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Le Corset à travers les âges/Histoire du corset en France

La bibliothèque libre.
P. Ollendorff (p. 23-88).


HISTOIRE DU CORSET
en France



A près avoir décrit les bandes et ceintures antiques, nous allons suivre les modifications que la chute de l’empire romain a apportées à l’habillement féminin, qui, au début de cette époque, ne présente rien de particulier.

Les chroniqueurs qui ont traité du costume dans les Gaules ne sont pas nombreux et leurs conclusions reposent sur des données bien peu précises, car les quelques manuscrits qui sont parvenus jusqu’à nous ne s’occupent pas des accessoires du vêtement de la femme.

Malgré le manque de documents exacts, les historiens sont unanimes à reconnaître que les Gallo-Romaines suivaient les modes de Rome, et portaient, sous la stola ou la tunique, le strophium ou le capitium.

Sous les Mérovingiens et les Carlovingiens, les femmes continuèrent l’emploi des ceintures romaines. La coquetterie, à cette époque, était d’ailleurs à peu près nulle ; à en juger par les sceaux et les manuscrits du temps, l’habillement se composait d’une longue tunique serrée par une ceinture placée au-dessous de la poitrine.

Les premiers Capétiens virent commencer une révolution dans le costume ; mais ce n’est guère qu’au xiie siècle, d’après les recherches de Quicherat, sous les règnes de Louis VI et Louis VII, que l’on vit apparaître les robes moulant le haut du corps et le corsage ajusté séparé de la jupe.

Au siècle suivant, sous les règnes de Philippe-Auguste, de Louis VIII et de saint Louis, les tuniques amples furent de nouveau adoptées.

Le luxe des vêtements prit, au xiie siècle, une telle extension que Louis IX effrayé, s’ingénia à ramener la simplicité que lui-même donnait en exemple à ses sujets. Quelques années après, Philippe le Bel résolut d’empêcher les bourgeois de s’habiller aussi somptueusement que les nobles ; par une loi de 1302, il déclara : « nul bourgeois ni bourgeoise ne portera vair, ne gris, ne hermines,
Fig. 9. — Corset en fer (Musée de Cluny).
et se délivreront de ceux qu’ils ont de Pasques prochaines en un an, et ne pourront ni porter or, ne pierres précieuses, ne ceintures, etc… »

Au commencement du xive siècle, la tunique fut encore une fois abandonnée et l’on vit apparaître les surcots qui devinrent bientôt d’un usage général.

C’est vers cette époque que les femmes revêtirent la houppelande serrée à la taille par une ceinture très large qui servait à soutenir la poitrine et remplissait ainsi l’office d’un corset. Un indiscret nous apprend que plus d’une élégante y ajoutait le secours de certaines poches rembourrées et piquées, qui étaient cousues après la chemise. Une forte saillie était de rigueur pour racheter l’exiguïté de la taille. (Quicherat.)

À la fin du xive siècle, Isabeau de Bavière fit naître la mode de se découvrir la poitrine ; on vit alors, pour la première fois, dans notre langue le mot corset. Ce vêtement s’adaptait exactement à la taille et était serré à l’aide de lacets placés soit sur le devant, soit au dos ; il s’en faisait de toutes les étoffes, le plus grand nombre était bordé de fourrures.


Fig. 10. — Corset en fer (Collection Dupont-Auberville).

L’usage du surcot et de la cotte de dessous se répandit de plus en plus au début du xve siècle ; un auteur du temps raconte que Marie d’Anjou, femme de Charles VII, portait un corset lacé par devant, dont les bords écartés laissaient apercevoir la cotte.

Olivier de la Marche, gentilhomme des ducs de Bourgogne, poète et chroniqueur du xve siècle, a décrit, dans un petit poème intitulé le Parement des Dames, les diverses parties de l’habillement des femmes de son temps. La robe de dessus était à corsage ouvert, remplacé à l’endroit du lacet par une pièce de velours ou par une gorgerette.

Voici le commencement du chapitre consacré au corset dans cet ouvrage :

Chap. VI. — Le Corset ou la Cotte de Chasteté.

Ung cousturier nous côuiêt p parer
Por ung corset dôner a ma pricesse
Et son beau corps revestir et parer
De noble abit pour la bien decorer
Car elle vault por tout mettre en prouesse
Ce beau corset ie le vueil pour noblesse
Dung blǎc damas de blǎcheur nette et pure
Cest ung habit de royalle vesture.

Le corset simple est bon et prouffitable
A vestir dames et les monstrer valoir
Car le corset est habit si notable
Qu’il est plaisant à tous et aggreable
Quoy qua danger on ne la puisse veoir
Et quant lœil peult sa dame perceuoir
En ce corset sans plus estre a ornee
Il en vault mieulx la pluspart de lannee.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

À la fin du xve siècle, la mode change brusquement ; les surcots sont abandonnés et la Basquine ou
Fig. 11. — Corset en fer. (Collection Lesecq des Tournelles.)
Vasquine fait son apparition suivie bientôt, vers 1530, de la Vertugale (verdugale ou vertugadin), qui nous venait d’Espagne.

La basquine, désignée aussi dans quelques écrits sous le nom de buste, était un corset de fil ou de forte toile, garni sur le devant d’un busc de bois ou de métal ; c’était un acheminement vers l’invention des corps piqués. Quant au vertugadin, c’était un bourrelet que les femmes plaçaient au-dessous de la taille pour soutenir la jupe et faire « baller » la robe ; il se transforma dans la suite en paniers et en crinoline.

Clément Marot faisant, dans son Dialogue des Amoureux, le portrait d’une élégante en l’an 1514, parle du corset :

Ô mon Dieu ! qu’elle estoit contente
De sa personne ce jour-là !
Avecques la grâce qu’elle a

 
Elle vous avoit un corset
D’un fin bleu, lacé d’un lacet
Jaune, qu’elle avoit faict exprès.
Elle vous avoit puis après
Mancherons d’escarlate verte,
Robe de pers, large et ouverte,
(J’entens à l’endroit des tétins),
Chausses noires, petits patins,
Linge blanc, ceinture houppée,
Le chaperon faict en poupée,
Les cheveux en passefilon
Et l’œil gay en esmerillon
Souple, droicte comme une gaule.


Fig. 12. — Corset en fer. (Musée Carnavalet).
Rabelais, décrivant l’habillement des dames de la cour de François Ier (Gargantua, liv. Ier, lvi) (1537), dit : « Au-dessus de la chemise, elles vestoient la belle Vasquine de quelque beau camelot de soye ; sus icelle vestoient la Verdugale de taffetas blanc, rouge, tanné, gris, etc… »

Les femmes étaient tellement guindées dans ces basquines et l’aspect de la vertugale était tellement ridicule que bon nombre de poètes ont exercé leur verve contre la nouvelle mode.


Fig. 13. — Christine de France (1606-1663).
Nous citerons ici quelques extraits d’une satyre, datant de 1563, intitulée : Blason des basquines et vertugales, avec la remontrance qu’ont faict quelques dames, quand on leur a montré qu’il n’en fallait plus porter.

 
. . . . . . . Ô la gente mutine !

Qu’elle a une belle basquine !

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Que vous servent ces vertugalles

Sinon engendrer des scandalles ?
Quel bien apportent vos basquines

Fors de lubricité les signes ?

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Laissez ces vilaines basquines

Qui vous font laides comme quines (singes)
Vestez-vous comme prudes femmes
Sans plus porter ces buscqs infâmes.

Voici enfin quatre vers d’une chanson de l’époque, dans laquelle on prend la défense de la nouvelle mode :

La vertugalle nous aurons,
Maulgré eulx et leur faulse envie,
Et le busque au sein porterons ;
N’esse-ce pas usance jolye ?

Des prédicateurs même protestèrent dans leurs sermons contre les exagérations de la mode, l’un d’eux parlant de ces « bricoles infâmes », dit en chaire, s’adressant à la reine et à la cour : « les femmes qui les revêtent portent le diable en croupe. »

On a dû remarquer qu’avec la basquine, le busc (d’abord buste et busque) fut introduit en France ; mais déjà au ive siècle avant notre ère, le poète comique Alexis d’Athènes, nous indique que les Grecs

employaient quelque chose d’analogue : « Son ventre est-il trop gros, dit-il, au plastron qu’elle se met, on adapte des supports droits qui le resserrent et le repoussent en arrière. »

Fig. 14. — Françoise Bertaud (1621-1689).

C’est d’ailleurs le seul témoignage que l’on ait de l’emploi du busc dans l’antiquité et il faut se rapporter aux manuscrits du commencement du xvie siècle pour retrouver trace de ce mot. Henri Estienne nous apprend dans son Dialogue du nouveau langage, « que les dames appellent leur busque un os de baleine (ou autre chose à faute de ceci) qu’elles mettent par-dessous leur poitrine, au beau milieu pour se tenir plus droites ».


Fig. 15. — Corps de femme (Encyclopedie de Diderot).

Ce busc était une lame de buis, de baleine ou d’acier, adaptée sur le devant de la basquine ou du corps ; d’une extrême simplicité dès le début, il fut bientôt un objet de grand luxe et pour le montrer on adopta le surcot ouvert sur le devant. On en fit alors en ivoire, en argent, etc…, et on les orna d’arabesques et d’incrustations.


Fig. 16. — Corps vu de face intérieurement.

La collection Jubinal en renferme de merveilleux échantillons. L’un d’eux, de fabrication italienne, est un buse plat, en fer finement gravé et portant en outre l’inscription suivante :

Ai de madame cette grâce,
D’estre sur son sein longuement,
D’où j’ouis soupirer un amant
Qui voudrait bien tenir ma place.

Quelques années plus tard, le buse fut de nouveau caché sous le corsage ; on n’en continua pas moins à l’orner et la collection déjà citée comprend un busc de baleine ayant appartenu à Anne d’Autriche et portant le quatrain suivant qui se termine comme celui cité plus haut.

Ma place ordinairement
Est sur le cœur de ma maîtresse,
D’où j’ouis soupirer un amant
Qui voudrait bien tenir ma place.

Charles IX combattit violemment la basquine et la
Fig. 17. — Corps pour les femmes enceintes.
vertugale ; il essaya même de les supprimer par des ordonnances, mais il ne put y parvenir.

Étienne Pasquier nous a transmis, dans ses Arrêts d’amour (1564), les doléances des gentilshommes qui, dit-il, « se plaignent, des vasquines, vertugales, et grans devans que portent aujourd’hui les femmes ; nous, pour ce sujet, en avons osté et ostons la coutume, nous rapportans à la mode d’Italie… »

Le secrétaire de Jean Lippomano, ambassadeur vénitien auprès de Charles IX, décrivant, dans ses relations de voyage, les costumes de la cour de ce prince, s’exprime ainsi : « Par-dessus la chemise, les femmes portent un buste ou corsage, qu’elles appellent corps piqué qui leur donne du maintien ; il est attaché par derrière, ce qui avantage la poitrine. »

Henri III, après avoir — usé d’indulgence pendant quelque temps, rendit des édits très sévères pour enrayer l’usage des corps que tout le monde considérait comme pernicieux à la santé, mais que les femmes ne voulaient pas abandonner.


Fig. 18. — Collection Leoty.

Paul Lacroix, dans ses Costumes historiques, parle comme suit du corset à cette époque :

Montaigne n’a pas fait, loin de là, l’éloge du corps piqué. Il nous apprend que les femmes de son temps se servaient, pour se serrer le buste et se rendre la taille fine et dégagée, d’éclisses ou petits morceaux de bois, qu’il appelait coches ; elles étaient pressées de telle sorte entre ces éclisses, et cela dès leur enfance, que la chair de leur poitrine devenait aussi dure et aussi insensible que la corne ou le cal qui se forme aux mains des ouvriers : aussi ne s’accoutumaient-elles à ce
Fig. 19. — Collection Leoty.
vêtement de torture qu’au prix de longues souffrances ; mais la mode le voulait, elles souffraient patiemment. Aux éclisses de bois ont succédé les éclisses et corps de baleines et d’acier.

Voici d’ailleurs en quels termes Montaigne s’explique :

Le corset était une espèce de gaine qui emboîtait la poitrine depuis le dessous des seins jusqu’au défaut des côtes et qui finissait en pointe sur le ventre…

Pour faire un corps bien espagnolé (fin comme celui d’une espagnole), quelle gehenne ne souffrent-elles, guindées et cenglées, à tout de grosses coches sur les costes, jusques à la chair vive ? Ouy, quelquesfois à en mourir. (Essais, 1580, liv. I, chap. xi.)

Ces corps déformaient tellement les femmes que le célèbre chirurgien Ambroise Paré, qui avait sur la table de dissection une personne à fine taille, put montrer à ses élèves ce que Henri Estienne appelait « l’espoitrinement des dames », c’est-à-dire « leurs costes chevauchant les unes par-dessus les autres. »

Si les formes des vêtements de ce temps étaient défectueuses et souvent contraires à l’hygiène, l’inventaire dressé à la mort de Gabrielle d’Estrées (1599) nous apprend que les étoffes employées étaient superbes. Dans cet inventaire on trouve « une cotte de drap d’or de Turquie, figuré à fleurs, incarnat, blanc et vert » et une « robe de velours vert découppé en branchages, doublée de toille d’argent, et icelle chamarrée de passemens d’or et d’argent, avec des passe-poils de satin incardin ».

Avant de quitter le xvie siècle, nous reproduisons, à titre de simple curiosité, quatre corsets en fer ; hâtons-nous de dire que ces corsets n’étaient qu’une sorte de carcasse doublée d’une étoffe assez épaisse, principalement de velours, cousue à l’aide de petits trous pratiqués dans le métal.

La figure 9 représente un corselet en fer ouvragé avec jours, charnières et fermoirs ; cet appareil, d’origine flamande, date du commencement du xvie siècle, il est exposé au musée de Cluny.

Les figures 10 et 11 montrent, sous deux aspects différents, un corset en fer (busto) de la même époque que le précédent, mais d’origine vénitienne ; celui de la figure 10 fait partie de la collection de M. Dupont-Auberville ; celui de la figure 11 a figuré à
Fig. 20. — Collection Leoty.
l’exposition des Arts de la femme, en 1892, et appartient à M. Lesecq des Tournelles.

La figure 12 est un autre corset en fer avec crans permettant de le serrer plus ou moins, il se trouve au musée Carnavalet.

L’exagération du luxe dans la mode s’accentua encore sous Henri IV et ce roi lança, en 1601 et en 1606, des édits somptuaires. Voici un extrait de l’un de ces édits :

Nous défendons expressément, à tous nos sujets de quelque qualité ou condition qu’ils puissent être, dans tous les lieux et terres de notre obéissance, de porter or ni argent, ni excès d’étoffes sur leurs habits de quelque manière et sous quelque prétexte que ce soit, excepté cependant aux femmes de joie et aux filous, en qui nous ne prenons pas assez d’intérêt pour leur faire l’honneur de donner notre attention à leur conduite.


Fig. 21. — Collection Leoty.
Ces édits eurent pour effet de supprimer momentanément les riches accessoires du costume ; mais ils firent naître des vêtements ridicules. Le corset prit un aspect grotesque, moins serré à la taille et busqué en avant par le bas, il reçut le nom de fausse panse. Sur le point de disparaître, à la fin du règne de Henri IV, cette fausse-panse devint encore plus volumineuse et de saillie plus prononcée. Marie de Médicis est toujours représentée sur ses portraits avec cet attribut disgracieux accompagné du vertugadin qui, avant de se transformer en paniers, prit des proportions tellement exorbitantes que, dans le Discours sur la mode (1613), on le ridiculise ainsi ;


Le grand vertugadin est commun aux Françoises,
Dont usent maintenant librement les bourgeoises,

Tout de mesure que font les dames, si ce n’est
Qu’avec un plus petit la bourgeoise paroist ;
Car les dames ne sont pas bien accommodées
Si leur vertugadin n’est large dix coudées.

Une anecdote pour en terminer avec le vertugadin.
Fig. 22. — Collection Leoty.
En 1619, le parlement d’Aix rendit obligatoires, par un arrêté, toutes les ordonnances antérieures contre l’emploi de cet attribut disgracieux. Force fut aux femmes d’obéir à la loi ; seule la dame de Lacépède, veuve du sieur de La Coste, osa affronter les foudres de la Justice ; citée à comparaître devant le tribunal, elle se présenta à la barre dans sa tenue habituelle et déclara à la Cour que, sur l’honneur, cette exagération de formes n’avait rien que de très naturel. L’affaire était difficile à juger. Après une longue délibération, ces messieurs de la Cour déclarèrent qu’il n’y avait pas lieu de procéder à plus ample vérification et renvoyèrent la dame des fins de la poursuite.

Après la mort de Henri IV, la mode qui jusqu’alors n’était suivie que par les classes aristocratiques, se répandit dans la bourgeoisie. L’auteur anonyme de la Chasse au vieil grognard de l’antiquité (1622), l’atteste dans les lignes suivantes :


Il n’y a rien de mieux vestu, de plus propre, de plus honneste ; si bien avenantes que la plupart pourroient plustost estre recognues nobles ès compagnies, pour estre agréables en leurs discours et entretiens, que bourgeoises et marchandes et leurs filles « qui portent l’habit d’attente de noblesse. »


Louis XIII rendit, en mai 1634, un édit prohibant pour tous les vêtements d’hommes et de femmes toute espèce de drap d’or et d’argent fin ou faux, ainsi que les broderies où ces matières métalliques étaient employées.

Après la mort de Marie de Médicis, les corps à baleines reprirent leur aspect primitif et la mode redevint plus rationnelle ; pour donner une idée exacte de ce qu’elle fut, je vais citer quelques extraits du bibliophile Jacob.

Voici la description qu’il fait de la toilette de Christine de France, fille de Henri IV et de Marie de Médicis.


Le costume de Christine de France (fig. 13), se compose d’un justaucorps de couleur jonquille, brodé d’or, enrichi de pierres précieuses et d’une robe également jonquille ; le justaucorps est remarquable par sa forme
Fig. 23. – Collection Leoty.
 ; il s’applique sur le buste sans que la taille soit marquée et il présente, au bas de ses basques, des échancrures profondes, il ressemble presque à une armature.


Je citerai aussi le portrait de Françoise Bertaud, dame Langlois de Motteville (fig. 14), auteur de mémoires estimés :


La robe de dessous, dont les manches ne descendent que jusqu’au pli du bras, et dont l’ouverture se trouve assujettie avec un nœud de ruban cramoisi, est en velours noir ; la jupe de dessous est de damas blanc ; le corset à basques découpées est de damas blanc, orné de passements laque rose, avec des dessins d’or…


Mazarin, en 1644 et en 1656, rendit des édits contre les passementeries et les accessoires de la toilette féminine, et plus tard, en 1664, Louis XIV renouvela ces décrets ; il n’existe pas moins de onze ordonnances signées de lui et tendant à supprimer l’emploi des matières d’or et d’argent pour orner les costumes des hommes aussi bien que ceux des femmes.
Fig. 24. — Collection Leoty.

Vers la fin du xviie siècle, les corsages boudés et en pointe par devant sont remplacés par une sorte de justaucorps. La mode semble ensuite hésiter, le besoin se faisant toujours sentir d’imaginer des vêtements destinés à dissimuler ou à remédier aux imperfections de la nature.

Regnard, dans sa comédie, Attendez-moi sous l’orme (1 acte en prose, mai 1694), à propos des accessoires innombrables de la toilette employés à cette époque, fait dire à Agathe, fille d’un fermier :


« Il faut que les femmes de Paris aient bien de l’esprit pour inventer de si jolis noms. » À quoi le valet Pasquin répondit : « Malepeste ! leur imagination travaille beaucoup. Elles n’inventent point de modes qui ne servent à cacher quelque défaut. Falbala par haut, pour celles qui
Planche II. Intérieur de la boutique d’un tailleur de corps
Planche II. Intérieur de la boutique d’un tailleur de corps
PL. II
n’ont point de hanches ; celles qui en ont trop, le portent plus bas. Le col long et la gorge creuse ont donné lieu à la Steinkerque (sorte de cravate bouffante) ; et ainsi du reste. »


À propos des noms donnés aux diverses parties du costume, voici comment Boursault définit, dans sa comédie des Mots à la mode, le corset auquel on donna le nom de gourgandine et le boute-en-train qui servait à l’orner.

 
Enfin la gourgandine est un riche corset
Entr’ouvert par devant à l’aide d’un lacet ;
Et comme il rend la taille et plus belle et plus fine,

On a cru lui devoir le nom de gourgandine.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Un beau nœud de brillant dont le sein est saisi,

S’appelle un boute-en-train, ou bien un tâtez-y.


Ouvrons ici une parenthèse pour dire quelques mots des tailleurs :

Jusqu’à la fin du xvie siècle, les tailleurs avaient seuls le privilège de confectionner les vêtements des deux sexes, y compris les corsets ; mais, au commencement du xviie siècle, les couturières firent leur apparition et, dans le courant de l’année 1676, elles furent autorisées à se constituer en corporation dont les statuts furent enregistrés par le Parlement, le 7 septembre, « ayant considéré, dit le roi, qu’il était assez dans la bienséance et convenable à la pudeur et à la modestie des femmes et filles de leur permettre de se faire habiller
Fig. 25. — Collection Leoty.
par des personnes de leur sexe lorsqu’elles le jugeront à propos, etc… »


Les tailleurs n’en conservèrent pas moins le privilège de confectionner toutes les pièces ajustées de l’habillement féminin.

C’est à ce moment que certains d’entre eux prenant le titre de Tailleurs de corps de femmes et d’enfants, se firent une spécialité du corset.

La planche II, tirée de l’Art du Tailleur de corps de femmes et d’enfants, représente l’intérieur de la boutique d’un tailleur de corps. La planche III. tirée du même ouvrage, nous montre une femme vêtue d’un corps. La figure 15, provenant de l’Encyclopédie de Diderot, représente un corps. La figure 16 est un
Planche III. Femme vêtue d’un corps.
Planche III. Femme vêtue d’un corps.
PL. III
corps vu intérieurement pour montrer la disposition des baleines de dressage. Enfin, la figure 17 est un corps pour les femmes enceintes, se laçant par les deux côtés ; ces deux dernières figures proviennent aussi de l’œuvre de Diderot.
Fig. 26. — Collection Leoty.

Outre les corsets baleinés, les tailleurs de corps faisaient encore, dit l’abbé Joubert (1773) « les corsets blancs sans baleines et à deux buscs, les camisoles, les fausses robes pour les filles, etc… »

Le bureau de la corporation des tailleurs était situé quai de la Mégisserie, leurs armes étaient :

De gueules, à des ciseaux d’argent ouverts en sautoir.

Les tailleurs formaient aussi une confrérie remontant à 1402, placée sous le patronage de la Trinité et se réunissaient à l’église de la Trinité, rue Saint-Denis.


Sous Louis XV, le corset est toujours un corps raide, échancré sur les hanches, lacé par derrière et muni devant d’un busc quelquefois en bois, plus souvent en fer et descendant très bas. L’usage des baleines dans les corsets
Fig. 27. — Collection Leoty.
devint de plus en plus général et la consommation qu’il s’en fit à cette époque pour les corps et les paniers fut si considérable que les États généraux des Pays-Bas autorisèrent, en juin 1722, un emprunt de 600 000 florins afin « de soutenir la campagne formée dans l’Ost-Frise pour la pêche de la baleine, dont le commerce s’étend chaque jour par la consommation ordinaire des fanons de baleine. »

En 1727, parut une Satyre sur les cerceaux, paniers, criardes et manteaux volans des femmes et sur leurs autres ajustemens, dans laquelle l’auteur, le chevalier de Nisard, critique, autant que faire se peut, l’usage des cerceaux, et paniers ; par
Planche IV. Corsets Louis XIV et Louis XV (Collection Leoty)
Planche IV. Corsets Louis XIV et Louis XV (Collection Leoty)


Planche IV. Corsets Louis XIV et Louis XV (Collection Leoty)
Planche IV. Corsets Louis XIV et Louis XV (Collection Leoty)


planche IV.
Corsets Louis XIV et Louis XV (Collection Leoty).
contre, il fait ainsi qu’il suit, l’éloge du corset :

Est-il rien plus beau qu’un corset
Qui naturellement figure,
Et qui montre comme on est fait
Dans le moule de la Nature ?

Platner a porté, en 1735, le jugement suivant sur l’utilité des corsets ;


Fig. 28. — Corset hongrois (Musée de Buda-Pesth).

Il faut, dit-il, se pénétrer de cette vérité, que, si les corps sont tout à fait rigides et inflexibles comme lorsqu’on les construit avec des lames de fer, s’ils ne s’adaptent pas parfaitement aux formes du corps, s’ils sont trop serrés, de même que s’ils présentent trop de mollesse et de laxeté, ils sont constamment des plus nuisibles. Mais dans les conditions contraires, non seulement ils n’ont pas d’inconvénient, mais encore ils fournissent aux enfants un excellent soutien et les préservent des dérangements de squelette, si faciles à cet âge tendre. Il n’est pas moins certain qu’ils procurent une finesse de taille agréable et une poitrine bien placée. Aussi suis-je loin de vouloir interdire aux femmes cette parure, pourvu qu’elles en usent avec modération.


Dans les dernières années du règne de Louis XV, les corps, tout en conservant le même aspect sur le devant du buste, étaient un peu serrés, quelques-uns même se composaient de deux parties, l’une sur le devant du corps, l’autre servant de dossière, et réunies sous les bras par des lacets.

Ces corps étaient disposés de telle sorte qu’ils faisaient remonter la poitrine d’une façon débordante ; cette coutume nous valut une spirituelle répartie du cynique Voltaire. Une dame d’un certain âge, se croyant toujours jeune, parut un jour devant Voltaire munie d’un corps assez échancré sur le devant. Comme le spirituel railleur l’examinait de très près, elle s’écria : « Eh ! est-ce que M. de Votaire songerait encore à ces petits coquins ? — Petits coquins ! risposta-t-il ; petits coquins ! dites donc ces grands pendards. »

En 1770, un nommé Bonnaud Fit paraître à Paris une brochure intitulée :


Dégradation de l’espèce humaine par l’usage des
Planche V, Collection Fulgence.
Planche V, Collection Fulgence.
PL. V.
Collection Fulgence.
corps à baleines, ouvrage dans lequel on démontre que c’est aller contre les lois de la nature, augmenter la dépopulation et abâtardir pour ainsi dire l’homme que de le mettre à la torture dès les premiers moments de son existence, sous prétexte de le former.

Fig. 29. — Corset avec épaulettes (Musée de Cluny).

La même année, un Allemand, nommé Reissier l’aîné, établi tailleur de corps à Lyon, publia un Avis important au sexe ou Essai sur les corps baleinés, pour former et conserver la taille aux jeunes personnes.
Fig. 30. — Corset avec épaulettes (Musée de Cluny).
Dans cette brochure, Reissier répond aux attaques prodiguées aux corps et tend à démontrer que les effets nuisibles à la santé qui leur étaient reprochés provenaient simplement de la mauvaise confection des corsets ou de l’ignorance des fabricants ainsi que de l’emploi mal compris qu’en faisaient les femmes ; mais il met en garde contre l’usage des corps à la grecque et des corsets à plastron employés par les femmes affligées d’un fort embonpoint.

Sous Louis XVI, les corsets ne présentent rien de particulier, quant à la forme ; ils ne diffèrent de ceux du règne précédent que par le luxe des étoffes employées à leur confection, il est donc inutile de nous y arrêter plus longtemps.
Planche VI, Treudeberg (1745-1801)
Planche VI, Treudeberg (1745-1801)
Pl. VI.          Freudeberg (1745-1801).
Planche VII, D’après la « Toilette d’une Élégante } de Freudeberg.
Planche VII, D’après la « Toilette d’une Élégante } de Freudeberg.
Planche VII. D’après la « Toilette d’une Élégante », de Freudeberg.

Pour permettre à mes lectrices de se rendre très exactement compte de ce qu’était le corps, je reproduis une série de corsets de différentes provenances et datant des xviie et xviiie siècles.

La planche IV montre trois corps Louis XIV et Louis XV ; l’un d’eux est un curieux corset de nourrice avec ouvertures latérales à la hauteur des seins ; ces corps et ceux des figures 18 à 27 font partie de ma collection, quelques-uns sont d’origine étrangère.

La figure 28 représente un corset du xviie siècle, d’origine hongroise, il fait partie du musée de Buda-Pesth et fut envoyé, en 1892, à l’exposition des Arts de la femme, au Palais de l’Industrie.

La planche V est un corset Louis XIV en satin brodé de fleurs en chenille et or, il appartient à Mme Fulgence et figura à l’exposition des Arts de la femme (1892).

La planche V bis est un splendide corset Louis XV, brodé d’or et de fleurs en soie ; il fait partie de la collection Fulgence et figura à cette même exposition.

Le haut-de-corps à épaulettes, tailladé sur les hanches et lacé au dos, de la figure 29, est en soie brodée verte, doublée de toile imprimée, les coutures en sont recouvertes d’un petit liséré rouge ; ce corps et celui de la figure 30 sont exposés au musée de Cluny, ils datent du commencement du xviiie siècle.


Fig. 31. — Corset en brocart d’or (Musée des Arts décoratifs).

La figure 31 montre un corset en brocart d’or (xviiie siècle), provenant des environs de Linz, en Autriche. (Musée des Arts décoratifs.)

La planche VII représente une servante laçant un corps (tiré du tableau de Freudeberg intitulé : la Toilette d’une élégante. (Pl. VI.)
PL. VIII. P.-A. Wille.
PL. VIII. P.-A. Wille.


PL. VIII. P.-A. Wille.
Planche IX, D’apres &laquo ; l’Essai du corset &raquo ;, de Wille (1748-1815)
Planche IX, D’apres &laquo ; l’Essai du corset &raquo ;, de Wille (1748-1815)
Planche IX D’apres « l’Essai du corset », de Wille (1748-1815).

La planche IX est extraite du tableau de P.-A. Wille, l’Essai du Corset. (Pl. VIII.)

Avant de dire quelques mots du corset sous la Révolution, je citerai ici, à titre de curiosité, un passage des Costumes historiques de Paul Lacroix :


Fig. 32. — Copie d’un assignat de 5 livres (Mus&#233 ; e Carnavalet).

Sous le règne du papier-monnaie en France, on appelait corset, un assignat de cent sous, parce qu’il était signé Corset, du nom de l’employé préposé à son émission. On raconte que les libertins l’offraient à leurs faciles conquêtes, en disant : « Corset contre corset. » La figure 32 est une reproduction de cet assignat (1er novembre 1791).

Avec la Royauté disparut la mode des corps piqués serrant la taille. La Révolution française engloba dans ses réformes toutes les parties du vêtement ; les corps à baleines ainsi que les paniers, l’habit à la Française et les perruques furent radicalement supprimés.

Les prérogatives des corporations disparurent en même temps ; les tailleurs de corps qui, lors de la fondation de la corporation des couturières, avaient conservé le privilège de confectionner tous les vêtements ajustés et qui, pour cette raison, faisaient les robes de la cour, ne reparurent plus après le rétablissement du calme dans les esprits.

La simplicité dans le vêtement des femmes remplaça le luxe effréné des dernières années du règne de Louis XV et du règne de Louis XVI et le Directoire adoptant les modes antiques, on vit apparaître une modification des bandelettes grecques à laquelle on donna le nom de zona. Cette ceinture se portait sur la robe, plus haut que la zona antique ; ses bords supérieurs étaient légèrement évasés sur le devant afin de recevoir la partie inférieure de la poitrine.

La planche X donne une idée de la zona, d’après une estampe intitulée les Héroïnes d’aujourd’hui

Cette ceinture fut bientôt remplacée par un corset
Planche X, D’après une estampe &laquo ; Les Héroïnes d’aujourd’hui &raquo ; (Directoire)
Planche X, D’après une estampe &laquo ; Les Héroïnes d’aujourd’hui &raquo ; (Directoire)
Planche X
D’après une estampe « Les Héroïnes d’aujourd’hui » (Directoire).
plus commode et serrant modérément la taille, il était dépourvu de baleines.

Sous le Consulat, le vêtement dit « à la républicaine » tend à être abandonné ; le costume grec a déjà fait son temps et les « Incroyables » font leur apparition ; il est juste de dire qu’elle fut de courte durée.

Mme d’Abrantès rapporte qu’elle vit, dans un bal de l’année 1800, une femme portant « un corset bleu, de velours ou de satin, la jupe en crêpe blanc sur une mousseline blanche, bordée de deux rouleaux de ruban… ». Ce crêpe et cette mousseline indiquent bien que les vêtements étaient plus que légers, ce qui, avec le décolletage très accentué, donnait aux femmes, un aspect très… déshabillé. La Mésangère critique très spirituellement cette mode dans la conversation qu’elle fait tenir entre un couturier à la mode et une provinciale :


« Citoyen, j’arrive de mon département. Indiquez-moi la mode afin que je m’y conforme. — Madame, c’est fort aisé : en deux minutes, je vais vous y mettre, si vous le voulez. — Très volontiers. — Ôtez-moi ce bonnet. — Le voilà. — Ôtez-moi ce jupon. — C’est fait. — Ôtez-moi ces poches. — Les voici. — Ôtez-moi ce fichu, ce corset, ces manches. — Est-ce assez ? — Oui, Madame, vous voici actuellement à la mode, et vous voyez que ce n’est pas bien difficile, il suffit de se déshabiller. »

On vit, vers la même époque, une mode nouvelle, celle des paillettes, mais elle tomba bientôt dans l’exagération, aussi donna-t-elle lieu à la chanson suivante :

 
Paillette aux bonnets,
Aux toquets,
Aux petits corsets !
Paillette
Aux fins bandeaux,
Aux grands chapeaux !
Paillette
Aux noirs colliers,
Aux blancs souliers !
Paillette,
Paillette aux rubans,
Aux turbans,
On ne voit rien sans
Paillette !

Au commencement du siècle, les corsets des femmes élégantes étaient très courts du haut, et les épaulettes très étroites. En avant, ils s’arrêtaient au-dessous de la poitrine, en arrière, ils laissaient libres les deux tiers des épaules, mais au bas, ils étreignaient le ventre et les hanches.

Vers 1810, le corset à la Ninon (fig. 33) faisait fureur ; le busc seul maintenait la rigidité du corset.

Dans un petit poème en trois chants, intitulé l’Art
Planche XI, Le Coucher, d’après Devéria (1829)
Planche XI, Le Coucher, d’après Devéria (1829)
Planche XI
Le Coucher, d’après Devéria (1829).
de la Parure ou la Toilette des Dames (1811), on vante le talent du célèbre faiseur d’alors :

 
Viens, Leroy, viens ; écoute et suis mes lois.
Observe chaque belle,
Que ce corset emprisonne et modèle
Les deux contours de ses naissans appas,

Et feigne même un sein qu’elle n’a pas.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Tout reconnaît ta voix, ta volonté,

Pour embellir l’orgueilleuse beauté,
Comme une fée, ordonne à la nature
De se plier aux lois de la parure.

(Chant II, l’Art de la Modiste et de la Parure.)


Dans le 3e chant où l’auteur traite : « des vertus et des qualités essentielles au coiffeur et autres artistes de la mode », il énonce les qualités suivantes comme étant celles du parfait fournisseur : Calme des sens, respect, discrétion, patience et exactitude.

Ce Leroy, dont il est parlé ci-dessus, était le maître de la mode, c’est lui qui habillait l’impératrice Joséphine ; ce fut aussi de ses ateliers que sortirent les vêtements que Napoléon envoya à Marie-Louise d’Autriche, sa seconde femme, avant son entrée en France.

Vers la fin du premier empire, les corsets étaient devenus presque aussi courts du bas que du haut. Le buse arrivait à peine au-dessus de l’ombilic, le bord inférieur, échancré suivant le contour supérieur de la hanche, se prolongeait en arrière jusqu’au milieu des reins sur lesquels il était maintenu par les baleines des œillets ; en haut, les goussets arrivaient au tiers de la poitrine qui se trouvait cependant soutenue par un baleinage serré, à la fois souple et résistant ; des baleines obliquement placées de bas en haut et de dedans en dehors, maintenant l’écartement des seins, reçurent le nom de « divorces ». Sur les côtés, le corset n’avait guère plus de 10 à 12 centimètres de hauteur et portait un montant vertical très simple composé de baleines minces et étroites.

Fig. 33. — Corset à la Ninon 1810 (Costumes parisiens).
Un auteur nous apprend qu’un autre grand faiseur,
Planche XII Corset Leoty (1867)
Planche XII Corset Leoty (1867)
Planche XII
Corset Leoty (1867).
Lacroix, dont la renommée était universelle, ajoutait au corset un petit coussin, recouvert de taffetas blanc, qui s’attachait par derrière pour donner à la taille un aspect plus cambré ; l’écrivain ajoute que les élégantes, ne reculant pas devant le prix de cent francs relativement élevé pour l’époque, accouraient en foule chez Lacroix.

De 1815 à 1830, les corsets furent graduellement rallongés du haut au bas. Les goussets de gorge emboîtaient la poitrine, ceux de la hanche descendaient très bas ; mais les montants latéraux s’arrêtaient à la hanche. Le baleinage était résistant, l’étoffe presque toujours double, enfin le busc ordinaire long et épais. Ce corset, trop dur et trop lourd, se complétait par de larges épaulettes (planche XI).

Charles X fut un ennemi des corsets trop serrés et des tailles fines. « Il n’était pas rare autrefois, dit-il, de trouver en France, des Diane, des Vénus, des Niobé, aujourd’hui, on n’y rencontre plus que des guêpes. »

C’est vers 1820 que l’industrie du corset, languissante depuis la fin de la Révolution, prit un véritable développement. À partir de ce moment, de nombreux perfectionnements furent apportés aux corsets et à leurs accessoires ; en 1842, apparut un nouveau corset, dit à la paresseuse, qui différait un peu de ceux des époques antérieures ; il prenait mieux la taille, la gorge et les hanches, était plus agréable à porter et un nouveau mode de laçage, à la paresseuse, y était adapté. Ce corset, après avoir subi de nombreuses modifications de hauteur et de longueur, est parvenu jusqu’à nous.

Depuis lors, le mouvement est donné, la taille devient, à juste titre, une des plus grandes coquetteries féminines. Pendant les vingt années du second Empire, les corsets, quoique de plus en plus confortables, ne subissent que très peu de modifications ; les élégantes, imitant l’impératrice Eugénie dans la façon de s’habiller, étaient obligées de copier, pour ainsi dire, la taille de la souveraine ; de là, la mode de la taille dite courte. Cette expression n’est pas exacte, car la taille, à cette époque, différait beaucoup de celle que l’on se faisait sous le premier Empire ; les corsets que l’on portait sous le règne de Napoléon III s’adaptaient parfaitement à la taille naturelle, c’est-à-dire au bas des côtes, mais ils étaient très échancrés du haut et courts du bas, ils laissaient de la sorte les épaules tombantes et les goussets ne remontant pas la poitrine, la taille était moins élevée. Pour distinguer cette mode de celle du premier Empire, on devrait plutôt l’appeler la taille basse, car elle n’avait rien de commun avec la taille courte du commencement du siècle, puisque les corsets se portaient au-dessous des seins
Planche XIII Corset Leoty (1878)
Planche XIII Corset Leoty (1878)
Planche xiii
Corset Leoty (1878).
et donnaient un tout autre aspect au costume d’alors (planche XII).

Après les événements de 1870, la mode manque d’orientation, on tâtonne pendant deux années, et vers 1873, on voit la taille longue qui amena l’usage du corset-cuirasse armé de ce fameux et hideux busc-poire qui ne servait à rien, n’applatissait rien et donnait au corset un aspect orthopédique qui enlève toute élégance féminine. Comme il n’est pas de mode sans exagération, on allonge la taille de plus en plus et l’on arrive bientôt à avoir la taille tellement longue que les petites femmes sont tout en buste et n’ont presque plus de jupe (planche XIII).

Depuis deux années environ, on a cessé d’allonger la taille sans pour cela revenir à la taille courte ; on ne s’occupe en ce moment que d’une chose, supprimer, autant que faire se peut, la cambrure du devant qui fait ressortir le ventre d’une façon abominable.

Je suis loin de critiquer cette mode qui a vraiment une raison d’être à condition bien entendu de ne pas aller jusqu’au grotesque.

Depuis un an, la mode Empire a fait son apparition ; je dois dire qu’heureusement pour nos élégantes, elle a été de courte durée ; pendant son soi-disant succès, on a passé en revue tous les styles : le grec, le moyen âge, la Renaissance, le Henri II, le Henri III et le Louis XIII. Cette résistance à ne pas adopter cette mode nous démontre suffisamment combien les femmes tiennent à l’élégance de leur taille.

Donc l’Empire est enterré, j’espère à tout jamais ; on est en ce moment au 1830, bien plus avantageux pour la taille ; la crinoline reparaît et avec elle, il est facile de prévoir le retour au Louis XV et au Louis XVI.

Ayant étudié à fond, comme ce livre le prouve, tous les changements que le corset a subis depuis le commencement des siècles, il nous importe peu que la taille soit courte, basse ou longue, nous nous mettrons toujours au diapason de la mode et nous nous efforcerons de la guider afin d’éviter toute exagération ridicule ou funeste à la santé.