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ENTRE NOUS - NO 50 – novembre 2022

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ENTRE NOUS N O 50 – novembre 2022 SOMMAIRE ÉDITORIAL 2 SE RÉINVENTER INLASSABLEMENT ENTRETIEN AVEC P RE SOLANGE PETERS, CHUV 3 SOIGNER LE CANCER EN ÉQUIPE HISTOIRE DE LA LVC 4 L’INDÉPENDANCE À TOUT PRIX PORTRAIT DE PATIENT 5 SE RÉADAPTER, C’EST POUVOIR SE PROJETER DANS L’AVENIR TRAITEMENTS « HORS ÉTIQUETTE » 6 UNE INNOVATION MÉDICALE QUI DÉBORDE LES ASSURANCES NOUVEAU DROIT SUCCESSORAL 7 ŒUVRER POUR LA VIE PAR UN TESTAMENT

ÉDITORIAL

SE RÉINVENTER INLASSABLEMENT

Je n’ai pas pour habitude d’apparaître dans notre journal, mais je fais une exception pour ce numéro afin de remémorer, en page 4, l’extraordinaire capacité de notre ligue à être à l’avant-garde dans de multiples do maines touchant au cancer. Depuis plus d’un demi-siècle, la Ligue vaudoise contre le cancer (LVC) contribue à lancer des pro jets innovants pour améliorer la qualité de vie des patients et de leurs proches. Si nous avons pu nous adapter et anticiper l’évolu tion des besoins, c’est notamment grâce à notre indépendance, que nous avons su préserver tout au long de notre existence.

Se réinventer en permanence est essentiel compte tenu de l’évo lution du cancer, quasi logarithmique : plus de cancers, mais aussi plus de survivants, lesquels vivent plus longtemps… La professeure Solange Peters nous le rappelle en page 3 : l’enjeu pour le futur n’est pas uniquement de parier sur les nouvelles stratégies cliniques, mais aussi de tenir compte du poids psychologique qui pèse sur les patients encore bien des années après la phase aigüe de la maladie.

C’est pour cela que la LVC mise depuis quelques années sur l’aspect primordial du retour à la vie après un cancer, sur lequel Joachim Distel nous livre son témoignage en page 5. Comme pour nombre de patients, réapprendre des tâches simples et regagner confiance en lui n’a pas été évident. Avec le programme de réadaptation onco logique de la LVC, il a pu rebondir.

EN BREF

GALA CARITATIF D’ÉTOILES DE LA DANSE EN FAVEUR DE LA LVC

LE 26 MARS 2023 À 15H00 AU THÉÂTRE DE BEAUSOBRE À MORGES

La Ligue vaudoise contre le cancer (LVC) a intégré la danse comme un des moyens de se réapproprier son corps et son esprit, pendant et après une maladie oncologique.

Ce gala d’étoiles de la danse est un spectacle initié et mis sur pied par notre collègue David Rodriguez, un danseur professionnel tou ché il y a quelques années par le cancer. Il a décidé de mobiliser son réseau d’amis danseurs solistes, qui viennent de compagnies de ballet prestigieuses, pour présenter une sélection des plus belles pièces du répertoire classique et contemporain. Un cocktail dîna toire sur le thème « Dansons la vie ! » suivra le spectacle ; ce sera une belle occasion de rencontrer les artistes, ainsi que des person nalités du monde politique, culturel et de la santé du canton de Vaud.

Le programme complet est disponible sur www.dansonslavie.org. Les recettes du spectacle seront intégralement versées à l’action de la LVC. DC

L’innovation n’est pas toujours une sinécure. Nous avons la chance dans notre pays d’avoir un système de santé performant, mais avec hélas parfois une inégalité de traitement pour les personnes qui souffrent de cancer. Pour une situation clinique identique, les assu rances réagissent de façon sensiblement différente et tous les jours les oncologues se battent pour faire reconnaître la prise en charge de médicaments dits « hors étiquette ». Il y a donc un combat à mener de toute urgence pour que notre système d’assurance soit adapté aux nouvelles réalités des traitements personnalisés. Notre ligue s’engage en ce sens, comme l’évoque la page 6 de ce journal, dont c’est le 50 e numéro.

50 numéros, soit plus de 25 ans de parution, que de chemin par couru dans notre action ! C’est grâce évidemment – on ne le ré pétera jamais assez – à votre fidélité de donateurs. Comme pour beaucoup d’organisations caritatives, les legs et successions repré sentent une part importante de notre financement et nous profi tons de la prochaine entrée en vigueur du nouveau droit successo ral pour en parler sans tabou à la page 7.

Je vous souhaite à tous de très belles fêtes de fin d’année !

Chantal Diserens, directrice Ligue vaudoise contre le cancer

ENTRE NOUS – N O 50 – NOVEMBRE 2022 2

PROFESSEURE SOLANGE PETERS : SOIGNER LE CANCER EN ÉQUIPE

Diriger l’oncologie médicale au Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV), présider le Béjart Ballet Lausanne ou encore agir au sein de la Ligue suisse contre le cancer, ses journées sont plutôt bien remplies. Avec pour carburant, un idéal persistant : œuvrer collectivement pour réussir.

Enfin, pour moi, le partenariat public-privé est essentiel. On doit collaborer étroitement entre hôpitaux du canton, et aussi au sein du réseau des médecins de ville, pour que le patient puisse trouver ce dont il a besoin à chaque moment de son histoire. Il y a certaine ment une série de moments clés où l’hôpital traditionnel n’est plus la meilleure ressource. Avec l’augmentation massive des cas de can cer, on doit vraiment être tous parfaitement connectés, et planifier une décentralisation de soins.

FAUT-IL DÉSORMAIS APPRENDRE À VIVRE AVEC UNE MALADIE ONCOLOGIQUE COMME ON LE FERAIT AVEC UNE MALADIE CHRONIQUE ?

Oui, probablement. Comment faire alors pour survivre au cancer en maintenant une vie de qualité ? Je fais souvent l’exercice avec mes étudiants, je leur demande : « Si je vous dis aujourd’hui : je suis désolée Madame, mais à votre mammographie on a trouvé une lé sion, c'est un cancer. Quelle est la toute première pensée qui passe ? Evidemment : la mort. » Pourtant, le cancer du sein se guérit le plus souvent. Tous ceux qui ont vécu l’expérience du cancer ont possi blement eu cette première représentation : cela pourrait être la fin. Alors comment parvenir à se reconstruire sur le long terme ? On est un survivant, mais on est fatigué : physiquement, moralement… Je pense donc qu'il faut offrir un soutien pratique et psychologique à ceux qui ont pensé la vie sous un autre angle. On avance beau coup moins sur ces questions que sur celles des nouveaux traite ments, et il y a finalement peu de financements pour des projets sociétaux et accompagnateurs en lien avec cette question de la sur vivance. Il en faudrait beaucoup plus.

Ce qui a beaucoup changé en oncologie, c'est notre niveau de com préhension des mécanismes d’apparition des tumeurs. Par l’identifi cation de ces événements qui mènent au cancer, on arrive à pointer du doigt ce qu'on pourrait appeler les talons d'Achille de la mala die, susceptibles d’être bloqués pour que le cancer n'apparaisse pas, pour qu’il régresse ou pour qu’il soit contrôlé. Dans ce domaine, on doit distinguer deux chapitres : le premier concerne l’incrimina tion d’altérations génétiques, qui se situent dans les chromosomes de certaines cellules et font que celles-ci oublient de se réguler – notamment d’arrêter de se reproduire – et apprennent à envahir. Ces altérations peuvent dans des cas spécifiques se corriger par les thérapies moléculaires ciblées, sous la forme de médicaments par voie orale, permettant de contourner ainsi la chimiothérapie. C’est l’oncologie de précision. L'autre chapitre est lié à la question de la tolérance du cancer par notre organisme. On a probablement tous en nous, vous et moi, quelques cellules qui dérapent, mais notre système immunitaire les élimine. Alors pourquoi est-ce que notre immunité est parfois défaillante et échoue à cette tâche ? En identi fiant ces changements, on peut la rendre à nouveau visible pour le système immunitaire. C’est ce qu'on appelle l'immunothérapie.

POUR UN PATIENT QUI SOUFFRE DE CANCER, LE PARCOURS DE SOINS EST COMPLEXE ET RESSEMBLE SOUVENT À UN PARCOURS DU COMBATTANT. FAIT-ON DES PROGRÈS POUR FACILITER LE PARTENARIAT PATIENT-SOIGNANT ?

À l’avenir, on ne va pas pouvoir simplifier la prise en charge en on cologie, elle tend même plutôt à se compliquer. Ce qu’on peut faire, c’est rendre cette complexité moins perceptible pour le patient. Pour cela, nous misons sur la création de centres où sont réunis tous les spécialistes concernés ; chaque fois qu'une décision doit être prise, elle l’est par tous les acteurs des spécialités ensemble, au sein d’un tumor board (N.D.L.R. « conseil de tumeur »). Le pa tient n’a donc plus besoin de naviguer d’un médecin à l’autre, avec le risque que ceux-ci se contredisent même parfois. Pour faciliter le parcours de nos patients, on compte dans ces centres sur nos infir mières qui accompagnent le patient, s'il faut trouver son chemin, adresser des questionnements médicaux ou clarifier les interfaces.

VOUS ÊTES AUSSI MEMBRE DU COMITÉ DE LA LIGUE SUISSE CONTRE LE CANCER, COMMENT VOYEZ-VOUS LE RÔLE SPÉCIFIQUE DES ASSOCIATIONS CARITATIVES ET EN PARTICULIER CELUI DES LIGUES CANTONALES ? Ma conviction est qu’il faut accompagner les patients au plus tôt, pour prévenir leur appauvrissement, qui est presque incontour nable en raison de la nature de la maladie. Quand on souffre de cancer, on a des droits ! Que ce soit par rapport à l'employeur, aux assurances sociales ou aux caisses de retraite. J'estime également qu'il faut repenser le chapitre de la réhabilitation. Quand nous rem plissons des formulaires pour l’assurance-invalidité, la question de la poursuite de la même activité professionnelle est posée. Souvent, c'est non. Un changement professionnel ? Parfois, c'est oui. Il faut savoir revisiter l’accompagnement au long cours des personnes qui survivent du cancer et cela, les ligues savent le faire.

QUEL EST VOTRE PLUS GRANDE ATTENTE POUR L’AVENIR ? Mon rêve est bien sûr d'avoir plus de traitements efficaces, mais également qu'on sache aujourd'hui se poser la question de la du rabilité et de l’équité de notre activité. On ne doit pas développer des médicaments pour une minorité de patients, mais bien afin que tous ceux qui en ont besoin puissent en bénéficier. On doit trouver des modèles où le prix du médicament est juste et où un système de remboursement est égalitaire et évite tout préjudice pour le pa tient. Mais c’est une question politique. J’aimerais voir plus de mé decins en politique… Il faut qu'on arrive à démocratiser les fruits de la science et cela nécessite un engagement de tous.

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PROFESSEURE SOLANGE PETERS, QUELLES SONT LES RÉCENTES BRÈCHES SCIENTIFIQUES QUI VOUS ENTHOUSIASMENT LE PLUS AUJOURD’HUI ?

L’INDÉPENDANCE À TOUT PRIX

Fin 2021, la Ligue vaudoise contre le cancer (LVC) initiait une restructuration dont elle sort aujourd’hui le regard tourné vers l’avenir. Sa directrice, Chantal Diserens, nous rappelle que tout au long de son histoire, la LVC s’est battue pour son indépendance – une condition indispensable pour qu’elle soit capable d’évoluer et de s’adapter sans cesse aux besoins des patients et de leurs proches.

LE DÉFI DE LA VIE

Les traitements contre le cancer ont significativement évolué ces dernières décennies. Par exemple, et même si c’est un cancer qui provoque encore d’énormes souffrances, la mortalité du cancer du sein a baissé de moitié en 30 ans.

Si dans les années 60 les chances de survie étaient minces – deux personnes sur trois mouraient du cancer – désormais la tendance s’est complètement inversée et ce ne sont pas moins de deux per sonnes sur trois qui retrouvent une vie normale, et même plus de 85 % s’agissant des enfants. « Une évolution heureuse puisque, désormais, nous accompagnons de moins en moins de patients vers la mort et de plus en plus de patients vers la vie ! », se réjouit Chantal Diserens.

Mais il ne faut jamais oublier qu’au-delà de la phase aiguë de la maladie, un grand nombre de patients se battent des années durant contre ses répercussions physiques ou psychologiques. « Ce chemin n’est pas sans douleur, sans solitude, sans peur de la récidive, sans troubles de la mémoire et de la concentration, ou sans fatigue chro nique : une patiente nous disait se sentir comme un soldat qui re vient de la guerre, terrassée par les traitements. »

RETROUVER LE BIEN-ÊTRE

Passion, empathie et engagement sont les trois carburants qui ali mentent la vie professionnelle de Chantal Diserens. Elle dirige la Ligue vaudoise contre le cancer (LVC) depuis 2017, une vocation qui ne doit rien au hasard, tant sa vie, depuis son enfance, a été mar quée par la maladie de proches. Ayant connu les souffrances qui débordent sur l’ensemble de la famille, elle n’oublie jamais l’éner gie quotidienne qu’il faut déployer pour les atténuer, pour rendre la maladie viable.

Persuadée que l’avenir se construit avec les enseignements du pas sé, elle a lu en profondeur les 61 rapports annuels rédigés depuis la création de la LVC en 1960. Sa conclusion est sans appel : « En plus de 60 ans d’existence, la LVC a fait œuvre de pionnier dans de mul tiples domaines touchant au cancer, et a contribué à l’amélioration de la qualité de vie des patients et des proches. »

ANTICIPER LES BESOINS

La plupart du temps, une fois leur nécessité établie, ces domaines ont été ensuite pris en charge par d’autres institutions, souvent d’ailleurs par les services de l’État, assurant ainsi leur pérennité. Exemples parmi d’autres (voir l’encadré), la LVC fut à l’origine du premier service social totalement dédié aux malades du cancer – qui reste le cœur de son activité – des premiers examens de sui vi post-thérapeutique (les fameux « contrôles LVC ») et du premier registre de tumeurs.

« En plus de 60 ans d’existence, la LVC a fait œuvre de pionnier dans de multiples domaines touchant au cancer, et a contribué à l’amélioration de la qualité de vie des patients et des proches. »

« Notre indépendance nous a toujours permis d’être agiles et de nous adapter, voire d’anticiper l’évolution des besoins. » Toute l’his toire de la LVC conforte Chantal Diserens dans cette ligne. « Notre regard doit rester tourné vers le long terme. Pour cela, il faut être capable de se réinventer, continuer à innover pour mieux relever les défis du futur, pour être le plus performant possible dans notre action en faveur des patients et de leurs proches, et auprès de la population en termes de prévention. »

À la fin du parcours médical, il est parfois difficile de retrouver le bien-être. L’innovant programme de réadaptation oncologique de la LVC vise précisément à passer ce cap avec un encadrement médi cal : « Le patient peut souffrir d’un retour de boomerang en com mençant à se rendre compte par quoi il est passé, à vivre des peurs ou des angoisses rétroactives et se sentir très seul. » Le retour à la vie professionnelle peut être tout aussi difficile, entre la culpabilité liée à une longue absence et les séquelles physiques ou psycholo giques. « Dans le cadre du jobcoaching, par exemple, nous travail lons en lien avec l’employeur pour que le retour se fasse graduelle ment et dans les meilleures conditions possibles », explique Chantal Diserens. Autre projet novateur : la plateforme parlonscancer.ch qui permet aux patients et proches d’établir des contacts entre eux, pour partager leur vécu s’ils le souhaitent.

Mais au-delà des programmes solidement cadrés, la LVC tient à gar der sa marge de manœuvre pour faire face aux imprévus de la vie. Comme celui de la paupérisation, un aspect trop souvent oublié aux yeux de Chantal Diserens : « Les situations personnelles peuvent basculer d’un jour à l’autre. Nous devons pouvoir donner un coup de pouce financier à ceux qui se retrouvent en détresse, nous de vons pouvoir leur permettre de trouver une respiration. »

Chantal Diserens tient encore à rappeler que la LVC est une orga nisation financée quasi exclusivement par des donateurs privés. « C’est notre socle, notre force ! Et il faut le répéter parce que cela nous permet de rester indépendant des pouvoirs publics et de nous concentrer sur notre seule et unique raison d’exister : le bien-être des patients et des proches touchés par le cancer. »

LA LVC : PIONNIER DE TOUT TEMPS

1960 création de la LVC le 22 juin 1960 1961 premier service social dédié aux patients souffrant de cancer, premiers examens de suivi post-thérapeutique (contrôles LVC) et premier recensement des cancers dans le canton de Vaud.

1968 première campagne de dépistage du cancer gynécologique 1980 ouverture d’un centre de stomatothérapie, centre de conseils et de soins infirmiers

1986 engagement de la première assistante sociale pour l’oncologie pédiatrique

1987 appui à la création de l’Association romande des familles d’enfants atteints d’un cancer (ARFEC) et participation financière à la création de la Fondation Rive-Neuve 1999 participation au lancement du programme de dépistage du cancer du sein

2016 participation au lancement du programme de dépistage du cancer du côlon

2018 lancement du programme cancer et travail, et ouverture d’une permanence juridique

2019 création de la plateforme parlonscancer.ch

2020 premiers programmes de réadaptation oncologique

4 ENTRE NOUS – N O 50 – NOVEMBRE 2022
Chantal Diserens lors du match des Mermigans (rugby féminin), en faveur de la LVC

SE RÉADAPTER, C’EST POUVOIR SE PROJETER DANS L’AVENIR

Reprendre en main sa vie aussi vite que possible et se reconstruire avec ses propres ressources, à son rythme, c’est l’ambition du programme de réadaptation oncologique de la Ligue vaudoise contre le cancer (LVC). Encadré par des médecins et des soignants, le programme vise à soigner autant l’esprit que le corps.

Joachim Distel est un homme de nature souriante et affable. En 2020, en pleine pandémie, il est hospitalisé en raison d’un schwanomme, un nom imprononçable lié à une tumeur de la gaine du nerf responsable de l’audition et de l’équilibre. C’est une af fection non cancéreuse qui apparaît toutefois dans la liste des at teintes non oncologiques reconnues par la Ligue vaudoise contre le cancer (LVC).

Quand Florence Ovaert-Rinck, assistante sociale à la LVC, lui parle du programme de réadaptation oncologique, sa réaction est d’abord mitigée. « Je n’ai pas vraiment réagi, en tout cas ce n’est pas quelque chose qui m’a parlé du premier coup », se rappelle-t-il. « Mais c’est resté quelque part au fond de ma mémoire, je n’ai pas oublié. »

Car mener des activités en groupe le retient, « question de carac tère, sans doute ». Pour beaucoup de choses, il lui faut une deu xième fois, comme il le dit. Le déclic vient alors de son physiothé rapeute, qui lui recommande une cure de plusieurs semaines en clinique privée pour atténuer les effets de la lésion cérébrale laissée par la tumeur. Dans la balance, il se dit alors que peut-être finale ment, ce programme de réadaptation de la LVC est plus opportun. « Je me suis lancé, je me suis inscrit et avec le recul, je ne regrette vraiment rien ! »

UN PROGRAMME ENCADRÉ

Arrive le premier jour. C’est l’étape de la découverte, marquée par la curiosité face à la nouveauté. C’est aussi le moment de la ren contre avec les autres participants, et du partage avec eux autour de la maladie. « Qui sera là ? me suis-je dit... Mais dès les premiers instants, j’ai tout de suite eu confiance. » L’aventure débute par un entretien où l’on jette les bases d’un projet. Un des aspects du pro gramme qui le rassure immédiatement, c’est son encadrement mé dical. Il y a un côté théorique, avec des experts qui interviennent sur des sujets variés, mais il y aussi la réalité pratique, avec nombre de situations humaines vécues en groupe.

Tout se déroule en ambulatoire, sur une période de 12 semaines en continu, à raison de deux à trois activités par semaine ; ces activi tés couvrent des domaines comme la diététique, l’autohypnose, le renforcement musculaire ou encore la danse. Il y a également des activités en accompagnement individuel, telles que le conseil infir mier, la psycho-oncologie ou le soutien social spécifique.

POUVOIR S’APPUYER SUR LE GROUPE

« Il y a bien sûr eu des hauts et des bas ; une des participantes était très affectée psychiquement et a souvent pleuré, mais cela n’a pas déstabilisé l’équipe. Au contraire, avec le groupe, nous avons pu la soutenir et elle nous appelait finalement ses anges. »

Aujourd’hui, Joachim Distel se sent mieux, sa santé s’est stabili sée et il a recommencé à voyager, malgré encore quelques soucis d’équilibre et de vision. Son rêve est maintenant de se remettre au violoncelle, un instrument qu’il affectionnait particulièrement dans sa jeunesse. En dépit des épreuves de la maladie, il ne manque ja mais une occasion de manifester sa reconnaissance. « Grâce au sou tien dont j’ai pu bénéficier de la part de la LVC, ma période difficile a été une occasion de m’épanouir au sens thérapeutique. Cela veut dire réapprendre des tâches simples et regagner confiance en moi. Je me suis senti progresser. »

Joachim Distel admet que la confrontation aux autres l’a poussé à relativiser beaucoup de choses. Le fait d’être amené à les écou ter, d’entendre d’autres vécus de la maladie et de devoir du coup faire preuve d’empathie, était pour lui une expérience inédite qu’il n’aurait, dit-il, pas pu vivre ailleurs. Le parcours n’était pas de tout repos, sur le plan psychique notamment. « Mais il y avait quand même une boussole, avec des repères, notamment l’accompagne ment des psycho-oncologues. »

« Pour moi, le programme est un peu comme un puzzle, vous allez surtout chercher ce qui est pertinent pour vous ; ce n’est pas for cément quelque chose à suivre à la lettre, on vous laisse aussi le choix. » Et quand on lui demande quel a été son meilleur souvenir, il répond en riant : « Je vais peut-être vous étonner, cela m’étonne moi-même, mais c’était la danse. J’étais plutôt timide par rapport à cela, mais David* nous prenait tels que nous étions. Ce n’était pas grave si nous allions plutôt à gauche qu’à droite, nous n’avions rien à prouver et c’était essentiel pour moi, compte tenu de mes pro blèmes d’équilibre. »

Depuis le printemps 2022, la LVC a entrepris d’appeler les per sonnes qui ont pris part au programme de réadaptation onco logique pour prendre de leurs nouvelles et évaluer s’ils avaient encore des besoins :

→ 80 % évaluent leur santé comme meilleure qu’au moment de débuter la réadaptation

→ 85 % ont maintenu une activité physique

→ 70 % ont gardé un lien avec les personnes de leur groupe

* David Rodriguez, responsable des activités collectives de la LVC et danseur pro fessionnel ; il a lui aussi vécu l’épreuve du cancer.

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«
Le programme est un peu comme un puzzle, vous allez surtout chercher ce qui est pertinent pour vous. »

UNE INNOVATION MÉDICALE QUI DÉBORDE LES ASSURANCES

Toujours plus courant, le recours aux médicaments dits « hors étiquette » se voit traité de façon inégale par les assurances maladies. Un phénomène qui s’explique notamment par la situation de leurs médecins-conseils.

« L’égalité de traitement des assurés LaMal n’est pas garantie à l’heure actuelle. » Parmi les résultats d’un rapport d’évaluation commandité par l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) en 2020 *, cette conclusion révèle une faille longtemps sous-estimée du système de santé suisse. Dans le domaine des médicaments a priori non remboursés (dits aussi off-label ou « hors étiquette »), les patients se voient traités de façon inégale. Lorsque certaines condi tions sont réunies, la loi permet aux caisses maladies de rembour ser un traitement qui n’est pas inclus dans la « liste des spéciali tés » homologuée par la Confédération. Mais lorsqu’on leur soumet une situation clinique identique, les assurances réagissent de façon sensiblement différente. Les unes acceptent le remboursement, les autres pas, tandis que d’autres ne parviennent pas à se prononcer.

DES MÉDICAMENTS TOUJOURS PLUS PRESCRITS

Ce phénomène d’inégalité de traitement devant l’assurance ma ladie suisse touche particulièrement les personnes qui souffrent d’un cancer. Depuis plusieurs années, les oncologues prescrivent de plus en plus de médicaments off-label à leurs patients. Les pro grès de la médecine, avec des traitements toujours plus personna lisés, demandent de recourir souvent aux produits hors étiquette. Aujourd’hui, environ un tiers des adultes atteints d’un cancer re çoit des médicaments off-label. Et selon Thomas Cerny, oncologue et membre du Comité de la Ligue suisse contre le cancer, ce recours va devenir « la norme en oncologie ». Les cas d’inégalité de traite ment risquent donc fort de se multiplier à l’avenir.

Mais comment comprendre que notre système de santé, régulière ment vanté comme l’un des meilleurs du monde, aboutisse à une telle situation ? Chef de projet au sein de la Ligue suisse contre le cancer, Dimitri Kohler pointe une série de raisons. La première tient à la multiplicité des caisses d’assurances maladies : « La Suisse compte une cinquantaine de caisses maladies très hétérogènes. Certaines gèrent plus d’un million d’assurés. D’autres en comptent moins de 10 000. Cette situation implique des manières de travailler très diverses qui influencent le temps de réponse et la décision de remboursement face à une demande de prise en charge d’un mé dicament off-label » Selon la loi, toute assurance devrait répondre dans les deux semaines après l’envoi d’une demande de rembour sement par un médecin. Il n’est cependant pas rare que ce délai soit largement dépassé. Chacun sait pourtant que le temps d’attente pour recevoir un traitement joue un rôle crucial dans l’évolution d’un cancer.

DES ASSURANCES DÉPASSÉES PAR L’INNOVATION

En juin 2022, la Confédération a lancé une procédure de consulta tion qui doit permettre de réviser plusieurs ordonnances d’applica tion de la LaMal. Parmi les solutions soumises à examen, on trouve l’obligation pour les médecins-conseils des assurances d’utiliser un instrument d’évaluation commun, l’OLUtool (pour off-label use). Cet outil existe déjà, mais sans être systématiquement utilisé. Une telle contrainte devrait permettre de réduire la part de subjectivité dans l’évaluation des demandes de remboursement et, comme l’espère Dimitri Kohler, « d’arriver petit à petit à diminuer les inégalités de traitement ».

MÉDICALE

Derrière la diversité des caisses maladies se cache cependant une figure centrale du système d’assurance maladie suisse. Lorsqu’elles reçoivent une demande de remboursement pour un traitement hors étiquette, les caisses se tournent vers des médecins-conseils, qui émettent un avis sur la pertinence de la requête. Mais les compé tences de ces consultants sont extrêmement variées. Le médecinconseil sollicité par une assurance peut être rhumatologue, gastroentérologue, orthopédiste... Sa qualification relève rarement de l’oncologie. Face à une demande de traitement off-label contre le cancer, il doit alors prendre connaissance d’une littérature scienti fique très éloignée de son domaine. Parfois, il doit demander à son tour un avis auprès d’un autre spécialiste.

Cette cascade de démarches complique inéluctablement le proces sus de décision. La barrière du médecin-conseil frustre par ailleurs beaucoup les spécialistes du cancer qui prescrivent les traitements, et dont les compétences se voient éventuellement remises en cause par une consœur ou un confrère auquel ils n’ont, de surcroît, gé néralement pas accès. Un quart des demandes de remboursement de médicaments off-label se voit ainsi refusées : « Il y a un déca lage entre la médecine oncologique actuelle et cette fonction de médecin-conseil instaurée par la LaMal en 1996 », dit Dimitri Kohler, qui conclut : « Dans le domaine du cancer, nous avons au jourd’hui un système d’assurance qui n’est pas au niveau de l’inno vation médicale et doit être adapté. »

6 ENTRE NOUS – N O 50 – NOVEMBRE 2022
« Aujourd’hui, environ un tiers des adultes atteints d’un cancer reçoit des médicaments off-label. »
* « Évaluation de la prise en charge de médicaments dans des cas particuliers selon les articles 71a–71d OAMal : Rapport final 2020 » D r Wolfram Kägi, Miriam Frey et Thomas Möhr (BSS), Yvonne Bollag, Caroline Brugger (asim)

ŒUVRER POUR LA VIE PAR UN TESTAMENT

fin de vie et les dispositions testamentaires sont des sujets délicats à aborder. Pourtant, régler sa succession permet de garantir le respect de ses dernières volontés. La prochaine entrée en vigueur du nouveau droit successoral, qui offre plus de liberté pour disposer de sa fortune, peut être l’occasion de parler de ces questions sans tabou.

La Suisse est un pays généreux, où la culture du don est fortement ancrée dans la population. Cependant, moins de 1 % de tout l’argent transmis par héritage en 2021 est allé à des œuvres caritatives. Cette petite proportion s’explique peut-être par le fait que seule une personne sur cinq rédige un testament en Suisse. Sans doute en raison de la législation actuelle et parce que la mort reste un sujet délicat, voire tabou. Et pourtant, parler de fin de vie, de testa ment ou de dispositions en cas de décès est important. D’une part, car les proches sont au clair sur les volontés de la personne et sont déchargés de décisions parfois difficiles à prendre. D’autre part, parce qu’il est rassurant de savoir que tout est réglé et que nos der niers souhaits seront respectés. Comme celui de faire un geste pour la vie après notre mort.

PERPÉTUER LA VIE APRÈS LA MORT

De nombreuses personnes soutiennent une œuvre caritative dont les buts sont en accord avec leurs valeurs. Certaines souhaitent pouvoir poursuivre cette action après leur mort et continuer ainsi à œuvrer pour la vie. Et avec la réforme du droit successoral qui entrera en vigueur au 1er janvier 2023, ces personnes ont désormais une plus grande marge de manœuvre pour disposer de leur for tune, moyennant la rédaction d’un testament.

DAVANTAGE DE LIBERTÉ AVEC LA RÉFORME DU DROIT SUCCESSORAL

Fin 2020, les Chambres fédérales ont accepté la révision du droit des successions, vieux de plus de 100 ans. Ce nouveau droit s’appliquera pour toutes les successions de personnes décédées après le 31 dé cembre 2022. Il introduit plusieurs changements pour qui souhaite régler sa succession par un testament. Voici les plus importants :

→ Les descendants ont droit, de par la loi, à 25 % a minima de la fortune totale, contre 37,5 % auparavant, c’est ce qu’on appelle la part réservataire.

→ Les parents ne disposent plus d’une part réservataire ; le testa teur n’est donc plus obligé de leur léguer une partie de sa fortune. Ces changements impliquent que la quotité disponible, c’est-à-dire la part de fortune qu’une personne peut attribuer librement par testament à qui elle souhaite, est désormais plus importante. Il est donc conseillé, si l’on a déjà rédigé un testament, de le revoir à la lumière du nouveau droit.

NOUVEAU DROIT SUCCESSORAL À PARTIR DE 2023

Personne sans héritiers légaux

Personne avec conjoint

Personne avec conjoint et enfants

Sans testament 100 % vont à l'État Avec testament 100 % sont disponibles au libre choix

Sans testament 100 % vont au conjoint ou partenaire enregistré Avec testament 50 % vont au conjoint ou partenaire enregistré 50 % sont disponibles au libre choix

Sans testament 50 % vont au conjoint ou partenaire enregistré 50 % vont aux enfants ou petits-enfants et leurs descendants

Avec testament 25 % vont au conjoint ou partenaire enregistré

25 % vont aux enfants ou petits-enfants et leurs descendants

et enfants atteints du cancer, et offrir aussi un appui financier aux personnes que la maladie met dans des situations délicates. Par exemple cette femme atteinte d’un cancer du sein qui, licenciée et sans droit au chômage, est tombée à l’aide sociale. Sacré coup dur pour l’estime de soi, en plus de la baisse de revenu et donc des risques de paupérisation engendrés par cette situation. La LVC a soulagé cette personne en payant ses onéreux frais de traitements pour la repousse des cheveux et une partie des frais médicaux vi sant à améliorer son bien-être et sa qualité de vie (séances d’acu puncture et massage).

UN LEGS POUR AIDER À AIDER DURABLEMENT

Les legs testamentaires assurent un soutien durable et permettent d’aider encore davantage, c’est pourquoi la LVC propose un conseil personnalisé aux personnes qui s’interrogent sur la planification de leur succession. Ce conseil, délivré par le juriste de la LVC, est gra tuit et sans engagement. Il se fait de manière neutre et en toute transparence, conformément aux critères du label de qualité Zewo* dont est certifiée la LVC. Ce label implique également que les frais administratifs de la LVC sont bas et que l’argent va directement aux bénéficiaires et aux projets.

Yves Hochuli, juriste et directeur adjoint de la LVC, se tient à votre disposition pour vous conseiller et répondre à toutes vos questions (Yves.Hochuli@lvc.ch)

* Le label est attribué par la Fondation Zewo aux organismes à but non lucratif (OBNL) d’intérêt public récoltant des dons en Suisse et répondant à des critères de qualité précis et rigoureux. Pour en savoir plus : https://zewo.ch/fr/apercu-des-21-normes-zewo-condense-et-clair/

50 % sont disponibles au libre choix

NB : pour ce qui est de tous les autres parents, il n'y a dès 2023 pas de part réservataire et 100 % sont disponibles au libre choix

Les parts successorales légales, c’est-à-dire la répartition de la succes sion prévue par la loi en l’absence de testament, restent inchangées.

UN SOUTIEN À TOUS NIVEAUX

À l’instar d’autres organisations caritatives, la Ligue vaudoise contre le cancer (LVC) vit à 80 % grâce aux dons qui lui sont faits et sur 10 francs récoltés, 4 francs proviennent de legs ou d’héritages qu’elle reçoit par testament. C’est ce qui lui permet, depuis 62 ans, de mener à bien son action de proximité auprès des adultes

7 IMPRESSUM Directrice de publication Chantal Diserens Responsable éditorial Darcy Christen Graphisme LES BANDITS graphisme + illustration Crédits photo et illustration César
(p. 6)
Philippe Gétaz –philippegetaz.ch
Impression PCL
Tirage
FSC
Décoppet
LES BANDITS
;
(pp.2 à 5) ; LaKarulina (p.2, affiche gala) ; davidpeireras – Envato (couverture) Relecture et correction Christine Theumann-Monnier – relatif.ch Ont participé à la création de ce numéro Daniel Abimi, Pierre-Louis Chantre, Yves Hochuli, David Rodriguez, Christine Theumann-Monnier
Presses Centrales SA, Renens VD
16 400 exemplaires © LVC 2022
LVC – Ligue vaudoise contre le cancer Place Pépinet 1 – 1003 Lausanne – tél. 021 623 11 11 info@lvc.ch – www.lvc.ch UBS IBAN CH89 0024 3243 4832 0501 Y Rejoignez-nous sur Facebook ! POUR PLUS D’INFORMATIONS La

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8 ENTRE NOUS – N O 50 – NOVEMBRE 2022
www.lvc.ch
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