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ENTRE NOUS - NO 49 – juin 2022

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ENTR E NOUS N O 49 – juin 2022

SOMMAIRE ÉDITORIAL CANCER ET LIEN SOCIAL ENTRETIEN AVEC REBECCA RUIZ, CHEFFE DU DSAS ACCOMPAGNER TANT QUE LES PROBLÉMATIQUES SOCIALES DEMEURENT L’ART QUI GUÉRIT LORSQUE L’ART DEVIENT UN TUTEUR DE RÉSILIENCE

PORTRAIT D’UN PATIENT ARTISTE UNE FACON D’ÊTRE AU MONDE

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TRAVAIL SOCIAL EN MILIEU HOSPITALIER « MON CAUCHEMAR PROFESSIONNEL : ÊTRE PRIVÉE DE L’ASSISTANT SOCIAL DE LA LVC »

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VIVRE L’EXPÉRIENCE DU CANCER LES PATIENTS ONCOLOGIQUES SONT-ILS DES PERSONNES SPÉCIALES ?

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ÉDITORIAL CANCER ET LIEN SOCIAL La maladie affaiblit, souvent même elle appauvrit, et les maladies oncologiques sont hélas parmi celles qui fragilisent le plus. Et avec la guerre en Ukraine, les perspectives s’annoncent particulièrement difficiles. On pensait que les incertitudes nées de la pandémie de COVID-19 étaient derrière nous, arrivent maintenant celles en lien avec un conflit qui d’ores et déjà pèse sur les prix des biens de première nécessité. Ce sont évidemment – encore et toujours – les personnes en situation de précarité qui en souffrent le plus. Il est donc primordial que les acteurs sociaux puissent répondre présents face à ce nouveau défi, en particulier pour tous ceux qui ne remplissent pas les conditions d’accès aux prestations, ceux qui n’entrent pas forcément dans les « cases » prédéfinies. Dans ce numéro de notre journal, la conseillère d’État Rebecca Ruiz nous reçoit pour nous dire son attachement au partenariat public-privé qui existe dans notre canton en matière sociale. Et de souligner par la même occasion l’importance qu’elle accorde au soutien des proches aidants qui, comme les patients, doivent souvent faire preuve de beaucoup de résilience dans l’accompagnement d’un être cher souffrant de cancer. Peut-on d’ailleurs vivre un cancer avec résilience grâce à la peinture, le théâtre, la musique ou l’art contemporain ? C’est la question que nous avons posée à Corinne Schäfer et Maricel MarinKuan, deux patientes qui témoignent en page 4 du bien que leur font les activités créatrices pour surmonter l’épreuve d’un cancer du sein. Et en page 5, on retrouve Daniel Harriet, autre patient

artiste, qui nous explique comment la sculpture lui permet de simplement percevoir les choses plutôt que de les cogiter. Lorsqu’à la Ligue vaudoise contre le cancer (LVC) nous faisons un bout de route avec une personne atteinte de cancer, le secret de la réussite réside souvent dans un travail d’équipe avec les soignants que nous côtoyons, en particulier en milieu hospitalier. La page 6 relate la belle histoire de tandem entre Nathalie Divorne Formenton et Julien Grandjean, respectivement infirmière cheffe de l’unité d’oncologie hématologie et assistant social de la LVC à l’Hôpital de Morges. Leur interaction au quotidien est essentielle pour que les patients puissent se sentir, autant que possible, allégés par rapport à ce qui leur arrive. Le cancer paupérise, mais il isole également. En page 7, parole est donnée au Dr Michael Saraga. Il y offre un coup de projecteur sur l’enquête qu’il a menée en 2019 auprès d’une douzaine de femmes en rémission d’un cancer du sein, intitulée « L’isolement des survivants du cancer », et dont la LVC a assuré le financement. Récemment, nous avons appris avec tristesse le décès de JeanMichel Piccard, notre collègue assistant social qui a travaillé à la LVC à Vevey de 2011 à 2018. Nous gardons en souvenir son fort engagement, empreint de douceur, et nous adressons nos condoléances à sa famille et à ses proches. Faire un don à la LVC, c’est être à nos côtés pour nous permettre d’agir contre la stigmatisation, contre la précarité, contre l’isolement. Encore merci ! Chantal Diserens, directrice Ligue vaudoise contre le cancer

EN BREF

RECHERCHE TRANSLATIONNELLE ET ÉTUDES CLINIQUES AU CHUV

SE PROTÉGER DU SOLEIL, C’EST PAS SORCIER !

Avec le concours de l’Institut Ludwig de recherche sur le cancer, le Département d’oncologie UNIL-CHUV a massivement développé la recherche translationnelle en oncologie au cours des dernières années. Ce type de recherche – aussi appelée « recherche de transfert » – œuvre à concrètement transformer des découvertes scientifiques en traitements médicaux. Elle implique un dialogue permanent entre scientifiques et cliniciens, et nécessite un contexte de proximité avec les patients pour leur permettre de rapidement avoir accès aux derniers traitements disponibles. En cas de résistance aux cures homologuées, le Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV) propose 48 études cliniques ouvertes au recrutement. Votre médecin traitant pourra vous renseigner sur les possibilités et les critères d’intégration applicables.

La belle saison est là et on se réjouit de profiter du soleil qui nous fait tant de bien. Pour limiter les risques de cancer de la peau, la Ligue vaudoise contre le cancer (LVC) lance une campagne de prévention en musique. « Se protéger c’est pas sorcier » est le titre d’une chanson composée et interprétée par un artiste lausannois, Marco Zago, qui rappelle les bons gestes à adopter : se protéger systématiquement, car chaque coup de soleil augmente le risque de développer un cancer de la peau. La tête ainsi que le nez, les oreilles et la nuque sont particulièrement exposés et il est donc indispensable de les couvrir, ou de les protéger en appliquant un produit solaire. Et il faut surtout éviter l’exposition directe au soleil entre 11 et 15 heures !

Toutes les études cliniques ouvertes au CHUV et aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) : www.etudes-cliniques-oncologie.ch DC

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En cas de modification cutanée suspecte, il convient de consulter rapidement un médecin. Le cancer de la peau (mélanome) est le cinquième cancer le plus fréquent en Suisse. Il touche 3000 personnes par année. DC


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L’IMPORTANCE DU PARTENARIAT PUBLIC-PRIVÉ Le cancer est une maladie qui peut générer beaucoup de besoins en termes d’accompagnement social des personnes atteintes ou de leurs proches. Au moment d’entamer un nouveau mandat à la tête du Département de la santé et de l’action sociale du canton de Vaud, la conseillère d’État Rebecca Ruiz nous reçoit pour en parler. Enfin, une question me tient à cœur : celle des liens avec les assurances maladie, surtout lorsqu’il y a des problèmes de remboursement. Cela peut susciter parfois des batailles extrêmement difficiles, a fortiori quand on est déjà soi-même en bataille contre la maladie. C’est un sujet que je connais bien ; lorsque je présidais la section romande de la Fédération suisse des patients, nous avions souvent des situations de ce type.

COMMENT VOYEZ-VOUS LA COMPLÉMENTARITÉ ENTRE L’ÉTAT ET LES ORGANISATIONS CARITATIVES ? Nous avons la chance d’avoir dans notre canton un réseau dense, avec des assistants sociaux compétents et un partenariat public-privé qui fonctionne. À mes yeux, ce qui est important pour les patients, c’est qu’il y ait une grande clarté sur les domaines d’intervention de chacun. De manière plus large, et cela ne concerne pas que les malades du cancer, j’aimerais que l’appui social populationnel soit renforcé. La DGCS développe un projet appelé « Vaud pour vous », qui vise précisément à éviter des situations où des personnes n’ont pas connaissance de leurs propres droits, alors même qu’en facilitant leur accès à certaines prestations, on peut éviter qu’elles ne se paupérisent de manière durable.

SELON LE WORLD CANCER REPORT 2020 DE L’ORGANISATION MONDIALE DE LA SANTÉ (OMS), UN TIERS DES CANCERS POURRAIT ÊTRE ÉVITÉ AVEC DES MESURES DE SANTÉ PUBLIQUE PRISES PAR LES GOUVERNEMENTS. FAUT-IL EN FAIRE DAVANTAGE EN MATIÈRE DE PRÉVENTION ?

LE CANTON DE VAUD A BEAUCOUP INVESTI DANS LE DÉVELOPPEMENT DE THÉRAPIES INNOVANTES CONTRE LE CANCER, AVEC D’IMPORTANTES AVANCÉES SUR LE PLAN MÉDICAL. QU’EN EST-IL DU VOLET SOCIAL ? Selon moi, il faut continuer à massivement soutenir l’élaboration de nouvelles thérapies, en raison de l’épidémiologie du cancer, qui s’illustre par une augmentation des cas en lien avec le vieillissement de la population notamment. C’est indispensable d’essayer de guérir lorsque le mal est là, mais il y a aussi tout ce qu’on se doit de faire autour de la personne touchée, de sa famille et de ses proches. On sait à quel point il est nécessaire, lorsqu’on est atteint du cancer, d’être accompagné pour faire face aux difficultés que la maladie peut engendrer. On constate souvent une diminution du temps de travail de la personne concernée ou d’un proche qui s’en occupe, ou des couvertures perte de gain limitées à 80 % de l’ancien salaire. Les personnes risquent alors de s’endetter si elles n’arrivent plus à boucler leur budget. À cela, s’ajoutent des sentiments d’angoisse par peur de ne plus pouvoir faire face à leurs obligations. La dévalorisation, déjà ressentie pendant la maladie, se renforce davantage. Enfin, la famille souffre aussi. Grâce à un suivi social, les personnes concernées sont conseillées et aidées pour des questions de logement, de gestion de budget, d’appui administratif, de recherche de fonds auprès des fondations ou d’épuisement de proches. C’est pourquoi, sur le volet social, l’État s’investit notamment à travers la Direction générale de la cohésion sociale (DGCS) par des soutiens financiers à des associations comme la Ligue vaudoise contre le cancer (LVC). Nous avons aussi récemment renforcé le Service social du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV), qui par ailleurs accompagne des personnes qui ne sont plus malades du cancer, mais qui ont encore des besoins particuliers. Sur le plan cantonal, nous avons aussi le programme de soutien aux proches aidants, qui s’appuie sur une cinquantaine de partenaires. Un aspect important de ce programme est la relève à domicile que nous avons encore développée, pour pouvoir permettre aux proches de décompresser et de se reposer.

C’est un enjeu massif pour la santé publique, sachant qu’aujourd’hui la prévention est essentiellement entre les mains des cantons. Car il n’existe pas de loi fédérale, celle-ci ayant été rejetée par le Parlement il y a quelques années. Dans le canton de Vaud, nous avons une politique de prévention qui touche particulièrement les questions d’alimentation, d’activité physique et de tabagisme. Ces programmes sont régulièrement évalués et fonctionnent bien. Cependant, il s’agit de toucher les bonnes personnes, pas celles qui sont déjà conscientes du fait que l’activité physique est bénéfique, que ce n’est pas bien de manger trop sucré, trop salé… Mon intention est donc de veiller à atteindre les bonnes couches de la population, celles dont on connaît précisément les facteurs de risque et dont les origines sociales jouent un rôle déterminant dans la survenue de certaines maladies. Et là, c’est évidemment une mission centrale de l’État d’être capable de toucher ces publics en allant au plus près d’eux, en ayant des idées novatrices, en cassant les barrières qui empêchent l’accès à ces programmes. Et surtout, il faut éviter d’entrer dans la moralisation et la culpabilisation. Il y a aussi tout le volet sur les dépistages. Dans le canton de Vaud, nous avons actuellement deux grands programmes sous la responsabilité d’Unisanté, le Centre universitaire de médecine générale et santé publique : cancer du sein et cancer du côlon. Un nouveau projet pourrait, je l’espère, se mettre en place prochainement au CHUV autour du cancer du poumon, avec une équipe très motivée et des premières données scientifiques extrêmement intéressantes.

LA MORTALITÉ LIÉE AU CANCER BAISSE CONTINUELLEMENT DANS NOTRE PAYS, CE QUI AMÈNE DES BESOINS ACCRUS EN TERMES DE SUIVI PSYCHOLOGIQUE. COMMENT VOYEZVOUS CES DÉFIS POUR L’AVENIR ? Je partage votre constat que le pilier psychologique doit aussi être renforcé, mais on doit composer à ce stade avec une pénurie de personnel formé. Nous travaillons étroitement avec l’Université de Lausanne et plusieurs autres départements sur la formation pour susciter davantage de vocations dans ce domaine. Par ailleurs, nous avons établi des liens avec l’Association vaudoise des psychologues depuis que la Confédération a apporté des changements au modèle de prescription. Cela aura sans doute un effet bénéfique en termes d’accès à un suivi en psycho-oncologie pour les patients vaudois qui en auraient besoin. Propos recueillis par Darcy Christen


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LORSQUE L’ART DEVIENT UN TUTEUR DE RÉSILIENCE Dans L’Art qui guérit, le neurologue français Pierre Lemarquis raconte comment le travail artistique, mais aussi la fréquentation de l’art, peuvent aider face à la maladie. Témoignage de deux femmes qui vivent dans la région lausannoise et que l’activité créatrice a soutenues face au cancer du sein. Que l’art puisse épauler le travail de la médecine n’est pas tout à fait nouveau. Des cultures indigènes ancestrales à l’Antiquité grecque, l’idée que le chant, la musique, le théâtre ou la peinture ont des effets bénéfiques sur la santé relève de l’évidence. Mais comme le souligne Pierre Lemarquis au début de son livre L’Art qui guérit, ce point de vue revient aujourd’hui avec force. En 2019, un rapport de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) affirme que « l’art peut être bénéfique pour la santé, tant physique que mentale ». Selon l’organisation, « les interventions artistiques » viennent « complémenter les traitements médicaux plus traditionnels ». Le neurologue français, qui a notamment travaillé avec Boris Cyrulnik, précise que la position de l’OMS repose sur des centaines de publications scientifiques : « Les arts, dit Pierre Lemarquis en résumant le rapport, diminuent les effets secondaires… et s’avèrent parfois plus probants que les traitements usuels. »

L’ART SCULPTE NOTRE CERVEAU Mais comment ce mécanisme fonctionne-t-il ? Spécialiste en neuropsycho-pharmacologie, Pierre Lemarquis montre comment « l’art sculpte notre cerveau en modifiant son fonctionnement ». Pratiquer un art, mais aussi fréquenter des œuvres en allant au musée ou au spectacle, sécrète de la dopamine, l’hormone de l’élan vital, ou de la sérotonine, qui a des vertus antidépressives, ou encore de l’ocytocine, qui stimule l’amour et l’attachement. La peinture, le théâtre, la musique ou l’art contemporain produisent une action double : ils tonifient « en renforçant les circuits appropriés de cellules nerveuses pour nous permettre d’admirer et de créer une œuvre ». Mais ils « caressent » également notre cerveau « en stimulant le système du plaisir ». Pierre Lemarquis va même jusqu’à dire qu’une œuvre d’art « est pour notre cerveau comme une personne vivante avec laquelle il est possible d’interagir ».

S’IMMERGER DANS UNE PEINTURE L’Art qui guérit illustre son propos avec plusieurs exemples d’artistes dont l’art a joué un rôle de thérapie. Au 16e siècle, le peintre et graveur allemand Albrecht Dürer inaugure le genre de l’autoportrait en dessinant l’endroit du corps où il souffre. Au 19e, Charles Baudelaire distille son spleen en écrivant Les Fleurs du mal. Au 20e siècle, le spectateur d’un musée aurait trouvé la force de survivre à un infarctus en fixant un tableau du Catalan Antoni Tapiès. Contemporaine de ce dernier, la plasticienne Niki de Saint Phalle a surmonté les abus de son père en utilisant l’art comme « un tuteur de résilience ». Pierre Lemarquis raconte aussi comment les hommes-médecins des Amérindiens Navajos, qui vivent à l’ouest des États-Unis, immergent leurs patients dans une peinture de sable.

TROUVER REFUGE DANS SON ATELIER Pas besoin cependant d’aller chercher aussi loin pour se convaincre des effets bénéfiques de l’art, notamment contre le cancer. Résidente à Prilly, dans l’Ouest lausannois, Corinne Schäfer fabrique des colliers avec du verre de Murano, qu’elle travaille au chalumeau. « C’est ma bulle », dit cette ancienne assistante de 73 ans qui s’adonne à ce loisir depuis deux décennies. En 2020, 25 ans après une première tumeur au sein, la maladie réapparaît. La nouvelle

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l’ébranle, mais elle garde une distance et trouve refuge dans son atelier de Corseaux, près de Vevey, où elle va trois fois par semaine : « Quand je retrouve mon verre et mon petit monde fermé, je me sens protégée », dit la retraitée, que la situation a même « boostée » au point de se laisser aller, selon ses termes, « dans la déconnade ». En plus des perles, elle crée de multiples galets de verre en forme d’yeux : « J’ai commencé à les coller sur des morceaux de bois. Les gens se sont mis à rire autour de moi. Et finalement, c’était le but. »

CRÉER POUR DÉCANTER LA DOULEUR Cette dimension émotionnelle et sociale, que l’art favorise lorsqu’on le pratique ou le fréquente, rejoint l’expérience de la Lausannoise Maricel Marin-Kuan. Atteinte par un cancer du sein à 36 ans, elle commence par se révolter contre le vide relationnel dans lequel nous laisse le système de santé. Puis en 2013, avec la Coalition Europa Donna dont elle est devenue la responsable en Suisse romande, elle conçoit un « agenda » intitulé « Ma boussole ». Destiné aux femmes atteintes de la maladie, la brochure sert à la fois de mémo de ressources et d’instrument de partage. Des témoignages, des recommandations et des astuces personnelles y défilent. L’ouvrage est illustré par les œuvres intensément colorées d’une artiste colombienne, Malu Pulgarin. Et au sein de chaque chapitre, parmi différents thèmes, celui de la créativité est omniprésent. « J’ai intégré l’art dans l’agenda dans une perspective d’ensemble », dit la Colombienne, qui a également initié un atelier annuel d’art-thérapie. Des groupes de femmes y ont créé des matriochkas, ces poupées russes qui symbolisent une intériorité multiple qu’on découvre couche après couche. Le travail artistique était suivi de moments d’échanges, où chacune pouvait exprimer sa douleur et prendre conscience de ses ressources intérieures : « L’art n’a pas seulement à voir avec la beauté, il sert aussi à montrer la douleur », dit Maricel Marin-Kuan, qui place la création au même niveau que l’activité physique, dont les bienfaits sur le système immunitaire sont aujourd’hui connus. « Faire de la peinture ou de la céramique, par exemple, permet de décanter la douleur. On sort alors d’un état de souffrance chronique et on devient plus forte. »

UN ART À MULTIPLES BIENFAITS « Je travaillais déjà le verre bien avant la maladie, mais ces derniers temps, j’ai réalisé que c’était plus qu’un loisir », dit Corinne Schäfer. « Quand je tiens mon chalumeau, je ne pense à rien. Mon cerveau se vide. Et au bout d’un moment, si je regarde ma montre, je me rends compte que trois heures ont passé sans que je les voie. » L’artisane en verrerie décrit là une fonction supplémentaire de l’art, celle de nous plonger dans un état de méditation qui permet d’oublier, de s’échapper, de se pacifier. Sans doute Pierre Lemarquis parlerait-il ici de la mélatonine, qui exerce un effet d’hypnose et permet de passer des nuits sereines. De la force, de l’amour, du plaisir, de la paix et finalement, un bon sommeil... Décidément, quel bienfait les arts ne dispensent-ils pas ? Pierre-Louis Chantre L’Art qui guérit, Pierre Lemarquis, préface de Boris Cyrulnik, éditions Hazan, 2020. Illustration inspirée librement du tableau La Danse d’Henri Matisse, réalisé en 1910.


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UNE FAÇON D’ÊTRE AU MONDE Ancien marin devenu sculpteur, Daniel Harriet est atteint d’un cancer incurable du foie. Il explique comment l’art, l’amour et la perception lui permettent de vivre aujourd’hui sereinement avec sa maladie. Rencontre avec une personne lumineuse. « Je me suis dit : pourvu que ce ne soit pas ça. Et quand mon médecin me l’a annoncé, c’était ça. Alors je n’avais plus peur que ce soit ça, je le savais. Je me suis dit : pourvu que ça ne soit pas grave, mais en définitive, ça l’était. Donc je n’avais plus peur que ce soit grave. À chaque fois, je posais un peu la peur. » C’est ainsi, le sourire aux lèvres, que Daniel Harriet, 62 ans, raconte les étapes qui ont précédé le diagnostic : un double cancer, du côlon et du foie. C’était en octobre 2020.

SE TOURNER VERS LA VIE Aujourd’hui, Daniel n’a plus de cancer du côlon, mais son traitement de chimiothérapie contre le cancer du foie se poursuit. « Je l’aurai à vie, mais ce n’est pas un problème, je l’ai apprivoisé, ce cancer. Finalement, la maladie, ces cellules, c’est moi ; je suis la maladie. Donc si je me mets à lutter contre elle, je me mets à lutter contre une partie de moi-même. » S’il fait preuve d’une telle sérénité, il n’en a pas été immédiatement ainsi. À l’annonce du diagnostic, Daniel s’effondre. Puis voyant que toutes les personnes qu’il aime autour de lui s’effondrent également, il refuse cette fatalité et décide de changer de paradigme. « Je me suis dit que la façon dont je voyais les choses allait influencer la façon dont les autres les vivaient. Donc je me suis tourné vers la vie, je prends le présent. Et quand on s’occupe des autres, on a moins le temps de s’occuper de soi-même. C’est un soulagement ! » Et, en même temps que lui, son entourage a remonté la pente.

COMME L’ÉCHO DE LA MONTAGNE Cette posture de vie est essentielle, car pour Daniel, tout ce qu’une personne projette lui revient. Il convient donc, selon lui, de s’interroger sur ce que nous voulons rayonner et comment. « C’est comme si vous allez en montagne et vous criez : je t’aime, je t’aime… Et puis la montagne, elle vous le dit aussi : je t’aime, je t’aime… » Une image certainement pas choisie au hasard, puisque c’est l’amour qui, il y a 35 ans, a poussé Daniel à quitter son Pays basque natal pour s’établir en Suisse, dont il a embrassé la nationalité. C’est également l’amour qui le motive au quotidien : « L’amour fait du bien à celui qui le porte. Donc si on veut faire quelque chose pour les autres, il faut les mettre en situation d’aimer, c’est-à-dire s’installer soi-même dans l’amour et laisser celui-ci se développer. Et quand on aime, on perçoit beaucoup plus, et beaucoup plus finement. »

LA PERCEPTION POUR MAÎTRE-MOT La perception… Elle accompagne Daniel Harriet depuis toujours. Tout au moins depuis le jour où, il y a 40 ans, il décide de quitter son métier de marin et atterrit dans une carrière. C’est là qu’il découvre le travail de la pierre, grâce à un graveur de passage, qui lui permet de trouver un emploi dans une marbrerie. Sculpteur, Daniel l’est toujours aujourd’hui, même si la maladie l’empêche de pratiquer sa passion à titre professionnel. Reste la perception : « La sculpture, c’est juste un médium pour exprimer une certaine curiosité,

un certain regard sur les choses, dénué de jugement. C’est plus un état d’esprit qu’un acte, c’est une façon toujours neuve d’appréhender les choses. En tant qu’artiste, on perçoit les choses plutôt que de les cogiter. Avec le mental, on est dans les schémas, dans le préfabriqué, à travers ce qu’on nous a dit et ce qu’on a vécu. Mais ce n’est pas ce qu’on vit. Tandis que la perception, c’est tout ce qu’on vit. » Cette façon d’être au monde s’est encore aiguisée avec la maladie, puisque le temps ne se conjugue plus au futur. Un exemple : en arrivant à l’hôpital pour sa première chimiothérapie, Daniel perçoit immédiatement l’empathie et la générosité du personnel soignant. « Je me suis dit : wow, c’est le paradis ici ! Et au lieu de penser que j’allais avoir une chimio qui allait me pourrir le corps, je me suis dit non, ici, ils vont m’envoyer du nectar. Suivant comment on voit les choses, elles se manifestent – pour soi. » Hasard ou réalité ? Toujours est-il que Daniel fait partie des 5 % de personnes à avoir peu d’effets secondaires.

EN PAIX AVEC LA MORT Et la mort ? Daniel n’en a pas peur, il la voit comme quelque chose de naturel. Pendant 40 ans, il a sculpté quantité d’ornements pour des tombes. « J’ai pu voir comment fonctionnent les gens, qui a de la peine, pourquoi, quelles sont les stratégies pour survivre à ça. Et tout ça m’a sans doute forgé une façon de voir les choses qui me met en paix avec la mort. De toute façon, on a tous une échéance. Après, c’est une question de temps. Mais plus on est dans le présent, plus le temps n’existe pas. Pour le moment je vais bien, et c’est donc la seule chose qui est réelle. » Le sculpteur voit la vie comme un changement permanent avec lequel il faut vivre. Pour lui, ne pas vouloir mourir, c’est ne pas vouloir que ça change. C’est pourquoi il ne s’attache qu’à ce qui, selon lui, ne change pas : la perception. Il n’a ainsi « aucune raison de s’inquiéter ». Et d’ajouter, non sans humour : « Je suis curieux et tant que je peux découvrir quelque chose, je suis content. D’une certaine manière, j’appréhende la mort un peu comme ça, comme une expérience. Je vais découvrir enfin ce que c’est ! »

HEUREUX JUSQU’AU BOUT Quand il évoque ses deux enfants adultes, pour qui l’épée de Damoclès suspendue sur la tête de leur père est difficile à accepter, Daniel Harriet déclare, toujours avec la même expression lumineuse dans les yeux : « On apprend à vivre à ses enfants. On peut aussi leur apprendre à mourir. Et si un jour ils devaient être confrontés à ça, au moins ils auront eu l’expérience qu’on peut vivre bien jusqu’au bout, ne pas céder un centimètre de terrain au malheur. Je crois qu’on peut être heureux jusqu’au bout, et je pense que c’est bien parti dans mon cas. » Christine Theumann-Monnier


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« MON CAUCHEMAR PROFESSIONNEL : ÊTRE PRIVÉE DE L’ASSISTANT SOCIAL DE LA LVC » Infirmière cheffe de l’unité d’oncologie hématologie à l’Hôpital de Morges*, Nathalie Divorne Formenton accompagne depuis plus de 25 ans des personnes atteintes de cancer. Elle évoque l’importance de mettre le patient au centre des préoccupations et le rôle essentiel que joue l’assistant social de la Ligue vaudoise contre le cancer (LVC) au sein de son unité. pense Nathalie Divorne Formenton de cette présence ? « Je serais perdue si Julien n’était pas là. En tant qu’assistant social, il porte une attention compétente et spécialisée sur tout ce qui touche aux aspects sociaux de la prise en charge. Je sais ainsi que, dans l’évaluation que je vais faire d’une personne, si j’ai des signaux d’alerte qui se mettent en place, j’ai un professionnel compétent qui va prendre le relais pour ces aspects sociaux que je ne maîtrise pas. Je peux donc me concentrer sur ce qui relève directement de ma profession. » Nathalie Divorne Formenton souligne également la posture de non-soignant de l’assistant social, qui apporte un autre éclairage sur les différentes situations, puisque les patients expriment souvent auprès de lui d’autres émotions, questionnements ou craintes qu’à l’équipe soignante. Une complémentarité qui fait de l’assistant social de la LVC un maillon spécifique et indispensable de la prise en charge oncologique.

LA RÉACTIVITÉ, PLUS-VALUE MAJEURE S’il soulage le travail des soignants, l’assistant social de la LVC est avant tout une ressource essentielle pour les patients. Pour Nathalie Divorne Formenton, sa valeur ajoutée, c’est sa connaissance de la situation du patient en raison de sa présence au sein de l’hôpital même, ainsi que sa connaissance de la maladie, qui lui permettent de réagir sans délai. « Dès qu’un nouveau patient arrive, Julien est apte à faire rapidement le tour de sa situation, il sait quels impacts va avoir la maladie dans différents domaines et peut identifier les besoins que cette personne pourrait avoir. Puis il va aider à la mise en place de solutions. Il ne se substitue pas à nos patients, bien sûr, mais il a une capacité d’accompagnement qui est juste extraordinaire ! » Ainsi, dans le cas d’une mère de jeunes enfants qui doit se rendre deux fois par semaine en traitement, l’assistant social va immédiatement chercher une solution de garde si aucune n’est déjà prévue. Une réactivité qui contribue à soulager un peu les patients et leurs familles. « Nos patients vivent des angoisses multiples qui se situent à plein de niveaux de leur vie : leur santé bien sûr, leur famille, leur couple, leur travail et donc leurs revenus, leur place dans la société en tant que malades, etc. Afin qu’ils puissent gérer ce qui leur arrive et assumer tous les traitements, il faut qu’ils puissent se sentir allégés sur certains aspects. » Quand on a une passion dans la vie, on y revient toujours. Il en va ainsi de Nathalie Divorne Formenton et de l’oncologie. Même après plus de 25 ans passés à soigner des patients atteints de cancer, son enthousiasme reste intact. « Ce qui me motive depuis toujours, c’est le lien, la rencontre, l’humain en face de moi, ses difficultés, ses problématiques et toutes ses ressources ». Une rencontre qui peut être intense parfois, mais elle sait garder un niveau d’implication équilibré vis-à-vis du patient, pour alimenter sereinement le lien qui se tisse avec lui au fil des traitements.

LA MARGUERITE ET SES PÉTALES Le lien… Avec l’accueil, c’est l’une des deux choses fondamentales dont le patient a besoin pour pouvoir se sentir en sécurité, estime Nathalie Divorne Formenton. « Si le patient se sent accueilli et reconnu en tant que personne dans toutes les phases de sa prise en charge, le lien peut se créer, et de là, la confiance naître. » Cela implique de placer le patient au centre et de le considérer comme le meilleur expert de lui-même ; car il doit pouvoir travailler en vrai partenariat avec tous les intervenants impliqués dans son suivi. Et Nathalie Divorne Formenton d’illustrer sa pensée par une image poétique : « C’est comme une marguerite : le patient en est le cœur et tous les intervenants autour de lui en forment les pétales. On se déploie de manière à lui faire de l’ombre quand il y a trop de soleil ou de le mettre au soleil quand il y a trop d’ombre et que c’est difficile. Et on avance ainsi ensemble jusqu’où il faut avancer. »

UN MAILLON SPÉCIFIQUE ET INDISPENSABLE Parmi ces pétales, Julien Grandjean, l’assistant social de la Ligue vaudoise contre le cancer (LVC) basé à l’Hôpital de Morges, dont le bureau se trouve au cœur de l’unité d’oncologie hématologie. Membre à part entière de l’équipe interdisciplinaire, il participe chaque semaine au colloque où médecins, infirmières et infirmiers ainsi que psycho-oncologue discutent des nouveaux patients. Que

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SOUTENIR LES PROCHES Les assistants sociaux de la LVC jouent, souvent dans l’ombre et parfois hors de leur temps professionnel, un rôle de soutien pour les proches, et notamment les proches endeuillés. Il arrive qu’après avoir accompagné un patient et sa famille, l’assistant social passe voir le proche en deuil. Nathalie Divorne Formenton en a eu connaissance parce que des proches lui ont raconté combien cette visite avait été importante pour eux. « Que quelqu’un se soucie d’eux, c’était comme s’il y avait encore une continuité, m’ontils dit ».

UNE SACRÉE CHANCE Nathalie Divorne Formenton se sent privilégiée de pouvoir collaborer avec un assistant social de la LVC. Elle avoue même : « Mon cauchemar professionnel, ce serait d’être privée d’assistant social ; que du jour au lendemain, cette prestation n’existe plus et que nous devions faire sans. Car elle est réellement indispensable dans notre travail au quotidien et bien sûr pour nos patients qui en bénéficient. C’est une sacrée chance ! » Christine Theumann-Monnier * Ensemble hospitalier de la Côte (EHC)


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LES PATIENTS ONCOLOGIQUES SONT-ILS DES PERSONNES SPÉCIALES ? Faut-il considérer les personnes cancéreuses comme des combattants héroïques ? Coauteur d’une étude financée par la Ligue vaudoise contre le cancer (LVC), Michael Saraga, psychiatre au CHUV, analyse un discours qui s’est imposé aux États-Unis et pourrait devenir commun en Europe. Les personnes atteintes par un cancer sont-elles des gens comme les autres ? Est-il juste de les considérer comme des patients ? Ne faudrait-il pas plutôt parler de combattants ou de héros ? Aussi perturbantes qu’elles puissent paraître, ces questions trouvent aujourd’hui un écho important aux États-Unis. Une nouvelle manière de désigner les patients oncologiques semble même y avoir pris une place dominante. Selon ce discours, les patients oncologiques, qu’ils aient survécu à un cancer ou vivent avec la maladie stabilisée, ne devraient pas être considérés comme des victimes. Il faudrait les voir comme des survivors, des survivants, dont le courage devrait être dûment célébré. Dans sa version radicale, cette philosophie implique que le cancer, en fin de compte, peut se voir comme une opportunité à saisir... Une expérience existentielle qui offre la possibilité de se reconstruire mieux qu’avant.

UN CODE DE L’OPTIMISME DISCUTABLE Dans un article paru en 2018 dans la revue scientifique française Psycho-oncologie, Michael Saraga et ses co-auteurs soulignaient le poids que ce « concept du survivorship » pouvait représenter pour les patients : « Ce discours est susceptible de générer une nouvelle normativité en imposant un code de l’optimisme très contraignant ». Le développement d’un discours optimiste sur le cancer peut se comprendre au vu des derniers progrès de la médecine : aujourd’hui, de plus en plus de personnes guérissent du cancer ou vivent avec un état stable, notamment grâce aux nouveaux traitements tels que l’immunothérapie. Mais focaliser sur cette possibilité de survie peut créer « une injonction », celle de devoir « rester positif » quelles que soient ses souffrances. Tout le monde ne se reconnaît pas dans cette posture. Et si un tel discours devient dominant, en particulier au sein du monde médical, il peut entraîner des conséquences psycho-sociales dommageables auprès des malades qui n’y adhèrent pas. Anticiper les effets potentiellement négatifs du discours de la survivance ne doit cependant pas empêcher de voir ce qu’il a apporté. Le mouvement du survivorship est né aux États-Unis au milieu des années 1980, au sein d’un groupe de patients et de professionnels de soins : « Leur propos avait sa raison d’être », note le psychiatre. « Ces personnes avaient la volonté de se faire entendre à une époque où il y avait peu de reconnaissance pour ce que le cancer représentait. Il y a trente ans, la médecine ne se préoccupait guère des conséquences physiologiques, psychiques et sociales de la maladie et des traitements. »

phénomène du survivorship à une philosophie néolibérale à l’américaine. » L’idée que « ce qui ne nous tue pas nous rend plus forts » est ancrée dans la culture occidentale depuis très longtemps. Et puis le mouvement du survivorship a quand même été une invitation à parler. Quand on vit dans une culture du silence, comme dans le canton de Vaud, il ne faut pas oublier de lui reconnaître ce mérite. » Pierre-Louis Chantre

IMPRESSUM Directrice de publication Chantal Diserens Responsable éditorial Darcy Christen Graphisme LES BANDITS graphisme + illustration Crédits photo et illustration César Décoppet – LES BANDITS (p. 4,) ; Drazen_ – iStock (p. 7) ;

Philippe Gétaz – philippegetaz.ch (pp. 5 et 6) ; Ridofranz – iStock (p. 2 bd) ; seventyfourimages – Envato (couverture) ; Jean-Bernard Sieber – arcphoto.ch (p. 3) ; Gilles Weber – CHUV (p. 2 bg) Relecture et correction Christine Theumann-Monnier – relatif.ch

Ont participé à la création de ce numéro Pierre-Louis Chantre, Julia Dao, Christine Theumann-Monnier Impression PCL Presses Centrales SA, Renens VD Tirage XXX exemplaires © LVC 2022

UNE INJONCTION AU MUTISME Cette vertu collective et participative est apparue avec évidence à Michael Saraga et à ses coauteurs après une enquête menée en 2019, dans la foulée de leur premier constat. Financée par la Ligue vaudoise contre le cancer (LVC), les chercheurs ont réuni à Lausanne une douzaine de femmes en rémission d’un cancer du sein depuis plusieurs années. La question principale était de voir si elles avaient été confrontées au discours de la survivance. Intitulé « L’isolement des survivants du cancer », l’étude suggère que c’est loin d’être le cas. « Les femmes que nous avons réunies se sentaient très étrangères au discours de la survivance, dit Michael Saraga. Elles se sont plutôt présentées comme des personnes profondément marquées par ce qui leur était arrivé. Et de façon générale, ce qu’elles avaient traversé restait extrêmement douloureux. » Les entretiens ont par ailleurs montré que le cancer avait projeté toutes ces femmes dans un grand isolement. « Elles avaient le sentiment d’avoir vécu une expérience que personne autour d’elles ne pouvait comprendre et d’avoir été obligées de s’enfermer dans le mutisme. Il est compliqué de voir si ce silence leur a été imposé ou si elles s’y sont astreintes elles-mêmes en anticipant qu’elles risquaient d’être rejetées. Toujours est-il que leurs émotions à ce sujet étaient encore très à vif. » Il semblerait donc que la Suisse ne soit de loin pas encore imprégnée du discours américain sur le survivorship. Et plutôt qu’une injonction à l’optimisme, peut-être est-ce toujours une injonction à se taire qui prévaut dans la culture helvétique. « Il n’est pas faux de souligner la violence que peut générer un code de l’optimisme », conclut Michael Saraga. « Il faut cependant éviter de réduire le

POUR PLUS D’INFORMATIONS LVC – Ligue vaudoise contre le cancer Place Pépinet 1 – 1003 Lausanne – tél. 021 623 11 11 info@lvc.ch – www.lvc.ch UBS IBAN CH89 0024 3243 4832 0501 Y Rejoignez-nous sur Facebook !

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