Cure de sommeil

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Une cure de sommeil, traitement du sommeil prolongé, ou encore narcothérapie, est un traitement médical ayant pour but de favoriser la régression du patient et de là, son accessibilité à la psychothérapie. La durée, le but et les substances utilisées pour induire cet état de sommeil ont varié au cours du temps.

Histoire[modifier | modifier le code]

L'invention de la cure de sommeil est généralement attribuée au psychiatre suisse Jakob Klaesi (1883-1980)[1], bien que des traitements relativement semblables aient fait l'objet d'essais cliniques préalablement[2],[3]. C'est au début des années 1920 que Jacob Klaesi développe ce traitement, qu'il utilise majoritairement pour traiter des patients souffrants de catatonie : plusieurs fois par jour, il leur injecte un barbiturique (le Somnifen), de manière que les patients soient maintenus pendant cinq à dix jours dans un état de sommeil[4]. Sous cette forme, la cure de sommeil est un traitement qui entraîne le décès de près de 5 % des patients[5]. Le Somnifen est un barbiturique proche du barbital et du luminal qui était produit par Hoffman-La Roche[6].

Jacob Klaesi nomme ce traitement Dauernarkose[7], une expression que l'on pourrait traduire par « narcose prolongée »[8]. Dans la littérature en anglais relative à ce traitement, le terme est traduit par deep sleep therapy ainsi que prolonged sleep therapy. Les patients se trouvent de fait dans un état de sommeil extrêmement profond et sont réveillés par le personnel à intervalles réguliers pour qu'ils se nourrissent et boivent[7].

Le but de cette thérapie est, pour Klaesi, de rendre les patients accessibles à de la psychothérapie, notamment en créant chez eux le sentiment d'être dépendant, d'avoir besoin d'aide[4],[5],[9]. Selon lui, la cure de sommeil est un moyen auxiliaire et l'effet thérapeutique serait obtenu par la psychothérapie elle-même. Tout au long de sa carrière, il défendra l'idée que c'est la psychothérapie qui est le traitement le plus efficace pour la schizophrénie, toute autre type d'intervention n'étant qu'un moyen auxiliaire[9].

L'utilisation de barbituriques dans les asiles était relativement fréquente à son époque, y compris au Burghölzli près de Zürich, où travaillait Klaesi. Il est cependant l'un des premiers à avoir imaginé que les barbituriques puissent être employés autrement que pour tenter de calmer des patients agités et à avoir publié ses recherches à ce sujet.

Le premier article relatif à la cure du sommeil est publié par Jacob Klaesi en 1921 dans la revue Schweizer Archiv für Neurologie und Psychiatrie et s'intitule « À propos du Somnifen, un traitement médicamenteux des états d'agitations schizophrènes » (Über Somnifen, eine medikamentose Therapie schizophrener Aufregungzustande). La base de son article est une étude portant sur 26 patients qui, selon lui, ont connu une amélioration très significative de leur état grâce à la cure de sommeil[7]. Deux de ces patients sont cependant décédés au cours de l'étude des effets secondaires du Somnifen, ce qu'il ne mentionne pas dans son article[7].

La cure de sommeil est encore pratiquée par des tenants du courant psychanalytique[10].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. « Klaesi, Jakob », sur hls-dhs-dss.ch (consulté le ).
  2. Henri Ellenberger, « La psychiatrie suisse II », L'évolution psychiatrique, no 4,‎ , p. 641.
  3. (de) Rolf Kaiser, « Ueber moderne Behandlungsmethoden in der Psychiatrie », Fachblatt für schweizerisches Anstaltswesen, vol. 9, no 11,‎ (lire en ligne Accès libre).
  4. a et b (de) Margrit Gigerl, « Lassen Sie ihn weiter hindämmern... : oder weshalb Robert Walser nicht geheilt wurde », Appenzellische Jahrbüche, vol. 133,‎ , p. 16 (lire en ligne, consulté le ).
  5. a et b (de) Naomi Jones, « Warum der Psychiatrie-Oberarzt diesen Krimi aufkaufen liess », Berner Zeitung,‎ (lire en ligne).
  6. (de) Thomas Haenel, « Jakob Klaesi : Schlafkur und Antieidodiathese », Gesnerus : Swiss Journal of the history of medicine and sciences, vol. 36,‎ , p. 250 (lire en ligne).
  7. a b c et d (en) Andrew Scull, Desperate remedies : Psychiatry and the mysteries of mental illness, Allen Lane, , 494 p. (ISBN 978-0-241-50924-1), p. 98-99.
  8. Dauer se traduit par durée ; Narkose par narcose.
  9. a et b (de) Thomas Haenel, « Jakob Klaesi : Schlafkur und Antieidodiathese », Gesnerus : Swiss Journal of the history of medicine and sciences, vol. 36,‎ , p. 250-251 (lire en ligne).
  10. Paul-Claude Racamier et L. Carretier, « La cure de sommeil dans la perspective psychothérapique », Revue française de psychanalyse, vol. 66, no 2,‎ , p. 579–607 (ISSN 0035-2942, lire en ligne, consulté le ).