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La so ialisatio à la o ilité ’est-elle u’u e uestio de ge e ? L’exe ple des adoles e ts de catégories populaires du rural et de Zones Urbaines Sensibles. Julian Devaux & Nicolas Oppenchaim Résumé Les pratiques et rapports des adolescents à la ville sont le plus souvent appréhendés par le seul biais du genre et des inégalités e t e filles et ga ço s. Cet a ti le ise, à pa ti d’u e thodologie i te et d’u e o pa aiso e t e o te te u al et elui des zones urbaines sensibles, à montrer que le ge e ’est pas la seule a ia le à agi su les p o essus de so ialisatio à la L’effet du ge e su es p o essus se d li e e effet diff e o ilit à l’adoles e e. e t selo les appa te a es so iales et résidentielles des adolescents. Abstract Practices and relationships from teenagers to the city are more often than not apprenhended only by gender and inequalities between girls and boys. This article aims, from a mixed methodology and a comparison between rural environment and sensitive urban areas, to show that the gender is not the only influencing variable to act on mobility socialization processes at teenager period. Indeed, gender effect on these processes can be translated differently according to social and residential backgrounds of teenagers. L’adoles e e est u âge e t al da s la o st u tio des dispositio s i di iduelles is-à-vis de l’espa e u ai De au et Oppe hai , . Du a t ette p iode de t a sitio e t e la socialisation primaire et la socialisation secondaire (Cuin, 2011), les adolescents commencent à s’auto o ise des i sta es de so ialisatio t aditio elles ue so t la fa ille et l’ ole Galla d, 2011), en particulier lors de leurs premières expérimentations du domaine public (Breviglieri, 2007). Ils a ui e t au ou s de leu s d pla e e t et des lieu f o ilit s des ha itudes du a les e te es d’usages des ue t s, de appo ts au espa es pu li s et à l’a o odes de at u ai , ais aussi des appétences en termes de projections résidentielles futures (Devaux et Oppenchaim, 2012). Ces effets so ialisa ts de la o ilit so t d’auta t plus op a ts à et âge ue les adoles e ts 1 app e e t p og essi e e t à se d pla e sa s l’a o pag e e t d’adultes et à se e u « temps à soi » da s l’espa e u bain qui favorise leur subjectivation (Zaffran, 2010). Ces processus de socialisation sont largement liés à des effets de genre. De nombreux auteurs ont mis en évidence une socialisation différenciée entre filles et garçons aux pratiques de mobilité durant l’e fa e et l’adoles e e, et le ôle ajeu ue joue t à et ga d les ep se tatio s pa e tales (Rivière, 2012). Les pratiques urbaines des filles sont plus strictement encadrées que celles des ga ço s, du poi t de ue des lieu et des pe so es u’elles fréquentent ou encore de leurs sorties nocturnes, en raison de la « peur sexuée » qui structure les pratiques éducatives des parents (Lieber, , ota e t elle de l’ag essio des jeu es filles d s u’elles atteig e t la pu e t 2012). Cet e ad e e t diff e i Ri i e, epose plus la ge e t su l’i t io isatio de ep se tatio s péjoratives de la ville et des espaces publics urbains, naturellement associés par les parents à l’i s u it . Il o e e aussi ie les p ati ues des espa es pu li s du territoire de résidence que les o ilit s plus loi tai es. Da s e deu i e o e as, il se fo alise t s sou e t su l’usage des t a spo ts u , eau oup plus est ei t du ôt des filles ue des ga ço s, ta dis u’à l’ helle lo ale, il repose davantage sur la volonté de certains parents de contrôler les relations amoureuses des jeunes filles (Clair, 2008). D’aut es t a au o t e t ue le ge e ’est pas la seule a ia le à agi su es p o essus de socialisation à la mobilité. Le territoire de résidence joue un rôle central dans les dispositions incorporées par les adolescents (Depeau, 2008 ; Devaux, 2016), selon ses caractéristiques g og aphi ues p o i it à la ille, desse te e t a spo t e o configuration socio- side tielle ôle des pai s, o te te plus ou adoles e ts… . De e, les diff e es d’e i o u , uipe e ts de loisi s… et sa oi s fa o a le à l’auto o ie des e e t so ial et fa ilial i duise t u e di e sit de mobilités adolescentes, variables par exemple selon la trajectoire résidentielle des parents (Goyon, 2009) ou le fonctionnement de la cellule familiale (Kaufmann et Widmer, 2005). L’appa te a e so iale et side tielle des adoles e ts i flue e ai si aussi ie les o ilit s des adolescents en dehors de leur territoire de résidence que leur ancrage résidentiel, ’est-à-dire leurs usages du quartier, leurs pratiques de sociabilité avec les autres habitants et le rôle du quartier dans la construction de leur identité sociale (Authier, 2001). Or, si de nombreux travaux renseignent les diff e es d’a age side tiel Buffet, e t e filles et ga ço s, es et de o ilit s uotidie es Va de sultats so t a e e t ois s a e l’appa te a e so iale et isse , side tielle des adolescents. L’o je tif de et a ti le est alo s de ieu o p e d e l’a ti ulatio e t e appa te a es so iales, résidentielles et de genre dans les processus de socialisation à la mobilité. En effet, la construction des identités et des rapports sociaux de sexe se décline différemment selon les milieux sociaux et side tiels Tissot, .Pe dee o pte es t ois di e sio s pe et d’ ite deu ueils : 2 d’u e pa t, u e le tu e t op spatialiste des appo ts so iau Ri i e et Ripoll, , su esti a t le rôle de certains contextes de résidence sur les différences genrées de pratiques – par exemple une i isi ilit des filles da s l’espa e pu li de side e ui se ait li e à u aux « cités » (Clair, 2008) ; d’aut e pa t, la p i e e do e au o te te u ai sp ifi ue appo ts sociaux de classe dans la o p he sio des p o essus de so ialisatio , au d t i e t des effets du ge e et de l’espa e. Au o t ai e, l’a ti ulatio de es di e sio s pe so iau et de e d e o pte de la o ple it des appo ts i te es à l’adoles e e contemporaine, trop souvent représentée de manière homogénéisante (Pasquier, 2005). Cette approche invite en particulier à penser la différenciation interne dans les processus de socialisation des jeunes des classes populaires, entre filles et garçons, entre classes populaires stables et marginalisées (Schwartz, 1998), mais aussi en fonction de leur territoire de résidence (Siblot et al., 2015). Méthodologie Afi de ieu o p e d e l’effet du ge e et des diff e iatio s i te es au la so ialisatio des adoles e ts à la lasses populai es sur o ilit , ous ous appu o s su plusieu s te ai s d’e u te situés en Île-de-France : l’e ploitatio statisti ue de l’Enquête globale transports (EGT) de 2001 et , e e sous l’ gide du Stif1 et de la Dreif2, qui permet de décrire les déplacements des F a ilie s de plus de lo alis e aup s d’u e a s au ou s d’u e jou e de se ai e et le i gtai e d’adoles e ts f a ilie s eek-end ; une ethnographie sida t da s u e o u e u ale « périphérique3 », Bresson4, marquée par de faibles densités, une démographie dynamique et le poids pe sista t de l’ag i ultu e et de l’a tisa at ; enfin une enquête ethnographique dans une aiso de ua tie d’u e zone urbaine sensible (Zus) de grande couronne, et une recherche par entretiens dans huit établissements scolaires dont le bassin de recrutement est situé en partie en Zus. Si ces terrains sont à priori dissemblables, leur confrontation permet de contrôler la portée des résultats de recherche tout en p ta t u e atte tio soute ue au ôle ue joue l’appa te a e so iale et side tielle des adoles e ts da s la o st u tio de a i es d’ha ite diff e i es des filles et des garçons. L’a age éside tiel des adoles e ts : effets de genre, de classe et du lieu de résidence Les appo ts de ge e i flue e t fo te e t l’a populai es. Ils se t aduise t ota à l’i e se u e app op iatio plus f e t pa u e age side tiel des adoles e ts de at go ies oi d e p se e des filles da s l’espa e pu li , et ue te de l’espa e domestique. Cet effet du genre est plus lié à 1 Syndicat des t a spo ts d’Île-de-France 2 Direction régionale de l’équipement de l’Île-de-France 3 La o u e est situ e e deho s de l’ai e u ai e pa isie e, da s les o fi s de la Sei e-et-Marne, à la frontière avec le Loi et. Elle est dista te d’u e i gtai e de kilo t es du e t e u ai le plus p o he et e dispose pas d’a s au transports en commun. 4 Les noms de lieux et de personnes ont été rendus anonymes. 3 des variables sociales que territoriales, car il concerne aussi bien les adolescents de Zus que du rural. Il ne doit cependant pas conduire à minorer les spécificités de chaque territoire de résidence, ainsi que la di e sit d’a U e ages i te es au filles et ga ço s de at go ies populai es. oi dre prése e des filles da s l’espa e pu li de réside e L’e ploitatio des e u tes EGT o t e ue les filles de at go ies populai es o t oi s d’a ti it s dans leur commune que les garçons, en particulier sans leurs parents, mais également que les filles de o at go ies o e es et sup ieu es. Ces de i es alise t auta t d’a ti it s da s leur u e ue les ga ço s de at go ies sup ieu es, e pa ti ulie lo s u’elles ha ite t da s Pa is intra-muros. Tableau 1 : Adolescents ayant eu une activité extrascolaire dans sa commune un jour de week-end en 2010 Catégories Catégories Catégories Total populaires moyennes supérieures Garçons 39,5 % 33,2 % 39,7 % 37,6 % Filles 23,1 % 28,2 % 42,4 % 31,8 % Lecture : 23,1 % des adolescentes de catégories populaires ont réalisé une activité dans leur commune, contre 39,5 % des garçons de cette catégorie Source : EGT 2010 Stif-Omnil-Driea, calcul des auteurs. Les a ts o se s selo le se e da s la alisatio d’a ti it s da s sa o u e as ue t ai si des différences entre filles et garçons beaucoup plus marquées parmi les catégories populaires que dans les autres catégories sociales. Cela se traduit également par un usage différencié de la marche à pied, a e des a ts oissa ts depuis di a s, à la fois e t e at go ies so iales et à l’i t ieu des catégories populaires : alo s ue l’usage de la marche pour réaliser une activité extrascolaire a augmenté chez les garçons quelle que soit leur catégorie sociale, il a fortement augmenté pour les filles de catégories supérieures, est resté stable pour celles de catégories moyennes et a beaucoup diminué parmi les filles de catégories populaires. Les garçons de catégories populaires sont les adolescents (avec ceux de catégories supérieures) qui utilisent le plus la marche pour réaliser des activités extrascolaires, alors que les filles de cette catégorie sont celles qui y ont le moins recours. Tableau 2 : Adolescents ayant réalisé une activité extrascolaire en utilisant la marche à pied un jour de week-end en 2010. 4 Catégories Catégories Catégories Total populaires moyennes supérieures Garçons 29,3 % 23 % 37,6 % 30,5 % Filles 10,9 % 18,2 % 27,1 % 19,3 % Lecture : 19,3 % des filles ont réalisé une activité extrascolaire en marchant contre 30,5 % parmi les garçons. Source : EGT 2010 Stif-Omnil-Driea, calcul des auteurs. Cet a t d’a ti it s alis es à p o i it du do i ile e t e filles et ga ço s de at go ies populai es est transversal à leur territoire de résidence. Les garçons de Zus ont plus recours à la marche que les aut es adoles e ts, e aiso d’u e fo te p se e da s l’espa e pu li , li e à l’i te sit sociabilités juvéniles dans ces quartiers (Lepoutre, 2001), l’a se e d’ des ais aussi à l’e igüit du loge e t et à uipe e ts de loisi s au do i ile. Mais, à l’i e se, les filles de Zus ’o t pas oi s d’a tivités dans leur commune que les autres adolescentes de catégories populaires. Cette transversalité des écarts entre filles et garçons de catégories populaires, quel que soit leur territoire de side e, uestio e les th ses d’u e s g gatio des ge es da s l’espa e pu li sp ifi ue au Zus (Clair, 2008 ; Lapeyronnie, 2008). Le contexte urbain spécifique des Zus contribue certes à faire du ua tie u espa e sous o t ôle, ota e t elui des ga ço s ui statio public. La présence des filles da s l’espa e pu li est pe çue o genre », c'est-à-di e à l’i jo tio de se o fo plei e e t se ualis u’ap s le e t da s l’espa e e u e attei te à l’« ordre du e à l’i age d’u e fille e pou a t de e i u a iage et de a t do fai e p eu e de te se e dans son comportement. Les filles doivent avoir une bonne raison pour se déplacer dans le quartier, elles ne doivent pas y stationner ou être seules au milieu de garçons. En contrevenant à ces règles d’o upatio de l’espa e pu li , elles so t N a e a es d’avoir mauvaise réputation (Clair, 2008). oi s, l’o upatio diff e i e de l’espa e pu li de side e, a e u e oi d e isi ilit des filles, est avant tout liée à des variables sociales et non territoriales. Deux éléments expliquent plus particulièrement la moindre présence des filles de catégories populaires dans leur quartier. Les espa es pu li s o t tout d’a o d toujou s t des espa es se u s Lie e , 2008). Ils sont socialement construits comme des espaces dangereux pour les femmes, plus vulnérables que les hommes, car elles se aie t oi s apa les de se d fe d e fa e au ag essio s. Ils s’oppose t à l’espa e i t ieu du logement, socialement construit comme protégé et lieu de prédilection des femmes. Cette division traditionnelle des espaces structure les stratégies éducatives des parents, mais aussi les régulations informelles des adolescents eux-mêmes. On retrouve par exemple dans les territoires u au le o t ôle e e pa les pai s su les p ati ues de l’espa e pu li side tiel et les relations amoureuses entre adolescents (Clair, 2012). Or, cette appropriation sexuée des espaces est 5 renforcée parmi les adolescents de catégories populaires (Zaffran, 2010), les filles étant plus enclines à rester au domicile, alors que les garçons investisse t plus p o e e t l’espa e pu li à p o i it du domicile. Le cas des adolescents de Bresson (cf. encadré méthodologique) illustre bien cette appropriation sexuée : d s le d ut de l’adoles e e, les ga ço s affi he t u e assez fo te p se e au sei u’il s’agisse de l’espa e de la « rue » ou encore des quelques des espa es pu li s, équipements sportifs de la commune – notamment le terrain de football municipal. En revanche, les filles se caractérisent surtout par un fort usage des espaces domestiques, en particulier de la chambre, mais aussi du jardin familial. Ces espaces sont souvent investis en compagnie des pairs, notamment du « groupe de copines ». La se o de e pli atio à la oi d e p se e des filles de at go ies populai es da s l’espa e pu li side tiel est ue l’off e d’a ti it s de loisi s g atuites ou peu o ga ço s u’au filles, uel ue soit leu te itoi e de side e, o euses e le est plus adapt e aux o t e l’i po ta e des city-stades dans la sociabilité juvénile en Zus, ou celui du club de football local dans le milieu rural. Les filles de catégories populaires pratiquent eau oup asso iati es ue les ga ço s, e oi s d’a ti it s spo ti es, ultu elles ou aiso d’u fi a e e t pu li p i ipale e t o ie t e s les activités prisées par les garçons, de stéréotypes de genre conduisant les acteurs des politiques de jeunesse à naturaliser la moindre présence des filles dans les associations (Raibaud, 2014), ou du se ti e t d’i puissa e des p ofessio els de te ai pou i te e i is-à-vis des rapports sociaux de sexe, auxquels ils ne sont ni sensibilisés ni formés (Danic, 2016). U e diversité d’a rage réside tiel des filles de atégories populaires La oi d e p se e des filles de at go ies populai es da s l’espa e pu li e doit pas as ue la diversité de leur ancrage résidentiel, ainsi que celui des garçons, selon leur territoire de résidence. Au-delà du genre, de nombreuses variables influencent l’a age side tiel des adoles e ts, e particulier la catégorie sociale et la trajectoire résidentielle de leurs parents. En Zus, u e pa tie des filles ejette leu ua tie et e f ue te ja ais l’espa e pu li de Ces adolescentes repren e t deu st at gies lassi ues d’autop ote tio s oli ue des ha ita ts de quartiers ségrégués stigmatisés (Wacquant, 2011) : d’u e pa t, la dista iatio l’ la o atio de i odiff e es a e les aut es ha ita ts ; d’aut e pa t, le d o siste à ep e d e à so side e. utuelle et ig e ent latéral qui o pte les ep se tatio s stig atisa tes issues de l’e t ieu pou les appliquer à une partie des habitants. Elles se désolidarisent des autres jeunes de leur ville, ota de e t eu side e, e u’elles o e t « a ailles ». Elles i i ise t leu p se e da s l’espa e pu li aiso de la peu d’ag essio s ph si ues ou e ales et du poids des u eu s. Leu réseau amical dans le quartier se limite à une amitié forte avec une ou deux personnes. Elles passent beaucoup de temps au domicile de leurs amis, et privilégient également la fréquentation dans leur 6 ua tie de lieu fe f s u’elles sa e t su eill s pa des adultes, o e les i lioth ues. Elles ue te t aussi des lieu e plei ai , lo s u’elles so t certaines de ne pas y croiser des jeunes du quartier. À l’i e se, e tai es filles de Zus se caractérisent par une forte identité territoriale. Le rôle déterminant du quartier dans la définition de soi de certains adolescents ne concerne ainsi pas que les ga ço s. L’a age side tiel de es filles de Zus fortement attachées à leur quartier prend néanmoins différentes formes, étroitement liées à leur positionnement vis-à-vis des stéréotypes de ge e Oppe hai , . U e pa tie d’e t e elles t ou e leu pla e da s l’espa e pu li de side e g â e à leu a age fa ilial et à l’e t etie d’u e putatio de fille « sérieuse ». De nombreux membres de leur famille résident dans leur commune, les parents leur laissent une grande liberté de déplacement da s l’espa e lo al, où elles poss de t la ajo it de leu seau a i al, constitué exclusivement de filles. Ces adolescentes sont cependant moins visibles que les garçons da s l’espa e pu li , elles e d oits ui e so t f lieu ite t de statio e t op lo gte ps da s le ua tie , si e ’est da s des ue t s ue pa des filles de leu âge. Á l’i e se, elles e f ui so t app op i s pa les ga ço s, ota ue te t pas les e t e soi e. U e fois la uit to e, lo s u’elles ne sont pas chez elles, elles restent dans les escaliers ou le porche de leur bâtiment, à portée de vue de leurs parents. Je me vois pas rester avec une foule de garçons autour de nous. Bon, y a quand même des lieux où on peut alle , o s’ loig e u petit peu, o ’est pas o lig es d’ t e à ôt des ga ço s. O ai e ie alle stade parce que là- as o est à l’aise, a pe so e et o peut pa le o eo eut, o peut fai e e u’o eut, o est à l’aise [...] Ap s, e s i gt heu es, il est ho s de uestio d’alle da s uestio . C’est pas ue ’est da ge eu , gens là- as, ils so t pas o ais oilà, ça fe ait u peu e… Ils so t o au , ils so t ge tils, au aise pas de p o l e pa appo t à ça, ’est pas ça le p o l e, a it , ’est ho s de putatio . O a pas de p o l ’est juste ue oilà, leu attitude, tout ça… J’ai toujou s app is u’il fallait e s le ite , e pa a di e ue les appo t à ça, ais je passe o ais ’est juste ue je fais atte tio al, a lycéenne de Zus, 17 ans). D’aut es adoles e tes de )us trouvent leur place de manière différente dans leur quartier. Elles adopte t les p i ipau odes de o po te e t des ga ço s ui statio e t da s l’espa e pu li : elles jaugent les autres filles qui sont présentes dans ces espaces, elles ne baissent pas les yeux lo s u’elles oise t u g oupe u’elles e o pas se laisse fai e e aisse t pas et elles affi he t leu d te as de p o o atio , e haussa t le to et e i atio à e o t a t u’elles ’o t pas peu de se battre ; il leur arrive également de p o o ue d’aut es filles. La ep ise de es odes de o po te e t s’effe tue plus f ue e t à l’e t ieu du ua tie , a elle est plus diffi ile à ett e e œu e da s u espa e lo al do i passer du te ps da s leu pa des ga ço s plus âg s. Ces adoles e tes ai e t ua tie , do t elles app ie t l’a ia e. Elles statio e tf ue e t 7 da s des lieu f ue t s pa des ga ço s. Si elles e so t a ies u’a e uel ues filles, elles développent également des liens amicaux ou amoureux avec des garçons plus âgés du quartier. A a t, j’ tais al e, o a di e, ’est pas ue j’ tais bolos, pa e ue j’allais pa le ua d e, j’a ais u fort caractère et fallait pas me chercher. Mais là, même si tu me cherches pas, ben tu me trouves. Je suis toujours sur la défensive, je suis dure. Aux Beaudottes, je parle pas aux filles. Là-bas, les filles elles me ega de t et je les ega de aussi. Co e o est su u he i oppos , ta t u’elle est pas de i e oi, je continue à la regarder. Mais elles font ça avec tout le monde, tout le monde fait ça avec tout le monde, do ’est pas g a e. Bo a juste les bolos, eux, ils regardent par terre généralement (lycéenne de Zus, 17 ans). O et ou e ette di e sit d’a e o te te u al. U e ages side tiels pa i les filles de at go ies populaires résidant ajeu e pa tie d’e t e elles, à l’i sta des filles de Zus, ont un faible usage, surtout fonctionnel, des espaces publics. Elles se représentent ces espaces comme étant essentiellement dévolus aux garçons de la commune et particulièrement inadaptés à leurs besoins. Elles ont en retour un usage intense des espaces domestiques durant leur temps libre. Elles iti ue t le a ue d’ uipe e ts d di s au filles da s la o u e, ua d les ga ço s dispose t de « leur » terrain de foot, et reprennent à bon compte le fameux « ennui » du jeune en milieu rural. E alit , pou u e pa tie d’e t e elles, ui dispose t d’u seau elatio el lo al i po ta t et parviennent ainsi à multiplier les pratiques de sociabilité domestiques entre « groupes de copines », le rapport à leur territoire de résidence apparaît quelque peu ambivalent, entre ressources (sociales) et o t ai tes spatiales . Á l’i e se, d’aut es adoles e tes, le plus sou e t e e t i stall es dans la commune, ont des représentations particulièrement péjoratives des territoires ruraux, s o es d’isole e t à la fois spatial et so ial. S’ajoute, pou u e pa tie d’e t e elles, ota e t celles issues de catégories populaires « établies », l’effet des st at gies ducatives parentales qui ont tendance à limiter davantage encore leurs pratiques locales : aux habituelles mises en garde contre les da ge s des espa es pu li s s’ajoute la t a s issio de ep se tatio s pa ti uli e e t gati es de l’usage de la « rue » des jeunes, naturellement associé à la déviance (Vulbeau, 2014). Cette transmission passe en particulier par la dénonciation de la frange de la jeunesse locale qui « traîne ». Toutefois, une partie des adolescentes résidant en milieu rural se caractérise par un assez fort ancrage résidentiel. Issues de familles populaires « marginalisées », elles o aisse t, à l’i sta des garçons, une assez grande liberté dans leurs sorties et ont un usage relativement intense des espaces publics. Si, au cours de la préadolescence (11- a s , elles o t te da e à s’i s e da s e tai s groupes de garçons de la commune, dans la continuité des relations nouées dans les associations locales, ces pratiques deviennent par la suite essentiellement féminines. En opposition à la forte mobilité locale des garçons, symbolisée par les virées en scooter réalisées en groupe dans les rues de 8 la commune, les adolescentes se cantonnent alors essentiellement à des pratiques de stationnement en groupe dans les espaces centraux de la commune de résidence – la pla e de l’ glise, de a t l’ ole – da s le ad e des uelles les usages u i ues pa tage du o ile, oute de usi ue… occupent une place centrale. De toute façon, ici, on a plutôt tendance à rester entre filles et les garçons vont de leur côté. Ça veut pas di e u’o e se pa le pas ais les ga ço s o t plutôt ouge e s le te ai de foot ou alo s ils t aî e t e vélo, par là-bas [ndrl : en désignant une rue qui mène à la sortie du village]. Nous la plupart du temps, quand on so t a e Cassa d a et Ma gau , ’est pas pou alle t s loi , o l’ glise ou alo s o a s’asseoi su le a de a t l’ ole. O a se pose su la pla e, juste de a t este da s la ue p i ipale uoi. O dis ute entre nous, ou alors tout simplement on est avec nos portables, on écoute de la musique, mais on va jamais plus loin. Des fois e, o este de a t hez oi, assises su l’es alie , ’est juste histoi e de so ti uoi (collégienne du rural, 14 ans). Une domination plus sociale que genrée dans les territoires populaires ? Les ga ço s de at go ies populai es so t plus p se ts da s l’espa e pu li de filles de ette at go ie, side e ue les ais u e pa tie d’e t e elles i estisse t gale e t e tai s lieu de leu territoire de résidence. Dans les territoires peuplés majoritairement de catégories populaires, en Zus ou e u al, les diff e es d’i estisse e t de l’espa e pu li epose t auta t su des logi ues de différenciation sociale que de genre. Ces deux logiques sont de fait intimement liées dans nos te ai s de e he he. La fo te p se e de ga ço s de at go ies populai es da s l’espa e pu li entraîne un virilisme exacerbé de ces derniers et un contrôle des filles, mais aussi des garçons, auto is s à i esti l’espa e pu lic sans être importunés. En contexte rural, une partie des filles de catégories populaires est par exemple beaucoup plus visible que les garçons issus des at go ies sup ieu es et o e es, g ale e t a se ts de l’espa e lo al, et qui préfèrent investir des lieux de so ia ilit s e t ieu s à leu o u e. De e, ous a o s u u’e Zus e tai es filles l giti e t leu pla e da s l’espa e pu li g â e à leu a age fa ilial elles so t généralement issues des catégories populaires intégrées) ou en reprenant en partie les codes de comportement des garçons (plutôt issues de catégories populaires fragilisées). Ces différenciations sociales expliquent également en partie les divers ancrages résidentiels des garçons de Zus : une pa tie d’e t e eu , issus g éralement des catégories populaires fragilisées, passent la majorité de leu te ps li e da s l’espa e pu li de side e, où ils f ue te t des jeu es plus âg s, et se distinguent par une très forte identité territoriale ; d’aut es, le plus sou e t issus des catégories populaires intégrées, se caractérisent par leur forte inscription dans le tissu associatif local, avec un réseau amical centré sur des garçons de leur âge et un rôle moins important du quartier dans leur construction identitaire ; enfin, u e pa tie i po ta te t oig e d’u e lassitude oissa te is-à-vis 9 des o s ue es gati es de la s g gatio side tielle, e pa ti ulie de l’a se e de i it et du contrôle social qui rend difficile la construction de relations intimes. Ces adolescents passent désormais la plus grande partie de leur temps libre en dehors de leur quartier. Leurs expériences de o ilit , et la o f o tatio ali e te t leu aut e ilieu so ial et side tiel, oi d e i estisse e t de l’espace public résidentiel. Ce dernier exemple montre la essit d’a ti ule a o ussie a e des itadi s d’u age side tiel et p ati ues de e t le ge e, l’appa te a e so iale et o ilit des adoles e ts afi de o p e d e side tielle i duise t des a i es d’ha ite différenciées. Des pratiques de mobilité fortement genrées, mais différentes selon les milieux sociaux et résidentiels Un moindre accompagnement des filles de catégories populaires Les rapports de genre influencent fortement les pratiques de mobilité des adolescents en dehors de leur commune. Ils se traduisent notamment par un nombre plus faible de sorties en soirée des filles et un accompagnement plus important par les parents, notamment en voiture. Ces écarts de pratiques entre filles et garçons sont restés stables ces dix dernières années (Devaux et al., 2016), mais cette stabilité masque des évolutions très différentes selon la classe sociale des adolescents : ’est pa i les at go ies populai es ue les plus p o o Cette a ts de p ati ues e t e les filles et les ga ço s so t les s, eau oup plus aujou d’hui u’il a di a s. olutio s’e pli ue p i ipale e t pa u o t ôle diff e i des ais a e des possi ilit s diff e tes d’a o pag e e t selo les o ilit s selo le se e, ilieu so iau . Les p atiques de mobilité adolescentes sont encadrées différemment en fonction du genre (Rivière, 2012). Si les filles o t plus d’auto o ie ue les ga ço s à l’e fa e, à partir de la puberté, leur vulnérabilité supposée au sein des espaces publics urbains conduit à un encadrement plus strict de leurs déplacements du poi t de ue de l’ha ille e t, de l’heu e de so tie ou des lieu f ue t s. E etou , es o es sont intériorisées par les adolescentes et contribuent à forger une expérience spécifique des espaces pu li s, faite d’ajuste e ts à l’aut e se e et d’a ti ipatio s des situatio s e aça tes. Elles apprennent à éviter certains lieux jugés trop dangereux ou à favoriser les pratiques de mobilité en groupes. Cet encadrement genré des pratiques de mobilité est transversal aux différents territoires (Rivière, 2012). En Zus, une partie des adolescents évolue dans un milieu familial encadrant très fortement les d pla e e ts e deho s du ua tie , e aiso de ai tes d’ag essio s. Ces ai tes, ui se focalisent en grande partie sur les trajets en transports en commun, concernent en proportion beaucoup plus les filles que les garçons. Elles ne diminuent pas avec la montée en âge, et sont parfois e fo es pa u e olo t de o t ôle des elatio s a ou euses Buffet, . C’est le plus sou e t 10 la mère de ces adolescents qui est porteuse de ces craintes, qui se transforment parfois en véritable phobie. Celle- i i te dit à ses e fa ts d’e p u te les t a spo ts e deho s de la o u e lo s u’ils e so t pas a o pag o te te u al, les pa e ts d’o igi e populai e, ota o s pa u e e t pa i eu u ou de se d pla e e e de la fa ille plus âgé. En ui o t toujou s u e campagne, encadrent aussi plus fortement les filles que les garçons dans leurs mobilités, notamment celles réalisées en milieu urbain. Cet encadrement différencié repose sur des représentations particulièrement péjoratives de la ville et des espaces publics urbains, naturellement associés à l’i s u it . Le o e d’a ti it s alis es pa es adoles e ts, e Zus comme en milieu rural, dépend alors très fortement de la disponibilité de leurs parents pour les accompagner, notamment en voiture. Or, alors que dans les autres catégories sociales, les filles sont plus accompagnées que les garçons pour réaliser des activités extrascolaires, elles ne le sont pas parmi les catégories populaires. Tableau 3 : Adolescents ayant été accompagnés pour réaliser une activité extrascolaire un jour de week-end en 2010 Catégories Catégories Catégories Total populaires moyennes supérieures Garçons 28,3 % 28,7 % 47,1 % 35,7 % Filles 21,6 % 40,2 % 54,1 % 40,1 % Lecture : 40,1 % des adolescentes franciliennes ont été accompagnées par leurs parents pour réaliser une activité extrascolaire. Source : EGT 2010 Stif-Omnil-Driea, calcul des auteurs La sta ilit e di a s du o e d’adoles e ts a o pag s l’a o pag e e t hez les at go ies populai es, sous l’effet ota as ue ai si la aisse de e t de l’aug e tatio des familles monoparentales. Cette baisse est plus forte chez les filles : 37 % avaient réalisé une activité extrascolaire en étant accompagnées en 2001, 22 % dix ans plus tard. Sur la même période, le nombre de filles de catégories moyennes accompagnées est resté stable, celui des filles de catégories supérieures a fortement augmenté. Cette i flue e de l’o igi e so iale su l’a o pag e e t diff e i des filles et des ga ço s s’e pli ue e g a de pa tie pa la oi d e dispo i ilit e a ge t, e oitu e et e te ps des parents de catégories populaires. Ceux-ci ont plus souvent que les aut es des ho ai es d’e ploi at pi ues et ils so t plus f ue e t à la t te d’u e fa ille o opa e tale ou o euse. Cette moindre disponibilité est particulièrement prononcée en milieu rural, où émerge la figure de la mère 11 de famille dans la réalisation des nombreux accompagnements automobiles, souvent contraignants ais o ditio essai e de l’a s à l’off e de loisi s situ s la plupa t du te ps e ille. O , et accompagnement concerne bien plus les adolescents de catégories moyennes ou supérieures. Parmi les catégories populaires rurales, les garçons sont souvent plus accompagnés que les filles, notamment pour réaliser des loisirs populaires dans les communes proches, et ils accèdent plus fréquemment aux deux-roues motorisés. Ces moyens de transport leur permettent de diversifier leurs réseaux de sociabilité et les territoires pratiqués durant le temps libre, de la commune de side e au illages a oisi a ts. Á l’i e se, si les filles de at go ies populai es u ales s’appuie t tout autant que leurs homologues masculins sur leurs ressources relationnelles locales et en particulier sur le groupe de copines de la commune, leurs pratiques de mobilité sont davantage o t ai tes, e aiso d’u oi d e a s à la oitu e ou aux deux- oues, et d’u seau a i al plus éclaté spatialement. Des différe es e tre territoires et à l’i térieur des territoires Ce de ie e e ple o t e ie l’i po ta e de oise l’effet du ge e et de l’appa te a e so iale sur les pratiques de mobilité des adolescents avec celui du territoire de résidence. Les adolescents de Zus franciliennes, qui habitent plus fréquemment que les autres adolescents de la région dans des quartiers bien desservis en transports en commun, mais qui ont conscience de vivre dans des quartiers ségrégués, grandissent dans un contexte radicalement différent de celui des adolescents de zones rurales, très éloignés des axes lourds de transports. Si les adolescentes de catégories populaires de Zus font face à une moindre offre de loisirs à destination des filles dans leur quartier ai si u’au fai les possi ilit s d’a o pag e e t de leu s pa e ts, elles peu e t plus fa ile e t utiliser les transports en commun. Elles se déplacent autant que les garçons de leur quartier en dehors de leur commune sans leurs parents. Au-delà de l’i flue e du lieu de side e, les p ati ues de populai es d pe de t fo te e t de leu a age side tiel, o o ilit des filles de at go ies e le o t e l’e e ple des adolescentes de Zus caracté is es pa u e fo te ide tit te ito iale, et do , ous l’a o s u, pa différents positionnements vis-à-vis des stéréotypes de genre. Celles qui trouvent leur place dans le quartier grâce à leur ancrage familial se déplacent majoritairement dans des galeries marchandes situées à proximité de leur quartier, dans lesquelles elles aiment se retrouver entre amies. Elles se e de t eau oup oi s f ue e t à Pa is, où elles e e he he t i l’a o at u ai i les possibilités de rencontres. Elles se déplacent occasionnellement aux Champs-Él s es, u lieu u’elles associent au luxe et à la réussite sociale. Elles développent une perception ambivalente de ces mobilités, mêlant une fascination pour le mode de vie des Parisiens, mais également le sentiment de e pas t e à leu pla e da s la apitale. Elles o t l’i p essio de s’a e tu e da s u o de 12 étranger dont elles ne maîtrisent pas totalement les codes et où elles doivent se mettre en scène. Les déplacements à Paris sont vécus comme une expédition « dans un autre pays », d’auta t plus u’elles e s’ so t ja ais e dues plus jeu es a e leu s pa e ts. Malg le sou i u’elles a o de t à leu allu e e t ieu e, elles o t l’i p essio d’atti e l’atte tio des aut es itadi s e aiso de leur origine réside tielle et so iale. À l’i e se, les filles de Zus qui trouvent leur place dans le quartier en reprenant en partie les codes de comportement des garçons se déplacent beaucoup plus fréquemment en dehors de leur commune, le plus souvent avec quelques amies. Elles cherchent à s dui e des ga ço s de at go ies populai es et à s’a use e d’i te a tio , o t a sg essa t e tai es gles e l’« inattention civile » consistant par exemple à ne pas dévisager les autres personnes (Goffman, 1973), et en se moquant du st le esti e tai e de itadi s u’elles juge t idi ules. Ces p o o atio s et e efus de sau ega de la oop atio i te a tio plus t a sg essifs u’ils o t e ie e t, selo elle so t d’auta t es adoles e tes, au i ages ha ituelle e t asso i es aux filles. Cette transgression prolonge en quelque sorte la manière dont elles ont trouvé leur place dans leur quartier. Elle porte la trace de leur détermination à ne pas se laisser faire et de la reprise des codes de comportement des garçons qui station e t da s l’espa e pu li de side e. Cette transgression est plus ou moins ludique selon les situations ; elle débouche parfois sur des situations plus o fli tuelles lo s ue les adoles e tes juge t u’elles o t t p o o u es ou u’elles se se te t agressées. Les lieux fréquentés deviennent aussi régulièrement le théâtre de provocations et d’aff o te e ts e au a e d’aut es filles, pas l’o je tif p e ie f ue e t les o e si la e he he de ette a i atio e o stitue des d pla e e ts. Ces adoles e tes t a sg esse t d’ailleu s oi s es d’i te a tio lo s u’elles ieillisse t et elles p i il gie t alo s da s leu s o ilit s la s du tio d’aut es ga ço s. Y a toujours des petits regards entre filles en fait, y a toujou s des… oilà uoi. U peu comme les mecs e t e eu , o se ega de, o se fi e. Je la fi e pa e u’elle a o e à e fi e . C’est elle ui o e e à me fixer, je sais pas pourquoi. Mais ça part pas en embrouilles, ça fait « psit ». Ou genre elle parle, mais j’e te ds pas, ’est de loin. On dit bien « chien méchant qui aboie, dents en plastique ». Je fais « psit », pa e u’elle a o e , elle ua d elle est pa tie ’est te e i . … Qua d je suis a e au ge s. Alo s ue ua d je suis a e me disent « ega de o et au d fi. Bie sû , su le o e t j’ai le sa g ui o te, ais ap s a sœu , je suis plus al e, je fais pas atte tio es opi es je fais plus atte tio au ge s, pa e ue ’est elles ui e t elle est, a i a a… », « regarde ci, regarde ça », et après je regarde (lycéenne de Zus, 17 ans). Di e s fa teu s e pli ue t ette a ti ulatio diff e te e t e l’a age side tiel et la ces adolescentes de Zus a a t is es pa u e fo te ide tit te ito iale, ota l’a essi ilit au e t e de l’agglo atio , o ilit hez e t l’o igi e so iale, ais gale e t les dispositio s is-à-vis de la mobilité héritées dans la sphère familiale, la trajectoire résidentielle ou scolaire (Oppenchaim, 2016). 13 Les pratiques de mobilité des filles de catégories populaires résidant en milieu rural sont également fortement influencées par ces facteurs, en particulier par les ressources sociales familiales, les stratégies éducatives parentales et la trajectoire scolaire. La possibilité de réaliser des mobilités en contexte urbain est fortement fonction de la disponibilité et de la bonne volonté des parents à réaliser les accompagnements automobiles nécessaires. Pour une partie de ces filles, notamment celles issues de ménages modestes ou de familles monoparentales, la moindre disponibilité de leur mère ainsi que le coût financier que représentent ces déplacements ont tendance à limiter fortement leurs pratiques urbaines durant les week-ends et les vacances. Les seules mobilités en dehors de leur territoire de résidence, au cours des premie s âges de l’adoles e e, consistent le plus souvent en la fréquentation de centres commerciaux voisins en compagnie de leurs parents ; elles parviennent parfois plus tard à faire jouer leurs nombreuses ressources relationnelles locales (en se faisant ac o pag e pa des a i e s ou u g a d f e pou alise des o stitue à l’i e se u e essou e pou es adoles e tes, puis u’u e o ilit s auto o es. L’ ole ajo it pa ie t à alise des mobilités urbaines à partir de leur lieu de scolarisation en semaine, dès lors que le temps scolaire se elâ he et u’elles pa ie e t à o pose a e les ho ai es du us s olai e. Les statio de a t l’ ta lisse e t s olai e se t a sfo e e ts e t apide e t en flâneries urbaines en compagnie des amies. Néanmoins, pour certaines adolescentes issues de catégories traditionnelles du rural (agriculteurs, artisans), ces mobilités en contexte urbain représentent une véritable épreuve en aiso de l’app e tissage des o p te es de o ilit gles sp ifi ues au espa es pu li s u ai s et de ouvelles u’elles suppose t, ai si ue des ep se tatio s p jo ati es de la ille u’elles o t peu à peu i t io is es : Moi j’a oue, la ille ’est pas fait pou ou de Ne ou s pa e e ple. M u’il e a plei oi. J’ai ja ais is les pieds da s les e t es-villes de Fontainebleau e ua d j’ai u e heu e de li e le soi , je p f e este e pe ’ alo s ui e p ofite t pou so ti et alle se alade . D jà, faut alle p e d e le us de ille. Pou oi ’est i possi le, j’au ais t op de mal à me repérer et à comprendre comment ça marche [rires]. Puis e, ua d tu ois tous les p o l il passe p s d’u o ais tout le ua tie es u’il a, il peut toujou s t’a i e u p o l e, su tout ue le us, haud. Tu sais pas à ui tu peu a oi à fai e e fait alo s u’i i, au oi s, tu o de, ’est plus assu a t collégienne du rural, 15 ans). L’effet de la t aje toi e s olai e se fait su tout esse ti au o e t de la t a sitio e t e oll ge et le lycée : le hoi de s ola isatio pou u e pa tie d’e t e elles e se o de g ale, da s des l es de centre-ville, leur permet de multiplier au fil du temps ces pratiques de mobilités urbaines, au contraire de la poursuite en lycée professionnel, la plupart du temps dans des établissements périphériques, qui impose un repli sur le territoire de résidence. Des difficultés différentes à trouver sa place dans le domaine public 14 La o ilit o upe u e pla e fo da e tale à l’adoles e e, a elle est le suppo t du passage des espa es fa ilie s le do i ile, le ja di , le hall d’i eu le… à la f ue tatio des espa es pu li s. Les adolescents apprennent peu à peu à trouver leur place dans ces espaces, où ils interagissent avec des i o us e pa tagea t pas essai e e t les es ha itudes d’a tio u’eu . Les adolescents de catégories populaires ne sont pas confrontés aux mêmes difficultés pour y trouver leur place, selon leur sexe mais aussi leur territoire de résidence. En Zus, es diffi ult s o e e t plus sp ifi ue e t deu issues g at go ies d’adoles e ts. Ce tai es filles, ale e t de at go ies populai es f agilis es et d’u e o igi e ethno-raciale minoritaire dans le quartier, ne se sentent pas bien dans leur environnement résidentiel, mais en sortent peu, car elles appréhendent les interactions avec les inconnus sous le registre de la méfiance. Chez les garçons, une minorité des garçons ou isse t u se ti e t d’oppositio e t e « eux » et « nous », e t e les adoles e ts du ua tie et les aut es itadi s. Ce se ti e t se ou it d’u e o s ie e aiguë de la s g gatio , d’e p ie es s olai es haoti ues ou du e u de dis i i atio s par des es plus âg s de la fa ille. Mais il s’a tualise aussi lo s ue les adoles e ts se d pla e t, e pa ti ulie lo s u’ils o t l’i p essio ue les pe so es u’ils oise t jugent problématique leur p se e da s l’espa e pu li . Ils se se te t po teu s da s es i te a tio s d’u stig ate so ial, eth i ue et d’âge. Ce tai s d’e t e eu se eplie t su le ua tie lo s ue e stig ate de ie t t op difficile à supporter ; ils e so te t du ua tie u’e o pag ie d’u suffisamment impo ta t pou s’app op ie l’espa e des t a spo ts e o o e de jeu es u et s’a use sa s s’e pose à la p se e d’aut es itadi s. La spécificité des territoires ruraux implique des variations dans les difficultés rencontrées par les adolescents de catégories populaires à trouver leur place dans le domaine public. Une partie des ga ço s, e pa ti ulie Reti e, et l’i te o eu issus de fa illes , appa aisse t tout d’a o d aissa e, p op es au odestes et d pou ues de apital d’auto hto ie5 a gi alis s su la s o te tes u au , o i e side tielle. Les fai les densités es à u jeu de la « proximité spatiale et de la distance sociale » (Chamboredon et Lemaire, 1970), favorisent les mécanismes de stigmatisation de ces adolescents. Les ménages « établis » localement dénoncent constamment leurs usages intenses des espaces publics, jugés comme des terreaux favorables à la déviance et comme o pa t a e l’ « ordre » résidentiel, et les renvoient symboliquement à la figure de la « racaille ». Mais, le rapport que ces adolescents entretiennent à leur territoire de résidence est plus ambivalent : s’ils su isse t ette stig atisatio , leu te itoi e leu off e e i hesse elatio 5 elle et de C’est-à-di e d’u e se o euses essou es so iales le de essou es so iales et s e te ps au u’ils so t d’ailleu s uotidie o u e eu à oli ues lo alis es. 15 o ilise pou s’i s e p ofessio elle e t à la fi de l’adoles e e, e de e a t pa e e ple apprentis chez un artisan local. Á l’i e se, les filles du u al issues de at go ies populai es développe u se ti e t d’e fe a gi alis es o t plus te da e à e e t au sei de l’espa e lo al. Disposa t de oi s de essou es relationnelles locales que les garçons et moins disposées aux mobilités urbaines que les autres filles de leur village, elles sont nombreuses à espérer un départ de l’espa e l’adoles e e, d’auta t ue le a h side tiel à la fi de de l’e ploi lo al leu est, o t ai e e t au ga ço s, particulièrement défavorable. Le choix de poursuivre des études supérieures courtes et e d’e t e elles le professionnalisantes devient alors pour no d pa t de l’espa e lo al a e leu olo t de o ti ue à o e de o ilie leu p ojet de side e o te te u al, da s u u i e s side tiel da s le uel elles o t t so ialis es du a t l’e fa e et l’adoles e e. Références bibliographiques Authier J.-Y., (2001), Du domicile à la ville. Vivre en quartier ancien, Paris, Anthropos (Villes). Breviglieri M., (2007), « Ouvrir le monde en personne. Une anthropologie des adolescences », in Breviglieri M., Cicchelli V. (dir.), Adolesce es L’Ha éditerra ée es. L’espa e pu li à petit pas, Paris, atta (Débats jeunesses), pp. 19-59. Buffet L., (2006), « De l’app op iatio du ua tie à la d ou e te de la g a de ille », in Bonnet M., Aubertel M., La ville aux limites de la mobilité, Paris, Presses Universitaires de France. Chamboredon J.-C., Lemaire M., (1970), « Proximité spatiale et distance sociale. 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Il a récemment publié « Les t ois âges de la so ialisatio d’adoles e ts u au : une analyse à partir des mobilités quotidiennes », Agora débats/jeunesses, n° 68, 2014), et « L’adoles e e à l’ p eu e de la diff e iatio so iale. U e a al se de l’ olutio des a i es d’ha ite de jeu es u au a e l’âge », Sociologie, n° 4, 2015). jln.devaux@gmail.com Ni olas Oppe hai est aît e de o f e es e so iologie à l’U i e sit F a çois Ra elais de Tou s et chercheur au laboratoire Citeres (UMR 7324). Il a travaillé sur les enfants sans-logement et sur les p ati ues de o ilit d’adoles e ts i a t da s des quartiers ségrégués. Il a récemment publié Adoles e ts de ité. L’épreuve de la mobilité, PUFR (Villes Perspectives et territoires), 2016. nicolas.oppenchaim@univ-tours.fr 18