Vous ne connaissez probablement pas Yves Albert.
Il a pourtant partagé la scène avec Sylvain Lelièvre, Edith Butler, Gilles Vigneault et Raymond Lévesque, et a consacré sa carrière à faire briller la musique traditionnelle québécoise. Mort en 1981 dans un accident, ce musicien qui a inspiré toute une génération de folkloristes est depuis tombé dans l’oubli.
Pour faire renaître son œuvre, il m'a fallu plonger dans un parcours fait de passion, de deuil et de liberté, au cœur d’une des périodes les plus effervescentes de la musique québécoise.
Ce qui a frappé mon imaginaire en épluchant les articles qui sont consacrés à Yves Albert dans la presse québécoise et française, c’est l’impression qu’il est toujours là, côtoyant de grands artistes.
Le musicien est partout, mais l’homme se défile. Dans ses entrevues, on devine une grande gueule qui n’hésite pas à critiquer l’industrie musicale, mais qui refuse de parler de la thèse qu’il a réalisée sur Félix Leclerc. Il compose aussi, mais n’aura jamais endisqué ses propres chansons, trouvant qu’elles lui ressemblaient trop
.
Se décrivant comme un dépoussiéreur de folklore
, il a bâti lui-même une bonne partie de son répertoire en allant récolter des chansons anciennes aux quatre coins de la province. Au cours de sa carrière qui s’est étalée de 1966 à 1981, il a parcouru le Québec et la France en faisant de ses spectacles une vitrine pour la culture québécoise.
Du récit, on retient souvent la fin.
Au petit matin du 24 juin 1981, le jour de la Saint-Jean-Baptiste, le musicien a perdu la vie dans un accident sur la route 175. Il n’avait que 39 ans.
Yves Albert poursuivait depuis 15 ans une carrière dans la chanson au Québec et en France, où il a séjourné plusieurs années
, indique laconiquement l’entrefilet que Le Devoir consacre à la nouvelle dans son édition du 29 juin 1981. Ainsi s’est bouclé son parcours écourté.
Aujourd’hui, il ne se trouve sur aucune plateforme d’écoute. Il n’a jamais fait l’objet de spectacle hommage. Ses albums n’ont pas été remasterisés. Le seul endroit où on peut le trouver, c’est en tombant sur un de ses vinyles par un coup de chance, ou dans les souvenirs des gens qui l’ont connu.
On a tellement oublié Yves que j’avais fini par l’oublier moi-même. Je me suis dit, mon Dieu, comment ça se fait qu’il n’est nulle part? Si j’étais disparue en même temps que lui, ça aurait pu m’arriver
, affirme la chanteuse acadienne Edith Butler, qui l’a côtoyé sur les bancs de l’Université Laval.
Où est donc passé Yves Albert?