NEW

YORK(S)

Little… Colombia, Caribbean, Poland, Greece : les microquartiers d’une grande métropole

174 — 187

SHORT LIST

Une sélection de dix voyages à inscrire à votre agenda 2024

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Carton plein pour la carte postale

Elle est le corollaire des premiers congés payés de 1936, mais tient ses origines d’échanges concis, militaires et administratifs datant de 1869 – la France est alors à la veille d’une guerre contre la Prusse. Pratique, rassurante, drôle, parfois kitsch, la carte postale n’a jamais cessé d’exister et d’évoluer. Elle est désormais digitale et ultra personnalisable. Quelle que soit sa forme, une fois entrée dans nos vies, elle est précieusement conservée – de longues années, voire pour toujours.

TEXTE RAPHAËLLE ELKRIEF ILLUSTRATIONS PRUDENCE DUDAN 49

“ICI LE TEMPS EST MAGNIFIQUE. Nous avons fait du vélo. La plage est pleine de coquillages et nous mangeons des frites face à la mer.” Combien de ces souvenirs de vacances pouvons-nous encore retrouver dans une vieille boîte au fond d’un placard, en marque page d’un livre plein de sable ou, pour les plus chanceux, accrochés sur la porte du frigo ? Écrites sur un coin de table ou sur le bord d’une serviette, les cartes postales racontaient autant qu’elles disaient peu. Le nombre d’heures de route, les détails insignifiants, la banalité des quotidiens. Pas de détails intimes, faute d’intimité. Une lettre réduite à l’essentiel, spontanée, sans fioritures.

“Le ciel et la terre, les dieux et les mortels”, comme l’écrivait le philosophe Jacques Derrida, en 1980, dans La Carte postale – De Socrate à Freud et au-delà : 270 pages rédigées à l’arrière d’une même image. Longtemps, l’envoi de cartes postales a été un rite immuable des vacances. Un passage obligé, parfois jusqu’à la corvée, mais qu’aucun voyageur ne pouvait se résoudre à abandonner. Quitte à envoyer ses cartes depuis la boîte aux lettres de la gare ou sur le chemin qui nous ramène au travail, une fois les congés terminés. Comment en un siècle, un simple morceau de carton est-il devenu l’incarnation même des vacances ?

Une communication “à découvert” et accessible

À l’origine, il n’était pas question de vue sur le Mont Saint-Michel, de Promenade des Anglais ou de Sagrada Familia. Mais de militaires et d’État-major. La première carte postale apparaît en 1869 en Autriche, sous la forme d’un document administratif, normé, qui proposait une nouvelle manière de correspondre : économique, rapide et brève. “Ce document trouve son essor lors de la guerre franco-prussienne, explique Nicolas Hossard, l’un des rares historiens et sociologues à être spécialiste du sujet. L’État-major pouvait ainsi surveiller les échanges sans ouvrir les correspondances.” Comme de nombreuses inventions militaires, il a fallu peu de temps pour que celle-ci trouve un écho auprès du grand public. En France, une loi de 1872 autorise la correspondance “à découvert” et l’essor de la photographie achève de faire passer la carte postale du militaire au civil.

Et avant la Première Guerre mondiale, 800 millions de cartes s’échangent en France. La carte postale devient le témoin des fêtes locales, des événements villageois, un support d’information du quotidien. “Dans un pays encore très analphabète, la carte postale devient populaire parce qu’elle est un moyen de communication simple, avec une place limitée pour l’écrit”, analyse Nicolas Hossard. Pas besoin d’être Baudelaire ou la marquise de Sévigné pour pouvoir correspondre. De quoi agacer les plus élitistes : en 1903, face à ce nouveau mode de communication, un journaliste du Figaro, Jules Claretie, critique sa paresse et “le triomphe du laconisme”

Dans les années 1920, la bourgeoisie, qui est encore la seule à pouvoir se permettre de voyager, emmène la carte postale sur ses lieux de vacances et dans ses résidences secondaires. “Le marché s’est donc bien amoindri, analyse Christian Deflandre, collectionneur et passionné qui a ouvert le premier musée de la carte postale à Antibes. Ce qui était un moyen de correspondance et de témoignage du quotidien devient associé aux vacances et aux événements annuels : la nouvelle année, les anniversaires…” Puis, arrivent l’été 1936, la victoire du Front populaire et les deux semaines de congés payés par an et par travailleur. Des kiosques à journaux aux échoppes de bord de mer, les cartes postales envahissent les zones touristiques et s’échangent à mesure que les Français partent en vacances. Les photographes sillonnent la France pour immortaliser son patrimoine au grand bonheur des juillettistes et des aoûtiens. Dès lors, l’histoire de la carte postale restera profondément liée à celle de l’évolution des vacances. “Avec l’arrivée des 35 heures et des RTT, les Français se sont mis à voyager autrement, sur des périodes plus courtes, de manière plus saccadée”, explique Olivier Draeger, pdg des éditions du même nom, héritier d’une entreprise familiale créée en 1886 qui imprima les cartes des Éditions Yvon dès 1919. “Par exemple, la fréquentation des sites touristiques influence la production de certaines cartes aux détriments d’autres.”

Carbone 14 de la société Avec Draeger, quelque deux cents éditeurs se répartissent en France le marché de la carte postale. Des acteurs nationaux mais surtout de nombreuses maisons régionales qui ont su faire rayonner leur patrimoine en l’immortalisant en souvenirs pour les touristes de passage. Car la carte postale est tridimensionnelle : loin de raconter seulement l’espace, elle raconte aussi le temps. “Ce que l’on voit sur ces clichés , explique Christian Deflandre , c’est aussi un témoignage historique. Au début du siècle dernier, tous les métiers et toutes les saisons y étaient représentés : ferronniers, moissons, vendanges, processions et fêtes populaires.” Un archivage ethnologique précieux. En 2019, Google Arts & Culture numérisait 13 000 cartes postales exposées par le Carton voyageur, le musée breton de la carte postale installé à Baud, afin de rendre accessible gratuitement et au plus grand nombre un morceau du patrimoine français. “Les cartes postales marquent une époque, explique le sociologue Nicolas Hossard. Même un œil non expert pourrait la dater. Par exemple, une carte de Nice des années 1960 ne représentera pas une vue sur la Méditerranée mais plutôt une succession de voitures sur la Promenade des Anglais. C’était ça qui était fou. Aujourd’hui, personne n’aurait l’idée de prendre en photo un embouteillage et de se féliciter de la vue !”

VOYAGEURS 50

Les modes vestimentaires changent, celles des couleurs et des angles de la photo de carte postale aussi. Moins figée, moins classique, plus vivante. Serge Le Manour, photographe unique et officiel des Éditions Yvon depuis vingt-cinq ans a adapté son style. Aujourd’hui, son plus gros tirage est une image qui représente deux tasses de café dans un bar de Saint-Germain-des-Prés. En se transformant en mémoire de l’histoire, les cartes postales sont devenues un enjeu de représentation crucial. Dont le pouvoir est à ceux qui l’immortalisent.

C’est certainement la raison qui a poussé Femmes Solidaires à dénoncer en 2018 les cartes postales érotiques. Fesses rebondies devant les volcans d’Auvergne, cartes en forme de fesses à SaintTropez : l’association féministe demande que soient interdits ces clichés qui renforcent la culture du viol. “On les appelle cartes postales érotiques, mais en réalité celles des années 1980-90 étaient plus graveleuses et misogynes qu’érotiques, contrairement à celles du début du siècle dernier”, assure Nicolas Hossard. Chez Draeger, on se défend en assurant que le marché n’est qu’anecdotique. “Nous en avons fait peu, et surtout pour jauger la concurrence, assure Olivier Draeger. Il y a trente ans, il y avait une véritable demande, ce n’est plus du tout le cas aujourd’hui. Des mouvements comme MeToo ont participé à enterrer la carte postale érotique.”

Éloge de la slow life

Téléphone fixe, SMS de vacances, les nouvelles technologies ont sonné le glas de la carte postale. Instagram, en permettant à ses utilisateurs d’envoyer des photos de vacances assorties d’une courte légende, a changé les habitudes. Une nouvelle émanation d’une même pratique qui fait perdre davantage de vitesse au marché, passé de 500 millions de cartes postales échangées il y a quinze ans à 250 millions aujourd’hui. Pour s’adapter, les éditeurs réimpriment du vintage, appâtent les collectionneurs. Les acteurs se réinventent : en 2018, La Poste lance l’app Youpix qui permet de créer, personnaliser et envoyer ses cartes postales. Même concept chez Fizzer, start-up fondée en 2014, qui reven-

dique en 2022 2,8 millions de cartes postales réalisées par téléphone et envoyées physiquement au domicile du destinataire et un chiffre d’affaires de 6 millions d’euros (l’application a été téléchargée plus d’un million de fois et la société compte 400 000 utilisateurs réguliers).

“Les nouvelles technologies créent de nouveaux usages, mais comme la radio n’a pas tué le livre, Instagram ne tuera pas la carte postale, estime Olivier Draeger dont l’entreprise s’est également diversifiée dans la vente de souvenirs et d’attentions. La carte postale est un médium déconnecté, une attention différente d’un texto auquel les jeunes sont rompus. Ces derniers sont plus touchés quand on leur envoie une carte postale car c’est un médium de l’effort, une attention écrite à la main. Ils y sont plus sensibles, mais pas forcément plus utilisateurs.”

Mais certains cartophiles ont décidé d’en faire un objet de militantisme. Comme la communauté du PostCrossing, créée en 2005 par le Portugais Paulo Magalhaes. Un projet en ligne sur le modèle du “bookcrossing” (livre voyageur) qui consiste à envoyer des cartes postales à des inconnus à travers le monde avant d’en recevoir à son tour. Des réfractaires au SMS de vacances que l’on trouve majoritairement aux États-Unis, en Finlande, en Allemagne et en Russie qui se sont échangé près de 34 millions de cartes en 2016.

Une forme de “slow communication” qui questionne nos façons d’échanger contemporaines, faites de réponses immatérielles, immédiates et impatientes (cf. ces points de suspension signifiant que votre correspondant est en train de taper sa réponse). “La carte postale est un objet philosophique qui voyage, mais surtout un mode de communication sans échange immédiat, explique Nicolas Hossard. Celui qui envoie une carte postale aujourd’hui tolère de ne pas recevoir de réponse, ou qu’elle ne soit pas immédiate.” Et préférera se déplacer jusqu’à l’une des rares boîtes aux lettres de son lieu de vacances plutôt que d’envoyer un SMS. Histoire de laisser à son destinataire une trace manuscrite que l’on pourra recroiser un jour sur la porte d’un frigo ou dans une vieille boîte au fond d’un placard.

53 VOYAGEURS

AMDO LE TIBET SUR UN PLATEAU

AUX CONFINS DE LA CHINE DE L’OUEST, L’AMDO CAPTIVE AUTANT PAR SA CULTURE BOUDDHISTE ET SON MONASTÈRE DE LABRANG

QUE SES PÂTURAGES INFINIS AUX MILLIONS DE YAKS ET SES PEUPLES NOMADES RECONVERTIS EN TISSEURS DE LAINE.

UN PÈLERINAGE CONTEMPLATIF, DE PSALMODIE RELIGIEUSE EN GLAMPING ÉCORESPONSABLE.

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TEXTE CAROLE SATURNO
PHOTOS JÉRÔME GALLAND

De vastes étendues qui ont donné naissance à une culture de prairie unique où les chevaux tiennent une place d’importance, qu’ils participent aux tâches du quotidien ou à des courses spectaculaires.

Mâts multicolores des laptse dressés pour célébrer les dieux, moines Gelugpa aux crêtes jaune safran et bottes uniformes : l’arrivée au monastère de Labrang, à 3 200 mètres d’altitude, est prometteuse.

BERLINES RUTILANTES ET MOTOS pétaradantes filent à vive allure du petit aéroport de Xiahe vers Labrang. Seuls les portiques chapeautés de caméras de surveillance et, plus loin, des troupeaux de yaks épars et d’innombrables nids-depoule, intiment au chau eur de ralentir sa course. Bergères emmitou ées, cow-boys à mobylette emmenant femme et progéniture, marmottes émergeant des ancs des collines… La route est ici comme une large percée entre deux mondes qui semblaient faits pour ne jamais se rencontrer.

C’est le début du mois de juin en Amdo, cette région enclavée à l’ouest de la grande Chine, ourlant le Tibet historique de ses hauts plateaux. Les prairies ondulent leur camaïeu de verts et épousent un ciel in ni, constellées çà et là, dans les vallées plus basses, de lotissements sans âme, nouveaux villages socialistes qui poussent comme des champignons. Lhassa est à 2 000 kilomètres, Pékin et Shanghai presque aussi loin.

Quelques maisons tibétaines égaient la route, anquées de leurs enclos de bassecour, toutes conçues selon un même modèle traditionnel, véranda en façade et cou-

leurs vives. D’improbables murs graphiques les bordent, composés de savants assemblages de bouses de yaks séchées, trésor qui sert de combustible l’hiver.

Ailleurs, on parlerait de conquête, comme au temps de la ruée vers l’or quand des aventuriers que rien n’effarouchait avançaient vers l’ouest au gré des nouvelles voies de chemin de fer. Ici, c’est simplement la modernité à la chinoise, un rouleau compresseur qui lisse et uniformise, sous la houlette autoritaire d’un gouvernement qui utilise la sédentarisation et la langue pour asseoir sa puissance.

On s’acclimate rapidement à l’altitude, 3 200 mètres qui ne donnent pas mal au cœur et n’oppressent pas la poitrine. L’air est sec et frais, le soleil chau e déjà, la nature semble sortir de sa torpeur hivernale. Sur les lignes de crêtes arrondies émergent les mâts multicolores des laptse dressés pour célébrer les dieux au plus près du ciel… Ces totems religieux signalent à l’étranger combien la nature ici est le premier siège des divinités : au pays des neiges, les dieux vivent dans les montagnes, ils dévalent les pentes des plateaux, ils sont au bord des rivières. Matthieu

VOYAGEURS 58

Ricard, célèbre moine bouddhiste français, écrit que c’est précisément l’immensité des paysages qui a incité à l’épanouissement d’une civilisation contemplative.

L’arrivée à Labrang ne le fait pas mentir : ce monastère, l’un des plus importants du Tibet, fondé en 1709 par Jamyang Zhaypa, est implanté dans une vallée hospitalière, étalé au bord d’une rivière où de jeunes moines répètent les airs de ûtes, trompes et conques qui accompagnent leurs rituels.

Ici vivent aujourd’hui 1 200 moines de la secte Gelugpa, celle aux bonnets jaunes de Tintin au Tibet. Avant la révolution culturelle, ils étaient quelque 4 000. Rouvert en 1980, le monastère est redevenu la destination de pèlerinage de bien des nomades et paysans des alentours et un centre de formation théologique de premier ordre.

Du petit matin à la tombée du jour, et parfois même pendant la nuit, s’élève le murmure doux des mantras répétés à l’inni. Sur 3,5 kilomètres, les pèlerins de tous âges pratiquent la kora : la circumambulation de gauche à droite, temple après temple, où la boucle et la spirale sont des gures symboliques majeures, comme une

MANI PADME HUM, OM

PADME HUM…” : ON SE PREND À RÉCITER

CES MOTS INTRADUISIBLES

QUI CONTIENNENT, DIT-ON, TOUT L’ENSEIGNEMENT DE BOUDDHA.

boussole pour se diriger sur le cycle de la vie, pour s’élever vers la paix de l’esprit. “Om mani padme hum, Om mani padme hum…” et l’on se prend à réciter ces mots intraduisibles qui contiennent, dit-on, tout l’enseignement de Bouddha. Ils marquent la cadence, jalonnée par le grincement des 1 174 moulins à prières qui tournent sur eux-mêmes. Parfois, quelques tashi delek scandent le parcours, des souhaits de bonne chance émis par des pèlerins habités par leur méditation, qui ne semblent même pas surpris de vous trouver là, au bout du monde.

Vers 11 h 15, chaque matin, les moines convergent devant le plus grand temple. Les retardataires pressent le pas et gagnent leur place sur les marches de la cour. Les plus jeunes se distraient, pianotent en douce sur leur iPhone, certains psalmodient en se balançant, le bourdon de la prière se fait de plus en plus fort.

Les gardiens, épaulettes extra-large sous leur cape, sont aux aguets. À 11 h 30 pétantes, le son de la conque résonne, on se déchausse, laissant toutes ces bottes éparses

au sol. Les moines se précipitent, jusqu’à mille, et s’assoient serrés sur des coussins pour deux heures de prière, suivis desdèles. Autour d’eux se superposent tentures chatoyantes, piles de livres reliés, innombrables statues de Bouddha et photos d’anciens lamas, dont les reliques sont ici vénérées. Partout, des lampes à beurre dégoulinent, répandant leur odeur crue. Ce côté-ci de la ville est tout entier dédié aux moines, qui ont leurs cellules dans des maisons basses, blanchies à la chaux, derrière de hautes portes en bois sculpté. Leurs silhouettes rouges s’engou rent comme des oiseaux légers, eux qui représentent pour leurs familles un honneur, et l’espoir aussi d’une vie bien réglée, dans une région où l’avenir est incertain.

Hors du cercle de la kora, la vie continue. Et de l’autre côté du pont, la ville moderne mène ses affaires, hissant haut ses immeubles vitrés et monotones. La rue principale est flanquée de boutiques qui vendent l’équipement intégral des moines, des crêtes jaune safran aux bottes, en passant par les bols dans lesquels ils mangent ou sirotent leur thé.

59 AMDO TIBÉTAIN
“OM
MANI
Dans la province du Gansu, en Chine, le monastère de Labrang, jalonné de 1 174 moulins à prières, est un berceau de la culture tibétaine fondé en 1709.

Large, poussiéreuse, elle rappelle encore un instant ces images de Grand Ouest américain, ces villes dressées d’un décor de carton pâte qu’on démontait et remontait. Sous les portiques, on prend le temps de causer, les moines font des emplettes, on guette les antiquaires, on caresse les lainages écarlates des tuniques, les capes en peau retournée pour l’hiver. Ailleurs, s’empilent les sacs de précieuse tsampa, l’orge torréfiée qui est l’ingrédient de base des Tibétains, nourrissante et bon marché, offerte aux dieux pour s’attirer leur protection avec des bouquets de genévrier. En cette saison, quelques Chinois sont aussi là pour vendre les champignons chenille qui font la richesse de la région – dont la vente représenterait le premier revenu du Tibet. Sorte de larve séchée, mi-végétal, mi-animal, le yarsagumbu est cueilli patiemment par les Tibétains et revendu à des négociants. On lui prête toutes sortes de superpouvoirs – aphrodisiaque bien sûr, dopant, et surtout vrai stimulant du système immunitaire.

Sur les pentes des plateaux, quelques jours plus tard, on croise justement des cueilleuses accroupies. Elles mêlent leur quête à d’autres rites, comme nourrir les fourmis avec de la tsampa autour des buissons pour enrichir la biodiversité. Cette rencontre inattendue surgit à ancs de coteaux, lors d’une montée émaillée de curiosités botaniques. Toutes les fleurs rappellent celles de nos printemps européens mais leur palette de couleurs diverge : pâquerettes et orchidées mauves, pavots jaunes et mauves aussi, edelweiss, euphorbe… Ces deux jeunes femmes, emmitouflées sous plusieurs couches de vêtements, habillées à la tibétaine moderne, jupe portefeuille traditionnelle et doudoune Uniqlo, ne sont pas farouches : allongées dans l’herbe, elles manient le selfie aussi bien que sous des contrées plus décomplexées. Cet instant de grâce est nalement un condensé de ce qu’on commence à percevoir : on est là dans un temps suspendu.

Les Tibétains qu’on a rencontrés sont à la croisée des chemins. Pas seulement parce que la mondialisation est passée par là, leur fournissant toute la panoplie technologique, mais aussi et surtout parce que leur mode de vie séculaire est en train de muter profondément – matériellement, culturellement, écologiquement.

Ces mutations sont objectivement le fait de décennies d’occupation chinoise mais elles sont plus globalement liées aussi au

LES TIBÉTAINS RENCONTRÉS SONT À LA CROISÉE

duit en moyenne à 80 yaks et 150 moutons, un ou deux chevaux pour la gloire. L’hiver, on stationne à 3 000 mètres, l’été on bouge jusqu’à 4 000 mètres, mais la bonne herbe se fait plus rare. Et le travail est toujours aussi éreintant : les femmes se lèvent avant l’aube pour traire une première fois leurs bêtes à la main, répétant cette tâche deux fois encore, jusque tard dans la nuit. Après chaque traite, elles mettent les bouses à sécher, qui remplacent dans ces contrées le bois de chau age inexistant.

En parallèle, le gouvernement presse à la sédentarisation et impose aux enfants une scolarité en chinois, là où le tibétain n’est enseigné que comme “langue étrangère”, sans même la dimension culturelle qui permettrait de transmettre les traditions. Comment entretenir le l ténu qui les relie à ce monde en voie de disparition ?

monde tel qu’il va, au réchau ement climatique de cette région stratégique considérée comme le château d’eau de l’Asie – dix des principales rivières asiatiques y ont leur source. En trente ans, 15 % des glaciers du plateau tibétain, troisième réserve glaciaire au monde après les pôles, ont fondu ! Dans ces conditions, le pastoralisme nomade est durement mis à l’épreuve. Là où autrefois il n’y avait ni clôture ni limite au pâturage, les terres sont désormais partagées entre propriétaires ou sous contrôle étatique. Treize millions de yaks y paissent encore mais les troupeaux ont été réduits. Les familles fortunées, qui détenaient 300 yaks et 1 000 brebis, ont dû diviser leur bétail, ré -

Une réponse singulière et précieuse à ces enjeux majeurs est tissée jour après jour dans un atelier textile blotti à Zorgey Ritoma, à une centaine de kilomètres de Labrang. “Ritoma” pour “collines qui montent et descendent”, et on ne saurait mieux désigner ce paysage qui dévale l’horizon en sinuosités in nies. Quelque 200 familles y vivent, 6 000 yaks et 30 000 moutons. En 2005, sur les intuitions de sa mère Kim, une Franco-Américaine mariée à un Tibétain, Dechen Yeshi tente une aventure folle, après une exploration de plusieurs mois dans ces régions où elle n’avait jamais mis les pieds. À l’époque, elle a 23 ans, grandi en exil à Dharamsala, étudié aux États-Unis, et hérité de la ténacité maternelle à vouloir construire quelque chose sur la terre de ses ancêtres. À elles deux, elles fondent, en 2007, Norlha, “nor” désignant aussi bien la prospérité que les troupeaux de yaks, dont la viande et le lait permettent aux Tibétains de survivre. À partir du khullu, le duvet qui pousse sous les longs poils du yak et qui est recueilli au printemps, elles se lancent dans le tissage d’un lainage d’une douceur incomparable, résistant et chaud.

Glamping cosy au Norden Camp, à une vingtaine de minutes de Labrang. Le lieu est réchauffé par le confort et la douceur des tissus, des tapis, des couvertures et des jetés fabriqués par Norlha. La marque, dans son atelier textile de Zorgey Ritoma, travaille le lainage de façon semi-artisanale, avec des métiers à tisser manuels.

63 AMDO TIBÉTAIN
LA MONDIALISATION EST PASSÉE PAR LÀ
MODE DE VIE SÉCULAIRE EST EN TRAIN DE MUTER.
DES CHEMINS.
LEUR

Les prairies ondulantes de l’Amdo où paissent quelques treize millions de yaks.

LE CIEL OSCILLE ENTRE L’HIVER ET L’ÉTÉ, PASSANT DE JOURNÉES NEIGEUSES

OÙ LES SOMMETS SE COUVRENT D’UN MANTEAU

BLANC À CELLES OÙ LE SOLEIL BRÛLE PRESQUE, CHARGÉ DE LA VIGUEUR DU RENOUVEAU.

Immédiatement, cette matière unique, encore travaillée de manière semi-artisanale avec des métiers à tisser manuels, a trouvé preneurs auprès des grandes maisons de luxe dans le monde, qui lui ont reconnu d’emblée sa grande valeur. Et de valeur, il est aussi question dans ce que Norlha défend : les écharpes, les chapeaux en feutre, les vestes et plaids, sont tous passés entre les mains d’une ou d’un des 130 salariés, des Tibétains qui trouvent ici une manière concrète de résoudre ce grand écart entre le monde d’où ils viennent et celui qui les attend.

Entrer au Tibet par cette porte est un cadeau. Pas seulement pour l’authenticité des paysages, qui rejoint celle des Tibétains et de la ferveur bouddhiste, mais aussi parce qu’il y a un chemin d’espoir qui s’ouvre. Norden Camp, fondé par Yidam, le mari de Dechen, est une autre réponse, égale à celle de Norlha, pour appréhender ce Tibet-là. À une vingtaine de minutes de Labrang, à l’écart de la route, des tentes et des cabanes éparses au bord d’une rivière. Toilettes sèches, vasque et broc en émail dans la salle de bains, poêle à bois, douches collectives…

Le séjour n’a pourtant rien d’un camp scout. Les Anglo-Saxons ont inventé le terme de glamping (glamour + camping) pour ce type d’écotourisme. Au-delà des concepts, il s’agit pour Yidam et Dechen de poursuivre avec entêtement leur volonté de prendre soin de leur environnement, de perpétuer leurs traditions, de les partager généreusement. La cuisine y raconte le terroir, déclinant le yak en laitages délicats ou en recettes de viandes, mais aussi la tsampa et la joma, une racine de la taille d’un haricot, à la texture fari-

neuse. On y goûte même des fromages fabriqués par la coopérative de Lungta, composée de plusieurs familles nomades, sous la houlette d’un tuteur venu de Franche-Comté pour promouvoir de nouveaux savoir-faire. Au printemps, le camp est traversé par les jeunes poulains qui viennent de naître, encore malhabiles sur leurs jambes, des lièvres peu farouches, et toutes sortes d’oiseaux dont les couleurs semblent plus vives que dans nos contrées, divers pinsons, rougesqueues et alouettes… Le ciel oscille entre l’hiver et l’été, passant de journées neigeuses où les sommets se couvrent d’un manteau blanc à celles où le soleil brûle presque, chargé de la vigueur du renouveau.

De l’autre côté de la rivière, un matin tôt, les premiers pétards claquent, suivis de clameurs. Dans un nuage de poussière emmené par un troupeau de motos et de pickup, les Tibétains des alentours se rassemblent pour une course de chevaux, festivité qui se répète tout au long du printemps. Hommes et femmes séparés, tous vêtus en habits de fête, tresses et chignons sophistiqués sous les chapeaux de feutre, colliers colorés, ceintures brodées, manteaux et draps de laine chamarrés. Avant la course, on brûle les offrandes, tsampa , beurre, genièvre, fruits frais… Des centaines de petits papiers s’envolent alors : ces wind horses, chevaux de vents imprimés de souhaits, sont censés leur porter bonne fortune. Les chevaux montés à cru par de jeunes jockeys piaffent nerveusement, 22 croisés pur-sang et tibétains. La course dure un instant, à peine une minute pour cavaler le long d’une ligne droite de

quatre kilomètres. On ovationne le gagnant. Couvert d’écharpes colorées, il repart avec une somme coquette, près de 20 000 euros qui font l’honneur de sa famille. La fête durera plusieurs jours chez eux. Ils s’en vont comme ils sont venus, dans un nuage de poussière et de chevaux de vents qui, une dernière fois, s’élèvent plus près des dieux, et auxquels secrètement on s’adresse à travers un dernier “Om mani padme hum” , pour que ce Tibet-là dure encore un peu.

Voyageurs du Monde

Les essentiels

1 Le bon moment: de mai à mi-octobre (le Norden Camp est fermé le reste de l’année).

2 Y aller: avec Air France, via Pékin et Xining ou Lanzhou (durée d’environ 13 h 30), puis par la route jusqu’à Xiahe.

3 Bon à savoir: depuis cette région reculée, prolongez le voyage jusqu’à Lhassa par le train. La plus belle façon de traverser ces paysages exceptionnels.

4 Budget : 13 jours à partir de 8 000 € par personne, incluant vols, guide-chauffeur, nuits en chambre ou tente double, service conciergerie, wifi nomade, carnet de voyage.

CONTACTEZ UN CONSEILLER SPÉCIALISTE DU TIBET au 01 84 17 19 21 (ligne directe).

VOYAGEURS 68
69 AMDO TIBÉTAIN

DE LOS ANGELES AUX GRANDS PARCS NATIONAUX DE L’OUEST, D’AUTOROUTES À SEPT VOIES AUX LIGNES DROITES ISOLÉES EN PLEIN DÉSERT : UN CARNET DE ROUTE FAMILIAL IMPRIMÉ D’UN SOUFFLE DE LIBERTÉ.

PARCS & RÉCRÉATION

Road-trip en famille

TEXTE FRANCISCA KELLETT

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PHOTOS BIRGIT SFAT

COMME TOUTES LES HISTOIRES LES PLUS ABSURDES, celle-ci commence à Hollywood. Plus précisément à environ trois kilomètres à l’ouest, dans un parking poussiéreux non loin de l’aéroport international de Los Angeles. Notre camping-car nous y attend pour prendre la route en direction du sud-ouest des États-Unis. Mon mari décrit évreusement des cercles autour du véhicule et examine attentivement les branchements et tuyaux dont nous nous servirons pour évacuer les eaux usées. Notre lle de 13 ans a déjà ouvert la porte et s’est ruée à l’intérieur avec sa petite sœur. Je signe les documents avec le sympathique employé de l’agence de location, tout en me demandant comment je vais parvenir à manœuvrer ce mastodonte, sans même parler du fait de lui faire traverser L.A.… Mais tout ceci fait déjà partie de l’aventure !

L’aventure. Voilà ce que nous sommes venus chercher. Nous devions programmer un séjour aux États-Unis pour rendre visite à notre famille et nos amis depuis longtemps, mais l’aspect logistique pour relier le point A (la Californie) au point B (le NouveauMexique) nécessitait ré exion. Au vol intérieur ennuyeux, nous avons préféré la route, les parcs nationaux et la contemplation des célèbres paysages du sud-ouest US. Les enfants adorent camper, je déteste défaire les valises et nous pouvions ainsi emmener tout le nécessaire, évier de cuisine compris. Le camping-car semblait donc tout indiqué pour ce road-trip au sens le plus littéral du terme : un voyage au cours duquel la route deviendrait notre foyer et où nous pourrions aller çà et là, selon nos envies. Liberté et spontanéité, le tout en famille. Quelle idée absurde !

Car comme tous les parents le savent, la spontanéité et les enfants ne font pas vraiment bon ménage. Un voyage en famille repose avant tout sur une plani cation minutieuse débutée un mois avant le départ : se documenter sur les parcs nationaux, les lieux de camping, envoyer d’innombrables e-mails à Voyageurs du Monde pour discuter avec leur excellente équipe de concierges basée aux États-Unis, et découvrir que le terme de “liaison” concerne moins le vocabulaire des rencontres entre adultes que celui de la tuyauterie d’un camping-car.

Et le voilà en n, cet évier de cuisine étincelant. Je le remarque dès que j’embarque à bord de notre très confortable Cruise America C25, doté d’une cuisine équipée d’un réfrigérateur plus grand que celui dont nous disposons à la maison, de deux lits, plus un troisième se repliant sous la table pour les très jeunes enfants, d’une petite douche… Très pratique, le véhicule se révèle également de très grande taille, avec des dimensions équivalentes à celles d’un camion de déménagement. Il ne dispose cependant d’aucun rétroviseur intérieur. Après une demi-heure passée nerveusement sur le siège du conducteur à véri er que tout fonctionne correctement, à régler les rétroviseurs extérieurs, puis à revéri er l’ensemble des fonctions, je quitte le parking sous les cris de joie des lles. C’est parti pour un trajet stressant sur les autoroutes à sept voies de L.A., à essayer de m’habituer au véhicule, à son poids (considérable) et à sa hauteur (plaisante), les doigts crispés sur le volant.

m’habituer

Le nombre de voies nit toutefois par se réduire et la circulation se calmer, tandis que nous poursuivons notre bonhomme de chemin en laissant derrière nous des citésdortoirs empoussiérées, puis des fermes éoliennes s’étendant à l’in ni dans le désert des Mojaves. En n, les terres sauvages à proprement parler s’ouvrent devant nous et nous nous retrouvons seuls sur la route, face au désert. Nous faisons beaucoup d’arrêt lors de cette première journée a n d’admirer les lacs et les profonds canyons s’ouvrant au milieu de nulle part, mais aussi pour contempler la Death Valley. Le soleil baisse à l’horizon lorsque la route fait une plongée à près de 86 mètres sous le niveau de la mer à l’approche de notre première étape : Stovepipe Wells.

VOYAGEURS 72
“NOUS FAISONS BEAUCOUP D’ARRÊT LORS DE CETTE PREMIÈRE JOURNÉE AFIN D’ADMIRER LES LACS ET LES PROFONDS CANYONS S’OUVRANT AU MILIEU DE NULLE PART, MAIS AUSSI POUR CONTEMPLER LA DEATH VALLEY.”

Tout droit sortie d’un western, la localité présente une collection étrange de cabanes en bois s’élevant parmi le sable gris et la pierre noire tannée par le soleil. Il s’agit o ciellement du lieu le plus chaud sur Terre. Doté d’une supérette, d’un restaurant et d’une piscine, il est tout à fait conforme à sa description. Les enfants partent en exploration, pendant que mon mari se familiarise avec les divers raccordements de notre emplacement, une parcelle dégagée et gravillonnée, située entre le magasin et les étendues brumeuses et sauvages.

Un vent fort et chargé de poussière se lève à la nuit tombée, aussi décidons-nous d’aller nous coucher, en attribuant le premier lit double, à l’arrière, aux lles et le deuxième (encore plus grand et surplombant le poste de conduite) à nous-mêmes. Malgré l’accueil douillet de l’espace de vie, l’air est froid et nous dormons sous plusieurs couvertures, n’osant pas allumer le chau age a n de ne pas risquer de vider nos batteries. Le campingcar demeure su samment confortable, même si je me cogne environ trente-deux fois la tête contre le plafond cette nuit-là.

(encore plus grand et surplombant le poste de conduite) à nous-mêmes. Malgré l’accueil

Le matin suivant, nous nous levons à l’aube pour admirer le ciel virer au rose sous les premiers rayons du soleil.Après un rapide petit déjeuner, nous déterminons le cap de la journée et reprenons la route, après avoir remarqué que Las Vegas ne représenterait pas un trop gros détour. Go ! Crochet par le Strip et découverte pour les lles. Voyager avec sa maison sur le dos permet cette spontanéité. Et l’étape ne manquera pas de nous faire rire ! Nous passons donc la matinée à rouler à travers le désert, tout sauf monochrome. On y trouve pêle-mêle le vert sauge des buissons, les éruptions de jaune d’or des eurs du désert et les petites touches de rose des cactus à l’arrondi parfait. Sans oublier le bleu, typique du peintre David Hockney et du ciel du désert.

Nous franchissons bientôt la frontière de l’État du Nevada pour nous retrouver à nouveau sur des autoroutes chargées en direction de Las Vegas, avant d’arriver sur le Strip. Et nous rions en e et à la vue de la mini-tour Ei el, des faux canaux vénitiens et des hordes de touristes sirotant de gigantesques cocktails multicolores ! Piloter le monstre à travers le ux rapide de la circulation de Vegas s’avère néanmoins bien moins drôle. Si conduire un camping-car a de nombreux points positifs – la liberté et la joie que l’on ressent à camper sans véritablement avoir à monter un camp –, se fau ler, changer rapidement de position ou se frayer un chemin autour de bagagistes énervés devant les hôtels de luxe ne sont pas choses aisées.

Mais notre itinéraire se poursuit et nous pénétrons dans l’Utah (trois États dans la même journée !), où le sol aride se replie sur lui-même pour donner naissance à un paysage montagneux. La route commence son ascension, toujours plus haut, jusqu’à ce que nous arrivions à l’orée du parc de Zion, que nous explorons tranquillement le matin suivant, à bord du camping-car, en écoutant les enceintes “disneyi ées” nous parler du site. Ce parc constitue une excellente introduction aux canyons américains. Il n’est pas aussi vaste ou bondé que le Grand Canyon, mais présente néanmoins tout ce que l’on pourrait espérer d’un tel environnement : falaises imposantes, rochers aux formes surréalistes et ravins vertigineux. Nous passons la journée à cheminer le long de la rivière, jusqu’aux points d’observation situés sur les crêtes rocheuses, et piqueniquons à côté des “bassins d’émeraude” que sont les Emerald Pools. Ce soir-là, nous arpentons l’adorable rue principale de Springdale, petite ville située à cinq minutes de notre campement, dont les boutiques proposent quantité de gemmes et de minéraux. Pour le choix du restaurant, nous nous laissons tenter par le Camp Outpost, qui sert un fantastique burger. La soirée se termine avec des marshmallows grillés au feu de bois sous un magni que ciel étoilé.

81 OUEST AMÉRICAIN
“CHAQUE JOUR EST EXTRAORDINAIRE ET OFFRE À NOS REGARDS DES PAYSAGES FÉERIQUES :
MAJESTUEUSES MONTAGNES ROUGES S’ÉLEVANT
DANS LES CIEUX, COUCHES DE ROCHE ORANGE, JAUNE ET VERTE DÉCRIVANT DES BANDES DANS
LES FALAISES, VASTES PLAINES DÉSERTES…”

UNE TASSE DE CAFÉ BIEN CHAUD, TOUJOURS

FACE À UN POINT DE VUE FABULEUX. JE ME DIS QUE

JE POURRAIS VIVRE AINSI TOUS LES JOURS, ABANDONNER

LA VIE LONDONIENNE POUR LA #VANLIFE.”

Nous nous adaptons vite au mode de vie du camping-cariste. Je cesse même de me cogner la tête contre le plafond la nuit. Le voyage s’e ectue à un rythme plutôt lent. C’était le but : prendre son temps, voir le plus de choses possible et pouvoir modi er l’itinéraire au gré des envies. Chaque jour est extraordinaire et o re à nos regards des paysages féeriques que l’on ne retrouve que rarement en Europe : de majestueuses montagnes rouges s’élevant dans les cieux, des couches de roche orange, jaune et verte décrivant des bandes dans les falaises, de vastes plaines désertes sillonnées d’une route unique et parfaitement rectiligne. Les tumbleweeds, ces fameuses boules d’herbes sèches virevoltant sous le vent, commencent à apparaître. Inutile de freiner, on peut rouler dessus en toute sécurité.

Les lles trouvent leurs marques et occupent les heures passées sur la route à écouter de la musique, à lire ou à jouer à des jeux vidéo sur leurs tablettes. Il nous arrive parfois de chanter tous ensemble au son d’une playlist mêlant John Denver à One Direction. Le meilleur moment pour moi, c’est le matin, assise à l’extérieur, dans l’air frais de l’aube, avec une tasse de café bien chaud, toujours face à un point de vue fabuleux. Je me dis que je pourrais vivre ainsi tous les jours, abandonner la vie londonienne pour la #vanlife.

Lake Powell, le quatrième jour, nous o re un panorama insolite, presque martien, avec ses montagnes décharnées descendant doucement jusqu’au lac arti ciel. Tout à fait le genre d’environnement qui donne l’impression que les humains n’y sont pas vraiment à leur place. Nous passons une journée sur la rivière Colorado, en contrebas du deuxième plus grand barrage des États-Unis, à sillonner des canyons profonds de plus de 900 mètres le long des eaux glacées, jusqu’au célèbre site de Horseshoe Bend.

La ville principale de la région s’appelle Page, un réseau plutôt agréable de boutiques et de restaurants entouré d’îlots d’hôtels quelque peu déprimants (Days Inn et autres Comfort Suites qui semblent caractériser le parc hôtelier croisé le long de notre itinéraire). Nous sommes heureux de regagner notre camping-car douillet et de reprendre la route à travers les paysages époustou ants de l’Arizona, jusqu’au Monument Valley Tribal Park, où le niveau d’émerveillement monte encore d’un cran.

Nous sommes sur les terres du peuple Navajo et Voyageurs du Monde nous a organisé une visite guidée par des membres de la communauté. Notre guide nous fait découvrir les pics au sommet aplati et les étranges formations rocheuses immortalisées par les lms de John Wayne (qui n’ont pas vraiment fait de bien aux locaux). La pauvreté sévit fortement chez les Navajos et les dix-huit familles qui résident encore au sein du parc n’ont ni eau courante ni électricité.

Nous passons notre dernière nuit à Gallup, Nouveau-Mexique. Une ville battue par les vents, située le long d’une ligne ferroviaire, et n’o rant que peu d’activités, à part dîner dans un Cracker Barrel en bordure de l’autoroute. Nous ne nous attardons pas le lendemain et atteignons Albuquerque en milieu de matinée. Il est temps de faire nos adieux à notre camping-car avant de prendre la direction du nord pour rendre visite à la famille à Santa Fe. C’est un véritable crève-cœur que de faire les bagages, en sachant que nous serons bientôt de retour au régime habituel, et plus prévisible, des hôtels conventionnels. Cette parenthèse en camping-car fut une joyeuse aventure, aussi extravagante et spontanée que possible lorsqu’on voyage en compagnie d’enfants. Et il n’y a rien d’absurde là-dedans. •

VOYAGEURS 84
“LE MEILLEUR MOMENT POUR MOI, C’EST LE MATIN, ASSISE À L’EXTÉRIEUR, DANS L’AIR FRAIS DE L’AUBE, AVEC
son

Les essentiels

1 Le bon moment: toute l’année, sauf de décembre à début mars pour les plus frileux.

2 Y aller: avec Air France, vol direct Paris-Los Angeles (durée d’environ 11h30).

3 Bon à savoir:aux États-Unis, on ne plaisante pas avec la limitation de vitesse.

Évitez la scène du shérif et prenez votre temps!

C’est le mantra de ce voyage.

5 Budget : 15 jours à partir de 3300€ par personne, incluant vols, location de véhicule, conciergerie, activités et visites privées.

Why now ?

3 BONNES RAISONS DE PARTIR

1

Besoin de déconnecter, de voyager à un rythme tranquille et de s’immerger dans une nature grandiose? Les Américains euxmêmes redécouvrent le plaisir de voyager d’un État à l’autre.

2

3 parcs

Yosemite_Avec le parc national de Sequoia, voici l’un des plus spectaculaires de la côte Ouest. Des parois vertigineuses de près de 1000 mètres, une chute d’eau générant parfois un arc-en-ciel, des arbres géants: la nature version XXL.

Zion_Escalade, raft, vélo, randonnée… Un immense terrain de jeux dont les paysages verts et escarpés se prêtent aux sports outdoor. Accrochez-vous!

Monument Valley_Ses emblématiques mesas se dressent dans l’imaginaire collectif comme un panthéon du western. C’est aussi et surtout une terre sacrée, territoire du peuple navajo.

L’INCONTOURNABLE

ACADEMY MUSEUM OF MOTION PICTURES

La colline d’Hollywood, les diners, les chapeaux de rocher de Monument Valley et ceux des cow-boys (les vrais): aux États-Unis, on voyage en Cinémascope! Des grands classiques aux séries, le 7e art est partout. En ouverture à un road-(movie) trip en famille, le récent musée du cinéma de l’Académie des Oscars, à L.A., est un must-see. Des expositions (le cinéma d’animation, les objets du Parrain…), des workshops et des matinées dédiées aux enfants et même une expérience immersive dans laquelle ils reçoivent un Oscar. It’s show time!

2 jours en plus

It’s L.A., baby ! De Venice Beach à Downtown, des Universal Studios au Getty center, Los Angeles réunit les ingrédients préférés de vos kids et teens : cinéma, glisse, street-art (et art tout court) concept-stores… Voyageurs du Monde propose une approche de la ville ponctuée de visites privées et personnalisées.

No limit. Très prisé durant l’été, l’Ouest américain se prête aussi bien au roadtrip au printemps et à l’automne. Climat agréable, paysages changeants, tranquillité absolue, meilleurs tarifs: les avantages sont nombreux.

3

California State of Mind. Soleil, surf et acaï bowl : l’esprit californien se fiche de la pression, trop occuper à vivre en décontraction et à lancer de nouvelles tendances: un voyage sous bonnes influences.

CARBONE

Pour lutter contre le réchauffement climatique, Voyageurs du Monde participe à des projets de reforestation qui permettent la totale absorption carbone sur l’ensemble de ses voyages.

CITATION

John Muir (1938-1914), écrivain, écologiste, à l’origine des premiers parcs nationaux

On the road

À NE PAS MANQUER

Lake Powell_Le plus grand lac artificiel des États-Unis invite à changer de monture: louez un bateau privé et filez dans l’entrelacs de canyons, pour des pauses baignade dans les criques.

Arcosanti_Cette cité utopiste imaginée en 1970 par Paolo Soleri et posée en plein désert de l’Arizona, dont le but était de réduire l’empreinte écologique et d’améliorer le lien social, abrite sous ses nefs artistes et autres aspirants à un nouveau mode de vi(ll)e.

Vermillon Cliff_En été, les grands parcs nationaux sont souvent saturés. N’hésitez pas à vous tourner vers les State Parks et les monuments plus confidentiels, comme ces falaises d’ocre au nord de l’Arizona.

VOYAGEURS 86 CARNET PRATIQUE • ÉTATS-UNIS • CARNET PRATIQUE • ÉTATS-UNIS • CARNET PRATIQUE • ÉTATS-UNIS
DIMINUÉ ET 100 % ABSORBÉ
Los Angeles San Francisco Albuquerque Gallup Las Vegas Death Valley Désert de Mojaves Yosemite Grand Canyon Lake Monument Valley Bryce Canyon Zion National Park
NEVADA UTAH ARIZONA CALIFORNIE
“Entre chaque pin se trouve une porte menant à un nouveau mode de vie.”
© Vinicius Maciel/Pexels.com
Powell

OUEST INTÉGRAL

Trois semaines à travers l’Ouest (Arizona, Utah, Nevada, Californie), avec les parcs phares pour décor : Monument Valley, Zion, Yosemite et Death Valley. Le tout au volant d’un 4x4. 20 JOURS À PARTIR DE 3 600 €

3 idées de départ

À RÉSERVER CHEZ VOYAGEURS DU MONDE

Kiosque

UNE BD

POUR LES KIDS

Lumberjanes de ND Stevenson (Kinaye). Du pur roman graphique made in America, collection Fresh Kids. Les aventures de cinq meilleures amies prêtes à tout pour passer des vacances d’été qui déchirent. Un récit en dix tomes.

UN ROMAN POUR LES TEENAGERS

Les voyages forment la jeunesse – Quand un road-trip entre amis dérape..., de Lily-Belle de Chollet (Nathan). Et si on partait sur la route pendant deux mois à bord d’un van entre copains ? Avec beaucoup d’humour et de justesse, ce roman aborde les préoccupations des jeunes : stress lié aux études, dangers des réseaux sociaux, tourments amoureux…

UN BEAU LIVRE

POUR LES PARENTS

Los Angeles: Portrait of a City, de Jim Heimann (Taschen). Un ouvrage baigné de soleil, riche de photos anciennes et récentes, des années 1880 à nos jours. Autant de marqueurs culturels, industriels et sociologiques qui constituent la carte d’identité d’une ville fascinante.

LE CHIFFRE

miles, soit 1907 kilomètres parcourus par notre joyeuse famille en six jours.

À CONTRE-COURANT

Jouez les lonesome cowboys même en plein été grâce à un itinéraire original à travers l’Utah et ses parcs les moins connus. Priorité aux grands espaces et aux activités outdoor.

14 JOURS À PARTIR DE 3 900 €

AMAZING WEST

Déserts, canyons, montagnes, forêts: la nature de l’Ouest s’exprime en toute liberté.

De l’Arizona au Montana, du Grand Canyon au Yellow Stone: le bonheur de vivre au grand air.

16 JOURS À PARTIR DE 3 900 €

ENFANTS

Stop-over_Quand est-ce qu’on arrive? Adaptez la durée des étapes à l’âge de l’équipage, 4heures maximum.

Alternance_Idem sur le contenu de vos journées: pensez à alterner les parcs avec une ville, tous les deux/ trois jours, qui leur permettra de faire le plein d’activités et de distractions.

Let’s have fun!_Un match de NFL au futuriste SoFi Stadium, un concert au Hollywood Bowl, visiter la maison de Chaplin à L.A. et celle des Simpson à Henderson, tester le rollercoaster au sommet de la Stratosphere Tower et voir de nuit le Neon Museum de Vegas… Ils vont adorer. 3 tips

Playlist

MÉMO

VOYAGEURS AUX ÉTATS-UNIS

LES CONSEILLERS En tête des ventes chez Voyageurs du Monde, la destination bénéficie de trente spécialistes rien que sur l’Ouest, dont sept référents par région (Californie, Rocheuses, Oregon…) répartis dans toutes nos Cités des Voyageurs. Et si le plus calé sur votre choix n’est pas à côté, un rendez-vous en visio sera programmé.

LA CONCIERGERIE FRANCOPHONE Le service conciergerie est un atout indéniable lors d’un road-trip. Une équipe ultra réactive dispatchée sur le territoire se tient à votre écoute. En renfort, l’assistance 24/24 est là pour parer à toutes situations imprévues.

L’EXPÉRIENCE VOYAGEURS Venice Beach avec un as du skate ou Downtown L.A. version ciné: c’est l’idée du Like a friend, un habitant francophone qui vous fait découvrir son quartier sur un thème de votre choix. Une expérience disponible dans de nombreuses villes des États-Unis.

CONTACTEZ UN CONSEILLER SPÉCIALISTE DE L’OUEST AMÉRICAIN au 01 86 95 65 87 (ligne directe).

87 OUEST AMÉRICAIN CARNET PRATIQUE • ÉTATS-UNIS • CARNET PRATIQUE • ÉTATS-UNIS • CARNET PRATIQUE • ÉTATS-UNIS
1185
THE ROAD 1 L.A. Woman The Doors 2 Old Town Road Lil Nas 3 Viva Las Vegas Elvis Presley 4 Grand Canyon Timber Timbre 5 Route 66 The Rolling Stones 6 Video Games Lana Del Rey 7 Ghost Riders in the Sky Johnny Cash 8 Minas de Cobre Calexico 9 Take Me Home, Country Roads John Denver 10 River Deep Mountain High Tina Turner & Ike
ON
© Kate Berry, Jérôme Galland
POUR VOYAGER AVEC LES

MÉDITE

RRANÉE

ENTRE SEL & TERRES

Des grands espaces à la gastronomie, de la scène artistique à l’art de vivre, dix bonnes excuses pour mettre le cap sur la Grande Bleue et son bassin.

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© Lavinia Cernau, Salva Lopez, Lucy Laucht

SUR LES CHEMINS

COMME UN ULTIME FIL D’ARIANE RELIANT L’HOMME À LA TERRE, LES SENTIERS DU LITTORAL INVITENT SUR DES MILLIERS DE KILOMÈTRES À CONTEMPLER, PENSER ET SE DÉPENSER. LE PLAISIR DE LA MARCHE À PIED REVIENT À GRANDS PAS.

Bergers, douaniers, philosophes, peintres, musiciens, naturalistes ou simples promeneurs, depuis des millénaires ils ont partagé une même approche : la marche. Parce que mettre un pied devant l’autre reste souvent le seul moyen de relier une plage tranquille, des’offrir un balcon sur la Grande Bleue, mais aussi de respirer les parfums du maquis, apprendre à identifier la criste-marine et le ciste ou tout simplement par plaisir : il faut marcher. À Minorque, prendre le Camí de Cavalls, le tour de l’île en 186 kilomètres. À Ibiza, suivre la procession des héliophiles qui viennent célébrer lecoucher du soleil derrière le rocher d’Es Vedrà, piton magnétique surgissant de l’eau dont l’origine suscite tous les fantasmes, del’Atlantide aux extraterrestres. Marcher en solitaire, sur leCammino del Salento, une balade de 138kilomètres à travers les Pouilles, répartis en sixétapes, dont la plus belle surplombe lelittoral de Otrante, à Santa Cesarea Terme. Marcher encore, sur le cap Spartel, point de rencontre entre Méditerranée et Atlantique, à l’ouest de Tanger. Marcher toujours, à Malte, dérouler le pas etl’histoire le long des fortifications des Victoria Lines. Marcher enfin à Ravello, en Campanie , à l’ombre des châtaigniers sur des itinéraires inspirés par le passage d’André Gide, Virginia Woolf ou Pier Paolo Pasolini. Marcher pour respirer et s’inspirer.

VOYAGEURS 90
1. © Lucy Laucht

2. PAPILLES & PAPYS

SALADE DU JARDIN, CANNELLONI AL BROCCIÙ, SOUPE DE POIS, TAGINE DE SARDINES…CHAQUE PAYS A SES RECETTES

POUR NOUS FAIRE SALIVER ET RACONTER SESTERROIRS. OLIVE SUR LEGÂTEAU: LES INGRÉDIENTS DE CES BONNES CUISINES PROMETTENT AUSSI DECROQUER LA VIE PLUS LONGTEMPS.

La province de Nuoro, au centre de la Sardaigne, est référencée dans une étude duNational Geographic Institute parmi les cinq zones bleues de la planète. Des microrégions dans lesquelles un nombre élevé de villageois coulent une vive plus longue, et plus heureuse que la normale. Autres bons élèves: le Niolu, en Corse, avec laplus haute espérance de vie d’Europe (84ans), et Icarie, en Grèce, où un habitant sur trois passe la barre des 90ans. En dehors des dieux de la génétique, des bienfaits du soleil, de l’activité physique et sociale, le comportement alimentaire est l’un des grands facteurs mis en évidence pour expliquer la longévité de ces“super seniors”. Inscrit au patrimoine culturel immatériel de l’Unesco depuis 2010, lediète méditerranéenne –malgré ses disparités locales–, se compose essentiellement d’aliments locaux peu ou pas modifiés, issus des différentes civilisations: olives, figues, amandes des Égéens, légumineuses de l’Empire romain, agrumes de l’époque byzantine. L’histoire ne dit pas si passer ses étés en Méditerranée suffit à vivre centans. Dans le doute, vous reprendrez bien un peu d’huile d’olive libanaise Darmmess (classée parmi les meilleures au monde) sur vos tomates anciennes, et un verre composé de cépages sardes, sous couvert de vouloir capter leurs antioxydants.

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© Australian Gourmet Traveller, Lucy Laucht

PLUS BELLE LA NUIT

APRÈS AVOIR HONORÉ L’ART DE LA SIESTE, IL S’AGIRAIT D’ÉMERGER… CAR L’ÉTÉ, DEPROJECTIONS EN FESTIVALS ET DE CONCERTS EN FÊTES DE VILLAGES, LAMÉDITERRANÉE (SE) VIT AUSSI LA NUIT.

Le PAM Festival, à Majorque (en août), accorde chaque année la voix et les vagues. Une formule qui a déjà valu au Buena Vista Social Club, à Kool And The Gang ou encore à Gloria Gaynor de fouler la scène installée sur la marina de Port Adriano, signée Philippe Starck. En 1880, Wagner trouva l’inspiration d’une scène de Parsifal dans les jardins de la Villa Rufolo. Le Festival de Ravello (en août) lui rend hommage: concerts de classique, mais aussi musique de chambre, jazz et danse, dans les jardins surplombant la mer. En Corse, lesmythes et légendes se sont emparés des ruines d’Occi, unvillage des hauteurs de Calvi laissé àl’abandon au XIXe siècle. À défaut d’enpercer les mystères, vous pouvez assister aux concerts (en juillet-août) donnés en plein air, dans ce bout du monde uniquement accessible par des sentiers de marche. À Syros, au Festival international du film (en juillet), brise légère etsélection delongs métrages triés sur levolet permettent de nourrir son goût du 7e art sous la voûte céleste. Enfin, en Turquie, leFestival international de film et de musique d’Izmir (en juin-juillet) pousse les portes deslieux historiques de la ville et y insuffle le talent d’artistes aux horizons divers.

VOYAGEURS 92 3.
© Syros film festival DR, Lucy Laucht

4. L’HISTOIRE POUR BIEN DORMIR

PALAIS VÉNITIEN, MAISON DE MAÎTRE, VILLA ROMAINE: DES LIEUX CHARGÉS D’HISTOIRE SE TRANSFORMENT AUJOURD’HUI EN HAVRES D’HOSPITALITÉ. UNE FAÇON DE LAISSER S’INFUSER L’HÉRITAGE CULTUREL SANS REFUSER LE CONFORT CONTEMPORAIN GRÂCE À DES RÉHABILITATIONS FINEMENT MENÉES.

Minorque

Le studio d’architectes madrilène EDM est à l’origine de plusieurs restaurations de patrimoine aux Baléares. Ainsi de Son Vell, une “casa del senyor” du XVIII e au style unique, à mi-chemin entre palais vénitien et manoir anglais, reçoit désormais. Dans un corps ancestral, 34chambres à l’esprit contemporain. edmarquitectura.com/baleares

Nardo

Dans la cour du Palazzo Tafuri résonne encore le trot des calèches qui gagnaient au XIXe siècle le Salento, talon de la Botte italienne. Le fronton affiche les armoiries de la famille, et le style néoclassique perdure dans l’intimité des chambres inspirées par le métier d’herboriste du premier propriétaire. palazzotafuri.com

Tanger

Surplombant le détroit de Gibraltar, la Villa Mabrouka (“chance” en arabe), sols à damier en marbre, murs vêtus de chintz et de bambou, fut le dernier refuge tangérois d’Yves Saint Laurent et Pierre Berger. Le designer londonien Jasper Conran a repris les lieux et propose d’y passer de belles nuits. villamabrouka.com

Magouliana

Considérée dans la Grèce antique comme un paradis terrestre, la région montagneuse de l’Arcadie, au cœur du Péloponnèse, devient à la Renaissance un lieu symbolique d’harmonie entre l’homme et la nature. Un sanatorium établi en 1929, classé monument historique et réhabilité par le K-Studio, invite à se (re) poser dans la forêt. mannaarcadia.gr

Beyrouth

L’art comme un contrefort: touché de plein fouet par la crise économique, meurtri par la violente explosion du 4 août 2020, le quartier traditionnel de Gemmayzé résiste. Son dernier bastion : l’Arthaus Beirut, boutique-hôtel fondé sur les ruines d’une villa romaine, mais aussi maison de la famille Debs, collectionneurs d’art depuis des générations, accueille voyageurs et artistes. arthaus.international

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© Adrew Montgomery Villa Mabrouka, à Tanger.

DE LA TERRE À LA TABLE

PRODUCTION LOCALE, ASSIETTE RAISONNÉE, NOURRITURES

INTÈGRES: NOMBREUSES SONT LES TABLES PASSÉES À L’ÈRE DU “FARM TO TABLE”, D’IBIZA À BEYROUTH. VOUS REPRENDREZ BIENUN PEU DE NATURE?

À Ibiza , une poignée de passionnés s’est lancée dans la transformation d’une ferme laitière laissée à l’abandon en ferme d’agriculture régénératrice. Le projet baptisé Juntos House abrite aussi un resto-guinguette où l’on se régale de la récolte du jour, tout en participant à financer la transition. Même esprit locavore à deux heures de Beyrouth, où un ancien domaine fermier de la Bekka rurale est devenu Sufra: les salades y débordent de toute la générosité de l’art de vivre libanais. En Turquie , proche d’Izmir, OD Urla vise les étoiles – sans quitter des yeux le terroir. Au comptoir du chef ou sur les tables dressées de nappes blanches au milieu de l’oliveraie, la cuisine inventive vogue entre produits de laterre et pêche de la riviera turque. À Naples, Dialetti prouve aux fourchettes sceptiques que le farm to table ne s’arrête pas aux portes de la ville: l’intégralité des vins et produits de la carte est sourcée en Campanie. Les producteurs viennent régulièrement pousser la porte du restaurant : une façon demontrer que cette démarche vertueuse est aussi et surtout un engagement humain.

VOYAGEURS 94
5.
© Lucy Laucht

6.

DOMAINES DE CRÉATIVITÉ

LES TERRES QUILA BORDENT SONT GÉNÉRATRICES DE NOMBREUX TALENTS: CRÉATIFS, ENTREPRENEURIAUX, SCIENTIFIQUES, HUMANITAIRES.… ILS ET ELLES PERPÉTUENT DES SAVOIR-FAIRE LOCAUX, MAIS AUSSI LE RÔLE DE TRAIT D’UNION ENTRE LESPAYS QUE LA MÉDITERRANÉE A TOUJOURS JOUÉ.

Eisa Baddour

L’artiste a quitté sa Syrie natale pour installer son studio à Limassol, à Chypre. Le déracinement et le sort desréfugiés qui périssent en Méditerranée reviennent régulièrement dans ses installations: recréer en papier des décombres, une carte stylisée des mouvements de population, unmessage flottant à partir de débris. Une œuvre engagée pour ne pas oublier. eisabaddour.com

Adrieh Abou Shehadeh

Originaire de Jaffa, partie sud de Tel-Aviv, la jeune femme met en avant, sur les étagères du Hilweh Market, desartisans et designers palestiniens, telle l’artiste Dima Srouji. Une façon de redonner de la visibilité à la communauté dans l’un des ports qui, à l’Antiquité, était un maillon essentiel des échanges en Méditerranée. hilwehmarket.com

Umberto Pasti

À l’ombre d’un figuier au sud de Tanger, ce botaniste italien a fait un rêve: créer un “jardin extraordinaire”. Vingtans plustard, Rohuna est un éden où s’épanouissent des milliers d’espèces, celles menacées de la région et celles de son enfance milanaise. Untravail herculéen qui a permis au passage d’amener l’eau au village.

Alexias Tronel et Caroline Perdrix

Avec Itinérance Méditerranée, projet associatif au long cours, ces deux jeunes Françaises replacent les artisanes de différentes communautés (tricoteuses de Tinos, teinturières de l’Anti-Atlas, brodeuses de Guermessa…) au centre de la création, à travers collections et expositions. Objectif: préserver les savoirfaire, et repenser le processus de production pour créer une mode plus durable. itinerance.org

Youssef Chebbi

Il a été primé lors des derniers Fespaco (Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou), et Cinémed (Festival du cinéma méditerranéen de Montpellier) pour son film Ashkal (2022). Un polar bien ciselé dont l’intrigue se joue à Tunis, dans le quartier des Jardins de Carthage, abandonné depuis la révolution de 2011. Le réalisateur, âgé de39 ans, symbolise le dynamisme cinématographique, porté également par laFranco-Tunisienne Erige Sehiri ou la Marocaine Maryam Touzani.

DOSSIER MÉDITERRANÉE 95
© Charlotte Robin/Marine Armandin

7.

PLONGEONS HEUREUX, PLONGEONS CACHÉS

VOILÀ UN SECRET QU’IL SERAIT BON DE NE PAS ÉVENTER. AUX VOYAGEURS QUI CHERCHENT À FOULER LE SABLE IMMACULÉ, LA MÉDITERRANÉE RÉSERVE ENCORE UNE POIGNÉE DE PLAGES ET DE CRIQUES À L’ABRI DU MONDE. LA PREUVE PAR QUATRE.

La plus gourmande : au nord-est d’Ibiza, la petite crique isolée de Cala Xuclar appelle à laisser filer les heures un bon livre à la main, entre deux brasses turquoise et quelques croques dans les meilleures gambas de l’île, au Chiringuito Cala Xuclar La plus sous-marine : en Israël, la pla ge d’Achziv, au cœur du parc naturel éponyme, réunit criques, lagons céladon et joyeuse compagnie de tortues, anémones et étoiles de mer. La plus robinsonne : au Maroc, non loin d’Asilah, tout au bout d’un long chemin de piste qui file à travers champs. La toute dernière plage, la plus belle, s’appelle “la plage de Rada”, mais les initiés l’ont rebaptisée “Chez Mounir”, du nom du sympathique propriétaire de la paillote en roseau et bambou posée là depuis la nuit des temps. La plus dorée : c’est à Çeşme, en Turquie, que la Méditerranée et la mer Egée se rejoignent sur fond de vergers d’agrumes et d’oliviers. La baie d’Altinkum Plaji (“plage de sable doré”, en VF), fidèle à son nom, tient de l’escale idéale pour poser sa serviette.

© Lucy Laucht

MA MAISON EN MÉDITERRANÉE

“IL Y A LE CIEL, LE SOLEIL ET LA MER…”, DIT LA CHANSON. AJOUTONS UNE MAISON OÙ POSER SES BAGAGES POUR QUELQUES JOURS ET LE PAYSAGE IMAGINAIRE DE LA MÉDITERRANÉE APPARAÎT. DES POUILLES À TANGER, UN SEUL MOT D’ORDRE POUR VOTRE VILLÉGIATURE AU BORD DE LA GRANDE BLEUE: LAISSER ENTRER LE SOLEIL.

Kardamyli. Dans le sud du Péloponnèse, la maison de cœur de l’écrivain Patrick Leigh Fermor et sa femme photographe Joan ouvre aux voyageurs quelques mois paran. Chacun y trouve l’inspiration, de la bibliothèque au jardin – à moins de plonger son regard dans la Méditerranée, là où larugosité de la roche rencontre la poésie des ondes.

Tanger. Baptisée “Mimi Calpe”, cette maison résonne encore des fêtes grandioses données par le maître des lieux, un riche Tangérois qui la fit construire vers 1860. La récente rénovation s’accorde aux belles boiseries, parquets, stucs et jardins d’hiver. Un voyage dans le temps, tout indiqué pourvivre au ralenti.

Naples. Goûter à la vie de palazzo, dans le quartier central et fourmillant de la Sanità. Entre les murs du palais San Felice, érigé au XVIIIe siècle: un escalier en ailes de faucon, des proportions étourdissantes etdes chambres aux tons doux où la lumière s’invite presque à toute heure du jour.

Les Pouilles. Au cœur du Salento, dans un village baroque tout droit sorti d’un film de Fellini, la Casa Soleto est un palazzotto quatre fois centenaire, habilement transporté dans le XXIe siècle par le duo Andrew Trotter & Marcelo Martínez. Difficile de résister aux murs et alcôves pâtinés de ses quatrechambres, ainsi qu’au salon lové dans l’ancienne chapelle et à son élégante piscine, oasis discrète à l’ombre d’un petit jardin arboré.

Quelque part dans les Cyclades

La possibilité d’une île privée, cachée dans le golfe des îles Petalis… Ou comment réaliser ce rêve de l’île déserte sans rien sacrifier auconfort. Pour le plaisir de piquer une tête dans son plus simple appareil, de dîner sur lajetée, de vivre loin du monde et proche deséléments.

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© Nuria Val
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© Salva Lopez/Casa Soleto, Cecila Renard Casa Soleto, au cœur du Salento.

IMAGINER ET BÂTIR

DEPUIS L’ANTIQUITÉ, ELLES PARTICIPENT AUX GRANDS MOUVEMENTS

ÉCONOMIQUES ETCULTURELS DE L’EUROPE TOUTE ENTIÈRE. AUJOURD’HUI, LES VILLES MÉDITERRANÉENNES RELÈVENT, CHACUNE À LEUR MANIÈRE, LES DÉFIS DE L’ÉPOQUE EN RÉPONDANT PAR LA PRÉSERVATION ET L’INVENTIVITÉ.

Naples. L’architecte Renzo Piano signe la réhabilitation du cimetière Fontanelle, lieu historique del’une des plus anciennes cités méditerranéennes. De son côté, l’association 100 x 100 Naples multiplie lesprojets de végétalisation, redessinant au passage un tissu urbain plurimillénaire. 100x100naples.it

Athènes. Au pied de l’Acropole, lequartier résidentiel de Koukaki montre un nouveau visage. Une ancienne brasserie abrite le flambant musée national d’Art contemporain (EMST), et sur les trottoirs bordés d’orangers fleurissent bars hétéroclites, brûleries et autres ateliers de design. emst.gr

Tanger. Un vent de renouveau souffle sur la kasbah de la capitale culturelle du Maroc. Parmi les transformations marquantes: un musée d’art contemporain s’installe dans l’ancienne prison, l’emblématique cinéma Alcazar fait peau neuve et le théâtre Cervantès est en cours de réhabilitation.

Marseille. La manufacture collective et solidaire ICI Marseille, un fab lab géant, a déployé ses ateliers de makers au sein d’un écoquartier en cours de réalisation : Les Fabriques. Pistes cyclables, agriculture urbaine et énergies renouvelables sont au cœur de ce projet de 14hectares qui change l’image des quartiers nord. makeici.org

Venise. Baignée par l’Adriatique certes, mais dont les liens avec la Méditerranée orientale ne sont plus à rappeler… Avec la dernière biennale d’architecture, Le Laboratoire du futur, et la récente fondation Venise, capitale mondiale de la durabilité, la cité des Doges réinvente son territoire social et culturel. La restauration de l’Arsenal ou des Procuratie Vecchie et un projet de campus de la connaissance en sont des exemples. vsf.foundation

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© Cecila Renard, Issam Elhafti, Getty Images

BOUILLON DE CULTURE

UN TERRITOIRE CULTUREL PAR ESSENCE, UNE ZONE DE RENCONTRE DES CIVILISATIONS ET UNE ÉTERNELLE SOURCE D’INSPIRATION POUR LES ARTISTES. DE NAPLES À LACANÉE, IL EXISTE DE MULTIPLES RAISONS DE TOURNER LE DOS À LA GRANDE BLEUE POUR QUELQUES HEURES…

Naples

Quatre des chambres funéraires de l’hypogée des Cristallins, nécropole érigée entre les IVe et IIIe siècles avant J.C., viennent d’ouvrir au public. Fresques et peintures, colonnes décorées et artefacts rappellent les temps où Naples était le chef-lieu de l’empire grec dans lesud de l’Italie.

Majorque

Longtemps, les Palmesins ne voyaient du palais Can Vivot que le superbe patio. Mais le conte et héritier actuel a ouvert les portes de sa maison seigneuriale. Et c’est toute l’histoire de cette famille, liée à celle de Majorque, qui surgit dans ce décor inchangé depuis le XVIIe siècle.

Crète

Le nouveau Musée archéologique de la Canée oppose ses lignes ultramodernes à celles, néoclassiques, du quartier chic de Chalepa. Du néolithique à la période romaine des II et III e siècles avant J.-C., des premiers tableaux d’argile aux bijoux en or, l’épopée de la Crète y est retracée.

Marseille

Entre les murs de l’ancienne Manufacture des tabacs, la Friche laBelle de Mai joue les oasis culturelles dans un quartier encore en marge. Rencontres, expos, soirées, festivals: ils’y passe toujours quelque chose – etil serait dommage de faire l’impasse!

Tanger

Demeure du journaliste britannique

Walter Burton Harris à la findu XIXe siècle, la Villa Harris était àl’abandon depuis plusieurs années… Lelieu, transformé en musée et inauguré en 2021, fait dialoguer le Tanger bohème, international de l’époque et la création moderne marocaine.

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© Lucy Laucht

EN QUELQUES ANNÉES, L’ÉTAT DE OAXACA A VU JAILLIR DE SES TERRES BLOTTIES ENTRE LES CONTREFORTS DE LA SIERRA MADRE ET LES ROULEAUX DU PACIFIQUE DE NOUVEAUX REFUGES MANIANT L’ART ET LE DESIGN : ANCIENNE DISTILLERIE DE MEZCAL DÉCLINÉE EN HALTE MYSTIQUE, RETRAITES SECRÈTES SURFANT ENTRE ÉCOLOGIE ET BIEN-ÊTRE, TRAIT D’UNION ARCHITECTURAL RELIANT LA JUNGLE AU JAPON… VOYAGE DANS LE NOUVEL IMPRESSIONNISME MEXICAIN.

OAXACA

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ALIX PARDO TEXTE BAPTISTE BRIAND
PHOTOS

Douze mois. C’est le temps maximal nécessaire au mezcal pour atteindre sa maturité. Élaboré à partir des piñas d’agave – le cœur de cette plante dardant ses pics bleutés sur les vallées de Oaxaca –, “l’élixir des dieux” est à l’image de la fulgurante attractivité de la région. En moins de cinq années, la capitale et l’État éponyme sont devenus le terreau fertile d’une créativité architecturale, artistique et culinaire débordante. Un subtil mélange entre les ressources humaines naturelles et culturelles locales, et l’esprit contemporain de divers talents mexicains. Tel l’architecte Alejandro D’Acosta, qui façonne les murs de tapial (pisé local) et les pièces magistrales de bois recyclé, le mobilier de vieux cuir et les tapis en laine qui enlacent les suites de la Casa Silencio, perdue au fond de la vallée Xaagá, aux portes de Oaxaca.

À Puerto Escondido, l’État se métamorphose, composant avec une forêt humide et dense débouchant sur une côte à la fois paci que et sauvage. Repéré par une poignée de surfeurs dans les années 1950, le “port caché” s’accroche à son esprit anticonformiste. Pour autant, les rustiques cabanes de plage font désormais une place face aux déferlantes à de nouveaux joyaux de beauté brute, nommés Terrestre, Escondido, Escondido Oaxaca. L’équilibre parfait entre empreinte écologique légère et hédonisme béat.

VOYAGEURS 104

Une distillerie de mezcal dotée de six suites d’une beauté monacale enivrante : Casa Silencio conjugue sobriété et épure à une cinquantaine de kilomètres au sud-est de Oaxaca. Voir aussi pages 106, 110, 111 et 112-113.

Mélange d’ancien et de contemporain, l’Escondido Oaxaca honore aussi la grande richesse de la localité et le savoir-faire de ses artisans.

À Puerto Escondido, la force des éléments est palpable. Face aux déferlantes du Pacifique, l’Hotel Terrestre est alimenté à 100 % par l’énergie solaire et est entièrement construit avec des matériaux locaux. Ses quatorze villas disposent toutes d’une piscine privée.

Casa Silencio. Casa Silencio. Casa Silencio. Hotel Escondido Oaxaca.

Havre de paix situé à quelques encablures de Puerto Escondido, la Mecque mexicaine du surf, l’Hotel Escondido déploie au fil de ses seize refuges, son spa, ses piscines et son restaurant avec vue une atmosphère propice au ressourcement.

Les essentiels

2 Y aller: avec Air France. Vol Paris-Oaxaca via Mexico City (durée d’environ 15 heures).

3 Budget : 13 jours à partir de 4500 € par personne, incluant vols, 11 nuits en chambre double, location de voiture, visites privées à Mexico et Oaxaca, conciergerie, wifi nomade et carnet de voyage inclus.

MEXICO

3 tips

PARTAGÉS PAR NOS SPÉCIALISTES DU MEXIQUE

L’INCONTOURNABLE

CASA WABI

2 jours

en plus

Mexico City! Décidément, la capitale a tout pour plaire : de l’énergie trendy des quartiers de la Condesa et de la Roma, au style des casas de l’architecte Luis Barragán (celle de Frida Kahlo et celles où l’on passera la nuit), et à la cuisine métaphorique des nouvelles tables… Aux alentours, il faut aussi se rendre sur le site de Teotihuacán, aux jardins flottants de Xochimilco, au musée Soumaya, et assister à un match de lucha libre

OAXACA

Grignoter_Au Mercado 20 de Noviembre. Dans le parfum suave des mangues et celui, acidulé, du copal se dessine un panorama de la street-food locale : testez les sauterelles grillées, le mole mariant cacao et épices ou encore la nouvelle cuisine de Thalía Barrios (Cocina de Humo) et celle d’Alejandro Ruiz (Casa Oaxaca).

Craquer_Insufflant une touche contemporaine aux savoir-faire ancestraux, les jeunes makers de Oaxaca font des merveilles – des céramiques de la Chicharra Cerámica aux vestiaires trendy de Silvia Suarez, Nadya Padilla et Pompi Garcia.

Siroter_ Tequila, mezcal ou sotol?

3 BONNES RAISONS DE PARTIR

1

Une culture régionale dense qui se démarque par des sites archéologiques majeurs (Yagul Mitla et Monte Albán), l’architecture coloniale de Oaxaca et les communautés indiennes vivement représentées.

2

Gastronomie, design, mode… : l’État de Oaxaca rayonne et multiplie les projets. Les Casa Silencio, Casa Cometa ou Casa Wabi font du bruit jusqu’à nous. Les techniques de broderie et de teinture appliquées par les designers locaux inspirent les plus grands créateurs.

3 Une pura vida mexicaine flotte sur la côte pacifique de cet État repérée par les pionniers du surf dans les fifties

CARBONE DIMINUÉ ET 100 % ABSORBÉ

Pour lutter contre le réchauffement climatique, Voyageurs du Monde participe à des projets de reforestation qui permettent la totale absorption carbone sur l’ensemble de ses voyages.

Si les deux premiers sont fabriqués à partir d’agave, le sotol, lui, nouveau spiritueux à la mode, provient du dasylirion wheeleri (proche du yucca). Moins fumé, il est bien plus raffiné. À déguster avec modération au Salón de la Fama, à Oaxaca.

LE CHIFFRE

MÉMO

VOYAGEURS AU MEXIQUE

LES CONSEILLERS Une douzaine de spécialistes couvrent l’ensemble du pays, répartis par zone selon leurs connaissances. Le réseau local qu’ils ont tissé leur permet un accès direct aux dernières nouveautés (hôtels, galeries, restaurants, expériences…) qui permet de créer un voyage selon vos envies.

LA CONCIERGERIE FRANCOPHONE Indiquer les meilleures enchiladas de la ville, la bonne école de surf pour débuter à Puerto Escondido, un médecin francophone… Joignable par messagerie instantanée et telephone, le service conciergerie vous assiste en permanence.

L’EXCLU VOYAGEURS Votre métier, vos hobbies votre dernière passion comme fil rouge de votre voyage. Les conseillers peuvent organiser des rencontres personnalisées (avec une artiste, un historien, une architecte, un chaman) et des visites exclusives de certains lieux…

CONTACTEZ UN CONSEILLER SPÉCIALISTE DU MEXIQUE au 01 84 17 21 67 (ligne directe ).

VOYAGEURS 116 CARNET PRATIQUE • MEXIQUE • CARNET PRATIQUE • MEXIQUE • CARNET PRATIQUE • MEXIQUE
Avec ses airs de briques Lego, toutes identiques, la structure de béton de la Casa Wabi émerge de la jungle. Le design porte la patte emblématique de l’architecte japonais et lauréat d’un prix Pritzker, Tadao Ando. Cette construction en ligne droite se compose d’un unique mur de 312 mètres courant sur l’intégralité du tracé et divisant le complexe du nord au sud en diverses “pièces” abritant les expositions, les ateliers et les artistes en résidence qui, en lien avec les communautés locales, expriment leur talent – peinture, sculpture, art vivant –dans ce lieu exceptionnel. PUERTO
ESCONDIDO
1 Le bon moment: octobre-novembre et avril-mai (plus chaud mais plus calme).
Why now ?
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Les dialectes encore parlés activement dans l’État de Oaxaca. Les communautés autochtones, remontant aux Zapotèques et aux Mixtèques, occupent 70% des régions rurales et sont les gardiennes de techniques artisanales ancestrales.
Casa Silencio.

LONGUE VIE À OKINAWA

SOUS INFLUENCES DU JAPON MAIS AFFIRMANT SA PROPRE CULTURE

TEINTÉE D’ANIMISME, L’ANCIEN ROYAUME DE RYŪKYŪ

DÉROULE DES ARCHIPELS EN POINTILLÉ QUI CONJUGUENT NATURE

SAUVAGE ET PLAGES IDYLLIQUES. UNE ODE SURPRENANTE QUI INVITE À VIVRE LONGTEMPS. ET CACHÉ.

VOYAGEURS 118
TEXTE BAPTISTE BRIAND
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PHOTOS ROMAIN LAPRADE

DANS L’AVION POUR NAHA, une femme aux cheveux blancs porte un T-shirt sur lequel est inscrit en anglais : “Votre temps est limité, ne le perdez pas à vivre la vie d’un autre.” Le message prête à sourire alors qu’on se prépare à poser le pied sur Okinawa. Ce chapelet d’îles appartenant au Japon a été identi é par la National Geographic Society parmi les cinq zones bleues de la planète, des enclaves qui a chent une population de centenaires nettement supérieure à la moyenne.

Certains passagers ont donc un billet extensible. Sous les enseignes aux néons, Kokusai-dori, l’artère principale de la capitale, affiche ouvertement les secrets qui préservent celles de ses habitants. Les échoppes alignent en vitrine les ingrédients de la jouvence : la beni imo (ou igname ailée, une patate douce et violette), le goya chanpuru (melon amer), les algues mozuku : des superaliments – riches en antioxydants, caroténoïdes, phytonutriments – qui composent le régime d’Okinawa, dont le nom résonne désormais jusque dans nos assiettes occidentales.

Un autre atout du “bien-vieillir” à Naha s’exprime à travers la chemise à eurs okinawaïenne, rose délavé, du chau eur de taxi, parfaitement raccord avec la moiteur qui s’engou re dans l’habitacle. Malgré la fréquence des typhons, le climat de ces îles est résolument doux pour ceux qui y vivent. Bienvenue sur un grain de Japon tropical, jeté dans le Paci que, à 1 500 kilomètres au sud de Tokyo, la moitié seulement de Taïwan.

Au premier matin sur Miyako-jima, autre collier d’îles semées au sud de Naha,

mon cerveau (pourtant pas tout à fait centenaire) a toujours du mal à faire le lien entre, d’un côté, le “ohayô gozaimasu”, salut matinal de politesse pratiqué à Tokyo, le bento du petit déjeuner composé de poisson, légumes et riz qui pourrait être servi à Osaka et, de l’autre, la vision des champs de cannes à sucre sur fond de baie qui hésite entre le cobalt et l’aigue-marine, invitant les jeunes mariés à venir plonger parmi coraux et tortues. À la fois si proche et si loin de l’image qu’on se fait du Japon. De fait, l’archipel Ryūkyū (devenu préfecture d’Okinawa) n’est entré sous le giron de l’Empire qu’à la n du XIXe siècle, à l’ère Meiji. Auparavant, 450 années d’indépendance durant lesquelles le berceau du karaté n’entretenait avec son voisin du nord rien de plus qu’un rapport commercial – pas plus qu’avec la Chine, son premier occupant – et qui ont forgé l’identité de ce royaume en pointillé.

Un subtil trait d’union réunissant des temples zen où l’on vient demander bonne fortune aux darumas et des plages d’ivoire rivalisant avec les plus beaux édens d’Asie du Sud-Est, la foule en moins. S’ajoutent à cela les marqueurs du véritable voyage : l’absence quasi totale de visages occidentaux, une communication réduite aux gestes et aux sourires embarrassés, l’incapacité de déchiffrer le menu (sans céder au traducteur de son smartphone). On se laisse guider par l’assiette voisine, le parfum des tempuras s’échappant d’une ruelle endormie, son instinct. Les six petites îles de Miyako invitent à se mettre au rythme d’un archipel qui rend élastique le temps japonais, d’habitude si précis.

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121 OKINAWA

L’archipel des centenaires roule à 40 kilomètres par heure et tolère les retards. Un sens de la décontraction qui séduit : “À chaque fois que je rentre à Miyako, je ressens une énergie très particulière et j’ai le sentiment d’être arrivé à la maison” , sourit Pierre, pourtant à 10 000 kilomètres de sa Bretagne d’origine. Six années à sillonner le Japon pour nalement se poser ici, aux bras de Yuki : “La mentalité sur ces îles est très ouverte. J’ai tout de suite été accepté”, témoigne ce grand amateur de surf qui a semble t-il découvert son spot secret (“Il su t d’être un minimum aventurier, sortir à peine des chemins balisés pour se retrouver sur une plage déserte !” ) mais aussi son moai – un clan avec lequel se réunir et partager –, autre élément-clé de la longévité dans cette zone bleue.

Symboles du lien social, les ponts reliant entre elles chacune des six îles de Miyako, dont celui d’Irabu, le plus long du Japon (3 540 mètres) inauguré en 2015, ont été accueillis comme d’heureux événements. La liaison aérienne désormais directe avec Honshu – soit trois heures pile depuis Tokyo – est une autre histoire pour les habitants qui ont vu les prix de l’immobilier s’envoler vers des sommets proches de ceux de la capitale. Lorsque la tranquillité s’émousse, il suffit de suivre le fil d’Ariane, tirer toujours plus au sud de l’arc des Ryūkyū, jusqu’à l’archipel des Yaeyama, dernier gardien du royaume.

Mamelons de roche tendus vers le ciel, jungle plongeant sur le sable farine, prairies bordées de pins, l’île d’Ishigaki déroule une nature extravagante et prolonge la volonté de brouiller les repères. Le taxi noir impeccable, néon de toit personnalisé et

dentelles sur la plage arrière, les écolières en uniforme sur leur vélo, et l’atelier du potier signent l’appartenance au Japon, mais celui-ci s’estompe quand le pigment indigo des tasses s’inspire de la mer des Philippines, que l’allée qui mène au port se borde de cocotiers, que le dialecte local

temple de Naha en début de voyage était clair : s’il doit rester attentif, son porteur sera protégé par la déesse de la mer et de la pêche… Tout juste le temps de savourer un soba de Yaeyama au bouillon parfumé, j’embarque pour une rapide traversée vers cet œuf corallien d’à peine dix kilomètres de circonférence.

Dans l’unique village de Taketomi, quadrillé de rues sablonneuses, les maisons à l’architecture traditionnelle s’abritent du vent derrière leur gukku , des murets incurvés, érigés à partir de blocs de corail. Veillant sur les toits de tuiles d’argile rouge scellées pour mieux résister à la colère des typhons, les sishas , étranges statuettes mi-lion, mi-chien, gardent à distance les esprits malins et autres fantômes égarés depuis la Seconde Guerre mondiale – lorsque Tokyo n’hésitait pas à sacri er la population locale pour préserver sa base arrière.

remplace la langue o cielle. Chez les employés du ferry reliant l’île de Taketomi, la chemise à eurs reste de mise. La ponctualité nipponne reprend le dessus, sauf lorsque les dieux de la nature, uniques capitaines sous ces latitudes, en décident autrement et déchaînent les éléments. Par chance, l’omikuji (message divin inscrit sur un petit bout de papier) pioché dans un

En revanche, malgré leurs faciès ratatinés, ces monstres gentils ne repoussent pas les touristes. Promenés en char à bu es, godillant en fat-bike (vélos équipés de pneus extra larges) pour les plus téméraires, ils posent sur la plage éblouissante de Kondoi, sirotent un café sur le rooftop délabré du Haaya Nagomi et s’o rent une ceinture minsah, tissée selon une technique locale remontant à l’époque d’Edo, avant de reprendre le ferry. Taketomi se révèle alors à ceux qui ont le privilège de dormir sous le toit protecteur de l’une de ces maisons kominka restaurées. Protégé des regards et des esprits par leur mur d’enceinte, encadré par un jardin de sable blanc, on se glisse dans un cocon de bois en lévitation.

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“À CHAQUE FOIS QUE JE RENTRE À MIYAKO, JE RESSENS UNE ÉNERGIE TRÈS PARTICULIÈRE ET J’AI LE SENTIMENT D’ÊTRE ARRIVÉ À LA MAISON.”

Le char à buffle, seul moyen de transport, avec le vélo, sur Taketomi.

À droite : l’hôtel Hoshinoya s’inspire de l’architecture traditionnelle des îles Ryūkyū.

VOYAGEURS 124
Derrière une frange d’arbres, coincée entre deux pitons, surgit une crique parfaitement déserte. Invitation irrésistible.

Page de droite : sur les toits de tuiles d’argile rouge, scellées pour résister aux typhons, les sishas, étranges statuettes mi-lion, mi-chien, gardent à distance fantômes et esprits malins.

L’IDÉE DEVIENT LIMPIDE LORSQU’APRÈS

UNE HEURE DE MER AGITÉE, LE FERRY

ABORDE UEHARA, L’UN DES DEUX PORTS D’IRIOMOTE.

Des troncs d’arbres locaux taillés et chevillés sans la moindre vis forment les colonnes qui abritent une grande pièce entièrement ouverte sur l’extérieur, pour mieux laisser passer la brise tropicale. Je rejoins mon tatami douillet, après avoir déambulé dans le labyrinthe des gukku, simplement éclairé par une Voie particulièrement lactée qui se réverbère sur les chemins de corail blanc. Dans une nuit calme bercée par le chant des grillons, l’air du large amène le souvenir d’une histoire entendue en cours de route.

Masafumi Nagasaki était photographe à Fukuoka. Un jour de 1989, en reportage au mémorial de Nagasaki (dont le hasard veut qu’il partage le nom), le cinquantenaire est incapable de déclencher face aux visages qui prient. Devant un tel summum d’aberration de l’histoire humaine, et aussi parce qu’il ne supporte plus de voir le niveau de

pollution de la mer de Seto s’étendre à vue d’œil, il décide de se retirer du monde. L’îlot de Sotobanari, au large d’Iriomote, la plus grande et la plus sauvage des Yaeyama, sera son refuge durant près de trente ans. Vivant dans le plus simple appareil (avant l’ouverture du Japon au monde extérieur, la nudité n’a jamais été proscrite), Nagasakisan se nourrit de cueillette et de coquillages, a ronte les typhons sous une tente de fortune.

“Mon optimisme m’a permis de trouver ce lieu unique et de repenser ma relation au monde. Ici, je ne peux pas survivre si je n’obéis pas aux lois de la nature, je dois me faire le plus petit possible. Lorsque je grimpe en haut de la colline et que je peux voir mon campement, c’est que je prends déjà trop de place”, con ait aux journalistes, en 2015, le Robinson quasi octogénaire.

VOYAGEURS 126 SE FAIRE TOUT PETIT.

Se faire tout petit. L’idée devient limpide lorsqu’après une heure de mer agitée, le ferry aborde Uehara, l’un des deux ports d’Iriomote. Les vagues se brisent sur des contreforts plaqués d’un vert sombre. Ce territoire sauvage, couvert à 90 % de forêt subtropicale, ne possède ni aéroport ni routes intérieures. Seul un n ruban côtier permet de relier le nord de l’île à Ohara, chef-lieu du sud. Entre les deux : une jungle percée de rivières et de cascades par dizaine, un dédale de mangrove et des histoires de fantômes attirent les quelques aventuriers qui descendent du bateau sac au dos. Un futur centenaire et ses descendants, les bras chargés, viennent quant à eux rendre visite au reste de la famille occupée dans les plantations d’ananas et de rizières qui donnent généreusement trois récoltes par an. Ryoji, jeune urbain, a lui troqué l’e ervescence d’Osaka pour le calme d’Iriomote avec une idée en tête : voir le chat éponyme. Une espèce endémique parmi les milliers recensées à Iriomote qui, en 2021, ont contribué à faire entrer l’île sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco.

“À la fois une bonne et une moins bonne nouvelle, car cela signi e plus de touristes”, commente Ryoji, qui n’a pas encore croisé les yeux du félin. En attendant cette rencontre, il accompagne les aventuriers d’un jour à crapahuter jusqu’au pied des chutes Pinaisara, à glisser en kayak sur le euve Urauchi à l’heure où le soleil embrasse les pains de calcaire sacrés. Un écotourisme à l’impact pour le moment maîtrisé sur les plages d’Iriomote où les cristaux de sable

ont parfois la forme d’étoiles et sur lesquelles le bois otté garde l’avantage sur les bouteilles plastique. Plus rarement, le jeune guide reçoit la demande de rejoindre le village isolé de Funauki, accessible uniquement par la mer. Ultime capsule de ce Japon sauvage. Parfois aussi, celle de voir la plage de Masafumi Nagasaki-san. Il doit alors décevoir les curieux car le vieil homme, a aibli, a dû quitter l’éden dans lequel il se voyait pourtant passer la barre des cent ans.

De retour, comme lui, à la civilisation d’Ishigaki, je prends une dernière fois la fuite le long de la côte. En contrebas, une poignée de surfeurs taillent de leurs ailerons des vagues émeraude. Le conseil de Pierre refait surface : quelques pas de côté, et derrière une frange d’arbres, coincée entre deux pitons, surgit la crique parfaitement déserte. Une invitation en forme d’hommage, qui pousse à se débarrasser du super u pour entrer dans une eau limpide et chaude. La quête de longévité prend alors tout son sens, ne serait-ce que pour prolonger un peu le voyage sur cet archipel.

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Dormir sous le toit protecteur d’une maison kominka, cocon de bois en lévitation, dans le village de Taketomi.

Les essentiels

1 Le bon moment: mai-juin ou septembre-octobre. Éviter juillet-août (haute saison et risques de typhons).

2 Y aller: avec Air France via Tokyo, Osaka ou Séoul (durée d’environ 20heures).

3 Bon à savoir:Voyageurs du Monde gère en amont les démarches administratives pour la traduction de votre permis de conduire, indispensable pour louer une voiture.

5 Budget : 13 jours à partir de 4900 € par personne, incluant vol, 10 nuits en chambre double, accès au lounge Air France, ferry inter-îles, guide privé à Iriomote, conciergerie, wifi nomade et carnet de voyage.

Why now ?

ÎLE D’OKINAWA

3 tips

PARTAGÉS PAR NOS SPÉCIALISTES DU JAPON

Naha_La capitale d’Okinawa mérite bien une journée : déambuler dans les shotengai, ces allées couvertes alignant les petits commerces, visiter le Sairaiin, temple des darumas, et le Karate Kaikan réunissant dojos et musée dédié à cet art martial né à Okinawa.

Vous avez peu de temps?_À défaut de voir les îles Yaeyama, Okinawa réserve de belles choses : les villages de potiers et le château de Nakijin, la plongée sur l’île de Zamami.

À Iriomote_ Nous travaillons avec de très bons guides anglophones. À voir absolument : la cascade de Pinaisara. Si vous aimez la nature, prévoyez de passer au moins trois jours sur l’île, cela permet de s’aventurer plus loin, d’aller en bateau jusqu’au village isolé de Funauki.

3 BONNES RAISONS DE PARTIR

1

La rareté. Si le Japon reste une destination très prisée, Okinawa apparaît peu sur les radars occidentaux. La liaison directe désormais vers certaines îles pourrait changer la donne.

L’INOUBLIABLE

HÔTEL HOSHINOYA TAKETOMI

Les architectes du studio Azuma se sont inspirés dans le moindre détail des maisons, mais aussi du mode de vie et des rituels de la petite île : les murs gukku, préservant l’intimité, les arbres plantés au nord de chaque villa protège du vent, la musique shamisen qui résonne. Les grandes fenêtres articulées ouvrant sur le jardin de sable apportent lumière et ventilation naturelles. À l’intérieur, l’esthétisme sobre du bois. Le spa puise dans le jardin médicinal et le chef sert une fine cuisine qui fusionne les Ryūkyū et la France.www.hoshinoya.com/taketomijima/en

2 jours en plus

Tokyo bien sûr. En ouverture, sans doute, afin de maximiser l’effet contrasté entre la tranquillité des îles et l’énergie toujours aussi fulgurante de la capitale. Aborder le futur à Shinjuku, s’imprégner d’art contemporain au Mori Art Museum de Roppongi Hills, de style et de design à Naka-Meguro, d’histoire et de culture au temple Senso-ji d’Asakusa. Tokyo forever…

2 Une très belle alternative à l’Asie du Sud-Est, bénéficiant du même climat subtropical, de plages sublimes d’une grande tranquillité, la culture et l’art de vivre japonais en plus.

3

Un environnement naturel préservé aussi bien sur terre que sous l’eau. Mention spéciale à Iriomote, classée réserve de la biosphère depuis 2021.

CARBONE DIMINUÉ ET 100 % ABSORBÉ

Pour lutter contre le réchauffement climatique, Voyageurs du Monde participe à des projets de reforestation qui permettent la totale absorption carbone sur l’ensemble de ses voyages.

LE CHIFFRE

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Le nombre de centenaires pour 100000 habitants vivant à Okinawa est en moyenne trois fois supérieur au reste du monde. Le Japon totalise 90000 personnes de plus de 100 ans (trois fois plus qu’en France), dont 89% sont des femmes.

MÉMO

VOYAGEURS AU JAPON

LES CONSEILLERS Le Japon est LA destination historique de Voyageurs du Monde. Un cas privilégié qui bénéficie d’une vingtaine d’experts et d’une équipe dédiée sur place, orchestrée par des Japonais(es) francophones.

LA CONCIERGERIE FRANCOPHONE Un atout indéniable, capable de démêler une situation en quelques coups de fils : modifier une réservation, vous faire envoyer un routeur wifi, indiquer les meilleur sobas d’Ishigaki, un artisan à ne pas rater sur Taketomi…

L’EXCLU VOYAGEURS À Okinawa, comme ailleurs au Japon, Voyageurs du Monde vous propose de visiter la ville, le quartier, dans les pas d’un(e) habitant(e). Une manière confidentielle de découvrir le lieu, en profitant d’un éclairage particulier, et de bonnes adresses testées à coup sûr!

CONTACTEZ UN CONSEILLER SPÉCIALISTE DU JAPON au 01 84 17 19 48 (ligne directe).

VOYAGEURS 132 CARNET PRATIQUE • JAPON • CARNET PRATIQUE • JAPON • CARNET PRATIQUE • JAPON
Naha Onna
JAPON OKINAWA

Rebondissant au-dessus de la mer de Chine, le pont reliant les îles Miyako et Irabu est le plus long sans péage du Japon (3 540 mètres).

Toutchaud

Cabanes chics, sanctuaire contemporain, villas au luxe discret, temple Art déco, pépites design…: tour du monde des nouveaux hôtels, refuges uniques où célébrer le beau et la douceur du temps, de jour comme de nuit.

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KITAKARUIZAWA IRORI

JAPON KARUIZAWA (NAGANO)

Où ? En pleine forêt, dans les Alpes japonaises, au pied du mont Asama. Quoi ? Une cabane grandiose, à louer quelques jours dans l’année, parallélépipède de bois et de verre qui gomme totalement la frontière entre l’intérieur ouaté et les paysages enneigés. On adore L’irori, le foyer de cheminée ouvert, autour duquel on se réunit, mais aussi le bain extérieur fumant sous la neige. On y va avec Deux, trois copains inséparables et une bonne paire de skis.

© Not a Hotel

BANYAN TREE AL ULA

ARABIE SAOUDITE

AL ULA

Où ? Entre les dunes et les drolatiques formations rocheuses de la vallée d’Ashar, à quelques kilomètres du site archéologique d’Hegra et de la spectaculaire salle de concerts Maraya. Quoi ? Un mirage au luxe minéral, inspiré par la culture nomade des Nabatéens, véritables villas sous tentes de une à trois chambres. On adore L’omniprésence du désert, le silence, la “rock pool”, piscine lovée dans un canyon qui se prend pour un oued naturel. On y va avec Lawrence d’Arabie.

© Madani Sindi

&BEYOND PUNAKHA

RIVER LODGE

BHOUTAN

VALLÉE DE PUNAKHA

Où ? Le long de la rivière Mo Chu, les vergers et l’Himalaya en toile de fond. Quoi ? Un esprit de lodge ottant entre les rizières et l’architecture traditionnelle bhoutanaise de la charpente en bois. On adore Le murmure de la rivière, pendant le massage aux pierres chaudes sous les orangers. On y va avec Ses chaussures de trek pour remonter la berge jusqu’au chörten de Khamsum Yulley Namgyal. (1)

SEA SEA HOTEL

AUSTRALIE

CRESCENT HEAD

Où ? Près de l’un des plus fameux spots de surf de Nouvelle-Galles du Sud. Quoi ? Une retraite barefoot surfant sur l’esprit 70’s, bordée de matériaux naturels, relevé du style reconnaissable de George Gorrow, designer de The Strand à Sydney et de The Slow à Canggu, sur Bali. On adore L’atmosphère laidback, la table (bien) servie par la proximité de la Macleay Valley. On y va avec Un esprit libre gipsy chic, ses planches et ses pieds nus. (2)

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2 1 © Sea Sea © andBeyond

JAPON

TOKYO

Où ? Au cœur de l’une des trois tours de l’Azabudai Hills fraîchement sorties de terre, conçues dans un esprit de village urbain organique. Quoi ? Aman inaugure à Tokyo son concept Janu, axé sur le bien-être du corps et l’e ervescence spirituelle à travers un lieu. On adore Le spa de 4 000 mètres carrés, le plus grand de la capitale, pour soigner corps et âme à grand renfort de yoga, boxe, hydrothérapie et bains japonais. On y va avec Son jet-lag et le besoin de décompresser.

THE BOLDER

NORVÈGE

FORSAND

Où ? Au-dessus du Lysefjord, dans le sudouest du pays, une destination pionnière du tourisme durable. Quoi ? Six perchoirs à l’impact environnemental minimal, imaginés par le célèbre cabinet Snøhetta (bibliothèque d’Alexandrie, Centre international de l’Art pariétal – Lascaux IV), ou comment redé nir la chambre avec vue. On adore Laisser planer son regard à 180 degrés sans quitter son lit, la sensation d’habiter dans les nuages. On y va avec Un cœur bien accroché.

ECHO WHITE DESERT

ANTARCTIQUE

TERRE DE LA REINE-MAUD

Où ? Le plus loin possible de la Terre sans l’avoir quittée, perdu sur le septième continent. Quoi ? Six capsules futuristes inspirées de l’aventure spatiale, téléportées en plein désert blanc. À leur bord, le (ré)confort mérité des aventuriers chics. Dans le pod central, une sculpture de l’Anglais Anthony James fait écho à l’in nité. On adore Poser le pied sur le pôle Sud, faire le tour du monde en quelques pas. Déboussolant ! On y va avec Un budget astronomique.

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© Andrew Macdonald © Not a Hotel
© The Bolder AMAN JANU

ARISTIDE

GRÈCE SYROS

Où ? À Ermoupoli, au centre des Cyclades. Quoi ? Une ancienne demeure d’armateur restaurée avec grande intégrité par deux sœurs collectionneuses. Derrière sa façade historique de marbre rose, la maison révèle une âme d’artiste contemporain un brin illuminé. On adore L’impression de dormir dans une galerie, entouré d’œuvres pop et de mobilier design ; le petit déjeuner locavore sur fond d’Egée. On y va avec Sa muse ou son Apollon.

© Aristide

VILLA PALLADIO

INDE RAJASTHAN

Où ? À Jamdoli Chouraha, banlieue boisée aux portes de Jaipur. Quoi ? Après un café et un bar, la saga Palladio poursuit avec cette ode à la couleur râjasthâni, le rouge – rubis, grenade, Ferrari – en maître étalon, rythmé de touches d’or dans les neuf chambres tapies derrière le blanc des murs crénelés, et le marbre de la cour à damiers. On adore S’endormir dans une maison de poupée, bercé par les sons de la jungle et le parfum des roses. On y va avec Son amour (pour le) cramoisi.

© Villa Palladio

HOUSE OF GODS

ÉCOSSE ÉDIMBOURG

Où ? Sur Cowgate, une artère historique du Old Town d’Édimbourg. Quoi ? Vingt-deux “cabines”, réminiscences de l’Orient-Express et de Versailles, un hédonisme cousu de velours, de murs d’apparat lambrissés, papier peint hérons, baignoires victoriennes et lits à baldaquin. On adore Se téléporter dans une bulle rétro décadente ; le mixologiste préparant votre cocktail en chambre, inspiré par votre tube préféré. On y va avec Son partner in crime. (1)

DUKE’S CAMP

AFRIQUE BOTSWANA

Où ? Sur un canal, au nord du delta de l’Okavango. Quoi ? Le petit frère du célèbre Jack’s Camp, guidé par l’esprit de la famille Bous eld, maîtrise sur le bout des pattes la recette originelle du camp de brousse : cadre exceptionnel, luxe vintage, et priorité à l’environnement. On adore Le sentiment d’être une espèce rare (huit tentes seulement), qui sirote un Negroni dans la piscine, le en pirogue et croise les éléphants en regagnant son nid à baldaquin. On y va avec Un esprit indomptable. (2)

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©
© Duke’s Camp
House of Gods

INNIT

INDONÉSIE

LOMBOK

Où ? Sur la baie d’Ekas, à la pointe sud-est de Lombok, entre villages de pêcheurs et plages sauvages. Quoi ? Sept châteaux de sable échappés d’un rêve d’architecte. Lignes contemporaines, matériaux bruts (bois, pierre, béton) et bain de lumière naturelle. On adore Dîner de la pêche du jour, à la lisière entre intérieur et extérieur. Sous vos pieds, le sable. Devant vous, les ondes. On y va avec Le risque (la tentation) de jouer les prolongations. (1)

CAP KAROSO

INDONÉSIE SUMBA

Où ? Dans la belle province de Nusa Tenggara Est, à une heure de vol de Bali et quelques années-lumière de sa notoriété. Quoi ?

47 chambres et 20 villas au luxe discret, posées sur une plage sauvage. À l’arrière-plan, savane vallonnée, forêt tropicale et rizières en escaliers. On adore Prendre un temps pour soi au spa. Les soins inspirés y mêlent herbes sauvages, eurs, sel de mer et tradition chamanique. On y va avec Un roman qu’on ne peut pas lâcher. (2)

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© Alex Grabchilev © Init Lombok

COMO FIDJI LAUCALA ISLAND

Où ? Dans le Paci que Sud, au cœur des îles Fidji. Quoi ? Une vingtaine de cabanes de bois et de chaume inspirées de l’architecture traditionnelle Fidji, et éparpillées sur la colline, de la mangrove à la plage, des sommets au lagon. On adore Choisir sa chambre en fonction du décor naturel que l’on préfère – et se fendre de quelques brasses dans sa piscine privée. On y va avec Un carnet d’aquarelles pour croquer le paysage avec poésie.

© Martin Morrell

MAMULA ISLAND HOTEL

MONTÉNÉGRO

KOTOR BAY

Où ? Au large de la baie de Kotor, au Monténégro. Quoi ? Posé sur une île, un hôtel qui prend pour décor un château fort du XIXe siècle classé au patrimoine mondial de l’Unesco. Pierre naturelle, laiton vieilli, chêne massif y côtoient des matériaux durables et la déco est soignée. On adore Se réveiller avec l’Adriatique au bout du lit. Et dans certaines suites, s’endormir en contemplant les fresques patinées par les années. On y va avec Un esthète sensible, une âme chevaleresque.

© Mamula Island

OIÁ CASA LENÇÓIS

BRÉSIL

SANTA AMARO

Où ? Au nord du Brésil, à quelques kilomètres du parc national des Lençóis Maranhenses et ses panoramas surréalistes. Quoi ? Cinq belles chambres au bout du monde, près des siens. On adore Vivre l’expérience “700 000 heures”, paradis vertueux déjà décliné sous d’autres latitudes. Tout est mis en œuvre pour l’émerveillement constant des voyageurs… et l’inclusion des communautés locales, avec leur autonomie financière en ligne de mire. On y va avec Le temps pour seul bagage.

LA PALMA

ITALIE CAPRI

Où ? Au cœur de Capri, escale mythique de la Côte Amal taine. Quoi ? La plus belle adresse de Capri, remise au goût du jour par un grand nom de l’architecture d’intérieur, Francis Sultana. Le chic de Capri décliné dans 50 chambres, dont 18 ouvrant sur la Méditerranée. On adore Remonter le temps jusqu’à renouer avec l’âge d’or de Capri, entre les murs d’un hôtel signature. On y va avec Un ou une insondable romantique et/ou une paire de lunettes noires pour voir sans être vu. Au nom du glamour, toujours.

PAGOSTAS

GRÈCE PATMOS

Où ? Dans le dédale de ruelles blanches de la chora de l’île de Patmos, l’une des plus précieuses du Dodécanèse. Quoi ? Une poignée de chambres, derrière les murs épais d’une maison qui appartenait jadis à un certain abbé Pagostas, dont ce sanctuaire contemporain porte aujourd’hui le nom. On adore S’o rir une retraite d’esthète entre tomettes et faïences, simplicité et sublime. On y va avec Le goût du secret bien gardé.

145 TOUT CHAUD
© Pagostas © Tyson Sadlo © Oiá Lençóis

AUSTIN PROPER HOTEL

ÉTATS-UNIS

TEXAS

Où ? Downtown Austin, dans l’e ervescence du 2nd Street District et à quelques foulées du lac Lady Bird. Quoi ? Un hôtel grand format qui invite à prendre le pouls de l’esprit cool et cosmopolite d’Austin. Du restaurant mexicain d’inspiration texane aux 244 chambres qui posent un regard contemporain sur l’héritage American Craft de la ville. On adore Boire un dernier verre au Quill Room, cocktail-bar intimiste de l’hôtel. Negroni et notes de jazz. On y va avec L’envie de croquer Austin à pleines dents. (1)

PRISTINE IGUAZÚ LUXURY CAMP

ARGENTINE

IGUAZÚ

Où ? Au beau milieu de la jungle de Misiones, dans la réserve naturelle de Puerto Bemberg. Tout proche des chutes d’Iguazú. Quoi ? Quatre campements contemporains qui vivent en harmonie avec leurs alentours conjuguent matériaux nobles et vue sur la rivière Paraná. On adore Vivre au rythme des éléments et aller tous les jours à leur rencontre au cours de micro-aventures (randonnée dans la jungle, observation de la voûte céleste…). On y va avec L’âme aventurière et le goût du confort. (2)

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© Pristine Iguazu © Austin Proper 2 1

SAN FERNANDO

MEXIQUE

MEXICO CITY

Où ? Dans le quartier chic de La Condesa, non loin du parc México, poumon vert de la capitale mexicaine. Quoi ? Entre les murs d’un immeuble résolument Art déco, dix-neuf chambres simples au nuancier vitaminé, pied-à-terre idéal pour explorer la ville. On adore Monter sur le toit-terrasse à l’heure du petit déjeuner, pour commencer la journée dans les meilleures dispositions. On y va avec Un citadin inspiré.

© Chad Wadsworth

CE RÉCIT DE VOYAGE AU SOUDAN

A ÉTÉ ÉCRIT AVANT LE DÉBUT DES COMBATS QUI OPPOSENT DEUX GÉNÉRAUX, L’UN À LA TÊTE DE L’ARMÉE, L’AUTRE D’UNE MILICE TOUT AUSSI PUISSANTE, “SAIGNEURS” DE GUERRE QUI CHERCHENT À S’ACCAPARER RICHESSES MINIÈRES ET AGRICOLES. NOUS LE PUBLIONS EN SOUTIEN À NOS PARTENAIRES ET LEURS EMPLOYÉS SUR PLACE, EN SOLIDARITÉ AUSSI AVEC UNE POPULATION CIVILE QUI A MONTRÉ SON COURAGE ET SON DÉSIR DE LIBERTÉ LORS DU SOULÈVEMENT DE 2019. EN ESPÉRANT QUE LA TRAGÉDIE CESSE AU PLUS VITE AFIN DE RETROUVER CE PAYS SI ATTACHANT QUI AURA BESOIN DE TOUS POUR SURMONTER CETTE CRISE.

SUR LES TRACES DES PHARAONS NOIRS

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PHOTOS MATHIAS DEPARDON
TEXTE PIERRE SORGUE

LE NIL, ICI, EST UNE AFFAIRE INTIME. Sous le soleil blanc de l’après-midi, des couples amoureux ont glissé les chaises en plastique coloré jusque dans l’eau peu profonde. Les hommes ont retroussé les jambes de leurs jeans au-dessus des mollets, les jeunes femmes dans leurs voiles dénudent à peine les chevilles que caresse l’onde légère. D’autres garçons, peut-être étudiants de l’université voisine, ont disposé en cercle les fauteuils de pacotille et tiennent salon les pieds dans l’eau. Des solitaires ont le regard perdu dans les re ets de métal, bercés par la rumeur de la ville autour. Sur les rives de l’île Crocodile, qui apparaît et disparaît au cœur de Khartoum au gré de la crue annuelle, le euve le plus long d’Afrique n’est pas seulement celui des rois, des pharaons et des dieux ; il est plus que le ux utilitaire qui irrigue l’unique ruban fertile d’un désert étalé jusqu’à la Méditerranée ; il vaut mieux que les égoïsmes nationaux – égyptiens, soudanais et éthiopiens – qui se disputent ses eaux à coups de gigantesques barrages et de con its. Le Nil est un plaisir o ert dans un pays de grande pauvreté. Il est un moment de sérénité parmi les jours troublés que connaît le Soudan. Khartoum est le point de départ du voyage qui conduira jusqu’à Wadi Halfa et la frontière avec l’Égypte, descendant le  euve au l des cataractes mais remontant le temps des anciens royaumes de Koush qui se succédèrent, de 2 500 ans avant

l’africanité que dans l’arabité o ciellement revendiquée. Avant de prendre la route, Ibrahim nous mène vers le très historique hôtel Acropole, deux étages modestes qui ont hébergé tout ce que le pays a vu passer de journalistes, d’humanitaires et d’archéologues. Il tient à nous présenter Charles Bonnet, le Suisse le plus célèbre du pays. Archéologue, il a passé plus de cinquante ans à révéler ce passé africain face au scepticisme des égyptologues d’antan. Il s’apprête à rejoindre Kerma qu’il fouille depuis des décennies : “Essayez d’aimer ce pays autant que je l’aime”, glisse cet homme délicieux.

Ce n’est pas di cile. Dès la sortie de Khartoum, l’unique route asphaltée le vers le nord dans une in nie rectitude. De chaque côté, le désert étend sa poussière blonde, ponctuée d’acacias, de plantes et de maisonnettes en briques. De part en part, un relais routier o re ses vieilles pompes à essence et l’ombre d’une cour où les hommes boivent le thé brun allongés sur des angarebs (des matelas de cordes). Puis, une piste court dans la plaine aride du Boutana où les nomades mènent leurs petits ânes chargés de jerricanes blancs. Au puits de Naga, des hommes tirent les outres de peau, des femmes remplissent bidons et réservoirs pour que boivent les moutons. À quelques mètres, Karla Kröper, une archéologue allemande, et des ouvriers

LE NIL EST UN PLAISIR OFFERT DANS UN PAYS DE GRANDE PAUVRETÉ. IL EST UN MOMENT DE SÉRÉNITÉ

PARMI LES JOURS TROUBLÉS QUE CONNAÎT LE SOUDAN.

J.-C. à 400 de notre ère, en Nubie, entre l’actuelle capitale soudanaise et Assouan. Longtemps considérés comme simples colonies de l’Égypte voisine, ils en furent pourtant les rivaux, voire les conquérants, sous les pharaons noirs de la XXVe dynastie (de 770 à 656 avant J.-C.) – celle qu’une exposition au Louvre mit en lumière au printemps 2022.

Dans un stade du nord de la ville, le plus populaire des sports retrouve aussi le prestige du passé. Chaque n de semaine, quand le soleil passe à feu doux, les hommes entassés sur les murets et les barrières métalliques xent le cercle de terre dans lequel se succèdent les lutteurs. Quand l’un couche l’autre dans la poussière, il parade quelques instants et empoche une poignée de billets glissés par les supporters. Cette tradition réunit toutes les ethnies du pays dans une même passion et fut revendiquée comme symbole d’unité nationale durant la révolution : “On a trouvé des gravures de lutteurs nubiens sur des bas-reliefs égyptiens. La lutte faisait sans doute partie de l’entraînement des archers nubiens, célèbres dans les armées des pharaons”, complète Ibrahim Abidy, l’élégant guide qui nous accompagne. Devant ces lutteurs qui rappellent ceux du Sénégal, dans les allées aux senteurs mêlées du grand marché, ce pays que les Grecs appelèrent Éthiopie, “pays des visages brûlés”,puis les Arabes Bilâd al-Sudân, “pays des Noirs”, semble puiser son identité au moins autant dans

grattent le sol avec précaution. Derrière, un petit temple couleur de biscuit expose ses colonnes corinthiennes, ses arches et ses corniches. Tout près, un autre temple plus trapu est gravé des pro ls d’un roi (Natakamani) et d’une reine (la Candace Amanitore) du Ier siècle de notre ère soumettant les ennemis qu’ils tiennent par les cheveux – attitude typiquement pharaonique. À l’écart, douze statues de béliers guident vers l’entrée d’un autre temple dédié à Amon, le dieu à tête de bélier omniprésent en Nubie et symbole du syncrétisme entre divinités locales et égyptiennes.

À une vingtaine de kilomètres, dans la solitude des sables de Musawwarat es-Sufra, le temple restauré du dieu-créateur Apedemak à tête de lion (ignoré du panthéon égyptien), voisine avec des colonnes et la représentation d’un éléphant, fragment d’un ancien mur autour d’un ensemble cultuel bâti sous le roi Arnekhamani (IIe siècle av. J.-C). Cette délicatesse et cette minutie livrées au désert ont quelque chose d’émouvant, les découvrir quasiment seul est un bonheur. Le calme et le vide autour sont poésie, ils rapprochent des sentiments sans doute éprouvés par les premiers explorateurs. Car le Soudan o re toujours au visiteur le luxe de se sentir plus voyageur que touriste. Ces vestiges qu’aucune barricade insurmontable n’emprisonne se présentent sans grandiloquence et cette histoire vit encore à quelques pas des temples, lorsque les femmes viennent puiser

VOYAGEURS 150

l’eau au réservoir autrefois creusé pour retenir les pluies d’été. Ailleurs, les bédouins et leurs troupeaux, les chau eurs de camions bariolés qui font halte le long de l’interminable ruban d’asphalte pour un plat de foul, les sitta chay, ces vendeuses derrière leurs bocaux et bouilloires en fer blanc qui adressent un regard rieur en même temps qu’elles tendent le café ou le thé parfumés au gingembre ou à la giro e, n’ont aucun souci du pittoresque tarifé. Au crépuscule, les tentes confortables d’un camp de toile sont une oasis paisible dans une savane aux re ets veloutés. Le générateur se tait avant minuit, l’esprit se perd dans la voie Lactée qui otte dans la nuit d’encre.

Au matin, quand le soleil se lève sur une guirlande de pyramides surgies des dunes, Méroé, la cité mythique, garde entier son pouvoir de fascination. Une soixantaine de tombeaux gri ent le ciel. Plusieurs sont endommagés, souvenir du passage de pilleurs-saccageurs qui alimentèrent les musées européens, dont l’Italien Giuseppe Ferlini, grand amateur de dynamite… Mais quelques-uns, restaurés, ont retrouvé leur élégance. Marcher dans ces nécropoles ensablées est un privilège. Sur les murs des chapelles, les bas-reliefs sont une profusion de rois, de dieux (Isis, Osiris, Anubis…), de soldats et d’esclaves. Partout, des hiéroglyphes égyptiens et cette écriture méroïtique encore mystérieuse… Tout comme l’est l’histoire de la cité royale dont les ruines courent plus loin – résidences, bains, temple dédié à Amon, dont ne subsistent que les fondations sous les acacias. Vagues vestiges de l’ultime capitale du royaume de Koush (de 270 avant J.-C. à 340 de notre ère) qui prospérait des mines de fer et d’or alimentant une orfèvrerie précieuse.

Juste derrière, les rives du Nil sont un vaste jardin, terre lourde et riche pour les champs d’oignons, de maïs, d’arachides ou de luzerne entre lesquels les hommes trottinent sur leurs ânes. Le euve généreux se fait rivière languide que l’on passe à bord d’un bac fatigué. Des gamins barbotent dans un canal d’irrigation, des vergers de palmiers dattiers et d’agrumes o rent l’ombre apaisante et les oranges douces. Elles sont bienvenues avant la traversée du désert de Bayouda lové au creux d’un vaste coude du Nil, immensité blonde peuplée de rares troupeaux, de quelques puits et de huttes en bois et torchis. Puis, d’autres pyramides s’élèvent au pied d’un étrange plateau de grès brun qu’une aiguille rocheuse précède comme une gure de proue. Le Djebel Barkal (“Montagne pure”) était l’un des lieux les plus importants de Nubie depuis que les Égyptiens venus coloniser le Koush vers 1 500 av. J.-C. avaient vu, dans les silhouettes de l’imposant rocher et son piton, celles du dieu Amon et du cobra royal dressé que portent les couronnes pharaoniques.

Durant les cinq siècles de leur domination, les pharaons Akhenaton, Toutânkhamon, Ramsès II rent entretenir un grand temple dédié au dieu bélier, et la ville de Napata devint un centre religieux aussi prestigieux que Thèbes. Après que le roi koushite Piânkhy (vers 730 av. J.-C.) soumit l’Égypte pour devenir le premier des pharaons noirs, Napata fut capitale du royaume (656 à 270 av. J.-C). Au pied des parois rocheuses, les ruines que gardent cinq statues de béliers comme épuisés par le temps ne donnent qu’une pâle idée de la splendeur du lieu lorsque le roi Taharqa –  ls de Piânkhy – avait fait inscrire son nom en lettres d’or au sommet de cette “montagne pure”. Mais, creusé à l’intérieur même de la falaise, le temple de Mout, l’épouse d’Amon, conserve quelques bas-reliefs délicats à la gloire de Taharqa et d’une

ribambelle de dieux. Aujourd’hui encore, les Soudanais aiment escalader ce rocher qui domine le désert et le Nil.

Piânkhy fut le premier à être enterré à la manière égyptienne dans une pyramide taraudée par les ans de la nécropole d’El Kurru, à quelques pas de maisons bien vivantes. Les tombes, creusées dans la roche, sont couvertes de délicates fresques polychromes. Les autres pharaons noirs attendent plus bas le long du euve, en amont de la troisième cataracte. Ils trônent à l’entrée du musée de Kerma, dans son joli bâtiment voûté selon la tradition nubienne. Sept statues au regard droit, portant la double couronne des pharaons égyptiens ou coi ées d’un casque orné de deux cobras dressés, symboles des deux terres sur lesquelles ils règnent, le pays Koush et l’Égypte. Trop fragiles pour voyager, elles avaient laissé la vedette à de rutilantes copies 3D lors de l’exposition du Louvre. Mais les originales sont l’une des deux découvertes majeures de Charles Bonnet, l’archéologue suisse. L’autre est l’étrange cité de Doukki Gel (la “Colline rouge”), dont les traces, presque toutes de cercles et d’ovales, sont radicalement di érentes des lignes droites et orthogonales égyptiennes. Elles laissent imaginer la plus vieille cité d’Afrique noire connue à ce jour, bâtie à sept cent mètres de sa contemporaine Kerma, alors toute première capitale du royaume de Koush (2 450 à 1 450 av. J.-C.)  : “Une histoire de fous”, avait souri Charles Bonnet…

De l’ancienne Kerma, il reste quelques vestiges énigmatiques au cœur de la palmeraie, dont la masse brune de la De ufa, un édi ce religieux en briques crues que le temps semble dissoudre. À Tombos, des écolières en uniforme grège passent rieuses et indi érentes devant un colosse de granit renversé, un roi koushite qui gît depuis 2 600 ans dans cette carrière en lisière du village. La troisième cataracte roule ses rochers de basalte noir et le euve devient torrent entre les îlots buissonneux. Il remonte encore le temps quand Ibrahim, le guide, au milieu de nulle part, montre des dizaines de pétroglyphes représentant girafes, éléphants, bétail, souvenir d’un passé mésolithique plus verdoyant que ce désert de Nubie, dont le nom viendrait du mot égyptien qui désignait l’or (“noub”). L’étymologie est discutée, mais les chercheurs plus ou moins clandestins tentent toujours leur chance au pied des collines saupoudrées de clair.

Quelques kilomètres encore et le temple de Soleb dédié au dieu Amon dévoile ses colonnes surmontées de eurs de lotus, des bas-reliefs gravés de scènes guerrières et de la cérémonie du Heb Sed qui renouvelait les pouvoirs royaux du pharaon en réa rmant sa nature divine. Il fut le plus grand au Soudan, mais il ne reste rien de l’allée monumentale que gardaient deux lions de granit rouge désormais au British Museum. Pourtant, ce bout d’Afrique conserve avec simplicité un peu de gloire antique, ces fragments de beauté perdurent loin du monde pour témoigner des forces de l’esprit. Derrière les colonnades et la palmeraie, le Nil suit son cours vers la deuxième cataracte et la bourgade de Wadi Halfa. Au-delà, le euve sacré se fond dans l’immense lac Nasser créé par le barrage d’Assouan qui noya toute la Nubie égyptienne, 44 villages et le passé de 60 000 personnes. Mais les temples, dont les joyaux d’Abou Simbel, furent sauvés et déplacés. Le Nil, alors, est un musée à ciel ouvert. •

Une guerre ébranle le Soudan depuis le 15 avril 2023. Les autorités recommandent de ne pas se rendre dans le pays jusqu’à nouvel ordre.

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Le chemin vers Wadi Halfa, dans le nord du Soudan, est long. Pause déjeuner bien méritée, autour d’un plat de foul, à base de fèves.

Sur la route de Karima, la vue saisissante de l’ensemble de Djebel Barkal (“Montagne pure”), dans la région napatéenne, constitué de pyramides, tombes, temples, palais, tumulus et chambres funéraires longeant les rives du Nil.

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Fin de semaine à Khartoum. Les hommes, perchés sur des barrières métalliques, assistent à un combat de lutteurs. Une tradition qui réunit toutes les ethnies du pays dans une même passion.

Méroé, cité mythique et ultime capitale du royaume de Koush (de 270 avant J.-C. à 340 de notre ère), garde entier son pouvoir de fascination. Guirlande de pyramides surgies des dunes et tombeaux griffant le ciel… Marcher dans ces nécropoles ensablées est un privilège.

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Moment de complicité avec les guides dans la nécropole d’El Kurru, à quelques pas de maisons bien vivantes. Page de gauche : les pyramides de Méroé.

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Au-delà

Wadi Alfa, poste-frontière avec l’Égypte, le lac Nasser apparaît. Créé entre 1958 et 1970, suite à la construction du haut barrage d’Assouan, il noya toute la Nubie égyptienne, engloutissant 44 villages et le passé de 60 000 personnes.

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de

LITTLE NEW YORK( S )

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PHOTOS
ARNAUD MONTAGARD TEXTE JOHN VON SOTHEN
Little Colombia • Little Caribbean • Little Poland • Little
Greece

Little Colombia, Little Caribbean, Little Poland et Little Greece sont des enclaves ethniques qui font l’identité de New York. La ville en compte des dizaines : aujourd’hui, environ 37 % de sa population sont des émigrants du monde entier. Des diasporas débutées pour certaines au cours du XIXe siècle et à l’origine de creusets où dialoguent diverses cultures, langues et cuisines.

Évoquer New York, c’est d’abord avoir à l’esprit les quartiers de Little Italy et de Chinatown, dont il ne reste pas grand-chose aujourd’hui… Heureusement, aux abords de Manhattan, prospèrent d’autres îlots composés chacun de communautés d’émigrants plus ou moins récents. Certains sont des réfugiés de guerre, d’autres ont pro té des lois moins racistes sur l’émigration des années 1960, d’autres encore font partie de la première génération de citoyens à avoir grandi ici, entre deux cultures. Tous maintiennent en vie la tradition du melting-pot new-yorkais.

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Pendant la guerre des narcotra quants (1980-90), un grand nombre de Colombiens ont fui leur pays pour venir s’installer à Jackson Heights, au nord de Brooklyn, fondant ainsi la plus importante communauté colombienne des États-Unis. Petite enclave située entre la 79e Rue et la 84 e Rue, sur Roosevelt Avenue, Little Colombia déroule une multitude de restaurants, taquerias, food-trucks, marchés nocturnes et glaciers ambulants, mais peut également se vanter d’accueillir une scène musicale vibrante. On est saisi par les couleurs, la musique tonitruante déversée par des haut-parleurs et les étals de bric-à-brac installés sous la ligne 7 du métro aérien, sorte de souk sauvage où se croisent Colombiens, Mexicains, mais aussi des émigrants du Sud-Est asiatique, tous aujourd’hui chez eux à New York.

S’y rendre : Jackson Heights est sur la ligne 7 du métro. Descendre à la station 82 th Street-Jackson Heights.

LES ADRESSES

La Nueva Bakery

86-10 37th Avenue

Ce haut lieu du quartier, since 1990, sert les incontournables du petit déjeuner colombien : bunuelos, sorte de beignets au fromage, ou pandebono, pain à la farine de maïs et au fromage. La boulangerie propose également des spécialités argentines et uruguayennes.

Jackson Heights, QUEENS

El Palacio de los Cholados

83-18 Northern Boulevard

Le “palais des cholados” porte bien son nom. Le dessert, à base de fruits frais, de glace, de lait concentré et de jus, y est généreusement servi. De nombreux parfums sont disponibles et tous les cholados sont parsemés de pétales de noix de coco et de cerises au marasquin. En été, le plaisir (non coupable) réside dans le croustillant de la glace sous la dent.

Pollos a la Brasa Mario

81-01 Roosevelt Avenue Ouvert 7j/7, 24h/24, cet établissement sans oritures propose du poulet à la broche, des fruits de mer et de grandes assiettes de viandes rôties. Il est recommandé de choisir un plat avec “bandeja” dans le titre. Bandeja tipica, par exemple, une assiette de riz aux haricots rouges, un steak, du chicharròn (la panse de porc grillée), de l’avocat, des tostones, un œuf au plat et un petit gâteau de maïs appelé arepa. Il faut aussi goûter la soupe du jour, la meilleure étant la sancocho de gallina, un bouillon de poule servi le dimanche.

The Queens International Night Market

4 701 111th Street, Corona (d’avril à août)

Non loin, à Corona, ce marché en plein air réunit plus de cent producteurs, artisans et vendeurs. Des petits spectacles de rue ont lieu dans la soirée, célébrant la riche diversité culturelle

du Queens. Comme son nom l’indique, le Queens International Night Market se déroule en soirée et attire même des résidents de Manhattan prêts à s’aventurer dans le Queens pendant le week-end pour y faire leurs courses.

The Louis Armstrong House 34-56 107th Street

C’est dans cette maison de Corona que le célèbre trompettiste et chanteur inoubliable de What a Wonderful World vécut avec sa femme, Lucille, de 1943 à sa mort en 1971. Le lieu est devenu un musée et un monument historique où ont lieu concerts et cours ouverts au public. Le bâtiment abrite également des écrits personnels, des livres, des enregistrements et des objets ayant appartenu à Louis Armstrong.

Terraza 7

40-19 Gleane Street

Bar, salle de concerts et centre communautaire, Terraza 7 est, selon les mots de son propriétaire

Freddy Castiblanco, “un point de jonction entre art local, débat politique, apéro et musique”. Ancien médecin en Colombie, ce dernier est un membre actif de la communauté dont le souhait est de réunir des gens d’horizons très divers sous un même toit. Le nom du lieu est un hommage à la ligne 7 du métro qui dessert Jackson Heights et gronde au-dessus des têtes tandis qu’on écoute de la musique colombienne en sirotant un verre.

VOYAGEURS 166

Les noms hispaniques des restaurants b s, taquerias, c donnent le ton

Se fondre dans la foule du m é ambulant insta é sous la ligne 7 du métro qui relie Manh tan au Qu ns

Filer au restaurant Po os a la Brasa M io se régaler d’une bandeja tipica !

167 LITTLE NEW YORK(S)

Le my ique K s e re ! Inauguré en 1929, abandonné, fermé en 1977

Il a rouvert en 2015 après plusieurs années de travaux, r rouvant son faste d’antan

VOYAGEURS 168 M a i s o n v i c t i e n n e t y p i q u e d u s u d d e B r k l y n , t é m o i n d u r i e h é r i t a g e i t e c t u r a l d u q u t i e r

En 1965, l’Immigration and Nationality Act fut adoptée sous le gouvernement de Lyndon Johnson. En faveur des droits civiques, cette loi mit n à une politique de quotas discriminatoires et permit à des non-Européens de rentrer aux États-Unis. Au même moment, l’Angleterre, qui avait accueilli une forte émigration caribéenne, adopta une législation opposée, restreignant l’immigration en provenance de ses anciennes colonies. Caribéens et Antillais s’installèrent donc pour la plupart dans les quartiers de Crown Heights, Prospect Le erts Gardens et Flatbush, à Brooklyn.

Aujourd’hui, ces quartiers sont le foyer d’émigrés haïtiens, jamaïcains et trinidadiens des première et deuxième générations. Sans oublier les résidents des pays d’Amérique centrale et du Sud et du pourtour de la mer des Caraïbes (Suriname, Belize, Guyane française). Little Caribbean fait désormais partie du patchwork new-yorkais.

S’y rendre : prendre la ligne 2 ou 5 du métro, descendre à President Street pour commencer la balade par Crown Heights.

LES ADRESSES

Peppa’s Jerk Chicken

791 Prospect Place

Ici, on ne s’installe pas. Ce n’est pas la déco qui nous intéresse, mais ce qu’on y mange, à savoir : le meilleur poulet façon Jerk de New York ! Imprégné d’une marinade épicée, sèche (dry-rub) ou liquide, cuit et présenté comme il se doit, sur des braises, il est ensuite haché et servi dans une boîte, accompagné de sauces de son choix. Parfait pour un pique-nique !

Labay Market

1 127 Nostrand Avenue

C’est l’un des seuls endroits où trouver des produits typiques des Caraïbes, comme le sorrel (un genre d’hibiscus), l’igname, les gombos et toutes sortes de poires chayotes. On peut aussi acheter du requin en escabèche, des gâteaux au poisson, de la noix de coco fraîche, du jus de canne à sucre et de gingembre, sans oublier les di érentes sauces épicées qu’on peut rapporter chez soi dans une bouteille. Labay Market est ouvert 7j/7. Le samedi, le plat national de la Grenade y est servi : l’oil down, une potée de viande accompagnée de boulettes cuites avec des feuilles de taro, de fruit à pain et de légumes mijotés dans le lait de coco. Big Mac, le propriétaire, vit à Brooklyn depuis son arrivée de la Grenade en 1978. Son arrière-grand-père était français. Grenadien devant l’éternel, il reste très attaché à sa terre natale et sa boutique lui permet de conserver ce lien intact.

Gloria’s 764, Nostrand Avenue

Direction Trinidad ! Le plat emblématique de chez Gloria, le calalou, dont l’ingrédient principal est la feuille de siguine, surnommée “calalou” par les locaux, vient d’Afrique de l’Ouest.

Autre spécialité : le doubles, un sandwich composé de deux bara (des pains plats frits) remplis de channa (curry de pois chiches), agrémenté de mangue fraîche, de concombre, de noix de coco, de tamarin et de sauce épicée.

Drummer’s Grove

Prospect Park

Ce “Bosquet des percussionnistes” est le lieu où les musiciens africains et caribéens se retrouvent pour jouer toute la journée. Le succès grandissant de ces réunions a mené la ville à baptiser o ciellement l’endroit et à installer des bancs pour les adeptes de ces sessions rythmiques. Les horaires des concerts sont indiqués sur le site du parc (prospectpark.org).

West Indian Parade

Eastern Parkway (en septembre)

Lors de la Fête du travail (Labor Day), le premier lundi de septembre, une parade a lieu à Brooklyn pour célébrer la tradition caribéenne. L’événement attire entre un et trois millions de personnes. Des chars aux couleurs de Sainte-Lucie, de la Jamaïque, de Saint-Vincent, de la Barbade, d’Haïti et de Trinidad descendent Eastern Parkway, suivis de milliers de participants chantant et dansant.

169 LITTLE NEW YORK(S)
De Crown Heights à Flatbush, BROOKLYN

Lumière sur sel & poivre au restaurant Pyza, 118 Na au Avenue

Une figure locale ! Wi Malitek propriétaire du très pointu vidéo-club Film Noir Cinema

Avec l ’ rivée ma ive des émigrés polonais, les é ises c holiques ont fleuri en nombre dans le qu tier de Gr npoint

VOYAGEURS 170

Si l’émigration polonaise a commencé à partir des années 1820, ce n’est qu’à la Guerre froide que les nouveaux arrivants ont mis le cap sur Greenpoint, faisant de ce quartier nord de Brooklyn installé sur les rives de l’East River la deuxième concentration la plus importante d’émigrants polonais aux États-Unis après Chicago. Malgré une récente gentri cation et de nombreux projets immobiliers en cours, Greenpoint conserve ses in uences polonaises, visibles notamment à travers ses boulangeries, ses marchés, ses restaurants et même ses banques, situées sur Manhattan Avenue.

S’y rendre : Greenpoint est desservi par la ligne G du métro, la seule à ne pas entrer dans Manhattan. On peut aussi y aller en empruntant le East River Ferry.

LES ADRESSES

Old Poland Bakery 926, Manhattan Avenue

Véritable institution, cette boulangerie est l’endroit où trouver un merveilleux choix de pains et pâtisseries traditionnelles, y compris la babka au fromage et aux myrtilles, le gâteau au pavot et diverses viennoiseries. On y vend aussi des miches de pain complet à l’ancienne qui se conservent une semaine.

Polka Dot Café

726, Manhattan Avenue

Un restaurant de spécialités mitonnées chaque jour : queue de porc à la bière, boulettes de poulet à l’aneth, pierogi (une sorte de raviole), chou farci et bigos, un ragoût campagnard à la choucroute (servi avec du tofu fumé

Greenpoint, BROOKLYN

pour les végétariens). En dessert, le choix se fera entre le gâteau aux pommes ou les blintzes (des crêpes fourrées et roulées) au fromage blanc et aux myrtilles.

Karczma

136, Greenpoint Avenue Avec son intérieur rustique et chaleureux, le Karczma évoque une vieille ferme de la campagne polonaise, jusqu’aux serveuses vêtues de robes traditionnelles. Sa carte est un manifeste culinaire polonais : pierogi aux pommes de terre et fromage blanc, kielbasa grillée (une saucisse typique), porc en croûte, galettes de pommes de terre, soupe de tripes, bortsch ou chou farci. À arroser d’une bière Zywiec bien fraîche.

Église Saint-Stanislaus Kostka

607, Humboldt Street

En 1896, le prêtre Léon Wisiecki acheta dix parcelles pour bâtir un lieu de culte à sa communauté. Une acquisition pertinente puisqu’aujourd’hui encore l’élégante façade de l’église Saint-Stanislaus Kostka est visible à des kilomètres à la ronde. Une partie des bâtiments originaux est toujours utilisée et les registres des mariages qui y furent célébrés au début du XXe siècle ont permis aux historiens de remonter aux racines de Greenpoint. Les visiteurs y sont les bienvenus.

Acme Smoked Fish

30, Gem Street

Harry Brownstein émigre de Russie en 1906 pour venir s’installer à Brooklyn. Dès son arrivée, il commence à distribuer du poisson acheté dans les fumoirs locaux aux magasins de bouche de la ville avec un chariot tiré par des chevaux. En 1954, il ouvre sa propre fabrique de poisson fumé. Chaque vendredi matin, une le

d’attente impressionnante se forme devant. C’est le “Fish Friday” d’Acme, le jour de la semaine où l’on peut acheter au prix de gros. Bon à savoir pour préparer le brunch du week-end.

Józef Pilsudski Institute of America

138, Greenpoint Avenue

Baptisé en hommage au père de la deuxième République de Pologne, ce centre culturel fondé à New York en 1943 par des expatriés polonais abrite une collection unique d’archives, de photographies, de médailles militaires, de timbres, ainsi qu’une série de coupures de presse dont les textes avaient été publiés en dépit de la censure sous la République populaire de Pologne qui s’e ondra en 1989. Des peintres polonais y sont également présentés, tels Aleksander Gierymski (1850-1901), Władysław Jarocki (1879-1965) ou Teodeor Axentowicz (1859-1938)…

Film Noir Cinema

122, Meserole Avenue

Alors que la quasi-totalité des vidéo-clubs a disparu, l’existence de Film Noir Cinema, créé en 2005, semble être un miracle. On peut y louer des lms rares, pour la plupart introuvables en ligne, ou assister à des projections de classiques et d’ofnis underground (les locaux sont installés dans une ancienne entreprise de pompes funèbres reconvertie en salle de cinéma de cinquante-quatre places).

Le propriétaire, Will Malitek, arrivé de Pologne en 1990, se targue d’avoir un catalogue plus large que celui de Net ix. Film Noir Cinema organise aussi des festivals et des débats tout au long de l’année. La programmation est consultable en ligne sur lmnoircinema.com.

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Ce quartier du Queens, qui doit son nom au célèbre banquier et promoteur immobilier John Jacob Astor, ne compte paradoxalement aucun gratte-ciel. À l’opposé de l’habituel tableau tumultueux de New York, la vie s’écoule doucement ici. La diva Maria Callas y a passé son enfance. Et bien qu’Astoria soit devenu de plus en plus cosmopolite au l des années (Coréens, Hindis, Arabes, Serbes, Portugais et Espagnols se partagent l’espace), on y parle toujours le grec et les devantures donnent le ton : Akropolis Meat Market, Elliniki Agora…

S’y rendre : via la ligne N ou W du métro, descendre à la station 30th Avenue.

LES ADRESSES

Telly’s Taverna

28-13 23rd Avenue

C’est l’une des meilleures adresses d’Astoria. Ici, vous pourrez choisir directement votre poisson qui vous reviendra grillé et accompagné de légumes et de spanakopita (une tourte aux épinards). Ne manquez pas non plus le kokkinisto moshari, un délicieux ragoût de viande cuit lentement avec du vin blanc, du coulis de tomates, du céleri et des épices. Une superbe terrasse à l’avant et un jardin clos à l’arrière procurent la sensation de dîner à Milos ou à Mykonos.

Athens Square Park

30th St & 30th Avenue

Lieu de rassemblement, le Athens Square Park, doté d’un amphithéâtre et parsemé de statues grecques, a été conçu avec l’intention d’injecter “un petit peu d’Athènes à Astoria”.

Astoria, QUEENS

Un Socrate en bronze, assis, semblant engagé dans une discussion, des colonnes doriques en granite et une réplique de l’Athéna du Pirée (vers 350 avant J.-C.), déesse de la sagesse, de la stratégie militaire, des artisans, des artistes et des maîtres d’école, patronne et protectrice de plusieurs cités de Grèce, dont Athènes, plantent le décor.

Agnanti Meze

19-06 Ditmars Boulevard

Face au charmant Astoria Park, enjambé par le pont Robert Ford Kennedy, l’Agnanti Meze sert une cuisine locale, simple et absolument délicieuse. Depuis 2002, cette taverne traditionnelle et familiale régale les food lovers addicts aux saveurs égéennes : fava de Santorin (une purée de pois cassés irrésistible), crevettes croustillantes en croûte de katai (les fameux cheveux d’ange), poulpe grillé et croquettes de courgettes, etc. Sur place – un joli patio ouvert en été –ou à emporter, vous succomberez forcément et, comme les nombreux clients réguliers, y reviendrez.

Museum of the Moving Image

36-01 35th Avenue

Pour les amateurs et les passionnés d’histoire du cinéma, sans oublier la télévision et les médias numériques ! Des expositions, projections de lms, rencontres avec des artistes, des cinéastes, des universitaires, etc. y ont lieu régulièrement. Au-delà de cette approche culturelle, le musée défend une vision inclusive du monde et voit dans l’expression créative un moyen de construire un avenir plus juste et une relation aux autres et à soi-même plus profonde.

To Laiko 29-29 23rd Street

En cas de petite (ou de grosse) fringale – ce qui peut tout à fait s’expliquer à force de battre le pavé new-yorkais –, lez chez To Laiko, boulangerie “Little Co ee Shop” située non loin de la station de métro aérienne Ditmars Blvd (ligne N). Becs sucrés et salés trouveront leur compte parmi une large sélection de pâtisseries savoureuses et de tourtes typiques – aux épinards (spanakopita), aux poireaux, à la feta… Si la devanture ne paie pas de mine, l’accueil y est chaleureux, de 6 heures à 20 heures. Une adresse qui a ses habitués, bien souvent grecs : signe de qualité et d’authenticité.

Voyageurs du Monde

Les essentiels

1 Le bon moment: toute l’année ! À chaque saison, son “Little NewYork” .

2 Y aller: avec Air France, vol direct d’une durée d’environ 8 heures.

3 Bon à savoir: le service conciergerie vous aiguille: uneadresse pour bruncher, un shop, une expo… Il suffit de demander. Nos Like a friend, habitants francophones, vous proposent une visite informelle de leur quartier sur le thème de votre choix.

4 Budget : 6jours à partir de 2 200 € par personne, incluant vol, 4nuits en chambre double, New York Metro Pass, visite privée avec un Like a friend, service conciergerie, wifi nomade et carnet de voyage.

CONTACTEZ UN CONSEILLER SPÉCIALISTE DE NEW YORK au 01 84 17 57 96 (ligne directe).

VOYAGEURS 172

Une taverna ? Dionysos n ’ est jamais loin Les dieux de l ’Olympe vei ent toujours au grain

lonnes alphab recs s ’ a i ent sur s façades des bâtiments ci une a oci ion édiée à la culture crétoise

Le Saint Dem rios Gr k Festival a lieu tous les ans au mois de mai Au programme durant qu re jours : manèges, spécialités culinaires musiques danses traditionne es

173 LITTLE NEW YORK(S)

Short list

ET VOUS, VOUS FAITES QUOI EN 2024 ?

Une sélection de dix voyages à inscrire à votre agenda, pour garder toujours une longueur d’avance sur la tendance.

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© Elsa Young

ÎLE DE BENGUERRA

MOZAMBIQUE

UNE BONNE RAISON / Située dans le parc national de l’archipel de Bazaruto, l’île est le siège du BCSS, un centre de recherches marines à l’écoute des multiples écosystèmes de la zone. Sa fondatrice, Nina Flohr, propose aujourd’hui le Kisawa, sanctuaire de onze villas au design organique, plantées entre la forêt, les dunes et l’océan. ON Y VA POUR / Observer baleines, dugongs et coraux, visiter le BCSS et suivre l’une de leurs missions.

© Elsa Young

BRÉSIL → PANTANAL

UNE BONNE RAISON / L’un des derniers grands sanctuaires de biodiversité de la planète, mais aussi sa plus grande région humide : quelque 188 000 km

ON Y VA POUR / L’observation de cette nature folle. En barque privée, ou à pied selon la saison, les nuits dans une fazenda (ancienne ferme) revisitée en nid douillet.

de forêts et marais, royaume du jaguar, du caïman, et de milliers d’espèces endémiques, tel le rare ara hyacinthe.

© Plm Collection/Mirko Pieruccioni
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TEXAS → DALLAS/FORT WORTH

UNE BONNE RAISON / La commémoration, le 22 novembre 2023, des 60 ans de l’assassinat de JFK. Aujourd’hui, grâce notamment à l’intervention de starchitectes tels Renzo Piano, Norman Foster et Rem Koolhaas, Dallas a redoré son blason. ON Y VA POUR / La tournée du monumental Cultural District de Forth Worth: trente hectares de galeries et musées à l’image du Amon Carter Museum of American Art, qui réunit les plus grands artistes américains.

© Gerhard LipoldPexels.com

CREEK NATIONAL PARK UNE BONNE RAISON / Le pays multiplie les efforts de préservation de l’environnement. Une coalition écologiste internationale est désormais propriétaire de 950 km 2 de forêt primaire, le gouvernement a interdit les forages pétroliers au large et a rejoint l’initiative Récifs Résilients impliquant les communautés locales. ON Y VA POUR / Les sites mayas de Ta’ab Nuk Nadu, Caracol et Lamanai, la plongée dans le magnétique Grand Trou Bleu. © Copal Tree Lodge

BELIZE → PAYNE’S

INDONÉSIE → ÎLE DE ROTE

UNE BONNE RAISON / Une île indonésienne à l’état vierge ou presque, à l’est du Timor, loin des foules balinaises et sous un climat qui la rend praticable toute l’année. Le très remarqué hôtel Nihi, à Sumba, ne s’y est pas trompé et prévoit sur Rote l’ouverture d’un nouvel opus à l’été 2025.

POUR / Retrouver le calme, profiter de l’absence de pollution, de la pureté des ciels étoilés.

ON Y VA
Pia
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©
Riverola

ANDALOUSIE → MÁLAGA

UNE BONNE RAISON / Mal-aimée, stigmatisée par le surtourisme et l’urbanisme barbare, se montre sous un nouveau jour. Une résurrection par l’art, grâce à quelques pépites et un dynamisme intrinsèque qui en fait le nouveau centro d’un voyage à travers la belle Andalousie. ON Y VA POUR / Les peintres andalous du XIX e  siècle au musée Carmen Thyssen ; l’antenne locale du Centre Pompidou, ancrée dans le “Cubo” de Daniel Buren, jusqu’en 2025 ; les bonnes surprises de la cuisine malagueña.

© Pauline Chardin

HAWAÏ → ÎLES D’OAHU ET MAUI

UNE BONNE RAISON / La première, parce qu’il plane sur Downtown Honolulu un air de Brooklyn vintage et inattendu ; la seconde pour l’atmosphère brut de Maui, à Makawao, notamment, à cheval entre passé de cow-boy tropical et présent arty . ON Y VA POUR / Tester son équilibre en paddle-yoga à Wai

kiki, égrainer les concept-stores et les nouvelles tables de Downtown Honolulu, visiter le centre d’arts visuels Hui No’eau de Makawao.

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183 ©
Daeja Fallas/Gallery Stock

GROENLAND → ILULISSAT

UNE BONNE RAISON / Découvrir le Icefjord Centre, prouesse d’architecture durable réalisée par la Danoise Dorte Mandrup. Point de rencontre entre

l’humain et la précieuse rudesse de l’Arctique, réunissant sous un même toit la science et l’art. ON Y VA POUR / Aborder la culture groenlandaise, embrasser la vue sur la baie de Disko, rayonner dans des paysages sublimes avant de traverser le fjord et se poser au Ilimanaq Lodge.

© Adam Mørk/Dorte Mandrup

FIDJI → ÎLE DE VITI LEVU

UNE BONNE RAISON / S’offrir une vision différente de la Polynésie, plus confidentielle que l’archipel français, privilégier un tourisme responsable dans une région du monde en première ligne face au changement climatique. ON Y VA POUR / Combler à la fois son esprit aventurier en explorant en bateau la jungle profonde de l’intérieur de l’île, puis s’envoler vers Wakaya, le fantasme de l’îlot privé, ancré dans la cultu re fidjienne.

© Lavinia Cernau

ITALIE → CILENTO ET CALABRE

UNE BONNE RAISON / La beauté cachée des villages de ces deux régions, perchés sur la côte: Agropoli et Palinuro pour la première, Pizzo et Tropea pour la seconde. Le caractère de ceux des terres, accrochés aux flancs de l’Aspromonte. ON Y VA POUR / La tranquillité, le métissage de cultures anciennes, la marche dans les parcs nationaux du Cilento, de la Sila et du Pollino, mais aussi les divines trattorias et le tartufo glacé de Pizzo !

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© Lavinia Cernau

Voyager dans sa tête

ÉLOGE du faux départ

LE CAPITAINE GUPTA EST UN HOMME HEUREUX : il porte l’uniforme et la casquette d’un pilote de ligne mais n’a pas passé son brevet et n’a aucune heure de vol à son actif. Son avion, un Airbus A300, est tout aussi curieux : il lui manque une aile, une partie de la queue et du fuselage, et il est posé sur un terrain vague où il est arrivé en pièces détachées, par la route. Pourtant, chaque week-end, des dizaines de personnes venues de toutes les régions de l’Inde montent à bord et s’envolent à destination de Mumbai, Calcutta ou Bangalore. Certains poussent même jusqu’à New York, mais seulement dans leur imagination… Car c’est un voyage immobile que propose Bahadur Chand Gupta, ancien ingénieur de la compagnie Indian Airlines qui a racheté l’appareil d’occasion et l’a fait transporter jusque chez lui, dans la banlieue de New Delhi, pour le remonter morceau par morceau… pendant deux ans ! L’ambition de Bahadur Chand Gupta ? Permettre à ses compatriotes les plus démunis de monter dans un avion (une réalité pour moins de 10 % de la population indienne) et par la même occasion de réaliser son fantasme d’être pilote de ligne de sa propre compagnie aérienne, la Bahadur Airlines.

Tout se déroule comme s’il s’agissait d’un véritable voyage : pour 150 roupies (environ 2 euros), les passagers achètent leur billet et obtiennent une carte d’embarquement, puis sont accueillis à bord de l’A300 par des hôtesses de l’air souriantes et en tenue règlementaire, parmi lesquelles figure la femme de Gupta. Ils s’asseyent à leur place, attachent leur ceinture et écoutent les consignes de sécurité dispensées habituellement pendant un vol. Ils reçoivent ensuite une collation et peuvent, s’ils le souhaitent, se rendre dans le cockpit, écouter de la musique, mais surtout danser dans les allées, ce qui est naturellement défendu dans la “vraie” vie. D’ailleurs, ces passagers pour nulle part l’ont bien compris. À la question : “Voudriez-vous un jour monter dans un avion qui vole ?”, la plupart répondent “non” sans hésiter.

Nous avons beaucoup à apprendre des passagers de la Bahadur Airlines. Ils voyagent en eux-mêmes et ne s’en trouvent pas plus mal. L’imagination est un moyen de locomotion économique, rapide et non polluant. J’ai connu un homme qui l’empruntait souvent. Dans les bars de Belleville, on l’appelait l’amiral.

En toutes saisons, il portait un caban, des bottes de pluie et une fine moustache d’officier. L’amiral n’était pas plus officier que vous et moi, mais il possédait un vieux ketch, amarré dans le port de Honfleur. Le soir où je le rencontrai, au comptoir du Voltigeur, il détaillait pour un auditoire conquis comment il avait nargué la marine anglaise à Mers el-Kebir, maté la mutinerie de plusieurs équipages et défié les pirates qui fraient au large de Madagascar.

Comme je l’appris plus tard, l’amiral avait lui-même été flibustier dans les Antilles. Il avait aussi été sous-marinier, chasseur de phoques en Islande, chef mécanicien dans la marine marchande et naufrageur sur l’île de Groix. Tandis que le bar fermait, exalté par sa propre faconde, l’amiral annonça qu’il prendrait la mer la nuit même. Avec deux autres camarades, nous le suppliâmes de nous enrôler. Le temps s’était gâté, il pleuvait à grosses gouttes. Sur deux motos, nous roulâmes plein pot vers Honfleur, que nous atteignîmes à deux heures du matin.

La tempête faisait rage. Vent de force 7 à 8, mer grosse, visibilité de cinq nautiques. Le ketch était bien là, qui n’attendait que nous. À bord, l’amiral déclara qu’on ne prenait jamais la mer le ventre vide. Dans le carré, il fut servi une ration de bœuf en boîte, quelques biscuits gonflés par les embruns, le tout copieusement arrosé d’un vin de contrebande. J’attendais l’ordre d’appareiller mais nous restâmes solidement amarrés à quai. Jamais il ne fut question de prendre le large. Au matin, nous en étions encore à écouter l’amiral, repus de vin noir et d’histoires à dormir debout. Sans même lever l’ancre, nous avions bravé les écueils et le vague à l’âme. Par le hublot, je vis les premiers rayons dorer le bassin de la Lieutenance. L’amiral leva une dernière fois son verre en l’honneur des fusiliers marins d’Extrême-Orient, et nous convînmes qu’une bouteille dans un bateau valait mieux qu’un bateau dans une bouteille. Je m’en retournai vers Paris avec des rêves pour le mois. Quand j’y repense aujourd’hui, je songe que l’amiral n’a peut-être jamais passé l’écluse du port de Honfleur. Peut-être avait-il le mal de mer. Peut-être même ai-je inventé l’amiral. Qu’importe ! Il avait dans les yeux des aurores boréales. C’était un aventurier casanier, un marin d’eau dormante, un rêveur. Le plus grand voyageur que j’eus jamais rencontré.

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