Extrait "Théâtre en classe entière" de Freddy Bada

LE THÉÂTRE EN CLASSE ENTIÈRE

De la lecture au jeu

FREDDY BADA

LE THÉÂTRE EN CLASSE ENTIÈRE

ACTES SUD-PAPIERS

Direction éditoriale : Claire David

Également disponible en livre numérique

© ACTES SUD, 2024

ISSN 1264-0646

ISBN 978-2-330-18859-7

LE THÉÂTRE EN CLASSE ENTIÈRE

de la lecture au jeu

Freddy Bada

À mes élèves d’hier et d’aujourd’hui.

À mon ami Christian Robinet pour son aide précieuse.

Car enfin, si Vincent, Chéreau et Miquel ont commencé le théâtre dans les classes du lycée Louis-le-Grand, c’est donc qu’existe un lien puissant entre l’enseignement et le théâtre. C’est que la classe pourrait, devrait être un théâtre. C’est qu’un lycéen est un Scapin qui s’ignore, à moins que déjà il ne se sente un peu Géronte avant l’heure. À moins au contraire qu’il ne soit précisément, à dix-sept ans, Léandre. C’est que l’on peut apprendre, et faire, en même temps comme si on était amoureux. Peut-être, après tout, devient-on metteur en scène pour garder l’esprit du coup de foudre, c’est-à-dire la surprise du plateau. Peut-être que le théâtre, c’est avant tout cela : ne pas sortir de l’adolescence, y demeurer à l’infini.

Catherine Clément

PROLOGUE

POUR QUI ? POUR QUOI ?

“Être aimé”, que l’on soit amateur ou professionnel, jeune ou moins jeune, c’est cela que le théâtre donne. Ce sentiment d’amour et de certitude ainsi que la satisfaction d’avoir pu aller au fond de soi-même avec délice et jubilation.

Alain Héril, Dominique Mégrier

Si l’on doit se féliciter que des écoles organisent, le plus souvent avec bonheur, des représentations théâtrales en fin d’année scolaire devant un public de parents et d’amis, qu’il soit bien clair que ce n’est pas de cela que je vais parler dans cet ouvrage. Avec tout le mérite qu’il faut leur accorder, il n’en reste pas moins que ces spectacles ne concernent que quelques élèves, souvent issus de classes différentes, choisis la plupart du temps pour leurs dispositions naturelles à jouer un rôle. Soit les plus doués, les plus spontanés, les plus volontaires. Je vais ici parler des pratiques théâtrales en tant qu’outils d’apprentissage. Ceci à l’intention des professeurs de français qui ont comme mission 11

de permettre à tous leurs élèves de s’exprimer avec justesse, aisance et naturel, dans quelque situation que ce soit.

Par ailleurs, pour éviter toute confusion, j’évoquerai le jeu dramatique au sens large, et non dans le sens défini par Jean-Pierre Ryngaert. Pour lui, le jeu s’exerce avant tout dans des exercices d’improvisation à partir de canevas, utiles certes pour développer certains savoir-faire et dynamiser un groupe, mais limités dans la connaissance du réel et du monde. Par leur nature même, ils tendent en effet “à reproduire des situations connues, à fixer des habitudes déjà acquises, à entériner des schémas déjà existants”. Jean-Pierre Ryngaert précise d’ailleurs que “pour que le jeu puisse devenir un moyen d’expérimentation et d’élaboration de nouvelles connaissances, il doit effectuer un saut qualitatif d’importance qui le rapprocherait alors de l’art” (Le Jeu dramatique en milieu scolaire, p. 18). Pour moi, le jeu dramatique se fait au départ d’un texte.

Mais justement ! Si les professeurs s’accordent généralement à reconnaître le bénéfice des pratiques théâtrales, ils rencontrent pour la plupart des difficultés à les développer en classe entière. Parce que, le plus souvent, leur formation de base ne les y a pas préparés. Devant leur manque d’expérience, devant le nombre d’élèves à gérer, et parce que ces pratiques demandent, outre des savoirs et savoir-faire précis, des qualités d’audace et d’imagination particulières, ils se sentent dès lors en insécurité.

Si j’entreprends d’écrire cet ouvrage, c’est parce que, comme enseignant en didactique et en communication pour de futurs professeurs, et comme conseiller pédagogique pour l’ensemble du cycle secondaire (11-18 ans) en Belgique, j’ai trop souvent constaté ce manque de formation et d’audace. Mais aussi parce que, fort d’avoir pratiqué moi-même le théâtre comme comédien et metteur en scène, j’ai œuvré ces dernières années pour remédier à ces carences lors de formations données dans le cadre de la formation continue des professeurs de l’enseignement secondaire. Je livre ici le fruit d’une longue et double expérience.

Mon but est donc d’aider les professeurs qui se sentent démunis à oser aborder les pratiques théâtrales dans les apprentissages qu’ils construisent. D’aider de même les professeurs plus avertis à les développer. D’aider enfin les élèves, ainsi accompagnés par leurs professeurs, mais aussi, pourquoi pas, déjà curieux d’autonomie, à développer des compétences dans un domaine devenu d’une importance capitale : celui de la communication.

Pratiquer le théâtre donc, non pour lui-même, non pour former de futurs comédiens (encore que tout soit possible), mais parce que, au départ d’un texte de qualité, le jeu dramatique s’avère être un outil d’apprentissage scolaire exceptionnel pour le développement personnel des élèves. Et cela pour plusieurs raisons.

Et si la pratique du théâtre en classe entière permettait à la fois d’accompagner les élèves dans leur développement personnel et d’acquérir des compétences visées en cours de français, comme comprendre, lire, s’exprimer à l’oral ?

Dans ce guide à l’usage des professeurs, Freddy Bada délivre de nombreux outils, concrets et applicables, destinés à mettre en place cette pratique dans les classes du secondaire, sans formation spécifique ou moyens particuliers. À l’aide d’un corpus de textes dont il synthétise l’analyse, de plusieurs exercices et de méthodes consacrées, Freddy Bada propose une technique qui fait coïncider jeu théâtral et apprentissage scolaire.

Une méthode pour tous les professeurs de français du collège et du lycée, ainsi que ceux qui souhaitent animer des ateliers théâtre.

FREDDY BADA

Freddy Bada a été professeur de français, conseiller pédagogique, puis inspecteur pour la nomination des jeunes professeurs de l’enseignement catholique. Depuis 2018, il dirige l’atelier théâtral à l’UTAN (Namur).