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« L'individualisme possessif au féminin » in revue Les Alizés, Revue angliciste de la Réunion. Faculté de Lettres et Sciences Humaines, Université de la Réunion, 2005, pp. 154-172. Le citoyen britannique tel qu’il apparaît au seuil de la modernité, dans l’Angleterre du 17ème siècle est un individu naturellement propriétaire. Il est avant tout propriétaire de sa propre personne. C’est ce que Macpherson a appelé « l’individualisme possessif », c’est à dire « l’individualisme conçu comme l’affirmation d’une propriété » (1971 : 7). Cette idée de l’individualisme possessif est exprimée pendant la Révolution anglaise (1640-1649) par les radicaux : les Nivelleurs. Ainsi l’un de leurs leaders, Overton, écrit-il en 1647 « chaque personne reçoit, de par la nature, une propriété individuelle qui ne doit ni être envahie ni usurpée ; car chacun a en sa personne une propriété (self property) sans laquelle il ne pourrait être lui-même, et qu’on ne peut lui ôter sans violation et affront aux principes de la nature »[1]. Tous les hommes ont cette propriété en eux-mêmes et c’est en cette qualité de propriétaire de soi-même, maître de sa propre destinée, que les Nivelleurs réclament le droit de vote, pour tout homme de plus de 21 ans – sans obligation d’être propriétaire de biens matériels – à condition toutefois qu’il ne soit pas domestique. Le domestique, en effet est dans une relation de travail non « libre » car il vend plus que sa simple force de travail : il vit au domicile de son employeur, dans sa sphère privée, et ce dernier a droit de regard sur lui. Par contre, tout homme libre possédant la pleine jouissance de la propriété de sa propre personne doit pouvoir décider pour ce qui le concerne. Il est censé consentir à être gouverné. C’est l’idée de contrat, dont la matérialisation, pour les Nivelleurs, est le suffrage. Plus radicaux que les Nivelleurs, moins sophistiqués aussi, les Diggers (bécheux) qui se nommaient eux-mêmes les « True Levellers » ou vrais Nivelleurs, ne disent pas vraiment autre chose, tant en ce qui concerne la propriété de sa propre personne, que le consentement à être gouverné. En 1649, après l’exécution du roi, ils avaient squatté – et appelé à squatter – les terres « communes » et y avaient installé une société communiste avec propriété collective des moyens de production, la terre, et partage des fruits du travail de la communauté. Pour Winstanley, leur leader, le citoyen reste propriétaire de sa maison et de ses objets personnels : sa société communiste est une société dans laquelle existe une sphère privée qui équivaut à une propriété privée. Cette sphère est celle de sa liberté. Liberté et propriété sont un couple inséparable dans l’individualisme possessif, même pour le communiste Winstanley. Il s’agit de la propriété et de la liberté du chef de famille qui exerce son autorité bienveillante sur sa femme et ses enfants. L’influence des radicaux apparaît dans le dernier écrit de John Locke, Two Treatises of Government (1689). Son père avait, en effet, servi comme Capitaine dans l’Armée Modèle de Cromwell et ces idées, véhiculées par les soldats de la Model Army, lui étaient familières. Locke reprend l’idée selon laquelle « l’Homme a une Propriété dans sa propre Personne. A cela personne n’a droit sauf lui-même. Le travail de son Corps et le Travail de ses Mains, lui appartiennent en propre » (Locke, 1993 : 287). Les hommes auraient quitté l’état de nature et inventé l’Etat afin que leurs propriétés soient préservées. Pour se faire ils auraient établi entre eux un contrat de non agression, renonçant à assurer eux-mêmes la sécurité de leur personne et de leurs biens et consentant du même coup à transférer le pouvoir exécutif qu’ils détenaient jusque-là, dans les mains d’un Etat qui ferait les lois auxquelles ils se soumettraient. La tradition libérale maintiendra le lien entre liberté et propriété.  La question que nous nous poserons est celle de savoir où se situent les femmes dans cette tradition naissante de l’individualisme possessif. Nous verrons ensuite comment ces concepts d’individu propriétaire autonome et de contrat ont été utilisés contre les revendications des femmes - auxquelles elles ne s’appliquent pas. La période étudiée dans cette deuxième partie est celle du début du vingtième siècle, période pendant laquelle les détracteurs de leurs droits furent le plus virulents. Vidées de leur sens premier et mâtinées de darwinisme social, ces théories ne font plus seulement référence à un droit naturel de l’individu propriétaire autonome, mais à un droit de nature appartenant collectivement au groupe des hommes, à gouverner pour leur bien propre et celui de la « race », le groupe des femmes.  1) – Les femmes dans l’individualisme possessif  Quelle est donc la place des femmes dans la tradition naissante de l’individualisme possessif ? Sont-elles incluses dans l’homme quand il est question des droits naturels de l’homme ? Quel est leur rapport à l’Etat ? Les Nivelleurs réclament des libertés civiles, tant pour les hommes que pour les femmes. Ces dernières disparaissent toutefois de leurs revendications dès qu’elles concernent les droits politiques. Macpherson affirme qu’il allait de soi, pour les acteurs de l’époque, que les femmes déléguaient leurs droits à leur mari. Il ne dit pas à qui les femmes célibataires ou veuves étaient censées déléguer leurs droits politiques ni pourquoi elles auraient du le faire. Tout comme les Nivelleurs, le leader des « vrais Nivelleurs », Winstanley, reconnaît aux femmes une existence civile. Le viol, par exemple, doit être puni de mort car il représente le « vol de la liberté du corps d’une femme »(388). Adam est l’être humain, mâle et femelle que Dieu a fait à son image et auquel il a donné la terre en partage. Celle-ci ne peut être appropriée individuellement mais doit être travaillée collectivement pour le bien de tous et toutes. Toutefois, alors qu’hommes et femmes sont égaux devant la propriété de la terre, les hommes partagent le pouvoir politique dont les femmes sont explicitement exclues. Les descendants d’Adam – lequel est re-sexué au masculin lorsqu’il s’agit de lui attribuer un pouvoir politique - sont, selon Winstanley, les plus forts et les plus judicieux. C’est donc à eux que le pouvoir échoit « naturellement ». On retrouve chez Locke, de manière beaucoup plus alambiquée, cette idée du pouvoir masculin lié à la nature. Celui-ci ne vaudrait toutefois qu’à l’intérieur de la famille puisqu’il reconnaît aux reines autant de pouvoir politique qu’aux rois. La loi positive, en harmonie avec les théories de l’individualisme possessif, élargira la citoyenneté civile des hommes tout au long du 18ème siècle. L’acquisition de droits civils – pensés comme propriété naturelle du « freeborn Englishman » confisquée depuis Guillaume le Conquérant par des générations de tyrans, est réaffirmée par l’Habeas Corpus de 1679[2]. Elle constitue les citoyens en individus libres et autonomes. Le statut des femmes, régi par le droit commun, reste un « status », c’est à dire une position sociale liée à la naissance. C’est parce qu’elles sont nées femmes qu’elles sont exclues de l’acquisition de la propriété : la primogéniture masculine exclut les filles de l’héritage — et donc du pouvoir politique — sauf à n’avoir pas de frère. Contrairement aux cadets de sexe masculin, les filles ne peuvent pas exercer de profession qui leur permettrait d’être autonomes. Mises dans l’impossibilité de subvenir elles-mêmes à leurs besoins, le mariage est leur seul débouché, avec l’emploi de domestique : ces deux activités sont attachées à la sphère privée qui n’est pas, pour les femmes, le lieu de leur liberté mais plutôt celui de la confiscation de leurs droits, un lieu privé de droits. Le droit commun sur le mariage est en effet un véritable contrat d’appropriation de la femme par le mari. Ce droit, qui était souvent détourné par des pratiques populaires ou des contrats privés spécifiques, dans la première partie du dix-huitième siècle, sera renforcé par la loi de 1753 qui décrète toute autre forme de mariage illégale. En se mariant, le mari devient propriétaire des biens de sa femme – au cas où celle-ci serait malgré tout propriétaire – de ses enfants, mais aussi d’elle-même[3]. Ainsi, jusqu’en 1891, une femme qui refuse à son mari l’exercice de ses « droits conjugaux », c’est à dire la libre disposition de son corps (droits auxquels correspondent, du côté de celle-ci, des devoirs conjugaux), peut être incarcérée. Jusqu’en 1891 elle peut encore être – légalement – séquestrée au domicile de son mari. Jusqu’en 1882, l’épouse qui est sur le marché du travail n’est pas propriétaire de son salaire. Elle ne jouit donc, ni de la propriété de son corps, ni a fortiori de celle du travail de ses mains ou de ses facultés. Comme le dit si justement Colette Guillaumin[4], la femme est un moyen de production dont le mari est propriétaire. C’est aussi un moyen de reproduction : les pratiques abortives sont en effet punies par la loi, et les enfants légitimes appartiennent au père. En revanche, un enfant illégitime est réputé « fillius nullius », enfant de personne. Sa mère doit le nourrir mais il n’a aucune obligation envers elle. La conséquence de cette appropriation de la femme par le mari est que celle-ci ne peut pas signer de contrat : elle n’est juridiquement personne et n’a donc rien à échanger, rien à vendre. La plupart des sociétés d’entraide mutuelle (friendly societies) qui apparaissent au dix-huitième siècle et prospèrent tout au long du dix-neuvième siècle, refusent l’adhésion des femmes mariées pour cette raison. Ces sociétés fonctionnent en effet selon un système d’assurance contractée par les ouvriers, contre les aléas de leur contrat de travail : maladie, chômage, décès. Qui assure quoi dans le cas d’une femme mariée ? L’appropriation de l’épouse apparaît sans fioritures dans la coutume du « wife-selling ». Cette coutume d’origine médiévale permettait à un mari lassé de sa femme de conduire celle-ci au marché, une corde au cou, pour la vendre à la criée. Les cas de ces ventes ne sont pas très fréquents[5] mais font l’objet d’une énorme publicité dans la presse, au dix-huitième siècle, mais surtout au dix-neuvième siècle où l’opinion publique est plus sensible. La grande différence, au niveau juridique, entre le mariage et l’esclavage — auquel il est fréquemment associé — est que le mariage résulte d’un contrat, c’est à dire du consentement des deux parties, réputées libres et égales en droit au moment de la signature. C’est d’ailleurs l’argument invoqué par la cour de justice qui, vers la fin du dix-septième siècle, avait eu à statuer sur la validité du testament d’une veuve. Ce cas est cité par Mary Astell dans la requête qu’elle adresse au roi en 1700, intitulée Hardships of the English Laws in Relation to Wives[6], et dans laquelle elle demandait au roi la protection de l’Etat pour les épouses comme « pour les autres Sujets de Sa Majesté », celles-ci n’ayant, selon ses propres termes « ni propriété dans leur propre personne, ni dans celles de leurs enfants, de leurs biens... ou de leurs facultés »[7]. Les protestants, et plus particulièrement les puritains, inventeurs de l’individualisme possessif, insistent toujours sur le fait que le mariage est un contrat et non un sacrement, ce qu’il est pour les catholiques. Milton, et Locke après lui, utilisent cet argument en faveur du divorce, tout contrat devant pouvoir être résilié une fois réalisé le projet pour lequel il a été établi. Il s’agit, dans ce cas précis, de l’élevage des enfants. Ces deux champions du mariage-contrat ne s’interrogent toutefois pas sur le fait que, contrairement aux autres contrats, seul le mariage attribue à l’une des parties tous les droits sur la personne et les biens de l’autre, alors que la réciproque n’est pas vraie. Ce contexte, tant idéologique que juridique, explique pourquoi les premières revendications du mouvement des femmes, dès la fin des années 1830, portaient sur la modification des lois du mariage et de la propriété. Elles portaient également sur le droit à l’éducation. Celle-ci est en effet perçue à la fois comme le moyen de faire des choix pour se gouverner soi-même, et comme une propriété inaliénable attachée à celle de la personne dont elle augmente la valeur ; elle peut ouvrir aux femmes célibataires l’accès à certaines professions[8], dont le salaire est supérieur aux gages perçus dans le secteur du marché du travail réservé aux femmes. Si ces revendications sont portées par un groupe représentant les intérêts des femmes, en tant que groupe, l’objectif de celui-ci est de transformer chaque femme en individu propriétaire : de sa personne, de ses biens et de son destin. Les revendications pour les droits politiques apparaîtront plus tard. La participation au souverain est en effet perçue, au Royaume-Uni, non comme un droit mais comme un privilège initialement lié à la propriété foncière et dont les bénéficiaires sont de plus en plus nombreux tout au long du dix-neuvième siècle La citoyenneté politique, réclamée ici et là par des voix isolées dès le dix-huitième siècle, ne deviendra l’enjeu prioritaire du mouvement des femmes qu’une fois les hommes propriétaires de leur seule force de travail, les ouvriers, l’eurent obtenue grâce aux lois de 1867 et 1884. Il y avait alors un nombre croissant de femmes célibataires, du en partie à l’émigration massive des hommes vers les colonies. Certaines étaient propriétaires. L’injustice devenait alors flagrante. Les premières revendications féministes en rapport avec la propriété avaient, certes, soulevé des protestations. Elles étaient généralement individuelles. Les revendications pour le droit de vote se heurtèrent à une opposition organisée. Elle émanait de tous les bords politiques, même si les conservateurs y occupent les devants de la scène. Ainsi, dès 1875, un Committee for Maintaining the Integrity of the Franchise fut crée au parlement par des députés conservateurs, conduits par E. P. Bouverie, mais aussi quelques députés libéraux tel l’Anti[9] « de choc », Sir Henry James (Harrisson, 1978 : 115). Ce comité disparaîtra en 1878 car le Premier ministre, le libéral Gladstone, avait utilisé toute son influence pour s’assurer que le suffrage féminin ne figurerait pas dans le prochain projet de réforme électorale du gouvernement[10]. Dix ans plus tard, en juin 1889, une pétition de femmes Antis est publiée dans Nineteenth Century. Elle comporte 104 signatures émanant principalement d’épouses d’hommes célèbres, ce qui ne manquera pas de provoquer l’ironie des féministes qui répliqueront aussitôt en publiant une pétition signée de femmes connues pour leurs actions personnelles. La pétition Anti est bientôt suivie, en août, d’un additif portant 2000 signatures supplémentaires. Ce n’est toutefois qu’en 1908 qu’est fondée the Anti-Suffrage League avec sa revue, The Anti-Suffrage Review[11]. La plupart des discours Anti qui ont servi à mon analyse proviennent de cette revue, de livres d’auteurs recommandés dans ses colonnes ou y écrivant des articles ; sa parution a duré dix ans, de1908 à 1918.  2) – « L’individualisme » possessif revisité  Depuis la fin du dix-neuvième siècle la marche du capitalisme triomphant commençait à s’essouffler et les Britanniques surveillaient avec inquiétude l’horizon où commençaient à poindre des nations impériales concurrentes. A l’intérieur, l’agitation des autonomistes irlandais, celle des socialistes, et enfin celle des féministes réclamant le droit de vote, ébranlent l'establishment Nous verrons comment les détracteurs de celles-ci détournent de leur signification originelle les notions de propriété, de liberté et de contrat qu’ils mâtinent de darwinisme social, afin de servir ce qu’ils pensaient être leurs intérêts. En effet, alors que le discours libéral traditionnel avait permis aux révolutionnaires de lutter contre les privilèges des aristocrates, celui des « bio-libéraux » légitimise hiérarchies et privilèges qu’ils « naturalisent », particulièrement lorsque ceux-ci sont liés au sexe et à la « race ». La défense de l’Empire requérait en effet que les colonisés restent à leur place et que les femmes de la mère patrie remplissent leurs fonctions de mères pour le peupler d’éléments de « race anglaise ». Les théories du darwinisme social qui furent en fait élaborées par H. Spencer, dès 1840, connurent un véritable engouement à partir de la fin des années 1860. Le Charles Darwin de The Descent of Man (1871) semblait leur donner une caution scientifique. Elles furent relayées par les anthropologues qui étudiaient les sociétés « sauvages » et les médecins qui se penchaient sur leur propre société avec inquiétude et étaient sommés de se prononcer sur la nature du mal qui la rongeait : le féminisme, dont la version la plus pernicieuse était sans nul doute incarnée par les suffragettes[12] du début du vingtième siècle. Cette école de pensée considère la société comme un organisme, ce qui explique l’importance donnée à la parole des médecins. Anthropologues et médecins évolutionnistes constituent la caution scientifique de la revue anti-suffragiste, avec Spencer et surtout Darwin qu’ils amalgament. D’après leurs théories, tout être ou institution évolue à partir d’une forme simple vers une forme de plus en plus complexe. L’évolution des êtres humains et des sociétés s’opère grâce à la sélection naturelle qui élimine les individus inadaptés à leur environnement et permet à ceux qui sont le mieux adaptés de prospérer[13]. La sélection naturelle est doublée d’une sélection sexuelle grâce à laquelle les femmes choisissent les hommes les plus forts et les plus intelligents, les hommes les femmes les plus belles et les mieux à même de leur assurer une nombreuse descendance. Hommes et femmes ont donc, au niveau individuel, une responsabilité non négligeable dans le choix de l’avenir « racial » de la société. La société la plus évoluée est bien entendu la société britannique – ou plutôt anglaise — qui trône au sommet des nations impériales. La preuve de son très grand degré d’évolution – qui est en même temps le moyen d’y parvenir — est son modèle très achevé de famille à l’intérieur duquel une stricte division sexuelle du travail détermine les rôles de l’homme et de la femme. Pour Spencer, chaque individu est pourvu, à sa naissance, d’un capital d’énergie qu’il devra gérer tout au long de sa vie, économiser et ne dépenser qu’à bon escient car il n’est pas renouvelable. La division sexuelle du travail qui voue les hommes à la production et au travail politique, les femmes à la reproduction biologique et sociale, permettait de gérer ce capital de la manière la plus rationnelle. La division sexuelle du travail est censée être inscrite dans les corps. Le corps des hommes est une propriété d’une valeur supérieure à celui des femmes : il est plus fort, plus massif, apparemment plus solide. Il est censé produire plus, ce qui expliquerait le niveau supérieur des salaires masculins. Il n’est jamais dit, cependant qu’un homme chétif doive gagner moins qu’un homme fort. La force appartient à tous les hommes collectivement. C’est un bien commun qui fait défaut à toutes les femmes. De même que le corps des hommes les vouerait tout naturellement à occuper, sur le marché du travail, les emplois les mieux rétribués, ce même corps les vouerait non moins naturellement à s’insérer dans le corps politique et à œuvrer sur la scène du public, avec d’autres hommes, pour le bien de tous : celui des hommes comme des femmes. Le corps de l’homme est un outil dans les mains de son maître ; il obéit à la raison de son propriétaire. Il peut aussi être une arme et c’est pour cela, selon les Antis, que la politique, qu’ils assimilent à la guerre, est une affaire d’hommes. En effet, bien qu’ils admettent qu’hommes et femmes puissent voter des lois, seuls les hommes sont capables, selon eux, de les faire appliquer grâce à leur force physique. Ainsi pour F. E. Smith, juriste et chef du parti unioniste, futur ministre du Cabinet de Lloyd George pendant la Première guerre mondiale, et Anti convaincu, le corps de l’homme peut être comparé à l’or en barre stocké à la Banque Centrale qui garantit la valeur du billet papier. Le corps de l’homme avec sa violence potentielle garantit l’application des lois. Lorsque son propriétaire n’en a pas besoin, le corps de l’homme — sur lequel repose ses privilèges — se fait oublier : ce dernier n’est alors plus que raison pure. Rien de tel chez les femmes. Leur corps est construit comme omniprésent. Il est entièrement voué à la reproduction qui épuise à elle seule leur capital d’énergie. Toute autre activité ne peut donc lui être que préjudiciable. Contrairement aux hommes, les femmes n’ont pas un corps. Elles sont un corps (cf. Guillaumin). Corps et raison sont des entités bien séparées, chez l’homme. Leur corps obéit à leur raison qui se l’approprie. Maître de soi, l’homme aurait vocation à être maître de l’Autre : la femme et le « sauvage » qui se ressemblent d’ailleurs par bien des traits. Tout entière contenue dans son corps, la femme a besoin, pour remplir ses fonctions bénéfiques, d’une direction extérieure à elle : celle d’un homme, son mari, au niveau privé et celle d’un gouvernement masculin au niveau public. Que cette direction extérieure vienne à manquer et les femmes sont la proie de leurs passions. Possédées par un homme ou possédées tout court — c’est à dire possédées par leurs propres passions, leurs corps — la vocation des femmes, contrairement à celle de l’individu propriétaire, masculin par définition, n’est pas la liberté. La femme libre est forcément « loose »[14], celle qui aspire à la liberté forcément dérangée. Ainsi, Sir Almroth Wright, médecin biologiste, l’un des plus ardents tribuns de la Ligue Anti-Suffrage, écrivait dans une lettre adressée au Times du 28 mars 1912 : « aucun docteur ne doit perdre de vue le fait que l’esprit des femmes est toujours menacé par les réverbérations de leurs urgences physiologiques. Le docteur qui pose les yeux sur la suffragiste militante[15] ne doit pas l’oublier. Il ne peut pas ignorer que le mouvement des femmes s’accompagne d’un grand désordre mental ». Les principales causes de ce dérèglement mental collectif sont, d’après les Antis, d’ordre démographique[16]. L'effet de ce déséquilibre démographique était la prolifération croissante de celles que l’on nommait avec mépris les « surplus women »[17] et que l’on soupçonnait de se laisser trop facilement séduire par le féminisme. Dans le meilleur des cas, on les plaignait de devoir gagner elles-mêmes leur vie et de ne pas bénéficier de la présence apaisante d’un guide masculin. « Ingouvernées » au niveau privé, elles sont de plus en plus ingouvernables au niveau public. Les Antis suggèrent qu’elles sont peut-être restées — ou même retombées — à un niveau inférieur d’évolution par rapport à celui des femmes britanniques « normales ». Selon Lionel Taylor, biologiste anti-suffragiste, qui reprend dans son livre The Nature of Woman (1912) tous les classiques de l’évolutionnisme en la matière, l’être humain est le plus « sexué » de tous les êtres vivants c’est à dire celui dont les différences entre mâle et femelle sont les plus accentuées. Il y a cependant à l’intérieur même de l’espèce humaine, une graduation. Ainsi chez les « sauvages » la différentiation entre hommes et femmes serait bien moindre que chez les « civilisés », celle des classes supérieures surpasserait de beaucoup celle des classes inférieures, celle des Anglais surpasserait globalement celle des Français, etc. Le féminisme, qui se propose, selon les Antis, de tirer hommes et femmes vers l’ « indifférenciation », fait donc courir à la nation un grand risque : celui d’évoluer à reculons, ce qui mènerait l’Empire à sa perte. « Supposons », écrit un journaliste Anti, « que le mouvement des femmes en Angleterre atteigne tous ses buts. Inspiré par un tel exemple le féminisme des autres pays se sentira renforcé et ce ne sera plus qu’une question de temps avant que le mouvement ne prévale parmi toutes les races blanches, c’est à dire les races les plus progressistes et civilisées. Il est absolument certain que le résultat de cette large indépendance des femmes ferait décroître la race blanche. Ceci coïnciderait avec une efficacité croissante de la part des races de couleur » (Harold Owen : 1912 :37). Les femmes indépendantes auront tendance à gaspiller le capital d’énergie réservé normalement à la reproduction. Certaines, déjà, restent célibataires. Celles qui ne le font pas par choix le font par obligation. En plus du célibat, forcément stérile – surtout lorsqu’il est le fait des bourgeoises — la plupart des féministes auraient été, selon les Antis, inaptes à la reproduction, ou, pire, auraient risqué de mettre au monde des rejetons de piètre qualité. Outre ces dommages directement infligés à la « race anglaise », les féministes participeraient à son étiolement de façon indirecte, en « dévirilisant » les hommes qui leur prêtent une oreille bienveillante. Inaptes à peupler l’Empire, ces derniers seraient plus incapables encore de le défendre. Le féminisme est donc, pour les impérialistes évolutionnistes, l’ennemi intérieur qui peut être fatal à la Grande-Bretagne. « L’homme allemand est viril, la femme allemande est féminine […] pouvons-nous espérer rivaliser avec de telles nations si nous déclarons la guerre à la nature et inversons les rôles naturels des sexes ? » s’interrogeait Lord Cromer, l’un des fondateurs de la revue anti-suffragiste qui avait été successivement grand administrateur colonial en Inde, puis ministre plénipotentiaire en Egypte. En effet, la vraie sphère publique, celle qui appartient aux hommes est la gestion des affaires de l’Empire et celle des populations, ou, selon le terme de M. Foucault, une « biopolitique », au niveau macro. Aux femmes, on laisse le « micro » : la gestion des affaires municipales, des écoles, des hôpitaux, etc., considérée comme une extension de la sphère privée, du domestique. Il est d’ailleurs répondu à ceux qui suggèrent que le droit de vote des femmes en Australie ou en Finlande n’a pas eu de répercussion catastrophique, que les affaires d’un Etat sans Empire se gèrent comme des affaires municipales. Un parlement impérial est d'une toute autre nature! Les Antis tiennent à empêcher les femmes de s’introduire au parlement afin de préserver ce domaine qu’ils considèrent comme propriété collective des hommes et qu’ils sont prêts à défendre les armes à la main. Les féministes ont beau essayer d’établir une équivalence entre « défendre » et « peupler » l’Empire, ils ne veulent pas en entendre parler : faire des enfants est naturel, être soldat ne l’est pas (Owen, 1912). Cette dernière activité ouvre accès à des droits, ce que ne fait pas la première. Alors qu’ils font généralement découler leur pouvoir politique de la nature, les Anti opposent cette même nature aux femmes quand elles l’invoquent pour en réclamer leur part.  Des voix s’élèvent pour suggérer que les féministes soient envoyées aux colonies où leur niveau d’évolution serait peut-être mieux adapté à un environnement moins civilisé. Ceci aurait pour avantage de résoudre au moins deux problèmes : un problème de désordre public sur le sol de la mère patrie qui ne manquerait pas, s’il devait durer, d’avoir des répercussions fâcheuses auprès des peuples de l’Empire qui pourraient eux aussi réclamer liberté et égalité. D’autre part, grâce à un effet de vases communicants, de régler à la fois le déséquilibre démographique en Grande-Bretagne et dans l’Empire. Les hommes britanniques éparpillés dans le monde auraient ainsi accès à des épouses de leur sang, ce qui permettrait à la « race anglaise » de proliférer et d’étendre son action bénéfique sur le monde. C’est ce que propose en 1913 Almhoth Wright, qui se prend à rêver d’un monde sans conflit, quand « chaque femme pour laquelle il n’y a pas de place en Angleterre cherchera au-delà des mers l’apaisement, chacune dans la maison de son mari […] quand celle qui restera en Angleterre reconnaîtra de son plein gré, sans avoir l’impression de déchoir, sa subordination à son mari ou à son père, […] alors seulement, la paix sera rétablie ».[18] En s’attaquant aux représentants de la force publique, à la propriété publique et privée, en vandalisant les musées ou en incendiant des immeubles et des églises, en brisant des vitrines, les suffragettes ont rompu le contrat de Chevalerie censé régir les rapports hommes-femmes. Qu’est-ce donc que ce contrat de Chevalerie à propos duquel tous les Antis semblent éprouver une telle nostalgie qu’il prend des allures de fait historique? C’est un contrat fondateur, une sorte de contrat social. Il ne régirait toutefois pas les rapports des individus entre eux, mais ceux du groupe des hommes avec le groupe des femmes. Ce contrat ressemble plutôt à un contrat féodal qu’au contrat social des libéraux. Son nom indique ce qui n’était un mystère pour personne. Comme le dit l’auteur de Woman Adrift, « le contrat de Chevalerie n’est pas possible entre égaux » (Owen : 1912 214). En effet, selon les termes de ce contrat, les femmes acceptent, en tant que groupe, de se soumettre aux hommes, qui les représentent au niveau politique. Ces derniers s’engagent, de leur côté, à assurer leur sécurité, à les protéger contre les autres hommes. Pour celles qui sont mariées, les hommes pourvoient individuellement à leur entretien car le marché du travail n’est pas leur place. Cette disposition résulte du contrat de mariage, un contrat privé. L’autre contrat – perçu à la fois comme social et naturel – divise la société en deux groupes inégaux et « complémentaires » dont l’un doit allégeance à l’autre qui lui doit protection. Chacun des deux groupes est assigné à un espace distinct : l’espace privé pour les femmes. Celui-ci est redéfini et peut s’étendre, surtout pour les célibataires, à l’extérieur des murs de la maison. Les femmes peuvent même s’occuper des affaires municipales qui sont considérées par les plus « féministes » des Antis – notamment les femmes – comme une extension de la sphère privée. L’espace public, lui aussi redéfini, est le domaine "noble", celui des hommes. Il concerne principalement les affaires de l'Empire. Les hommes évoluent toutefois entre les deux sphères, se ressourçant dans l'une pour agir dans l'autre. Les suffragettes ont trahi. Si elles persistent dans l’erreur, elles risquent de provoquer un retour vers l’état de nature – ou un retour vers un stade inférieur de l’évolution, selon les écrits qui peuvent d’ailleurs émaner du même auteur. Dans un cas comme dans l’autre, elles seraient perdantes. En effet, quand une femme empêche un homme de jouer son rôle de protecteur il peut devenir agressif et laisser libre cours à sa violence. Si la version civilisée de la virilité consiste en la protection de la femme, sa version « naturelle », celle d’avant le contrat, semble être la violence. L’attitude protectrice de l’homme permettrait à la femme de rester en vie. Il est clair que dans l’état de nature tel que se le représentent les Antis, l’homme est un loup pour la femme mais le contraire n’est pas vrai. Ce n’est pas l’état de nature des égaux de Hobbes. Avant même d’avoir consenti, grâce au contrat de Chevalerie, à être gouvernée, la femme est déjà individuellement sous l’emprise masculine, du fait de sa « faible constitution ». Si les femmes persistaient à refuser leur consentement au gouvernement des hommes, au niveau collectif, les corps constitués de l’Etat, l’armée et la police, cesseraient d’assurer leur protection. Ceux-ci sont en effet considérés comme des corps masculins ou plutôt comme l’incarnation de la force collective des hommes. Les femmes comme les hommes ont droit à la sécurité de leur personne et, éventuellement, de leurs biens, assurées à l’intérieur des frontières par la police, à l’extérieur par l’armée : c’est en ce sens que les femmes contribuables sont citoyennes, selon les Antis. Contrairement à ce qu’elles prétendent, à l’instar des révolutionnaires américains qui clamaient « no taxation without representation »[19], leurs impôts n’ouvrent pas droit, selon eux, à une quelconque représentation politique. En rompant le contrat de Chevalerie assurant leur protection collective, les suffragettes risquent d’ouvrir les vannes qui maintiennent normalement à distance la virilité « sauvage », et d’être la proie des voleurs, violeurs et autres assassins qui ne rêvent que de s’emparer de leurs corps comme de leurs biens.  Conclusion  La possession de sa propre personne est moins considérée dans ses effets individuels que dans ses effets collectifs par les Antis. Ce sont les hommes qui, collectivement, possèdent leurs propres personnes. La possession individuelle des femmes n'est plus suffisamment assurée par le mariage, selon eux, du fait de l’acquisition par les femmes des droits civils fondamentaux : propriété de leur propre corps, du travail de leurs mains et de leurs facultés. En outre, un nombre grandissant d’entre elles, les « surplus women » échappent totalement au mariage, comme elles échappent à la maternité. Or, en cette période de turbulence, tant au niveau de l’Empire extra-européen qu’au niveau de l’Irlande, le souci des élites en ce qui concerne la quantité, mais surtout la qualité de la population britannique est constante. D’autant qu’on savait, depuis le recensement de 1891 que, non seulement le taux de natalité était en baisse d’une manière générale, mais que ce phénomène était encore plus accentué parmi les classes moyennes, censées être productrices des meilleurs éléments « raciaux » : beaux, intelligents, virils, travailleurs, sobres, monogames et attachés à la propriété privée. Ces traits sont bien entendu ceux des éléments masculins de la population ; les éléments féminins évolués sont idéalement beaux, féminins – c’est à dire soumis – et féconds. Or, ce type idéal est menacé de disparition, selon les Antis, qui accusent la propagande féministe. Ils utilisent le langage de l’individualisme possessif pour invalider leurs aspirations. Alors qu’elles revendiquent pour les femmes les droits et les privilèges attachés à l’individu propriétaire, ils les renvoient à leur appartenance au groupe des femmes, possédées collectivement par le groupe des hommes. Les Antis bénéficient d’un contexte favorable : en effet, depuis les réformes électorales de 1867 et 1884 la majorité des hommes jouissait de leurs droits politiques. Les discours des anti-suffragistes tentent de forger une identité collective à ce corps politique masculin disparate, autour de l’opposition à l’inclusion des femmes. Les hommes sont censés posséder les qualités naturelles leur permettant de décider de « la bonne vie » pour toutes et tous ; les femmes sont censées n’être capables de s’intéresser qu’à leur propre bien-être ou, dans le meilleur des cas, à celui de leurs proches. Les hasards de l’histoire permirent à suffragistes et suffragettes de prouver le contraire. La plupart des organisations féministes suspendirent en effet leurs revendications pendant la Première guerre mondiale et se mirent au service de la nation. A la fin du conflit, seuls quelques rares Antis particulièrement récalcitrants persistaient encore à leur refuser le droit de vote. Leurs craintes flottaient toutefois encore sur le parlement puisque la loi de 1918 accordant le droit de suffrage à tous les hommes de plus de 21 ans, en reconnaissance des services rendus à la nation, ne l'octroyait qu'aux femmes de plus de trente ans : l’électorat restait ainsi majoritairement masculin dans une société où ils étaient minoritaires. La lenteur avec laquelle les femmes acquirent les droits civils leur permettant de jouir pleinement de la possession de leur propre corps et de leur travail, comme la reconnaissance du droit à l'avortement et à la contraception, celle qui punit le harcèlement sexuel au travail ou le viol conjugal, dans la sphère privée, est la trace encore perceptible de cette idéologie de la propriété individuelle et collective du corps des femmes par les hommes.     Bibliographie Sources Primaires The Anti-Suffrage Review, du n°1 : décembre 1908, au n°113 : avril 1918 (dernier). Barlow, George, Why I Oppose Woman Suffrage, pamphlet, non daté. Bax, E. Belfort, « Feminism and Female Suffrage », The New Age, 13 juin 1908 Bodichon, Barbara Leigh Smith, Reasons for and Against the Enfranchisement of Women (1872), Victorian Women Writers Project : an Electronic Collection. Compton-Rickett, Sir Joseph, A Memorandum on Woman Suffrage, The National League for Opposing Woman Suffrage, Londres, 1912. 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Caine, Barbara, English Feminism 1780-1980, Oxford University Press, 1997. Conry, J. « Le darwinisme social existe-t-il ? », Raison Présente, 1966. Freedman, Jane, Femmes politiques : mythes et symboles, l’Harmattan, 1997. Guillaumin, Colette, Sexe, Race, et Pratique du Pouvoir, Côté Femmes, 1992. Harrisson, Brian, Separate Spheres : the Opposition to Women’s Suffrage in Britain, Croom Helm, Londres, 1978. Marx, Roland, Histoire du Royaume-Uni, Armand Colin, 1967. Mathieu, Nicole-Claude, L’anatomie politique, Côté Femmes, 1991. O’Donnell, Sheryl, « Mr Locke and the Ladies : the Indelible Words of the Tabula Rasa », in Studies in 18th Century Culture, American Society for 18th century Studies, Vol. 8, 1979. Showalter, Elaine, The Female Malady, Virago, 1985. [1] Richard Overton, An Arrow Against All Tyrants, cité par Gleissner, Richard A., “ The Levellers and Natural Law : the Putney Debates of 1647 ” in Journal of British Studies, vol.xx n°1, automne 1980. [2] Une première loi de 1638 avait instauré l’Habeas Corpus mais n’avait jamais été appliquée. [3] En principe, il ne peut toutefois pas disposer de sa propriété foncière qu’il gère mais qui reviendra, intacte, au fils aîné de son épouse. [4] Guillaumin, Colette, “ Pratique du pouvoir et idée de nature ” in Questions Féministes, n°2 et 3, février et mai 1978, republié en 1992 dans Guillaumin, Sexe, Race et Pratique du pouvoir, Côté Femmes. [5] Selon Lawrence Stone, cette coutume médiévale devient plus fréquente au 18ème siècle. Le dernier cas enregistré date de 1887 (Stone, p.35) [6] Celle-ci ne fut publiée qu’en 1735, après la mort prématurée de l’auteur. [7] Astell, Mary, “ The Hardships of the English Law in Relation to Wives ” (extraits), in Vivien Jones Women in the Eighteenth Century, Routledge, 1994. [8] A condition, bien sûr, que ces professions ne leur soient pas interdites par une loi. [9] Antis : c’est ainsi que l’on nommait celles/ceux qui s’opposaient au suffrage des femmes ; c’est donc le terme que j’ai choisi d’utiliser pour les désigner. [10] Celui-ci sera voté en 1884 ; la plupart des hommes ouvriers ruraux seront alors inclus dans le corps électoral. [11] Je n’entrerai pas dans les détails de la composition ni des activités de la League, la sommité sur la question étant le livre de B. Harrisson, Separate Spheres, 1978, auquel je dois beaucoup. [12] Suffragiste est le nom donné à tous les partisans du suffrage des femmes. Suffragettes est le sobriquet “ français ” donné par la presse aux plus militantes d’entre elles dont la plupart étaient membres de la Women Social and Political Union (WSPU), créée en 1903 par Emmeline Pankhurst et ses deux filles. [13] Je n’entrerai pas dans la querelle entre « lamarkiens » et « darwiniens », les premiers croyant à l’hérédité des caractères acquis grâce à l’influence du milieu (Spencer) alors que les seconds pensaient que les êtres vivants dont les mutations étaient les mieux adaptées à l’environnement étaient sélectionnées naturellement et prospéraient alors que les autres disparaissaient. Cette différence n’apparaît pas clairement dans le darwinisme social et les mêmes auteurs passent d’une position à l’autre, apparemment sans s’en rendre compte. Darwin lui-même reprend, dans la Descendance. l’idée selon laquelle les ouvriers auraient à la naissance des mains plus grandes et des mâchoires plus proéminentes que les « gentlemen ». Il arrivait donc aux darwiniens – et même à Darwin – d’être Spencériens comme il arrivait à ces derniers de défendre des positions « darwiniennes ». [14] Mot à mot : non assujettie. Se dit d’une “ femme de mauvaise vie ”, une prostituée. [15] C’était le nom que l’on donnait aux suffragettes que l’on distinguait des suffragistes “ constitutionnelles ” dont les actions, en accord avec la Constitution, étaient moins spectaculaires – et moins efficaces. [16] Il y avait, en 1851, 1.000 hommes pour 1.042 femmes. Elles étaient 1.068 en 1911 (Garner, 1984). [17] Femmes excédentaires par rapport au nombre d’hommes. Les surplus men désignaient, quelques décennies plus tôt, le nombre d’hommes excédentaires par rapport au nombre d’emplois. [18] Sir Almroth E. Wright, MD, FRS, The Unexpurgated Case Against Women’s Suffrage, 1913. [19] C’était déjà le cri de ralliement des barons qui, en 1215, obligèrent le roi John Lackland à signer la Grande Charte garantissant leurs libertés. C’est la devise des Etats-Unis et de tous ceux qui ont lutté à travers l’histoire contre le pouvoir abusif de l’Etat. On s’en souvient toutefois plutôt comme de celle des révolutionnaires américains contre le pouvoir anglais.