Descriptif Si la chute d' Acre en 1291, dernière citadelle des croisés en Terre Sainte, met fin à l' expérience politique du Royaume latin de Jérusalem, elle ne représente pas pour autant une césure dans la pratique du pèlerinage...
moreDescriptif Si la chute d' Acre en 1291, dernière citadelle des croisés en Terre Sainte, met fin à l' expérience politique du Royaume latin de Jérusalem, elle ne représente pas pour autant une césure dans la pratique du pèlerinage occidental dans les lieux saints de Palestine. Au contraire, entre le début du XIV e et le XVI e siècle, on assiste à un développement exponentiel des voyages d' outremer, sur lesquels la Sérénissime République de Venise exerce une sorte de monopole. Au printemps de chaque année, une grande quantité de pèlerins en provenance des différents pays européens se rendent à Venise, où ils s' embarquent pour une longue et dangereuse traversée de la Méditerranée orientale jusqu'aux ports de Jaffa ou d' Alexandrie : durant la traversée, ils font étape le long des côtes de Dalmatie, d' Albanie et des îles du Levant. Dans des lieux comme Zadar, Raguse, Candie, Rhodes ou Famagouste, ils ne se confrontent pas seulement à des communautés et à des cultures différentes au point de vue des usages, des croyances, des rituels et des pratiques linguistiques, mais projettent encore sur les paysages des lieux visités, qu'ils soient urbains ou naturels, leur désir de partager une forme plus directe, même physique, de la dimension sacrée, semblable à celle dont ils s'attendent à faire l' expérience dans les lieux saints de Palestine. Le regard des pèlerins relève souvent d'un exercice intellectuel complexe et sophistiqué, qui lit la réalité en fonction des objectifs spirituels, mais en même temps très concrets, de leur expérience, perçue comme une chance extraordinaire de racheter les fautes et de gagner le salut de l'âme. Cette expérience a lieu en grande partie sur un espace liquide, doublement liminaire, car situé dans une zone intermédiaire entre la terre et les « eaux supérieures » des immensités célestes. Son statut d' espace alternatif à celui de l' expérience quotidienne rend la mer semblable, dans son altérité, aux déserts de l'Egypte et du Sinaï que les pèlerins débarqués à Alexandrie devront traverser pour atteindre Jérusalem. Les monastères et les villes qui, d'une façon presque miraculeuse dans l' expérience des visiteurs, émergent au bord des sables du désert ou le long des côtes maritimes, revêtent des significations inattendues : les pèlerins prennent connaissance des lieux, en sélectionnent les églises et les trésors, dont ils estiment la valeur sacrale selon des critères qui ne correspondent pas toujours à ceux des populations locales et qui mettent chaque lieu en relation avec d'autres censés contribuer efficacement à l' expérience du pèlerinage de Jérusalem. Il en résulte une nouvelle hiérarchie, un nouveau réseau topographique qui associe des villes et des régions auparavant sans rapport entre elles, et les constitue comme autant d'anticipations de la Terre Sainte. En même temps, au moment où les étapes du pèlerinage de Jérusalem se voient définies et stylisées au gré d'un parcours façonné et dirigé par les Franciscains, la constitution des nouveaux lieux saints le long des routes de navigation vers la Palestine est largement due à l'imagination pieuse des visiteurs. Le présent workshop souhaite interroger les différents procédés d'appropriation symbolique des lieux visités par les pèlerins en Terre Sainte le long de leur itinéraire maritime, et notamment envisager les interactions entre l' expérience physique du paysage urbain et de ses éléments constitutifs, l'imagination religieuse et l' élaboration littéraire de leur valeur sacrée dans les récits de pèlerinage. Le thème de la construction d'un réseau inédit de lieux saints maritimes associés à la Terre Sainte, qui se trouve au centre des recherches du projet SNF Von Venedig zum Heiligen Land. Ausstattung und Wahrnehmung von Pilgerorten an der Mittelmeerküste (1300-1550) coordonné par Michele Bacci, sera abordé selon des perspectives différentes et complémentaires, avec la participation de spécialistes de la littérature, de l'histoire et des arts du pèlerinage en Terre Sainte à la fin du Moyen Âge. Journée d'étude 10 mai 2016 « Travelling Hopefully : le voyage d'outremer à la fin du Moyen Âge »