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Quel bilan au Luxembourg ?

The Economy

RECOMMANDATIONS DE L’OCDE

Pour en finir avec les vœux pieux

TEXTE Nicolas Liebgott, Affaires économiques, Chambre de commerce PHOTOS SIP / Jean-Christophe Verhaegen

«L’invasion russe en Ukraine a en effet profondément bouleversé le cycle économique, avec des conséquences majeures sur la croissance mondiale, et le Luxembourg n’y échappe pas. »

Perspectives de croissance, secteurs économiques clés, problèmes structurels de l’économie, solutions pour les résoudre: le Luxembourg est passé fin 2022 sous la loupe des équipes de l’OCDE pour une analyse économique approfondie. Retour sur ces recommandations et les actions à mettre en place en 2023.

Sans surprise, l’Organisation de Coopération et de Développement Économique (OCDE) a pointé du doigt les défis majeurs que rencontre l’économie luxembourgeoise et sur lesquels la Chambre de Commerce alerte depuis plusieurs années. Citons pêle-mêle : indexation automatique des salaires, système de retraites non soutenable ou lourdeur administrative. Ceux-ci impactent les finances publiques de l’État et la compétitivité des entreprises dans un contexte de crise et alors que la dette publique risque de s’envoler dans les années à venir, se rapprochant du seuil symbolique des 30%. Dans un contexte d’inflation galopante, où les entreprises sont de moins en moins confiantes - 45 % des chefs d’entreprises craignent que l’environnement économique ait des effets négatifs sur leur activité en 2023 selon le dernier Baromètre de l’Économie -, l’étude de l’OCDE sonne comme un signal d’alarme. Ces travaux ont d’ailleurs été présentés au Gouvernement luxembourgeois par le secrétaire général de l’organisation, Mathias Cormann, le 17 novembre 2022, en présence des ministres de l'Économie, des Finances, de l'Énergie et de l'Aménagement du territoire.

Un climat économique fait d’incertitudes qui rend les réformes nécessaires

pandémie de Covid-19 avec un ralentissement modéré du PIB en 2020 comparativement à d’autres pays et une reprise rapide et forte en 2021 avec un taux de croissance du PIB réel de 5,1% et un taux de chômage à un niveau historiquement bas, à moins de 5%.

Ce redémarrage économique s’est toutefois arrêté. L’invasion russe en Ukraine a en effet profondément bouleversé le cycle économique, avec des conséquences majeures sur la croissance mondiale, et le Luxembourg n’y échappe pas. Avec 27,2% de son gaz naturel et 21,6% de son pétrole importés de Russie en 2020, le Grand-Duché est impacté, à l’instar d’autres États européens, par une hausse des coûts de l’énergie. À ceci s’ajoute une pression supplémentaire sur les chaînes d’approvisionnement de certaines matières premières, déjà perturbées par des conteneurs bloqués dans des ports asiatiques depuis la crise de la Covid. Les prix étant alors marqués par de vives hausses.

Dans sa dernière note de conjoncture publiée en décembre 2022, le STATEC revoit à la baisse les perspectives économiques pour le Luxembourg. Le scénario central prévoit une inflation de 6,4% pour 2022, 3,4% pour 2023 mais surtout une croissance du PIB en volume de seulement 1,5% en 2023. Croissance qui ne permet pas de viabiliser à long terme le modèle luxembourgeois de pensions, dont la soutenabilité repose sur une

«De manière générale, et dans un contexte où les crises s’enchaînent ces dernières années, il est recommandé au Luxembourg de renforcer sa résilience face aux risques. »

croissance annuelle de 3% à 4%. Le taux de chômage devrait rester plus ou moins stable, en hausse de 0,3 point seulement pour cette année par rapport à 2022.

Si le choc inflationniste paraît moins important au Luxembourg, en raison de son économie orientée majoritairement autour des services, moins énergivore donc, il n’en demeure pas moins que les entreprises luxembourgeoises, comme le souligne l’OCDE, subissent une double peine. Matérialisée d’abord par une hausse subie des coûts, mais aussi une indexation automatique des salaires, système caractéristique du Luxembourg, qui veut que lorsque l’indice des prix à la consommation augmente de 2,5%, les salaires et traitements suivent dans les mêmes proportions. Autant dire que cela devient vite un désavantage compétitif pour les entreprises présentes sur le territoire dans une telle spirale inflationniste, et que cela tend à aggraver celle-ci.

Repenser les réponses aux crises actuelles et à venir

Si le rapport de l’OCDE reconnaît que les mesures de soutien ont permis de maintenir le pouvoir d’achat des ménages et la résilience des entreprises, cela ne s’est pas fait sans coût pour les finances publiques. Une des principales raisons en est la mise en œuvre de mesures de soutien aux entreprises et aux ménages, non ciblées, pour lesquelles l’État dépensera plus d’un milliard d’euros entre fin 2022 et l’année 2023 d’après les calculs de l’OCDE. Alors que la programmation financière pluriannuelle 2022-2026 prévoit un déficit record de 2,8 milliards d’euros pour 2023, le deuxième plus haut de l’histoire du pays, la Chambre de Commerce insiste de longue date pour mieux cibler les aides à destination des ménages et entreprises qui en ont le plus besoin. Rejoint en ce sens par l’OCDE, qui a insisté sur ce point devant les ministres luxembourgeois lors de sa présentation: «Le défi le plus urgent pour le Luxembourg est de maîtriser les tensions inflationnistes, qui devraient perdurer. Les subventions aux investissements favorisant l’efficacité énergétique et les allocations en faveur des ménages défavorisés constituent des mesures préférables au plafonnement des prix, car mieux ciblées». De manière générale, et dans un contexte où les crises s’enchaînent ces dernières années, il est recommandé au Luxembourg de renforcer sa résilience face aux risques.

Des réformes structurelles pour renforcer la compétitivité de l’économie

Un des points principaux de la synthèse fournie par l’OCDE concerne le système d’indexation automatique des salaires. Ce dernier, s’il permet de maintenir le pouvoir d’achat des ménages, nuit grandement à la compétitivité des entreprises luxembourgeoises et renforce surtout la spirale inflationniste. Les entreprises pourraient à leur tour compenser cette hausse des salaires par une hausse des prix aux consommateurs, ce qui risque de les impacter d’autant plus dans un système concurrentiel et alors que peu de pays ont un pareil système en Europe. L’inflation haute qui s’installe fait planer la menace de deux voire trois indexations automatiques des salaires en 2023. S’ajoute à cela pour les entreprises la hausse du salaire social minimum depuis le début de l’année.

Pour l’OCDE, une réforme de ce système singulier permettrait d’avoir un impact positif sur la productivité, l’emploi et l’investissement. La Chambre de Commerce appelle de longue date à une réforme de ce mécanisme, et cela autour de deux éléments principaux. Le premier, que ce système ne soit échu que si et seulement si les entreprises ont réalisé des gains de productivité suffisants. Actuellement, ce système est particulièrement injuste pour les entreprises qui voient les salaires augmenter en fonction principalement du coût de la vie et non pas d’une amélioration de la productivité des salariés, fait rare dans le monde économique. Le deuxième : dans un contexte d’inflation poussée par une hausse du prix des énergies fossiles, la Chambre de Commerce souhaiterait également que le calcul de l’indice des prix tienne compte des enjeux environnementaux en faisant peser à la