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Extrait Plurilinguisme et pluriculturalisme

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Plurilinguisme et pluriculturalisme

Préface de Nathalie Auger



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T E C H N I Q U E S E T P R AT I Q U E S D E C L A S S E

Plurilinguisme et pluriculturalisme

Préface de Nathalie AUGER

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Dans l’ouvrage, le genre masculin est utilisé pour alléger le texte. Les auteures croient en l’écriture inclusive. Il est donc naturellement possible d’adapter la situation en adoptant le genre féminin.

Crédits photos, de haut en bas et de gauche à droite : P. 21 : © Editions Callicéphale (x3) – p. 29 : Adam Ján Fige © Adobestock – p. 30 : fxegs © Adobestock – p. 39 : Denis © Adobestock – p. 40 : Nathou76 © Adobestock ; Keith Levit © Adobestock ; Jerome © Adobestock – p. 41 : Dzha © Adobe stock ; Yeti Studio © Adobestock ; Picture Partners © Adobestock ; annguyen © Adobestock ; Anton Ivanov Photo © Adobestock – Georg Berg © Alamy ; waiai7 © Adobestock ; p. 72 : Ainoa © Adobestock ; p. 73 : (x2) Maxim Grebeshkov © Adobestock ; Sergey © Adobestock ; p. 82 : Domicoolka © Adobestock – p. 90 : Atlantis © Adobestock ; R. Gino Santa Maria © Adobestock ; siraanamwong © Adobestock ; Tarik GOK © Adobestock ; 12ee12 © Adobestock ; Tarik GOK © Adobestock ; analuchenko © Adobestock – p. 91 : © La caravane des dix mots – p. 92 : © Adobestock (x7) – p. 93 : © Adobestock (x7) – p. 94 : © Adobestock (x7) – p. 95 : © Adobestock (x7) – p. 97 : Le livre qui parlait toutes les langues, Alain Serres, Fred Sochard, Rue du Monde, 2013 – p. 107 : © Coliglote – © Adobestock (x8) ; p. 109 : © Coliglote ; p. 110 : © Apic ; p. 120 : © Adobestock x3 – p. 143 : iconation © Adobestock – p. 144 : Hein Nouwens © Adobestock ; p. 145 : © Adobestock (x2) – p. 153-154-155-156 : © CECRL ; p. 203 : 9mot ©Adobestock (x2) ; p. 247 : Natalia Sidorova © Adobestock – pupulica © Adobestock ; Soloviova Liudmyla © Adobestock – Stocksnapper © Adobestock – exopixel © Adobestock – p. 249 : Russia Beyond en français ; p. 259 : sunsinger – John Theodor © Adobestock – snaptitude © Adobestock – diak © Adobestock – Belikova Oksana © Adobestock – p. 302 : © Adobestock (x5) Photos fournies par les autrices : p. 20 ; p. 22 ; p. 23 ; p. 24 ; p. 25 ; p. 26 ; p. 27 ; p. 33 ; p. 34 ; p. 39 ; p. 40 (x2) ; p. 41 (x2) ; p. 42 (x2) ; p. 48 ; p. 49 ; p. 55 ; p. 58 (x3) ; p. 59 ; p. 60 (x2) ; p. 61 ; p. 62 ; p. 64 ; p. 67 (x3) ; p. 68 ; p. 83 ; p. 84 ; p. 85 ; p. 88 ; p. 91 ; p. 92 (x2) ; p. 96 ; p. 98 ; p. 101 ; p. 104 ; p. 105 ; p. 106 ; p. 122 ; p. 129 ; p. 130 ; p. 131 ; p. 138 ; p. 145 ; p. 162 ; p. 163 ; p. 164 ; p. 165 ; p. 166 ; p. 342

Direction éditoriale : Béatrice Rego Édition : Marie-Charlotte Serio Conception maquette : Alinéa Mise en page : AMG © Cle international, 2023 ISBN : 978-2-09-035385-3

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SOMMAIRE

Préface ................................................................................................... Note des auteurs ......................................................................................... Introduction ...................................................................................................

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Partie I : Autour du plurilinguisme et du pluriculturalisme ........... Chapitre 1. Les approches plurielles des langues et des cultures : une démarche de co-construction continue ................................................................................... Chapitre 2. Le plurilinguisme et le pluriculturalisme : des atouts pour nos classes et nos sociétés ............. Chapitre 3. Les approches et compétences interculturelles et le respect des différences ........................................... Chapitre 4. Du dialogue interculturel à la construction identitaire ................................................................................ Chapitre 5. L’éveil aux langues : intérioriser l’« autre » avec un effet de miroir réflexif sur soi et sa propre langue ............................................................. Chapitre 6. L’intercompréhension entre les langues : observer, comparer et valoriser les locuteurs et leurs langues ..................................................................... Chapitre 7. La didactique des langues intégrée : l’apprenant au cœur du processus ................................ Chapitre 8. Les articulations possibles entre le plurilinguisme, le pluriculturalisme et le numérique ............................. Chapitre 9. L’évaluation et le plurilinguisme : un pont entre la culture et les apprentissages dans la langue cible et les cultures sources ............................................. Conclusion ....................................................................................................

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Sommaire

Partie II : Fiches pédagogiques plurilingues et pluriculturelles ..

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Fiche n°1 :

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On parle avec les mains, Luxembourg ......................................

Fiche n°2 : Miam Miam : Prendre le petit déjeuner à la française et à l’internationale, Pologne .....................................................

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Fiche n°3

Les marchés du monde « Trois pommes, s’il vous plaît », Japon 210

Fiche n°4 :

Le tour du monde des instruments de musique, Belgique .......

221

Fiche n°5 :

Découvrez vos appartenances identitaires, Mexique ................

232

Fiche n°6 : Découvrir un village authentique avec 10 mots français d’origine russe, Russie ...............................................................

241

Fiche n°7 :

Écotourisme, Liban ....................................................................

258

Fiche n°8 :

Une question d’eau, Canada ......................................................

273

Fiche n°9 :

Le carnaval fêté aux quatre coins du monde ! Chypre .............

284

Fiche n°10 : Le métissage culturel, Australie .................................................

313

Fiche n°11 : Les vols habités, Suède .............................................................

337

Fiche n°12 : En se regardant dans le miroir…, États-Unis .............................

345

Partie III : Des témoignages de plurilinguisme et de pluriculturalisme d’enseignants de FLE/FLS ...............

359

Marie Bruneau (Suède) ................................................................................

360

Nahed Emaish (Jordanie) .............................................................................

364

Christina Dechamps (Portugal) ....................................................................

367

Adil Elmadhi (Maroc) ....................................................................................

371

Randa Naboulsi (Liban) ................................................................................

375

France Neuberg (Luxembourg) ....................................................................

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Marc-Albert Paquette (Canada) ...................................................................

382

Carolyn Scott (Australie) ..............................................................................

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Julia Yang (Taiwan) ......................................................................................

388

Viviane Youx (France) ..................................................................................

392

Biographies des auteures .......................................................................................

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PRÉFACE de Nathalie AUGER

Professeur des Universités en Sciences du Langage Directrice de l'U.R. L H U M A I N Langages HUmanités Média-tions Apprentissages Interactions Numérique Université de Montpellier III, France

Il est heureux qu’un nouveau livre sur l’éducation plurilingue et pluriculturelle voit le jour. En ces temps parfois troublés où le rejet de l’autre est trop fréquent, cet ouvrage, sous forme de plaidoyer sincère et engagé fera le bonheur des professeurs de langues convaincus que leur mission va bien au-delà de l’enseignement d’éléments linguistiques ou d’actes de paroles. Les auteurs, Cynthia EID et Judith PATOUMA, ont toutes deux une longue expérience de l’enseignement du français langue étrangère et proposent aux lecteurs les ancrages théoriques qui fondent des pratiques de classes dans lesquelles toutes les expériences langagières et culturelles ont non seulement droit de cité, mais sont aussi le socle des apprentissages d’une nouvelle langue, que celle-ci soit objet ou médium d’apprentissage (au travers d’un contenu disciplinaire par exemple). Ce lien fort entre théories et pratiques montre qu’il est possible d’articuler les recherches scientifiques et les possibilités pédagogiques de façon efficace comme en témoignent les devenues traditionnelles biographies langagières (Busch), Kamishibaï, ou autres sacs d’histoires. Comme les auteurs l’annoncent dans leur préambule, en reprenant les travaux de Cummins, les langues sont un miroir des expériences culturelles, et réciproquement. Ainsi, lorsque les enseignants prennent en compte le plurilinguisme et le pluriculturalisme des élèves, l’école tend un miroir positif aux jeunes en les acceptant avec leurs parcours et en permettant à ces parcours de devenir une ressource de premier choix pour les apprentissages. Les auteurs elles-mêmes ont vécu le fait de recevoir une image négative de leur plurilinguisme et pluriculturalisme, témoignage émouvant et terriblement banal. Il est important de pouvoir changer l’histoire. Car de nombreux mythes existent encore : celui d’oublier ses langues et cultures pour mieux apprendre une nouvelle langue, penser que certaines langues sont supérieures à d’autres, etc. Ces stéréotypes fragilisent certains jeunes et il est urgent de porter un autre discours, comme le propose ce livre. Ce discours ne se positionne pas contre ces mythes, il les éclaire et les fait fondre comme neige au soleil. La dernière réticence sera certainement celle de l’émotionnel. La peur d’enseigner autrement, de laisser de la place à l’autre, d’apprendre de lui/ d’elle (qui plus est un élève), demande parfois du courage, celui de sortir de sa zone de confort, de ne pas savoir, d’être aussi un enseignant qui découvre et apprend… comme ses apprenants.

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Préface

Dans sa forme, l’ouvrage fait preuve d’originalité avec ses trois parties qui déclinent les fondements scientifiques des approches plurilingues et interculturelles, puis propose des fiches pédagogiques pour faire vivre ces concepts en classe et enfin, offre des témoignages d’enseignants dans le monde qui évoquent leurs parcours et expériences. Voilà qui peut donner du courage à toutes celles et à tous ceux qui souhaitent dépasser les mythes et entrer de plain-pied dans la réalité de notre monde qui est, de fait, plurilingue et pluriculturel. Les enseignants intéressés par la démarche trouveront dans la partie théorique l’essentiel de ce que certains chercheurs nomment « les approches plurielles » : le fait de tenir compte de plus d’une langue lors de l’enseignement d’un nouvel idiome. Un premier point important est celui que les auteurs appellent « la co-construction continue ». C’est une très belle idée de faire comprendre que la posture des enseignants est celle d’une co-construction avec les apprenants de leurs classes, et que cette posture est en constante évolution dans le temps. Le second chapitre s’attaque à un mythe de taille, les autres langues et cultures ne sont pas des dangers pour nos classes mais des atouts. Il est important, pour ne pas céder aux sirènes de la pensée binaire et des mouvements de balancier « pour » versus « contre », et de développer une pensée « complexe » au sens d’Edgar Morin pour comprendre, qu’au-delà de ces émotions « en faveur de » ou « au contraire de », il est crucial de considérer nos sociétés pour ce qu’elles sont, métissées, complexes et où nous sommes tous concernés. Cette reconnaissance est la base d’une éducation plurilingue et pluriculturelle de qualité. Bien entendu, il s’agit de respecter nos différences (chapitre 3), mais surtout de reconnaître que nous vivons des universaux (la famille, la santé, les relations …) de façon singulière selon nos parcours sociaux et personnels. Nous ne sommes pas différents, nous sommes simplement uniques. C’est bien dans l’interaction avec l’autre que je/nous nous co-construisons langagièrement, identitairement (chapitre 4). Notre identité étant forcément composite, plurielle (Lahire). La notion d’identité n’est pas un gros mot, et elle est tout… sauf monolithique. L’interculturel est la colonne vertébrale des approches plurilingues, il propose une déclinaison d’activité pour « éveiller aux langues » (et à leurs fonctionnements), faire des liens entre les langues grâce à l’intercompréhension (chapitre 6) entre langues, même celles qui sont minorisées. Ces activités peuvent être mises en œuvre même au-delà de la classe de langue, quand il s’agit d’enseigner une langue au travers d’une matière (chapitre 7). Le chapitre sur le numérique montre comment il est possible de dynamiser son enseignement et faire vivre les langues et les cultures (chapitre 8) avec les humanités digitales. Il est également possible d’évaluer grâce à des descripteurs étayés ces compétences plurilingues (chapitre 9). Développer des compétences de médiation, pour les enseignants et les apprenants devient alors essentiel. Les enseignants trouveront aussi leur bonheur grâce aux fiches pratiques de la seconde partie qui offrent un tour du monde en 12 activités possibles en classe

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Préface

(Luxembourg, Pologne, Russie…). Pour terminer la lecture, les témoignages (partie 3) de divers enseignants dans le monde, permettent de comprendre que bon nombre de nos expériences plurilingues et pluriculturelles sont partagées, même si elles ont pu engendrer des émotions difficiles parfois. Comprendre que nous vivons des universaux, même dans nos perceptions, nous aide à créer du lien avec les autres, et à nous transformer. L’interculturel et le plurilinguisme vivent sur des mythes, engendrent des « mal-entendus » et souvent des conflits. Mais utiliser ces incompréhensions comme un moyen de relativiser ses propres pratiques est un gage de changement. L’interculturel et le plurilinguisme se pratiquent non seulement dans nos espaces contemporains mais aussi dans le temps long de la transformation. Ils sont déjà en mouvement.

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Note des auteurs

Les langues : miroir de l’héritage culturel et interculturel Toute langue n’existe que dans le grand concert avec d’autres langues. D’un point de vue historique, le plurilinguisme est plus ancien, plus fréquent, voire plus naturel que le monolinguisme qui n’est apparu qu’avec le développement des nations modernes en Occident. Comme beaucoup de lecteurs, j’appartiens à cette génération d’enseignantes et d’enseignants de français qui n’avaient pas le droit d’utiliser une autre langue que le français en salle de classe sous peine d’être taxée – par les membres de la direction pédagogique – d’incompétente et de laxiste. Mon environnement éducatif considérait que le recours de l’apprenant à sa langue première posait un problème au lieu d’être une source d’enrichissement. Semble-t-il, et selon leurs croyances, c’est le vocabulaire de sa L1 (langue première) qu’il allait « renforcer » et non le vocabulaire de la langue cible qu’il apprenait (le français dans mon cas.) Claire Blanche-Benveniste a mis en avant ce mythe. Elle s’inscrit contre l’idée qu’il faut oublier la L1 pour laisser la place à la langue cible. Ce préjugé prévaut encore trop souvent, sous prétexte que l’influence de la L1 est surtout source d’erreurs. Après avoir vu combien les apprenantes et les apprenants souffraient de ne pas pouvoir utiliser leur propre langue notamment quand ils sont dans des situations de communication bloquantes ; après avoir vu combien d’apprenantes et d’apprenants de deuxième génération d’immigrants cachaient leur double (ou triple) identité et ne disaient pas qu’ils parlaient une langue (quelquefois première) autre que le français de peur d’être perçus par les autres à travers des stéréotypes ... après avoir vu combien la didactique a évolué pour valoriser la langue et le locuteur (et par conséquent le plurilinguisme et le pluriculturalisme qui sont des opportunités), et pour que d’autres enseignantes et enseignants de français ne vivent plus la même injustice constatée, avec Judith, nous avons cheminé dans l’écriture de l’ouvrage Plurilinguisme et pluriculturalisme en classe de FLE. Nous espérons vous proposer ici un ouvrage : où la diversité linguistique est reconnue et valorisée ; où chaque locuteur se trouve dans une posture confortable pour s’exprimer dans sa propre langue ; où un respect, une égalité entre les langues, un éveil aux langues et une intercompréhension des langues prennent tout leur sens, dans des approches plurielles qui reflètent l’évolution de la société dans laquelle on vit, une société plurilingue et pluriculturelle dans un monde qui s’accepte. Merci surtout à toute l’équipe de CLE international qui a permis que ce manuscrit puisse voir le jour. Cynthia EID

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Tout l’enjeu de l’éducation est de transformer les miroirs en fenêtres. Sidney Harris

INTRODUCTION Les migrations massives tout le long de l’histoire de l’humanité et plus spécifiquement à la fin du xxe siècle et au début du xxie siècle sont souvent bouleversantes. L’intégration des immigrants dans la vie collective des sociétés d’accueil est un défi. Les progrès technologiques, les facilités au niveau du transport, la globalisation économique ont un impact sur les migrations internationales aujourd’hui. Selon l’OIM (Organisation Internationale pour les Migrations), en 2015, 3,3% de la population mondiale sont considérés comme des migrants internationaux. Selon le rapport de l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés, en 2021, le chiffre s’élève à 89,3 millions de personnes dans le monde qui ont été forcées de fuir leur foyer. On compte parmi elles presque 27,1 millions de réfugiés dont plus de la moitié a moins de 18 ans. Ces populations migrantes ainsi que leurs descendants ont un impact sur le paysage éducatif mondial. Tout semble être remis en question : la vision et le rôle de l’éducation, de l’école et de l’université citoyenne, du rapport avec nos aînés et entre les générations, du rapport entre les genres : homme et femme, du rapport à la communauté d’origine et au milieu social, du rapport à la religion, à l’ethnie, du rapport à l’autorité, à la loi, à l’État. Ainsi de manière naturelle, le contact des langues et des cultures amène cette réflexion sur le rôle du plurilinguisme et du pluriculturalisme dans nos sociétés et dans nos classes. Dans le Cadre Européen Commun de Référence pour les langues (CECRL) de 2001, le renvoi aux notions de plurilinguisme et de pluriculturalisme demeure timide. Les descripteurs du Cadre pour les Approches plurielles des langues et des Cultures (CARAP), rédigés en 2007, sont un supplément nécessaire au CECRL puisqu’ils mettent en œuvre « des activités d’enseignement-apprentissage qui impliquent à la fois plusieurs (plus d’une) variétés linguistiques et culturelles1 ». En mars 2018, le Président de la République française Emmanuel Macron parle de l’importance du plurilinguisme dans Une ambition pour la langue française et le plurilinguisme. Un discours fondateur par son volontarisme politique puisqu’il annonce des mesures sans précédent pour accompagner les dynamiques favorables 1.

https://carap. ecml.at/

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Introduction

à la langue française (francophonie) et au plurilinguisme. Trois enjeux sillonnent le plaidoyer pour les francophonies et le plurilinguisme « apprendre », « communiquer » et « créer ». Dans la première partie du discours « Apprendre », le Président Macron met en valeur l’école et l’université qui jouent un rôle essentiel dans la transmission de la francophonie et du plurilinguisme puisqu’elles sont le premier terrain de la stratégie francophone internationale. Dans la deuxième partie « communiquer », le Président de la République française souligne qu’une langue est vivante par son utilisation dans les médias. Ainsi, renforcer la présence de la francophonie et mettre en lumière le plurilinguisme dans les lieux emblématiques de la vie internationale (Internet et les médias globaux, l’économie, la diplomatie européenne et multilatérale, etc.) contribue à cette ouverture aux langues plurielles. En troisième partie, l’enjeu est de « créer » puisque la francophonie et le plurilinguisme aident à penser différemment et à inventer le monde d’aujourd’hui et de demain, à décloisonner les espaces culturels et linguistiques. Le volume complémentaire du CECRL répond à « Une ambition pour la langue française et le plurilinguisme » avec un regard décloisonné sur le plurilinguisme dans les politiques éducatives qui complète et enrichit l’édition de 2001. C’est à ce contexte d’éducation et d’apprentissage de la langue française et du plurilinguisme et du pluriculturalisme que l’ouvrage se consacre. Il s’intéresse à trois diversités importantes, la diversité linguistique (plurilinguisme, éveil aux langues, intercompréhension entre les langues), à la diversité culturelle (pluriculturalisme, construction identitaire) et à la diversité des rythmes, des modes et des styles d’apprentissage. Deux questions essentielles sont souvent posées par les enseignantes et les enseignants de Français (langue étrangère ou seconde ou français langue maternelle) : comment faire une éducation au plurilinguisme dans les salles de classe ? Et quelle place au pluri-inter-culturel dans les cours de français ? Afin de répondre à ces questions qui reflètent l’esprit de l’ouvrage, il est nécessaire de faire le point sur la terminologie utilisée. Dans les approches plurielles, la démarche interculturelle (diversité culturelle, artistique, littéraire, etc.) et la démarche d’éveil aux langues (observation réfléchie des langues du monde, comparaison des langues, etc.) l’objectif premier est l’enseignement de la langue (française) en s’appuyant sur les connaissances et l’expérience d’apprentissage des autres langues. Pour prendre en compte la diversité langagière et culturelle, les approches plurielles permettent aux apprenantes et aux apprenants en un premier temps de découvrir et d’observer plusieurs langues et en un deuxième temps de les comparer et les analyser.

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Introduction

La diversité linguistique et culturelle est davantage connue par les vocables de pluriculturalisme et de plurilinguisme, lesquels vocables demeurent des termes dont les définitions sont encore générales dans la littérature scientifique du fait que ce sont des notions adaptables à différents contextes. Cependant nous allons retenir, dans cet ouvrage, les définitions qui correspondent à la conviction des auteures. Les auteures ont aussi la volonté que cet ouvrage reflète les préoccupations de toute la communauté enseignante, et c’est dans ce souci qu’il est composé d’une partie théorique (Ire partie), de pistes d’enseignement (IIe partie) et de témoignages d’enseignantes et d’enseignants (IIIe partie) venant de différents pays du monde. Notre but est de contribuer à la transformation des savoirs sur la langue, et à amener des expériences variées des enseignantes et des enseignants « dans » et « avec » la langue. À travers cette démarche inclusive, nous espérons ouvrir de nouveaux horizons langagiers et identitaires dans la salle de classe et donner des outils au personnel enseignant pour accueillir et développer la diversité puisque le plurilinguisme est en lien direct avec l’évolution des personnes dans une société mondialisée. Ainsi, cet ouvrage se veut avant tout humaniste. Nous savons aujourd’hui, que comme nous nous situons dans un continuum langagier, nous nous mettons aussi dans un continuum identitaire. Les langues façonnent nos identités2 et conditionnent notre expression et perception du monde. Au cœur de chaque langue parlée par les locuteurs réside à la fois des sources d’enrichissement mutuelles mais aussi des mal-entendus. Selon Joseph Kastersztein3, l’identité est « une structure polymorphe dynamique, dont les éléments constitutifs sont les aspects psychologiques et sociaux en rapport à la situation relationnelle à un moment donné d’un agent social (individu ou groupe) comme acteur social » (1999, p. 28). Ainsi, chaque personne utilise des stratégies dans différentes situations de communication selon ses besoins. Et ce sont ces caractéristiques polymorphiques qui nous indiquent le mouvement perpétuel, la complexité de chaque être humain et la nécessité de conscientiser ces données auprès des enseignants et des apprenants.

2. Nous parlons entre 6000 et 7000 langues répertoriées. 3. Kasterztein J. (1999), « Les stratégies identitaires des acteurs sociaux : approche dynamique des finalités », dans C. Camilleri, Stratégies identitaires, Paris, PUF.

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Première partie

Autour du plurilinguisme et du pluriculturalisme

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« Une langue vous place dans un couloir pour la vie. Deux langues vous ouvrent toutes les portes le long du chemin » Frank Smith

Chapitre 1. Les approches plurielles des langues et des cultures : une démarche de co-construction continue Dans le contexte de la mondialisation et de la mobilité, il est devenu essentiel d’intégrer des stratégies et des méthodes d’enseignement liées à la diversité culturelle, à la diversité linguistique et à la diversité des styles, rythmes et modes d’apprentissage. Ces diversités sont un fait saillant dans nos sociétés et trouvent des réponses dans les approches plurielles pour différentes raisons qui sont entre autres, la personnalisation de l’apprentissage, l’identification au savoir par l’apprenant, l’engagement dans l’enseignement-apprentissage, l’individualisation des parcours, la construction identitaire, la possibilité d’aller à son propre rythme pour atteindre les compétences, etc. Les approches plurielles « s’opposent aux approches que l’on pourrait appeler « singulières » dans lesquelles le seul objet d’attention pris en compte dans la démarche didactique est une langue ou une culture particulière, prise isolément4 ». Par ailleurs, face aux diversités susmentionnées dans l’apprentissage, l’enseignant doit encore s’approprier des outils pour rendre ce changement effectif (confère chapitres 5 et 6). Ces approches répondent toutes à un principe fédérateur : celui de l’adoption de pratiques pédagogiques inclusives et équitables. Les approches plurielles des langues et cultures appelées aussi approches plurilingues (Moore, 2006) offrent un panorama de méthodes didactiques de grand intérêt pour la salle de classe, à savoir : 4. https://carap. ecml.at/

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Autour du plurilinguisme et du pluriculturalisme

– Les approches et compétences interculturelles – L’éveil aux langues – L’intercompréhension des langues – La didactique intégrée

1. LES APPROCHES ET COMPÉTENCES INTERCULTURELLES L’interculturel (mot valise « inter » et « culturel ») concerne les contacts entre différentes cultures ethniques, sociales, etc. Par ailleurs, le terme « interculturalité5 » est devenu tellement polysémique et le concept, objet de tellement d’interprétations diverses, qu’il faut commencer par leur donner une définition opératoire. Au-delà du contact, à notre sens, les locuteurs doivent disposer de la volonté de comprendre la culture de l’autre et accepter de se transformer par et à travers l’autre. C’est donc un processus et une posture d’action. L’interculturel, c’est faire des choses ensemble, hic et nunc (ici et maintenant) avec nos différences et nos points de similitude. En référence aux travaux notamment de Geneviève Zarate et de Abdallah Pretceille, une approche interculturelle se caractérise idéalement par un processus en trois étapes : Premièrement, une étape de découverte et de comparaison : deux groupes (ou deux personnes) mis en présence se découvrent et se comparent, puis, à la recherche de points communs, sont amenés à prendre du recul vis-à-vis de leur environnement culturel immédiat pour s’associer à la faveur de valeurs mieux connues et partagées. En dernier ressort, c’est à notre universelle humanité que l’on fait appel quand les cultures semblent par ailleurs fort éloignées les unes des autres. Deuxièmement, une étape d’empathie et d’autoréflexion s’effectue. La différence amène chacun à faire un travail réflexif sur sa propre culture. L’autre, par ses différences, par ses étonnements, par ses questions, nous tend en quelque sorte un miroir où nous nous voyons avec ses yeux. La fréquentation régulière d’étrangers développe autant la lucidité que la curiosité.

5. Eid, C. et al. Les TICE dans les approches interculturelles en classe de FLE/S : Leviers ou obstacles dans l’apprentissage de l’écrit ? Pratiques déclarées et représentations d’enseignants de FLE/S en contexte universitaire, In : Les Interculturalités, État des lieux et perspectives, théories et pratiques, (dir.) Eid, C. et Fadel, F., EME, Proximités, Coll. Didactiques, Belgique, pp. 75-76.

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Chapitre 1 • Les approches plurielles des langues et des cultures : une démarche de co-construction continue

Troisièmement, une étape de projet et de créativité : non contente d’élargir et de relativiser les points de vue, la relation établie contribue également à en créer de nouveaux, à ouvrir de nouvelles perspectives. L’échange n’est pas pleinement réussi lorsque l’une des parties a adopté la culture de l’autre, même si elle en adopte la langue, mais plutôt lorsque se sont développés, et ne cessent de se développer, de nouveaux cadres de référence et de nouvelles perspectives enrichies des cultures des unes et des autres (confère chapitre 3 pour plus de détails).

2. L’ÉVEIL AUX LANGUES L’approche de l’Éveil aux langues tire son origine du projet européen Evlang (1990) mené par Michel Candelier. Par ailleurs, le courant existait dès 1981, il a été fondé par Eric Hawkins et est connu sous le terme « Language Awareness » (traduction en français « sensibilisation aux langues »). Cette approche implique l’introduction, par l’enseignant, des langues que l’école n’a pas l’ambition d’enseigner. L’éveil aux langues n’a pas pour ambition d’enseigner des langues étrangères, mais son objectif est de faire prendre conscience de la diversité linguistique aux apprenants. Ainsi si la classe se compose d’apprenants d’origines diverses, cela serait un moyen de valoriser les locuteurs de la salle de classe et favoriser l’inclusion. L’enseignant n’a pas systématiquement besoin de maîtriser les langues à l’étude. Le développement de la compétence métalinguistique peut aussi être un objectif de cette approche. Le but étant de valoriser les langues et d’ouvrir la réflexion sur la diversité linguistique et culturelle dans la langue cible. (Confère chapitre 5 pour plus de détails).

3. L’INTERCOMPRÉHENSION ENTRE LES LANGUES (PARENTES) Concernant l’intercompréhension entre les langues parentes, il s’agit d’une approche qui vise à comparer plusieurs langues de la même famille (à titre indicatif, il s’agirait d’une intercompréhension entre le français et la famille des langues romanes par exemple l’italien, le portugais, l’espagnol, le catalan, le corse, le sarde, le roumain, etc.) L’intercompréhension entre les langues peut aussi se faire entre d’autres familles telles les langues germaniques, sémites, slaves, etc. Le but visé est, en premier lieu, de comprendre les langues que ce soit celles de l’école ou des apprenants.

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Autour du plurilinguisme et du pluriculturalisme

L’intercompréhension entre les langues permet ainsi de s’appuyer sur les connaissances des apprenants dans une langue X pour comprendre une langue Y. L’approche vise aussi à aider l’apprenant à créer des liens entre différentes langues amenées dans le cadre de la salle de classe. La comparaison entre les langues permet de mettre en parallèle une ou plusieurs langues pour voir les similitudes et les divergences. De Pietro (2003) parle ainsi de l’importance pour les élèves de se détourner ponctuellement d’une langue en apprentissage en observant et en analysant d’autres langues afin de mieux comprendre la langue en développement : « Le détour [par d’autres langues] permet ainsi aux élèves, tout à la fois, de sortir de leur langue maternelle, de la relativiser à travers la comparaison, puis d’y revenir. En outre, le fait d’être confrontés à des langues inconnues, dans lesquelles les automatismes sont bloqués, dans lesquelles il n’est plus possible d’aller immédiatement au sens, contraint les élèves à observer avec minutie les matériaux qui leur sont proposés et à rechercher des indices essentiellement formels » (De Pietro, 2003, p. 180) (Confère chapitre 6 pour plus de détails).

4. LA DIDACTIQUE INTÉGRÉE DES LANGUES La didactique intégrée des langues concerne la mise en lien des langues qui n’appartiennent pas forcément à la même famille. « La didactique intégrée des langues (…) vise à aider l’apprenant à établir des liens entre un nombre limité des langues (…) Le but est alors de prendre appui sur la langue première pour faciliter l’accès à une première langue étrangère, puis sur ces deux langues pour faciliter l’accès à une seconde langue étrangère (les appuis pouvant aussi se manifester en retour6). Dans les années 80, Eddy Roulet a orienté ses travaux vers les approches plurielles et dans ses recherches, Jim Cummins (1979 ; 2000 ; 20097) avance l’idée d’une interdépendance entre les langues qui composent le répertoire langagier de l’individu. Nous savons, ainsi, que l’apprentissage linguistique dépend des connaissances de l’apprenant des langues qu’il connaît déjà. Ainsi les apprenants peuvent se trouver dans un continuum linguistique. La formation aux approches plurielles pour nous devient une nécessité. Comme nous l’avons mentionné plus haut, même si nous sommes dans un monde qui se croit 6. CARAP, p. 6. 7. Cummins, J. (2009). Bilingual and immersion programs. Dans M.-H. Long et C. J. Doughty (dir.). The Handbook of Language Teaching (p. 161-181). West Sussex, Angleterre: Wiley-Blackwell. Cummins, J. (2000). Language, power, and pedagogy: Bilingual children in the crossfire. Clevedon, Angleterre: Multilingual Matters. Cummins, J. (1979). Cognitive/academic language proficiency, linguistic interdependence, the optimum age question, and some other matters. Working Papers on Bilingualism, 19, 121-129.

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monolingue, la réalité est que nous vivons dans un monde de diversité linguistique et culturelle. Beaucoup d’enseignants disent se sentir non outillés, démunis, face aux apprenants en difficulté avec la langue d’enseignement qu’est le français (confère chapitre 7). Nous devons reconnaître que les apprenants n’arrivent pas en salle de classe sans connaissances antérieures, ou dénués d’une langue de la maison ou de langue de socialisation autre que le français de scolarisation. Les approches plurielles amènent une nouvelle perspective. Elles permettent de décloisonner les disciplines et les pratiques. La prise en compte de l’apprenant et de ses intérêts sont indispensables et c’est ce que nous ont démontré plusieurs chercheurs comme Jim Cummins, Christine Hélot ou Marie Rose Moro8 pour ne citer qu’eux (confère chapitres 5 et 6 pour plus de détails).

5. PISTES EN SALLE DE CLASSE9 « […] la langue maternelle de l’apprenant et les autres langues de son répertoire plurilingue sont des outils importants dans son apprentissage d’une nouvelle langue et de nouveaux savoirs. S’en priver serait synonyme d’un gaspillage cognitif. » (Armand, 2012, p. 48). Force est de mentionner quelques pratiques de diversité linguistiques et culturelles en situation d’enseignement-apprentissage :

5.1. Le Translangage (translanguaging) et la stratégie de l’alternance codique (code-switching) sont des « échafaudages » qui permettent à l’apprenant d’utiliser toutes ses compétences langagières pour mieux apprendre dans la langue cible et s’y intégrer. Les pédagogies de translanguaging ne considèrent pas que des langues différentes sont des systèmes cloisonnés qui ne communiquent pas entre eux. Le translanguaging cherche à faire appel à la totalité du répertoire langagier du locuteur d’une façon non cloisonnée, afin qu’il utilise en s’appuyant surtout sur l’expérience du locuteur bilingue. Les enseignants seront amenés à reconnaître et à

8. Cummins, J. 2001. « La langue maternelle des enfants bilingues ». Sprogforum, n°19, p. 15-21 – Hélot C. 2007. Du bilinguisme familial au plurilinguisme à l’école. Paris : L’Harmattan, Moro M.R., 2012. Les enfants de l’immigration. Une chance pour l’école. Entretien avec D. et J. Peiron. Paris : Éditions Bayard. 9. Ces activités ne sont pas clés en main. Le cadre reste volontairement large et les consignes volontairement succinctes pour que l’enseignant puisse les adapter à son environnement et ses conditions de travail.

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apprécier l’ensemble des ressources linguistiques et culturelles des locuteurs, et recourir à différentes façons de les mettre en œuvre en salle de classe. L’alternance codique est l’usage fluide de deux ou plusieurs langues au cours de la même conversation par un ou plusieurs locuteurs bilingues par exemple dans une conversation un même locuteur peut jongler entre une langue A, par exemple le français, et une langue B, par exemple l’anglais. Une des activités de classe peut être l’écriture ou l’écoute des lectures de Kamishibaïs plurilingues10 (ou théâtre du papier en japonais) et de comprendre leur fonctionnement. C’est un outil pédagogique ludique pour favoriser l’apprentissage de la lecture, un outil qui favorise les compétences scripturales, les compétences d’expression orale et artistique. Force est de recommander l’utilisation de l’alternance codique dans la rédaction du texte de l’histoire.

Figure 1. Lecture de kamishibaï plurilingue par Cynthia EID et Raìssa ASSINE

Les apprenants peuvent rédiger un kamishibaï plurilingue d’une manière collective à partir d’éléments déclencheurs (trame de l’histoire, production d’écrit, une synopsis (scénario), un story line et un story board, etc.) en fonction de leurs niveaux de langue en intégrant des mots dans les langues de la classe qui n’empêchent pas la compréhension de l’histoire. Les illustrations du kamishibaï écrit peuvent être réalisées par les apprenants euxmêmes en utilisant des collages, des pastels, du coloriage, de l’encre, des photos, etc. C’est donc une réunion de plusieurs dimensions en un seul projet : artistique, théâtrale, littéraire, documentaire, pluridisciplinaire, numérique, etc. 10. Un Kamishibaï plurilingue est une sorte de théâtre ambulant, une technique de narration japonaise utilisée par les conteurs de rue pour raconter des histoires en glissant des planches illustrées dans un butaï (un castelet en bois). Chaque planche met en scène une partie de l’histoire avec une image sur le côté recto et un texte court et simple sur le côté verso.

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C’est surtout un outil pédagogique qui reflète la diversité des langues parlées dans une classe (puisque dans un Kamishibaï plurilingue, au moins quatre langues s’enchevêtrent dans le récit ou dans les illustrations). Force est de mentionner que la langue de travail principale du récit pourrait être le français, mais une place est également laissée aux autres langues des apprenants, des parents, ou aux acteurs éducatifs au sens large (confère annexe 1 avec une intégration des langues des signes et annexe 2). Les thèmes utilisés peuvent être « Le grand voyage d’une hirondelle (avec un parcours en lien avec les pays d’origine de la classe) », « Le journal d’un oiseau, les voisins de ma rue et de mon quartier, l’écologie et le respect de la nature, etc. Pour plus de détails, confère des exemples de Kamishibaï plurilingues sur le site de Dulala (d’une langue à l’autre), Kamilala, callicéphale, et tant d’autres, etc.

Petit Tom : La langue des signes au quotidien Agnès de Lestrade, Anne Mahler, Anna Cacheux

Le casque d’Opapi histoire de l’art, guerre 1914/18, conflit et réconciliation

Kamishibaï Callicéphale Éditions, 2021.

Fernand Léger, Kamishibaï Callicéphale Éditions, 2014.

Le Temps des Cerises Les contestations sociales de 1870 à nos jours Joëlle Dubin, Kamishibaï Callicéphale Éditions,2020.

Enfin, il convient de lire l’histoire du kamishibaï plurilingue à haute voix en salle de classe ou dans d’autres salles et écoles en respectant la prosodie et en se montrant fier/fière de faire entendre plusieurs langues à l’auditoire. Trois kamishibaïs plurilingues se trouvent en annexe : La première porte le titre « qui sont nos voisins de quartier ? » Elle est rédigée en français avec de l’allemand d’Autriche, de l’espagnol d’Argentine et de l’arménien y compris la langue des signes argentine (LSA). Le deuxième kamishibaï plurilingue s’intitule « se présenter ». Outre le français, il fait appel au hongrois, à l’espagnol du Mexique, à l’indonésien et au portugais du Portugal. Le troisième kamishibaï plurilingue porte sur le développement durable et le changement climatique. Il s’intitule : Une histoire d’eau et fait appel, outre le français, au turc, arménien et roumain.

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5.2. La bande dessinée plurilingue Tout comme le Kamishibaï plurilingue, la bande dessinée plurilingue est un autre outil pour amener les apprenants à utiliser leurs compétences langagières pour mieux apprendre dans la langue cible et s’y intégrer. Ci-dessous se trouve un exemple de bande dessinée avec un récit séquentiel ayant recours à des phylactères (bulles), des ellipses, des onomatopées, un synopsis et un scénario, etc. Dans le cadre d’un atelier donné sur la Bande dessinée plurilingue, les apprenants ont voulu parler de la guerre en Ukraine. Ci-dessous est le fruit de nos réflexions. « Dans la peau d’un enfant Ukrainien », bien que rédigée en français, elle fait appel à d’autres langues telles que l’Ukrainien (la langue même du personnage principal), l’albanais, le macédonien, l’anglais et l’espagnol (langues premières des apprenants de la classe) qui n’empêchent pas la compréhension de l’histoire.

Créé avec l'application

Figure 2. B.D. plurilingue intitulée Dans la peau d’un enfant Ukrainien

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développée par la (BnF)


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Ci-dessous se trouvent quatre planches de bande dessinée plurilingue traitant le thème des Jeux olympiques qui seront accueillis à Paris en 2024.

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5.3. Fabriquer des marionnettes du monde Le projet des marionnettes fait appel à la compétence artistique et peut être réalisé d’une façon interdisciplinaire entre les enseignants en faisant appel aux parents.

Tout comme dans le Kamishibaï plurilingue, un scénario entre marionnettes plurilingues sera imaginé et rédigé par les apprenants d’une manière collective à partir d’éléments déclencheurs (trame de l’histoire, production d’écrit, un synopsis, un story line et un story board-scénario, etc.) en fonction de leurs niveaux de langue en intégrant des mots dans les langues de la classe qui n’empêchent pas la compréhension de l’histoire. Comment fabriquer une marionnette ?

Pour fabriquer une marionnette, il faut :

⊲ Des boîtes d’œufs ⊲ De l’eau ⊲ De la farine ⊲ Des bâtons ⊲ Un saladier et une casserole ⊲ Une cuillère et un fouet ⊲ De la peinture et de la laine ⊲D u tissu, du fil et une aiguille

Mode d’emploi Étape 1 – Création des têtes en pâte à mâcher • Dessiner la tête de la marionnette en choisissant la tête à lui donner et le pays de son appartenance.

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• Déchirer les boîtes d’œufs en • Faites sécher pendant petits morceaux. une semaine à peu près. • Dans le saladier, mélanger Étape 2 – Peinture des 2 à 3 tasses de farine avec marionnettes de l’eau. • Peindre la tête de la • Verser tout le mélange dans marionnette et coller la laine la casserole et faire chauffer en guise de cheveux. jusqu’à ce que le mélange Étape 3 – Création des vêtements devienne blanc. • Coudre une tenue • Mélanger les morceaux de vestimentaire du pays choisi. boîtes d’œufs avec la colle. Ajouter les accessoires. • Prendre la pâte avec les Créer le décor souhaité et mains et lui donner la forme le faire articuler à un projet d’une boule, la mettre sur le de chant plurilingue par bâton (un peu épais). exemple, de saynètes, • Rajouter des oreilles, un nez, de musique, de percussion un menton, des sourcils, du monde, etc. creuser deux trous pour les yeux.


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5.4. La biographie linguistique et le répertoire langagier permettent une introspection linguistique. C’est un point de départ possible en classe pour mieux appréhender les approches plurielles. « La biographie langagière d’une personne est l’ensemble des chemins linguistiques, plus ou moins longs et plus ou moins nombreux, qu’elle a parcourus et qui forment désormais son capital langagier. Ce sont, au total, les expériences linguistiques vécues et accumulées dans un ordre aléatoire, qui différencient chacun de chacun ». (Dictionnaire de didactique du français langue étrangère et seconde sous la direction de J.-P. Cuq, CLÉ, 2003, pp. 36-37). Demander aux apprenants de réfléchir non seulement aux langues qu’ils parlent (leur langue première ou celle apprise à l’école, à l’université, aux centres de langues, etc.), mais à toutes les langues qu’ils ont pu côtoyer tout au long de leur vie, (exemple les langues que l’on peut avoir seulement entendu sans forcément les comprendre (des voisins, la petite amie de vacances, etc.), les langues qui auront plus ou moins d’importance, mais qui seront là. Que disent les apprenants à propos de leur apprentissage des langues ? À qui et à quoi servent leurs dires ? Cette introspection langagière pourra d’abord être individuelle (chaque apprenant fait sa propre biographie) ou collective comme la fleur des langues ci-dessous où chaque pétale représente un apprenant. Pour les plus jeunes, on réalise souvent une fleur des langues où chaque pétale représente une des langues en présence.

Figure 3. Une biographie langagière collective à la classe

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Ensuite, la biographie langagière qui confronte l’apprenant à la fois à son apprentissage et pratique actuelle des langues ainsi qu’à son passé langagier (Daniel Delas11) peut prendre différentes formes en fonction du public et des niveaux d’apprentissage : texte ou graphique, par exemple, des couleurs et des formes à l’intérieur d’une silhouette de personne, ou d’un arbre ou d’une maison, ou tout autre symbole que vous souhaitez amener en salle de classe.

Figure 4. Carte mentale de ma biographie langagière

Figure 5. Ma biographie langagière sous forme d’un arbre 11. Daniel Delas, 2006. Instances du sujet et travail en biographie langagière, Biographie langagière et apprentissage plurilingue, Recherches et Applications n.39.

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Figure 6. Ma biographie langagière sous forme d’une maison

Figure 7. Ma biographie langagière sous forme de silhouette

En prolongement à la biographie langagière, des activités autour des sujets qui suivent sont recommandées dans le cadre d’un apprentissage plurilingue qui devient objet de réflexion et un miroir réflexif sur soi. À titre indicatif et non exclusif, des sujets tels que les autobiographies plurilingues peuvent montrer le choc socio-culturel dû à la migration (exemple le grand voyage

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d’une hirondelle avec une substitution personnelle à l’hirondelle en utilisant le « je », en faisant appel à sa propre mémoire, à son propre parcours des lieux), ou l’entrée dans la culture et dans le plurilinguisme (par exemple son histoire personnelle avec la lecture ou l’écriture, le voyage au cœur des mots et des lettres), une réflexion sur son propre parcours linguistique pluriel (portfolio de ses propres compétences plurilingues, le journal de bord et son apport réflexif et métacognitif sur son apprentissage plurilingue, etc.

EN CONCLUSION Par approche plurielle des langues et des cultures, nous entendons des approches didactiques qui mettent en œuvre des activités impliquant des variétés linguistiques et culturelles en prenant en considération la diversité dans les modes, les styles et les rythmes d’apprentissage. Nous retenons donc quatre types d’approches plurielles à savoir :

L'approche interculturelle L'intercompréhension entre les langues parentes L'éveil aux langues La didactique des langues intégrée Les « approches plurielles » ne sont pas axées sur une lingua franca (langue mondiale / langue unique). Elles amènent l’apprenant à construire des liens entre les diverses langues qui s’intègrent dans sa compétence.

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T E C H N I Q U E S E T P R AT I Q U E S D E C L A S S E La collection Techniques et pratiques de classe propose aux enseignants de langue et aux étudiants en formation des ouvrages pour répondre aux questions théoriques et pratiques que pose l’enseignement des langues. Chaque titre de la collection contient une introduction méthodologique générale et des fiches de différents niveaux pour une application immédiate en classe.

PLURILINGUISME ET PLURICULTURALISME Parler plusieurs langues et embrasser différentes cultures dans une classe de français est une des belles expériences. Le plurilinguisme et le pluriculturalisme sont ces pouvoirs de communiquer avec plusieurs langues, de vivre avec l’autre et non simplement à côté de l’autre en trouvant dans la diversité un atout et une richesse. Ils permettent aux apprenants de réaliser des passerelles entre les langues et les cultures, de prendre conscience que notre manière de penser n’est pas universelle, que les codes et les normes diffèrent d’une culture à l’autre. En comparant les langues et les cultures, les apprenants se trouvent plongés dans un kaléidoscope linguistique qui leur permet de s’interroger sur le fonctionnement du français et de leurs langues premières, à ouvrir les portes où les mots deviennent des symphonies d’histoires et de perspectives uniques. Dans cette mosaïque culturelle, les cœurs s’ouvrent aux autres pour incarner une ode à l’humanité qui résonne dans chaque fibre de notre être.

ISBN : 9782090353853


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