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« Yézidisme » : différence entre les versions

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{{Infobox Religion
Les '''Yezidis'''.
| nom = Yézidisme
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| légende = Yézidi en habit traditionnel, [[Max Tilke]], [[1920]].
| alt = Homme yézidi en habit traditionnel.
| religion = [[Monothéisme]]
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| langue parlée = [[Kurmandji]], [[arabe]]<ref>{{lien web|langue=en|url=https://iranicaonline.org/articles/yazidis-i-general-1|titre=YAZIDIS i. GENERAL|site=iranicaonline.org|consulté le=11 mars 2022|citation=''The Yazidis’ cultural practices are observably Kurdish, and almost all speak Kurmanji (Northern Kurdish), with the exception of the villages of Baʿšiqa and Baḥzānēin northern Iraq, where Arabic is spoken. Kurmanji is the language of almost all the orally transmitted religious traditions of the Yazidis.''}}.</ref>
| temple principal = [[Lalesh|Lalesh Nurani]]
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| pop religion = environ {{formatnum:1500000}}<ref>{{Lien web |titre=Les Yezidis, communauté persécutée |url=https://pbs.twimg.com/media/CvyR-s8WAAAOB8g.jpg |site=pbs.twimg.com}}.</ref>
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Le '''yézidisme''', '''sharfadin''' ou '''religion des sept anges''', est une [[religion]] [[Monothéisme|monothéiste]] de la communauté ethno-religieuse yézidie<ref>{{Article |langue=en |auteur1=Christine Allison |titre=Evolution of Yezdi Religion. From Spoken Word to Written Scripture |périodique=ISIM newsletter |numéro=1 |date=1998 |lire en ligne=https://openaccess.leidenuniv.nl/bitstream/handle/1887/16757/ISIM_1_The_Evolution_of_the_Yezidi_Religion_From_Spoken_Word_to_Written_Scripture.pdf?sequence=1 |format=pdf}}.</ref> qui est présentée par ses pratiquants (les [[yézidis]], yazidis ou yésides) comme plongeant ses racines dans l'[[Histoire de l'Iran|Iran]] antique<ref name="Finance">{{Article |langue=en |auteur1=Tosine Reshid |titre=Yezidism: historical roots |périodique={{lien|International Journal of Kurdish Studies}} |mois=1 |année=2005 |lire en ligne=http://www.highbeam.com/doc/1G1-135732895.html |archiveurl=https://web.archive.org/web/20181118112729/https://www.highbeam.com/doc/1G1-135732895.html |archivedate=18 novembre 2018 |consulté le=19 février 2019}}.</ref>{{,}}<ref name="Fravar">{{Lien web |langue=en |auteur=Shamsaddin Megalommatis |titre=Yazidism and its Mazdean roots |url=http://www.fravahr.org/spip.php?article498 |site=fravahr.org}}15 mars 2010</ref>{{,}}<ref name="Visite">{{Lien web |auteur=Ephrem-Isa Yousif |titre=Ma visite aux Yézidis du nord de l’Irak |url=http://eyousif.blogspot.com/2010/11/ma-visite-aux-yezidis-du-nord-de-lirak.html |site=eyousif.blogspot.com |date=1 novembre 2010}}.</ref>{{,}}<ref name="France">{{Lien web |titre=Les Ezidis de France |url=http://ezidi.fr/index.html |site=ezidi.fr}}.</ref>{{,}}<ref name="Minority">{{Lien web |auteur=Lucine Brutti-Japharova |titre=Les Yézidis et le Yézidisme |url=http://gdm.eurominority.org/www/gdm/71-2003-09-gdm1.asp#retour_note2 |site=gdm.eurominority.org |date=février 2003}}.</ref>{{,}}<ref name="Liberation">{{Lien web |auteur=Kendal Nezan |titre=Le martyre des Yézidis |url=http://www.liberation.fr/tribune/0101109299-le-martyre-des-yezidis |site=Libération |date=21 août 2007}}.</ref>.


Les yézidis forment une minorité confessionnelle. Ils sont adeptes d’un monothéisme issu d'anciennes croyances. On retrouve en effet de nombreuses similitudes entre le yézidisme actuel et les religions de l'[[Iran]] ancien. Ainsi, le yézidisme est considéré par ses pratiquants comme une survivance du [[Culte de Mithra|mithraïsme]] iranien authentique qui s'est adapté à un environnement hostile en absorbant des éléments exogènes<ref name="R. Lescot 1938">{{Ouvrage |auteur1=R. Lescot |titre=Enquête sur les Yezidis de Syrie et du Djebel Sindjār |lieu=Beyrouth |éditeur=Institut français de Damas |année=1938}}.</ref>{{,}}<ref name="Massignon">{{Ouvrage |auteur1=L. Massignon |directeur1=oui |titre=Les Yezidis du Mont Sindjar « adorateurs d'Ibis |éditeur=Études Carmélitaines sur Satan}}.</ref>, notamment les enseignements de [[Cheikh Adi]]<ref name="Fravar" />, un savant soufi qui s'est installé dans la vallée de [[Lalesh]] au {{s-|XII}}<ref name="Encyclopaedia Iranica">{{Lien web |langue=en |titre=YAZIDIS i. GENERAL |url=http://www.iranicaonline.org/articles/yazidis-i-general-1 |site=iranicaonline.org |consulté le=2019-12-17}}.</ref>. Cependant d'autres études (européennes ou celles de théologiens musulmans) le considèrent comme un mouvement hétérodoxe de l'islam sunnite apparu au {{XIIe siècle}} et sur lequel des éléments pré-islamiques ont par la suite été greffés<ref name="R. Lescot 1938" />{{,}}<ref name="Massignon" />.


== Généralités ==
== '''Origines discutées du nom Yezidi''' ==
Géographiquement localisé dans le [[Kurdistan]], et dans le [[Caucase]] ([[Arménie]], [[Géorgie (pays)|Géorgie]]), le yézidisme est présenté par ses pratiquants comme l'une des plus vieilles religions monothéistes<ref name="Finance" />{{,}}<ref name="Visite" />{{,}}<ref name="France" />.


Les Yézidis sont [[kurde|kurdophones]] et parlent exclusivement le [[Kurmandji|dialecte kurmandji]]. Ils constituent moins de 5 % de la population [[Kurdes|kurde]] prise dans son ensemble. Ils vivent pour l'essentiel au [[Kurdistan irakien]] au [[Bahdinan]], dans les deux districts de {{Lien|trad=Sinjar District|fr=district de Sinjar|texte=Sinjar}} et de {{Lien|trad=Shekhan District|fr=district de Sheixan|texte=Sheixan}} (au sud-ouest et au nord-est de [[Mossoul]], au [[Kurdistan turc]] dans le district de [[Midyad]] (province de [[Mardin (province)|Mardin]]), dans le Caucase (essentiellement en [[Arménie]]) et dans d'autres régions de l'[[États post-soviétiques|ancienne URSS]]. À la suite des persécutions, beaucoup d'entre eux ont émigré en [[Allemagne]]<ref>{{Ouvrage |langue=en |auteur1=Michael M. Gunter |titre=Historical Dictionary of the Kurds |lieu=Toronto/Oxford |éditeur=Scarecrow Press |année=2011 |pages totales=410 |isbn=978-0-8108-6751-2}}.</ref>{{,}}{{sfn|Tagay|Ortaç|2016|p=29-32, 49-50}}.
L’origine du nom même de Yezidi est débattue. « L’un des noms de Dieu », selon certains Yezidis. Ce serait un mot persan qui signifie « l’Etre Suprême », ou « Ange ».
Pour d'autres encore, il viendrait de Yazid, nom de l’assassin de Husseyn, imam [[chiite]] mort en 680.


Le principal lieu de [[culte]] des yézidis est le temple de [[Lalesh|Lalech]]. Ce lieu saint est situé dans la [[Ninive (province)|province de Ninive]], dans le [[Kurdistan irakien]]<ref name="France" />.
Appelés péjorativement «les adorateurs du Diable », les Yezidis vénèrent en effet le '''feu''' et le soleil et adorent '''Malak Taus''' (Lucifer), symbolisé par un '''paon'''. <br />
Selon eux, si l’Ange rebelle a refusé de se prosterner devant Adam c’est « parce qu’il voue un amour exclusif à Dieu » et ne peut s’incliner devant quiconque d’autre que Lui. Ainsi, Dieu a pardonné à l’ange déchu devenu Archange. C’est pourquoi les Yezidis cherchent à se concilier l’esprit du Mal afin de l’empêcher de nuire…


Les yézidis possèdent deux livres sacrés : le [[Kitêba Cilwe]], le ''Livre des Révélations'', et le [[Mechef Rech|Mishefa Reş]], le ''Livre noir''. Le Kitêba Cilwe décrit [[Malek Taus]] (littéralement « l'[[ange]]-[[paon]] », l'[[Émanatisme|émanation]] de Dieu) et sa relation spéciale avec les yézidis, alors que le Mishefa Reş décrit la création de l'Univers, des sept grands anges, des yézidis et les lois que les yézidis doivent suivre. Toutefois, des études académiques plus récentes mettent fortement en doute l'authenticité de ces textes qui seraient des faux diffusés par un antiquaire peu scrupuleux du nom de Jeremiah Shamir à Mossoul<ref>J. F. Coakley, « Manuscripts for sale: Urmia. 1890-2 », ''Journal of Assyrian Academic Studies'', {{vol.|20}}, {{n°|2}}, 2006, référence dans laquelle il est fait mention des activités douteuses d'un antiquaire peu scrupuleux du nom de Jeremiah Shamir à [[Mossoul]] présenté comme la source des faux. Voir également ''Encyclopedia Iranica'', édition en ligne, New York, 1996, à l'entrée "Jelwa, Ketab Al" qui donne des raisons linguistiques pour appuyer la forgerie en question. Pour des informations sur ce Jeremiah Shamir, voir John Guest, The Yezidi, a Study in Survival, ''London Routledge Kegan and Paul'', 1987, et B. Acikyildiz, "The Yezidis: The History of a Community, Culture and Religion", ''I. B. Tauris and Co.'', New York, 2010, {{p.|89}} et suivantes.</ref>.
La secte Yezidi remonte au {{XIXe siècle}} mais plonge ses racines dans un passé plus profond et a accumulé plusieurs sédiments religieux : [[Nestorianisme|nestorianisme]], [[Judaïsme|judaïsme]], [[Zoroastrisme|zoroastrisme]], [[Manichéisme|manichéisme]] et islam ([[Soufisme|soufi]]) puisqu’ils reconnaissent [[Mahomet]] comme étant le sceau des prophètes.<br />


Le dialecte kurde kurmandji est la langue sacrée des Yézidis. Comme il s'agit de la langue employée dans les deux livres sacrés, toutes les prières et toutes les cérémonies sont lues, récitées et prononcées en kurmandji<ref>{{Ouvrage |langue=fr |auteur1=Wirya Rehmany |titre=Dictionnaire politique et historique des Kurdes |passage=302 |lieu=Paris |éditeur=[[Éditions L'Harmattan|L'Harmattan]] |année=2014 |pages totales=531 |isbn=978-2-343-03282-5}}.</ref>.


La transmission orale tient une grande place : peu de yézidis ont lu ou vu les deux livres saints. Les fidèles de cette religion croient en un dieu unique : ''Xwede''. Ce mot est à rapprocher des mots ''god'' en anglais, ''Gott'' en allemand ou encore ''khodā'' (خدا) en persan. ''[[Malek Taus|Malek Taous]]'' tient cependant une place importante dans cette religion. Avant de créer le monde, Dieu a créé les sept anges et désigné Malek Taous comme leur chef. Une fois le monde créé, Dieu a chargé Malek Taous de s'en occuper<ref name="France" />.
== '''Description de la croyance yezidie''' ==
Les spécialistes des Yezidis soulignent le '''syncrétisme''' religieux dont est issu le Yezidisme. La cosmogonie yezidie a de troublantes similitudes avec les religions de l'Ancien Iran, des religions pré-zoroastriennes, puis zoroastriennes du VIIè au IVè siècle avant J.C., grâce notamment à la présence de nombreux Kurdes de la vieille foi et à l'isolation de la vallée de '''Lalish'''. Au Ier siècle, le christianisme arrive en Perse, dont la tradition attribue l’évangélisation à Saint Thomas. Des monastères sont construits, dont celui d’Icho Sabran. Au VIIè siècle, l’Islam envahit toute la région, et s’il respecte les Gens du Livre, il persécute les païens zoroastriens, dont une partie se convertit, une autre fuit. Les adeptes du culte de Yazid, le calife omeyyade proscrit pour l’assassinat du fils d’[[Ali]], se replient autour de '''Mossoul''', parmi les Kurdes. Leur origine, leur histoire et leurs pratiques religieuses sont encore méconnues.
Au XIIème siècle, '''Cheikh Adi''', maître soufi, s'installe à Lalish et y enseigne ses préceptes auprès de la population yezidie. Adi serait un descendant du calife omeyyade Marwan, et par cette prestigieuse lignée, reçut un accueil bienveillant auprès des Kurdes adorateurs de Yazid, le calife omeyyade tant honni. Adi y fonda l'ordre soufi des Adawiya, dont une branche, dans la vallée isolée de Lalish, près de Mossoul, adapta ses caractéristiques musulmanes au yezidisme. La tombe de Cheikh Adi, dans le monastère d’Icho Sabran, est depuis lors le centre du pèlerinage des Yezidis. Le Yezidisme aurait connu sa plus haute période du XIIè au XIVè siècle, et son déclin est daté du XVIè siècle, époque où les Ottomans impose le sunnisme dans la région.
Le '''Cheikh Adi''' (1073 - 1162) est la figure centrale du Yezidisme. Véritable guide spirituel de tradition soufie, il étudia à Bagdad avant de se retirer dans l’actuel [[Kurdistan]]. Ses enseignements accentuent l’aspect expérimental, émotionnel et mystique de la foi, et ont été mariés au syncrétisme religieux des plus riches, pour ne pas dire des plus complexes, pratiqués localement. Les spécialistes considèrent que le yezidisme est un savant mélange de mazdéisme, de paganisme pré-zoroastrien, de zoroastrisme, de manichéisme, de nestorianisme (ou christianisme d’Orient), de judaïsme, d’Islam, de soufisme, et même de chamanisme! Et si certains s’étonnent de la personnification de Cheikh Adi à Dieu lui-même dans certains passages du '''Jelwa''' écrits à la première personne, cela n’est pourtant pas un fait extraordinaire ni isolé dans le soufisme.
Le mysticisme et la pratique secrète et endogame sont courantes et justifiables dans leur contexte. De plus, le flou concernant ce que sont réellement les Kurdes, nom générique donné aux nomades, a contribué à définir les nomades adeptes du Yezidisme à une secte mystérieuse, incontrôlable, et donc dangereuse. La tradition orale de cette croyance est un des principaux facteurs qui jouèrent en sa défaveur aux yeux des musulmans. Ceux-ci, ne reconnaissant comme leurs égaux que les Gens du Livre, voyaient d’un mauvais oeil ces communautés rebelles et païennes. Or, les Yezidis ne sont pas des disciples d’une tradition religieuse uniquement orale : deux livres sacrés servent de bases à leurs lois et rites, bien que certains chercheurs mettent en doute l’existence de tels livres. En réalité, selon la lecture que le guide fait des livres sacrés, le Yezidisme s’adapte aux conditions de temps et de lieu. Il n’existe en effet pas de forme officielle du Yezidisme, pas de clergé, encore moins de [[califat]]. Chaque '''cheikh''' est un guide au sens élargi du terme : il décide des interdits, des tabous, des préceptes à suivre. Il est probable que certains guide ne se réfèrent même pas aux livres sacrés, d’où il ressort qu’à chaque communauté yezidite correspond un yezidisme.


Les yézidis ont un système de [[caste]]s depuis leur fondation, qui a cependant été modifié par Cheikh Adi au {{XIIe siècle}}. Au sommet de cette hiérarchie se trouve le prince yézidi, le « Mîr ». Juste au-dessous de lui il y a le Baba Cheikh, le « pape » yézidi. Les Faqirs, Qewels et Kocheks, qui sont des serviteurs religieux, servent le Baba Cheikh. Toutes ces positions hiérarchiques sont détenues par deux des trois castes yézidies principales, les Cheikhs et les Pirs, tandis que la majorité des yézidis sont de la caste de Murids, qui est la caste du commun des mortels<ref name="France" />.


=== Aspects démographiques ===
== Les livres saints du Yézidisme ==
Il est difficile de connaître le nombre exact de yézidis : une estimation donne un total de {{formatnum:800000}}. {{référence nécessaire|Ils ont pu être {{formatnum:600000}} en [[Irak]] (essentiellement dans la région du [[Gouvernement régional du Kurdistan]], qui est leur berceau historique) et {{formatnum:180000}} dans les anciennes [[république socialiste soviétique|républiques]] de l'[[Union des républiques socialistes soviétiques|URSS]] ([[République socialiste fédérative soviétique de Russie|Russie]], [[République socialiste soviétique de Géorgie|Géorgie]], [[République socialiste soviétique d'Arménie|Arménie]]). Il existe également des communautés importantes en [[Europe]] (notamment en [[Allemagne]] où ils sont environ {{formatnum:50000}}), mais aussi aux [[États-Unis]] et au [[Canada]]}}<ref name="Minority" />. L’estimation du nombre de yézidis a toujours été très difficile. Les raisons de cette incertitude sont variables selon les époques, les pays mais aussi la source des estimations. La difficulté d’accès à leur zone d’habitation est un élément majeur. Ce sont en grande partie les persécutions physiques qui poussent les yézidis à rejoindre ces zones difficiles d’accès. Ces populations se trouvent de plus au cœur de nombreux enjeux politiques, ce qui contribue aussi à la difficulté d’estimations chiffrées : mise en place de quotas par exemple.
Le '''Meshef Resh''', ou Livre Noir, attribué au Cheikh Adi, décrit la cosmogonie yezidite, l'origine de l'humanité, l'histoire de la secte et les interdits.


{{Référence nécessaire|Traditionnellement, le nombre de yézidis fut toujours sous-estimé en Turquie, en Irak, en Syrie et même en Iran. Ainsi, les autorités irakiennes sous [[Saddam Hussein]] n'évoquaient que quelques milliers de yézidis en Irak. Après 2003, ce fut une grosse surprise pour les occupants américains d'estimer que la population yézidie était sans doute beaucoup plus importante qu'indiquée autrefois. En 2009, la [[Central Intelligence Agency|CIA]] indiquait que les yézidis étaient sans doute plusieurs centaines de milliers en Irak, peut être {{nombre|200000}} au moins, la fourchette basse des estimations étant de {{nombre|60000|individus}} au moins. Avant 2003, les autorités irakiennes indiquaient quelques milliers d'individus, l'estimation la plus basse étant {{nombre|3000|individus}}. De nos jours, avec les flux migratoires, il est toujours aussi difficile de recenser le nombre exact de yézidis. Avant 2003, il est établi que des villages entiers de yézidis n'étaient tout simplement pas recensés. De même, avec les pressions religieuses, pour vivre en paix, des familles yézidies se faisaient passer pour des musulmans aux agents recenseurs. En Turquie, il n'y a plus d'estimations de cette population depuis 1965.|date=août 2015}} Le [[Parti des travailleurs du Kurdistan|PKK]], le Parti des travailleurs du Kurdistan affirme que plus de {{nombre|100000|Yézidis}} (2009) vivraient en Turquie.
Le '''Kitab el-Jelwa''', ou Livre de la Révélation, attribué à son arrière-petit-neveu Cheikh Hassan, proclame la souveraineté et l'omnipotence de '''Melek Tawus'''.


En Irak, en {{date-|janvier 2019}}, le congrès des Yézidis affirme qu'ils étaient plus de {{formatnum:600000}} en Irak, mais qu'entre 2014 et 2018, ils furent en partie victimes de génocide sous [[État islamique (organisation)|Daech]], et une autre grande partie a choisi le chemin de l'exil.
Certains pensent que ces textes sont des recueils récents de récits traditionnels, et non des textes "historiques". Selon le Meshef Resh, Dieu a créé le monde, les quatre éléments, Adam et Eve, etc., à partir d’une Perle issue de son essence divine. Il est secondé dans son œuvre par sept anges, dont le premier, le chef de tous les anges, est Azazil dit Melek Tawus, l’ange-paon. Melek Tawus porte aussi le nom de Shaytan, rapidement associé à Satan par les « étrangers », mais Shaytan est un nom tabou, « car c’est l’un des noms de Dieu ». L’image du paon, son incarnation sur terre, est ainsi très vénérée. Enfin, le livre relate que le dernier combat de Gog et Magog sonnera la fin du monde. Issu du dualisme zoroastrien, Dieu et Melek Tawus se partagent les deux tâches primordiales : le premier est le créateur du monde, le second son préservateur, le garant de son harmonie. L’un représente le principe central et passif, l’autre le principe actif.


En Iran, le nombre de yézidis est difficile à établir : les autorités iraniennes indiquent quelques milliers de représentants tout au plus, alors que différents mouvements kurdes indiquent au moins plus de {{nombre|100000|représentants}}. En Arabie Saoudite, la religion yézidie n'est pas reconnue, et ses membres, persécutés, doivent pratiquer clandestinement, ou partir pour l'étranger. Le nombre de yézidis en Arabie Saoudite est inconnu. Il existe de petits groupes de yézidis en Arménie, en [[Territoires palestiniens occupés|Palestine]], en [[Jordanie]], au [[Pakistan]], en [[Afghanistan]], au [[Turkménistan]], au [[Tadjikistan]], en [[Égypte]], au [[Koweït]], et aux [[Émirats arabes unis]]. Aux États-Unis et au Canada, ils sont très dispersés, avec une immigration récente, de telle sorte qu'il est encore trop tôt pour que ces deux pays donnent des estimations sur le nombre de yézidis.
Ces livres décrivent les nombreux rites à observer. Les interdits, variés et variables, sont étroitement liés au respect des dieux et des quatre éléments. Il est ainsi interdit de manger de la laitue (khas) à cause de l’homonymie avec le nom de l’une de leurs prophètes Khassa, et du coquelet par respect pour l’ange-paon. Il est tabou d’uriner debout et de cracher afin de ne pas offenser l’air, de jeter des objets impurs dans le feu, de boire bruyamment ou de siffler, de couper des arbres, etc. Le tabou sur la teinte bleue dépendra de la définition donnée à la couleur bleue, couleur qui peut inclure certains tons de verts, etc. Les interdits dépendent des préceptes de chaque Cheikh, et sont considérés par les Yezidis comme des marques de leur identité plutôt que comme des institutions sacrées. De plus, tout Yezidi homme parti loin et longtemps en voyage perd sa femme à son retour, de même que son identité de Yezidi. L’éloignement de la communauté revient à une perte de pureté, à un bannissement. Enfin, on est Yezidi par naissance et non par croyance, mais un homme peut se marier avec une non-Yezidie si cette dernière se convertit. Les Yezidis, essentiellement endogames, acceptent ainsi la présence de femmes extérieurs, une fois admises dans leur communauté.


En Europe du fait de l'immigration, on trouve des groupes de yézidis en [[Allemagne]], en [[France]], au [[Royaume-Uni]], en [[Belgique]] (90 % en [[province de Liège]]) et dans les [[Scandinavie|pays scandinaves]].
En ce qui concerne les contacts de la communauté yezidite avec l’extérieur, les préceptes sont formels et rigoureux : il est interdit d’entrer dans une mosquée, d’avoir des « relations » avec des non-Yezidis, d’utiliser des couverts ou le rasoir d’un musulman sans les purifier avec de l’eau bénite, etc. Il est interdit de se laver et d’avoir des rapports sexuels le mercredi et le vendredi, deux jours saints, ce qui leur vaut parfois le surnom de sales de la part des musulmans. Toute entrave à ces lois est passible d’un renvoi de la communauté. Ceci, en plus du mystère entourant leur rituel, a certainement contribué à renforcer les préjugés des musulmans envers les Yezidis. Ce sont probablement ces préjugés qui ont influencé nombres de chercheurs sur cette « secte aberrante ».


Dans l'ensemble du Kurdistan, la religion yézidie est bien vue et tolérée par les autochtones kurdes, car cette religion est l'un des éléments de l'identité, de l'histoire, de la culture, et de la vie des Kurdes. Pour les [[Turcs (peuple)|Turcs]] et les [[Arabes]], ce sont une religion et des croyances qui relèvent du passé, et ses pratiquants sont considérés comme des ruraux arriérés. Pour les fondamentalistes musulmans, le yézidisme doit tout simplement disparaître, tout comme d'autres croyances et religions, comme les chrétiens, et les [[mandéens]].
Selon le Jelwa, Dieu, appelé de son nom kurde Khuda, est omniprésent et omnipotent. Il est le maître de la transmigration des âmes, qu'il décide en fonction des activités passées des hommes. Les Yezidis croient en effet à la réincarnation, ou plus exactement à la '''métempsycose''', en plus d’un Paradis où les âmes des justes transitent temporairement, et de l’Enfer pour les « obstinément mauvais ». Certains nient l’existence de l’Enfer, car l’ange-paon en aurait éteint les flammes par ses larmes de repentir. Shaytan se serait racheté, ou, dans un récit atemporel, est potentiellement pardonnable (il l’a été, ou le sera, cela est une autre question). Il mérite alors le respect dû aux anges, aux divinités, aux créatures célestes.


Depuis les conflits des [[années 1980]], même si les Kurdes sont majoritairement [[musulman]]s [[Sunnisme|sunnites]], leurs regards sur les yézidis a changé, et ils montrent plus d'attention à cette religion de leurs ancêtres, alors qu'auparavant le sentiment à cet égard était plutôt indifférent et que cette religion était souvent assimilée, par exemple, au folklore local. Avec les exactions et massacres commis par l'organisation djihadiste radicale [[État islamique (organisation)|État islamique]], il arrive que des Kurdes musulmans se convertissent au yézidisme, retrouvant ainsi la religion de leurs ancêtres.{{Référence nécessaire|date=6 octobre 2018}}


== Origines du nom Yézidi ==
[[Fichier:Tausi-Malek.png|vignette|L'archange yezidi [[Malek Taus|Taous Malek]].]]


L’origine du nom même de ''yézidi'' est débattue. Le terme ''yézidi'' fait l’objet d’un double emploi. Il s’utilise aussi bien pour parler d’un individu appartenant à la tribu des Yézidis, que pour parler d’un pratiquant du yézidisme.
== La société yézidie ==
La société yezidie est une société de '''castes''' et de clans. Les Yezidis ont obligation d’honorer plusieurs castes, dont celle du Cheikh, ou guide spirituel. Parmi ces castes, celle des '''Qewwals''' ou chanteurs de qewls, récitent des hymnes sacrés et jouent d’instruments sacrés lors de fêtes religieuses. Seuls les Qewwals et les Cheikhs doivent savoir lire et écrire. Le statut de la femme, enfin, reste inconnu, et Philip Kreyenbroek, dans son essai sur les Yézidis d’Irak, lance un appel auprès de chercheuses intéressées qui seules pourraient approcher les Yezidies et élucider cette question.


Les yézidis honorent l'archange [[Malek Taus|Taous Malek]] (''Tawûs'' veut dire [[paon]]). Le nom de ''yazidi'' provient du proto-iranien ''yazatah'' qui veut dire « être digne d'adoration » ou « être saint », d'où ''[[ange]]'' ou ''être suprême''<ref name="Malherbe" />, que l'on retrouve dans l'avestique ''[[Yazata]]'', le moyen-persan ''yazad'' et ''yazd'', au pluriel ''yazdan'', qui aboutit en [[persan]] moderne à ''izad'' et en kurde à ''yezid'' et ''yezdan''.


''Yezdan'' en kurde veut dire à la fois ''dieu'' {{Incise |nom commun puisque le dieu des ''Yézidis'' s'appelle ''Xwede'' (le ''X'' se prononce comme une jota espagnole)}} et ''divin''. Mais le nom ''yézidi'' peut également provenir de ''Xwede Ez da (Men da)'', signifiant ''j'ai été créé par Dieu'' en [[kurde]] moderne. Les lettres ''YZD'' en écriture [[cunéiforme]], trouvées sur une tablette mésopotamienne, confirment l’existence ancienne de leur croyance<ref name="France" />.
== '''La difficulté d’étudier le Yezidisme''' ==
Selon la littérature spécialisée dans la question kurde ou dans l’histoire kurde, les Yezidis sont présentés comme faisant partie d'une '''secte''', et leur nom est encore bien souvent associé aux préjugés véhiculés par la tradition islamique les haïssant. « De langue kurde, les yézidis forment une secte si éloignées de ses origines islamiques que les musulmans les appellent les « adorateurs du diable » ». p. 127 de l'Atlas des peuples d'Orient, Moyen-Orient, Caucase, Asie Centrale. de J. et A. Sellier. Il s'agit d'une « secte aberrante ». pp. 36-39 de Les Kurdes aujourd'hui. Mouvement nationale et partis politiques. De Ch. More. C'est une « secte assez mystérieuse »; Histoire de l'Irak. De Sumer à Saddam Hussein, de Ch. Saint-Prot. « Restent enfin les derniers avatars des religions les plus anciennes : les Yezidis[…] souvent confondus avec les Kurdes. » p. 86 de Questions d'Orient. Frontières et minorités des Balkans au Caucase, de S. Yerasimos.
Le Yezidisme est et restera fort probablement encore longtemps une religion mal connue, car de '''tradition purement orale''' et fortement repliée sur elle-même. L’histoire de l’étude du Yezidisme est relativement jeune, et peu de spécialistes semblent s’intéresser à cette question car le yezidisme est souvent relégué au rang des sectes aberrantes en voie de disparition. Toute tentative de les comprendre passe uniquement par la connaissance qu'en ont les Yezidis eux-mêmes, et par les quelques rares citations écrites par des voyageurs ou des auteurs de passage.


Pour [[Jean-Paul Roux (historien)|Jean-Paul Roux]], leur nom renvoie à celui du calife [[Yazīd Ier]] (680-683) qui réprima la révolte des partisans d'Ali et qui au cours de la [[bataille de Kerbala]], tua [[Al-Hussein ibn Ali]], fils de [[Ali ibn Abi Talib|ʿAlī ibn ʾAbī Ṭalib]] et petit-fils du prophète [[Mahomet]]. Yazīd {{Ier}} étant la « bête noire » des [[chiisme|chiites]], il n'est pas possible de lier ces derniers aux Yézidis, qui resteront fidèles au calife omeyyade lors de la [[Califat abbasside|révolution abbasside]] de 750<ref name="Roux">{{Lien web |titre=Les Yezidis, « adorateurs du diable |url=https://www.clio.fr/BIBLIOTHEQUE/les_yezidis_adorateurs_du_diable_.asp |site=clio.fr |date=juin 2001}}.</ref>.
L’une des premières références connues sur les Yezidis est Le Livre de la Gloire, appelé Chronique des Kurdes, de Sheref ed-Din Khan, écrit en 1597. Cet émir de Bitlis (près du lac de [[Van]], en Turquie) fait mention de sept grandes tribus kurdes, qui auraient été à un moment ou à un autre entièrement ou principalement yezidites . Dans la deuxième moitié du XIXè siècle, le vice-consul français de Mossoul, M. Siouffi démontrait, contre l’opinion des nestoriens locaux, que le Cheikh Adi était musulman, et non l’apôtre chrétien Addaï. A la même époque, le professeur A. H. Layard étudie sérieusement cette communauté, et ouvre la voie aux études ultérieures. Son nom est resté comme celui du premier savant s’étant penché sur l’étude des Yezidis. En Irak, des Yezidis ont publié un recueil de textes issus de la tradition orale des Yezidis et des Qewls. En URSS est cité le livre de deux auteurs yezidis, O. et J. Jelil : ''Kurdski folklor'', publié en 1978. Les principaux ouvrages actuels de références sont ceux de Ph. G. Kreyenbroek et de J. S. Guest. Le sujet n’est ainsi pas épuisé, et ces derniers auteurs insistent sur le fait que les Yezidis ne constituent pas une communauté compacte, mais des communautés dispersées, chacune méritant une étude particulière.


== Histoire du yézidisme ==
=== Difficulté d’étudier le yézidisme ===
[[Fichier:Yezidismardino.JPG|vignette|Yézidis à [[Mardin]], fin du {{XIXe siècle}}.]]


L’une des premières références connues sur les Yézidis est ''le Livre de la Gloire'', appelé ''Chronique des Kurdes'', de Cheref ed-Din Khan, écrit en [[1597]]. Cet émir de [[Bitlis]] (près du [[lac de Van]], en [[Turquie]]) fait mention de sept grandes tribus [[kurdes]], qui auraient été à un moment ou à un autre entièrement ou principalement yézidies. Dans la deuxième moitié du {{s-|XIX}}, le vice-consul français de [[Mossoul]], M. Siouffi, démontrait, contre l’opinion des [[nestorianisme|nestoriens]] locaux, que le [[Cheikh Adi]] était musulman, et non l’apôtre [[chrétien]] Addaï. À la même époque, le professeur A.H. Layard étudie sérieusement cette communauté et ouvre la voie aux études ultérieures. Son nom est resté comme celui du premier savant s’étant penché sur l’étude des Yézidis. En [[Irak]], des Yézidis ont publié un recueil de textes issus de leur tradition orale, en particulier de leur caste religieuse nommée Qewels. En [[Union des républiques socialistes soviétiques|URSS]] est cité le livre de deux auteurs yézidis, O. et J. Jelil : ''Kurdski folklor'', publié en [[1978]]. Les principaux ouvrages actuels de référence sont ceux de Ph. G. Kreyenbroek et de J. S. Guest. Ces auteurs insistent sur le fait que les Yézidis ne constituent pas une communauté compacte, mais des communautés dispersées, chacune méritant une étude particulière.
== '''Histoire du Yezidisme''' ==
Les études sur le yezidisme s’accorde à faire remonter l’origine de cette croyance au plus loin aux débuts de l’Islam.
L’histoire troublée de la succession du « Sceau des Prophètes » '''Mahomet''' donne la clé de l’origine la plus probable du Yezidisme. En 644, le troisième successeur du Prophète est assassiné, et son gendre et cousin Ali accède enfin au khalifat, contre son opposant Moawya, fondateur de la dynastie des Omeyyades et du sunnisme. L’[[Empire omeyyade]] s’empare de la Perse mazdéenne et zoroastrienne. Des zoroastriens se rallient au [[chiisme]], branche de l’Islam ayant choisi le parti d’Ali, contre le [[sunnisme]] omeyyade de l’envahisseur. En 680, le calife '''Yazid''' ben Moawya fit assassiner '''Hussein''', le fils d’Ali, et sa troupe à [['''Karbala''']]. Cet acte conduisit à la rupture pure et simple des deux principaux courants de l’Islam, et à la haine vouée aux Omeyyades de la part des chiites. D’autre part, des fervents défenseurs des omeyyades se mirent à vénérer « avec passion le souvenir du personnage le plus attaqué de cette dynastie, Yazid Ier ». Ceux-ci étaient les fondateurs d’une croyance dissidente, qui durent se cacher pour fuir toutes les fatwas et les persécutions.
D’autres avancent la théorie d'une population kurde longtemps à l'écart du monde extérieur, car enfermée entre les montagnes du nord de Mossoul, dans la vallée de Lalish, en Irak. Ces Kurdes auraient protégé des influences religieuses tardives leur paganisme pré-zoroastrien, mêlé tout de même d'éléments du zoroastrisme, de l'Islam et du christianisme. (Pour les origines religieuses, voir infra). Deux villages irakiens sont souvent nommés : '''Shaykhan''' et '''Djebel Sindjar''', et regrouperaient actuellement près de 100 000 Yezidis.
Au XIIème siècle, le maître soufi d’origine libanaise cheikh Adi s’installe à Lalish, et enseigne ses préceptes aux habitants kurdes, qui l’accueillent avec enthousiasme. A sa mort, Cheikh Adi est enterré dans un temple yezidite, devenu depuis le centre de pèlerinage des Yezidis. Cependant, le culte du fondateur présumé Cheikh Adi n'est pas partout vénéré avec la même intensité. Il est probable que les Yezidis les plus éloignés de Lalish, dont les Caucasiens, se soient éloignés de ce culte.
De la région de Mossoul, centre religieux des Yezidis, avec Lalish pour "capitale", des tribus se sont installées en Syrie du nord. Avec les guerres et les invasions mongoles puis ottomanes, des réfugiés se sont enfuis vers le lac Van et près du Mont [[Ararat]]. Pendant et après les guerres perso-russe et turco-russe du XIXème siècle, les communautés de Van et de l'Ararat prirent le chemin du [[Caucase]], principalement vers l’actuelle [[Arménie]].
'''Au Caucase''': En 1840, le Ministère russe des Finances recense 324 âmes appartenant à ces communautés. En 1877, 3 000 Yezidis suivent l'armée russe dans sa retraite de Turquie. On estime alors à 8 000 le nombre de Yezidis de la région d'Erevan. Le premier recensement impérial russe de 1897 compte plus de 14 500 Yezidis. En 1912, ils sont 24 500, dont plus de 17 000 dans la province d'Erevan, et près de 2 000 aux environs de Tiflis (actuelle Tbilissi), et 5 000 dans les provinces annexées à la Turquie. En 1916, ils sont presque 41 000 dans toute la Transcaucasie. Les Yezidis qui vivaient sur les flancs du Mont Ararat sont déplacés en 1920 vers le Mont Aragats, en Arménie. Au recensement de 1926, ils ne sont plus que 14 500 Yezidis en URSS, dont 2 250 en Géorgie et 12 250 en Arménie. Dès 1930, les Yezidis sont officiellement confondus avec les Kurdes, alors que 80% des Kurdes d'Arménie sont des Yezidis, et près de 22% des Kurdes de Géorgie. A partir de ce moment, les données sont inconnues : le nom de Yezidi n'apparaît plus.


=== Moyen Âge ===
Aujourd’hui, la petite communauté yezidi regroupe quelque 100&nbsp;000 individus qui sont des Kurdes vivant très discrètement au Nord de l’Irak.
Au {{s-|XII}}, le [[Cheikh Adi]] semble avoir eu une influence durable chez les Yézidis orientant leur religion vers le [[mystique|mysticisme]]. Il devint par la suite leur grand ancêtre fondateur<ref name="Roux" />. Les Yézidis l'ont adopté comme leur saint archétypal. Adi a été célébré à cause de sa vie sainte. Il a fondé un ordre religieux nommé d'après lui-même, al-Adawiya. Son sépulcre est indiqué par trois coupoles coniques dans les environs du village de Baadri, non loin à l'est du [[monastère Rabban Hormizd]]. Son tombeau attire toujours un grand nombre de personnes sous forme notamment de processions de nuit à la lumière des torches qui comprennent des expositions du drap de couleur verte couvrant la tombe.


=== {{s-|XVI}} ===
Pour ces quinze dernières années, quelques auteurs avancent les chiffres de 15 000 à 40 000 Yezidis au Caucase, d'autres ne les citent même pas. Selon Teymouraz Smoev, de même que d'après le Président de l'Union du Mouvement des citoyens de la Géorgie Multiethnique, ils seraient à peu près 30 000 Yezidis à vivre en Géorgie
En 1513, les Kurdes sont vus comme des gens vaillants et farouches<ref name="Thevet">{{Ouvrage |auteur1=André Thevet |titre=La cosmographie universelle d'André Thevet. Vol. 1 (Afrique, Asie) /,... illustrée de diverses figures des choses plus remarquables veuës par l'auteur... Tome {{1er}} [-4e] |année=1575 |lire en ligne=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k109341b |consulté le=2019-12-17}}.</ref>. Un document d'époque indique notamment que les Kurdes qui portent alors le turban n'ont pas voulu recevoir la secte de Sich Ismaël<ref name="Thevet" />.


=== Liens internes ===
=== {{s-|XVII}} ===
Au {{s-|XVII}}, les Jésides (Yézidis) avaient des différends avec les Turcs<ref>{{Ouvrage |auteur1=Michel Febvre |titre=L'état présent de la Turquie ou il est traité des vies, mœurs & coûtumes des Ottomans, & autres Peuples de leur Empire... Par le sieur Michel Febvre... |année=1675 |lire en ligne=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5679990p |consulté le=2019-12-17}}.</ref>.
* [http://www.clio.fr/BIBLIOTHEQUE/les_yezidis__adorateurs_du_diable_.asp Les Yezidis, « adorateurs du diable »] par Jean-Paul Roux, Directeur de recherche honoraire au CNRS.

* {{de}} [http://www.yeziden-colloquium.de Yeziden Colloquium]
À la même époque, les us et coutumes de certains membres de cette communauté sont décrits par Michel Febvre<ref name="Turquie-Michel-Febvre" />. Celui-ci considère que les Yézidis pouvaient détester les Turcs musulmans qui leur demandaient plusieurs sortes de tributs, et reconnaître une similitude entre Jésides et Jésus-Christ. Pour lui, les Jésides avaient deux formes d’habits : les uns étaient vêtus en noir, les autres à la manière du pays. Les habits noirs étaient portés par les fakirs, hommes mariés monogames et respectés. L'activité économique consistait alors à garder les troupeaux, notamment de chèvres, et à l’ensemencement des terres. Cela peut leur donner un air de nomades bien qu'ils aient une maison. Du fait de ce nomadisme, ils ne peuvent avoir accès aux raisins, fruits et herbes sans les voler. Ils cuisent leur pain sur une plaque de fer, avec un feu clair.

Les Yézidis sont décrits par les musulmans comme des adorateurs de Dieu mais, pour Michel Febvre, ils refusent surtout de maudire le diable qu'ils craignent. Il en donne plusieurs raisons. Ils appellent le diable l'Ange paon, « celui que vous savez », ou « celui que les ignorants maudissent ».

Pour Michel Febvre, ils n'ont pas de système d'écriture propre, ce qui provoque des variations dans leurs croyances, ainsi ils peuvent croire, selon les cas, à la [[Bible]], à l'[[Évangile]] ou au [[Coran]] qu'ils peuvent d'ailleurs considérer tous trois comme descendus du Ciel. Ils peuvent apprendre des textes saints pour les chanter ou les jouer à la guitare ou lors d'un festin.

Ils font leur prière face au levant. Ils enterrent leurs morts, mais ne pleurent pas la mort des Yézidis vêtus de noir.
Les Jésides noirs sont intronisés par les paroles : {{citation|Entre dans le feu et sache que dorénavant tu es disciple de Iézide, et qu'en cette qualité tu dois souffrir les injures, les opprobres et les persécutions des hommes pour l'amour de Dieu. Cet habit te rendra odieux à toutes les nations, mais agréable à ta divine majesté».}} Ils s'interdisent de tuer des animaux.
En revanche, l'adultère est vu comme un crime durement sanctionné.

Toujours selon Michel Febvre, à la même époque, une alliance est passée avec une armée d'une Église chrétienne<ref name="Turquie-Michel-Febvre">{{Ouvrage |titre=Théâtre de la Turquie... Traduit d'italien en françois, par son auteur le Sr Michel Febvre |année=1682 |lire en ligne=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5824148w |consulté le=2019-12-17}}.</ref>.

En 1669, une Église chrétienne observe que les Jésides font partie du peuple kurde et en parlent la langue. À ce moment, l'Église pensa pouvoir convertir les Jésides<ref>{{Ouvrage |auteur1=François-Timoléon Choisy |titre=Histoire de l'Église. Tome 11 |sous-titre=, par M. l'abbé de Choisy,... |date=1703-1723 |lire en ligne=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5425033f |consulté le=2019-12-17}}.</ref>

=== {{s-|XVIII}} ===
En 1745, d'après le ''[[Mercure de France]]'', des Yézidis auraient été incorporés dans une troupe de {{nombre|30000|combattants}} kurdes<ref>{{Ouvrage |titre=Mercure de France |sous-titre=dédié au Roy |date=1745-04 |lire en ligne=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6358442h |consulté le=2019-12-17}}.</ref>.

À la même époque, Anton Friedrich Büsching, indique que des Kurdes habitaient déjà à [[Nusaybin|Nasibin]] ville séparée par un désert très stérile de {{nobr|30 ou 40 lieues}} de la ville de [[Mossoul]]<ref>{{Ouvrage |auteur1=Anton Friedrich Büsching |titre=Géographie de Busching. Empire ottoman, Arabie et Perse :, abrégée dans les objets les moins intéressans, augmentée dans ceux qui ont paru l'être, retouchée partout, & ornée d'un précis de l'histoire de chaque état. Par M. Bérenger... |date=1776-1782 |lire en ligne=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k65442169 |consulté le=2019-12-17}}.</ref>.

À la même époque, on indique la présence d'une communauté yézidie au pied du mont [[Süphan Dağı]] situé au nord du [[lac de Van]]. À l'époque, ils sont considérés comme mal-aimés de leurs voisins perses et très attachés à leur croyance, dans laquelle ils reconnaissent les prophètes chrétiens et musulmans. Ils portent alors des vêtements noirs et une coiffure noire et rouge. Cette communauté ne pratique pas le prosélytisme<ref>{{Ouvrage |auteur1=Nicolas Desmarest |auteur3=Claude-Joseph Ferry |auteur4=Jean-Jacques-Nicolas Huot |titre=Encyclopédie méthodique. Géographie-physique. Tome 5 /. Par le cit. Desmarest. Tome premier [-cinquième] |date=1795-1828 |lire en ligne=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6139115v |consulté le=2019-12-17 |auteur12=Guillaume-Tell Doin}}.</ref>.

=== {{s-|XIX}} ===
En 1838, certains Kurdes du Sindjar sont exterminés<ref>{{Ouvrage |auteur1=Élisée Reclus |titre=Nouvelle géographie universelle : la terre et les hommes. Vol. 9 : par Élisée Reclus... |date=1876-1894 |lire en ligne=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6543769v |consulté le=2019-12-17}}.</ref>.

En 1832, le [[Botan (principauté kurde)|prince du Botan]] [[Bedirxan Beg]] lance une campagne d'islamisation des Yézididi. Ses troupes envahissent la région de Sheikhan, peuplée par des Yézidi. Malgré la résistance de la population, les troupes de Bedirxan réussissent à occuper les villages, se livrent à des pillages et à un massacre qui reste l'un des plus sanglants de l'histoire des Yézidi. Beaucoup tentent de s'échapper en se réfugiant à Shengal, mais ils se retrouvent à devoir franchir un Tigre tumultueux. Certains parviennent à franchir le fleuve à la nage, mais les autres sont massacrés sur les berges par les troupes qui les ont rattrapés. Le nombre de victimes s'élève à plus de 12000. Le prince des Yêzidi Ali Beg est capturé et envoyé chez le prince Mohamed de Rewanduz. Celui-ci l'exécute après qu'il a refusé de se convertir à l'islam. En 1844, Bedirxan Beg, qui s'est désormais émancipé des autorités ottomanes, lance une nouvelle campagne contre les Yézidis, cette fois dans la région de [[Tur Abdin]]. Ceux qui refusent de se convertir sont emprisonnés ou massacrés. Sept villages de la région acceptent de se convertir{{sfn|Tagay|Ortaç|2016|p=29-32, 49-50}}.

Le {{date-|7 décembre 1847}}, les Turcs perdent une bataille contre les Kurdes à Mossoul, où des Yézidis sont engagés<ref>{{Ouvrage |titre=Journal des débats politiques et littéraires |date=1-1-1847 |lire en ligne=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k4475143/f1.image}}.</ref>.

En 1878, le ''Journal des débats politiques et littéraires'' considère les Yézidis comme des nomades<ref>{{Ouvrage |titre=Journal des débats politiques et littéraires |date=4 juillet 1878 |lire en ligne=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k460490k/f2.image}}.</ref>.

En 1892, [[Abdülhamid II]] décide de leur imposer l'impôt et le service militaire et de « redresser leurs croyances » pour les convertir à l'[[Sunnisme|islam sunnite]]. L'armée ottomane de Ferik Ömer Vehbi Pacha ravage les villages yézidis et détruit le sanctuaire de Lalis où avait prêché le cheikh Adi<ref>{{Lien web |auteur=Pierre Emmery |titre=Les Yézidis des monts Sinjar et la « nouvelle question d'Orient ». Retour sur le parcours d'une minorité en péril au sein du Moyen-Orient embrasé - Les clés du Moyen-Orient |url=https://www.lesclesdumoyenorient.com/Les-Yezidis-des-monts-Sinjar-et-la-nouvelle-question-d-Orient-Retour-sur-le.html |site=lesclesdumoyenorient.com |date=6 avril 2016 |consulté le=2019-12-17}}.</ref>.

En 1893, le {{date-|25 novembre}}, un responsable yézidi réfugié dans une montagne se soumet à Bakri Pacha<ref>{{Ouvrage |titre=Journal des débats politiques et littéraires |date=26-11-1893 |lire en ligne=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k4666964/f2.image}}.</ref>.

En 1893, un écrit de 16 pages de Charles de Gertensberg est publié sur les Jésides<ref>{{Article |auteur1=Charles de Gertensberg |titre=Les Jézides, adorateurs du diable |périodique=Bulletin de la Société d'ethnographie : compte rendu des séances, notices scientifiques, discours, rapports et instructions |date=1893-06-30 |lire en ligne=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5433313c/f4.image |consulté le=2019-12-17 |site=Gallica}}.</ref>.

=== Histoire des yézidis irakiens ===
[[Fichier:Yezidi Flag.svg|vignette|Drapeau yézidi]]

Malgré leur volonté de rester à l'écart des violents conflits confessionnels et politiques qui ensanglantent une grande partie de l'[[Irak]], les relations avec les communautés [[Sunnisme|sunnites]] voisines se sont gravement détériorées. Le {{date|14 août 2007}}, la communauté yézidie a été la cible de [[Attentats de Qahtaniya du 14 août 2007|quatre attentats-suicides]] faisant plus de {{nobr|400 morts}}<ref>{{Lien web |titre=Bagdad commande une enquête |url=https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/363682/attentats-yezidis-enquete |site=Radio-Canada.ca |date=15 août 2007 |consulté le=2019-12-17}}.</ref> dans la [[Ninive (province)|province de Ninive]]. Ils faisaient suite à une série d'incidents, à commencer par la [[lapidation]] par les membres de sa communauté, y compris des membres de sa famille, le {{date-|7 avril 2007}}, de [[Doaa Khalil Assouad]], une adolescente yézidie qui se serait convertie à l'islam pour épouser un musulman. Cette attaque a été l'une des plus meurtrières qu'ait connues l'[[Irak]] depuis le renversement de [[Saddam Hussein]] en 2003. C'est également la série d’attentats la plus meurtrière depuis [[Attentats du 11 septembre 2001|ceux du 11 septembre 2001]] aux États-Unis<ref>{{Article |titre=Le bilan des victimes des attentats anti-yézidis s'alourdit |périodique=[[Le Monde]] |date=2007-08-16 |lire en ligne=https://www.lemonde.fr/international/article/2007/08/16/le-bilan-des-victimes-des-attentats-anti-yezidis-s-alourdit_944923_3210.html |consulté le=2019-12-17}}.</ref>.

=== Massacres de Sinjâr ===
{{Article détaillé|Génocide des Yézidis|Massacres de Sinjar}}

Le {{date|4 août 2014}}, pendant la [[guerre d'Irak]], la ville de [[Sinjar]] tombe aux mains des djihadistes du groupe [[État islamique (organisation)|État islamique]] (ex-EIIL)<ref>{{Article |titre=Irak : la ville de Sinjar tombe aux mains de l'Etat islamique |périodique=[[Le Monde]] |date=2014-08-03 |lire en ligne=https://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2014/08/03/irak-la-ville-de-sinjar-tombe-aux-mains-de-l-etat-islamique_4466279_3218.html |consulté le=2019-12-17}}.</ref>, à l'issue d'une [[bataille de Sinjar|brève bataille]] contre les [[peshmerga]]s. Le {{date-|10 juin 2014}}, la région de Mossoul avait déjà été prise par les combattants de l’EIIL, l’État Islamique en Irak et au Levant, connu aussi sous son [[acronymie|acronyme]] arabe de [[État islamique (organisation)|Daech]].

Des dizaines de milliers de Yézidis fuient alors la ville et les villages environnants pour se réfugier au [[Kurdistan irakien]]<ref>{{Lien web |titre=Irak: crise humanitaire en vue après la prise de Sinjar aux Kurdes par les jihadistes |url=https://www.lexpress.fr/actualite/monde/proche-moyen-orient/irak-crise-humanitaire-en-vue-apres-la-prise-de-sinjar-aux-kurdes-par-les-jihadistes_1563834.html |site=LExpress.fr |date=2014-08-03 |consulté le=2019-12-17}}.</ref>{{,}}<ref>{{Article |titre=« Soutenons les yézidis d'Irak, il y a un risque de génocide » |périodique=[[Le Monde]] |date=2014-08-08 |lire en ligne=https://www.lemonde.fr/idees/article/2014/08/08/soutenons-les-yezidis-d-irak-il-y-a-un-risque-de-genocide_4469179_3232.html |consulté le=2019-12-17}}.</ref>. Mais lors de l'exode, environ {{nobr|600 civils}} sont massacrés<ref>{{Article |titre=Les restes des corps de 25 Yazidis découverts dans un charnier en Irak |périodique=Libération |date=2-2-2015 |lire en ligne=http://www.liberation.fr/monde/2015/02/02/les-restes-des-corps-de-25-yazidis-decouverts-dans-un-charnier-en-irak_1194101}}.</ref> et des centaines d'autres sont enlevés entre le 3 et le {{date-|15 août}}<ref>{{Lien web |titre=L'Irak accuse l’État islamique d'avoir assassiné au moins 500 Yézidis, dont certains enterrés vivants |url=https://www.francetvinfo.fr/monde/proche-orient/offensive-jihadiste-en-irak/l-irak-accuse-l-etat-islamique-d-avoir-assassine-au-moins-500-yezidis-dont-certains-enterres-vivants_666923.html |site=Franceinfo |date=2014-08-10 |consulté le=2019-12-17}}.</ref>{{,}}<ref>{{Article |titre=Irak : des dizaines de morts dans une attaque des djihadistes |périodique=[[Le Monde]] |date=2014-08-16 |lire en ligne=https://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2014/08/16/irak-des-dizaines-de-morts-dans-une-attaque-des-djihadistes_4472412_3218.html |consulté le=2019-12-17}}.</ref>. Les femmes enlevées par l'EI sont considérées comme des « trophées de guerre »<ref>{{Lien web |titre=VIDEO. Kurdistan irakien : femmes prisonnières et esclaves |url=https://www.francetvinfo.fr/replay-magazine/france-2/envoye-special/kurdistan-irakien-femmes-prisonnieres-et-esclaves_776633.html |site=francetv info |date=18/12/2014 |consulté le=2016-02-29}}.</ref>, torturées, violées, elles sont réduites à l’esclavage sexuel<ref>{{Ouvrage |auteur1=Mercier Célia |titre=Ils nous traitaient comme des bêtes |éditeur=[[Groupe Flammarion|Flammarion]] |année=2015 |pages totales=280}}.</ref>.

Dès le début de l'offensive en {{date-|juillet 2014}} de l'État islamique en Irak et en Syrie, les forces armées du [[Parti des travailleurs du Kurdistan|PKK]] et du [[Parti de l'union démocratique|PYD]] s'érigent en principale force capable de freiner l'avancée djihadiste, alors même que les troupes irakiennes lui opposent une résistance quasi nulle.

En {{date-|août 2014}}, les [[Unités de protection du peuple]] (YPG) (milices révolutionnaires du PYD-PKK) se font connaître du monde entier à la suite de leur opération d'évacuation de {{nombre|200000|Yézidis}} encerclés dans les monts Sinjar en Irak et abandonnés par les [[peshmerga]]s.

Les forces internationales jouent aussi un rôle important dans la libération du Sinjar, notamment par des raids aériens. Cependant, si la coalition internationale affiche clairement sa volonté de soutien aux réfugiés du Sinjar, elle se retrouve face à de nombreux dilemmes. Concernant le ravitaillement en armement, la coalition envoie des armes uniquement aux [[peshmerga]]s irakiens qu'elle juge seule organisation fiable dans cette région. En effet, le [[Parti des travailleurs du Kurdistan|PKK]] est classé comme organisation terroriste aux États-Unis et en Europe. Le [[Unités de protection du peuple|YPG]] syrien, quant à lui, est considéré comme une branche du PKK turc. Une partie des combattants de première ligne est donc sous-équipée, mal armée et obligée de s’organiser selon ses propres moyens.

== Diaspora yézidie ==
Les Yézidis ont connu depuis leur origine de nombreux conflits religieux. La conséquence de cette succession de conflits est l’existence de plusieurs diasporas yézidies dans le monde aujourd'hui. Les Yézidis sont localisables au [[Kurdistan]], mais aussi dans le [[Caucase]] au sein des anciens pays du [[Bloc de l'Est|bloc soviétique]], ainsi qu'en [[Europe de l'Ouest]], principalement en [[Allemagne]]. Des communautés yézidis peu nombreuses sont aussi présentes en [[Amérique du Nord]].

=== Caucase ===
La migration des Yézidis vers le [[Caucase]] a commencé au {{s-|XIX}} avec la multiplication des persécutions physiques et des intimidations confessionnelles de l’[[Empire ottoman]] contre les Yézidis et d’autres minorités. En effet, les Yézidis ont souvent partagé le destin des [[Arméniens]] sur les routes de l’exode. En 1874, deux tribus yézidies arrivent dans le Caucase sous influence de la Russie tsariste et demandent le protectorat des autorités locales. Le statut des Yézidis au sein de l’Empire ottoman se dégrade encore lors de la prise de pouvoir de 1915 par les [[Jeunes-Turcs]], parti politique nationaliste révolutionnaire, en plein cœur de la Guerre mondiale. La volonté du pouvoir en place est alors d’éradiquer tous les peuples de confessions non-musulmanes. Cette période marque une première vague de migration très importante de Yézidis dans le Caucase soviétique. Cette forte immigration continue jusqu’en 1920. Les Yézidis s’installent dans les régions d’[[Erevan]] dans l’actuelle Arménie, et de [[Tbilissi]] dans l’actuelle [[Géorgie (pays)|Géorgie]]. Ils fondent des villages mixtes avec des Arméniens. À cette époque, la [[Russie]] en accueillant sur ses terres des Yézidis affichait un acte de protectorat pour des minorités religieuses autres que chrétiennes.

En parallèle, après la [[révolution russe]] de 1917, la région du Caucase passe sous contrôle soviétique. En 1922, la [[Géorgie (pays)|Géorgie]], l’[[Arménie]] et l’[[Azerbaïdjan]] sont regroupés au sein de la [[République socialiste fédérative soviétique de Transcaucasie]]. Les bolcheviques ont dans les années 1920 l’objectif de faire émerger « une véritable conscience politique soviétique » de cette région située à l’extrême sud-ouest de l’[[Union des républiques socialistes soviétiques|URSS]]. L’enjeu est donc de divulguer le modèle soviétique au sein des nombreuses minorités composant cette région. Chez les populations yézidies, cela passe par l’élévation du niveau social et culturel de cette population isolée dans des endroits difficiles d’accès. L’entreprise de cette politique bolchevique a pour conséquence de réduire le taux d’illettrisme chez les yézidis, mais, dans un même temps de provoquer le repli sur soi de cette communauté très attachée aux traditions ancestrales. Ce dernier point s’explique par la répression soviétique de toute manifestation religieuse. Les Yézidis forcés de pratiquer leurs cultes religieux dans la clandestinité vont progressivement abandonner une partie de leurs pratiques religieuses.

Durant les années 1937 et 1938 les Yézidis et les autres peuples minoritaires de la région sont victimes des répressions staliniennes. Le pouvoir soviétique en place juge ces populations « douteuses » car majoritairement présentes en dehors des frontières de l’URSS. De nombreuses familles kurdes et yézidies sont déportées en [[Asie centrale]] notamment au [[Kazakhstan]]. Cette première déportation n’est en réalité que l’ébauche de la déportation massive de 1944 qui s’apparente à un véritable « nettoyage ethnique ». Les Soviétiques justifient leur action en accusant ces peuples du [[Caucase]] de collaboration avec l’ennemi allemand. En effet, ces peuples caucasiens se seraient rapprochés de la [[Turquie]], elle-même alliée à l’Allemagne nazie, car très proche géographiquement : les deux régions sont frontalières. Des régions comme celle de la Géorgie actuelle furent complètement nettoyées de leur population yézidie. Pour des raisons inconnues [[Joseph Staline|Staline]] fit stopper les déportations en 1950, dès 1956 des populations yézidies repeuplèrent le [[Caucase]] craignant l’assimilation aux populations musulmanes d’[[Asie centrale]].

Après la [[Seconde Guerre mondiale]] « le rideau de fer » instauré par les Soviétiques a empêché tout retour des Yézidis dans leur région d’origine. Progressivement les peuples yézidis du [[Moyen-Orient]] et du [[Caucase]] vont connaître un éloignement culturel<ref name="Balci">{{Ouvrage |langue=fr |auteur1=Bayram Balci |auteur2=Raoul Motika |titre=Religion et politique dans le Caucase post-soviétique |sous-titre=les traditions réinventées à l'épreuve des influences extérieures |lieu=Paris, Istanbul |éditeur=Maisonneuve & Larose, Institut français d'études anatolienne |année=2007 |pages totales=365 |isbn=978-2-7068-1967-4}}.</ref>.

=== Europe de l'Ouest ===
Les communautés yézidies présentes dans les pays du Caucase vont progressivement s'imprégner de la culture soviétique plus proche d'un modèle occidental.

Entre 1970 et 1990 de nombreuses réformes sociales permettent aux yézidis de bénéficier de privilèges et d’avantages sociaux grâce à leur statut de minorités. Dans les années 1980 la Géorgie est même qualifiée de « foyer culturel kurde ».

Les années 1990 et la chute du bloc soviétique marque un nouveau tournant. Pour les anciennes [[République socialiste soviétique d'Arménie]] et [[République socialiste soviétique de Géorgie]], la préoccupation n’est plus l’intégration des minorités mais l’émergence d’une identité nationale. Les conséquences sont doubles. D’une part, les aides sociales sont revues à la baisse et les Yézidis sont de nouveau dans une situation de précarité économique. D’autre part, les Yézidis subissent les incitations à la haine raciale notamment véhiculée par la presse.

Ce revirement de situation touche surtout la jeune population yézidie qui dès 1995 préfère choisir l’immigration vers les pays d’Europe tels que l’Allemagne ou la [[France]]. D’autre part, les jeunes Yézidis qui choisissent de rester renoncent de plus en plus au yézidisme en se convertissant au [[christianisme]]. Ces choix sont guidés par l’espoir d’une intégration dans la société de ces pays. D’autant plus que, contrairement à leurs parents qui sont arrivés avec le statut d’immigrés, ces jeunes sont parfaitement intégrés sur le plan culturel et linguistique, mais se sentent toujours marginalisés du fait de leurs origines. De plus, les mariages entre yézidis et géorgiens ou arméniens sont aujourd’hui fréquents. Cette évolution peut paraître paradoxale : le yézidisme semblait mieux sauvegardé sous le régime communiste qui empêchait pourtant toute manifestation religieuse<ref name="Balci" />.

=== Amérique du Nord ===
Des communautés yézidies sont aussi présentes en [[Amérique du Nord]]. On trouve ainsi des yézidis aux [[États-Unis]] et au [[Canada]].

== Religion yézidie ==
Les Yézidis font remonter leur calendrier religieux à {{Unité|6764|années}} (en 2014)<ref name="France" />. Par rapport à d'autres religions majeures, le calendrier yézidi a :
* {{Unité|4750|années}} de plus que le calendrier [[chrétien]] ({{Unité|5500|années}} de la Création à la naissance du Messie, plus {{Unité|2018|années}} = {{Unité|7518|années}} depuis la Création) ;
* {{Unité|990|années}} de plus que le calendrier [[juifs|juif]] ({{Unité|5778|années}} en 2018) ;
* {{Unité|5329|années}} de plus que le calendrier [[musulman]].

Ce calcul des années s'étend depuis la Création à nos jours.

=== Origines de la croyance yézidie ===
Entre le {{-sp-|IX|e|et le|VIII|e}}, des tribus iraniennes (les [[Mèdes]]) s'installent sur les terres du [[Kurdistan]] actuel. Le [[zoroastrisme]] a été pendant des centaines d'années la religion dominante et a exercé une influence importante sur les [[Kurdes]] et sur leur croyances. Cependant une partie des Kurdes ne s'était pas convertie au zoroastrisme. Ils étaient restés fidèles à leur ancienne religion : le [[yazdanisme]]. Selon le kurdologue Serbi Rechid, le zoroastrisme s'est répandu en Médie à partir du {{-s-|VI}}, mais n'est pas devenu dominant. Jusqu'au {{sap-|V}}, la majorité des Kurdes habitant [[Monts Zagros|Zagros]], Cizir, Botan et [[Kirkouk]] pratiquaient le yazdanisme<ref name="Finance" />.

Cette religion [[Mèdes|médique]] survit aujourd'hui à travers trois religions kurdes : le yézidisme, l'[[alévisme]] et le [[yârsânisme]]. D'ailleurs le mot « yazdanisme » est un terme académique du kurdologue Merhad Izady. Selon ce dernier, cette religion médique pouvait s'appeler « yazdanisme » mais également « yézidisme ». Merhad Izady a fabriqué le terme « yazdanisme » afin de différencier cette religion du yézidisme actuel. Car le yézidisme du {{s-|XXI}} a subi des modifications depuis sa fondation. Notamment lors de la réforme de [[Cheikh Adi]] qui a eu lieu au {{s-|XII}}. Le yézidisme est une survivance de l'ancienne religion médique, qui au cours de son existence a absorbé des éléments exogènes, afin de s'adapter à un environnement hostile<ref name="Finance" />.

De nombreuses similitudes existent entre le yézidisme et le [[zoroastrisme]]. Mais, contrairement aux indications de nombreuses études publiées, le yézidisme n'est pas dérivé du zoroastrisme. Ces deux religions ont en effet des racines communes. Le yézidisme est une survivance de l'ancienne religion médique, religion dans laquelle le Dieu était tout-puissant et avait un serviteur, [[Mithra]], qui est, entre autres, une divinité [[Soleil|solaire]]. Aujourd'hui on retrouve la même interdépendance entre ''Xwede'' et ''l'archange Taous''. Le zoroastrisme, quant à lui, est une réforme du [[Culte de Mithra|mithraïsme]] / [[mazdéisme]], autre appellation de cette ancienne religion médo-iranienne<ref name="Finance" />.

Les spécialistes des religions<ref name="Malherbe">[[Michel Malherbe (encyclopédiste)|Michel Malherbe]], Les religions de l'humanité</ref> soulignent le [[syncrétisme]] religieux dont est issu le yézidisme. La [[cosmogonie]] yézidie présente de troublantes similitudes avec les religions de l'ancien [[Iran]], les religions prézoroastriennes puis [[zoroastrisme|zoroastriennes]] du {{s-|VII}} au {{-s-|IV}} Ces analogies sont principalement dues à la présence de nombreux [[Kurdes]] de la vieille foi dans la vallée de [[Lalesh|Lalish]] et à l'isolement de cette dernière. Au {{S-|XII}}, Cheikh Adi, maître [[soufisme|soufi]], s'installe à Lalish et y enseigne ses préceptes auprès de la population yézidie. Adi adapte ses caractéristiques musulmanes au yézidisme. Cependant, si pour certains la croyance yézidie comprend des éléments qui permettent de la percevoir comme un syncrétisme religieux, cette thèse reste débattue.

La tradition orale de cette croyance est un des principaux facteurs qui jouèrent en sa défaveur aux yeux des musulmans. Ceux-ci, ne reconnaissant comme leurs égaux que les [[gens du Livre]], voyaient d’un mauvais œil ces communautés rebelles et païennes. Or les yézidis ne sont pas des disciples d’une tradition religieuse uniquement orale : deux livres sacrés serviraient de bases à leurs lois et rites.

=== Description de la croyance yézidie ===
[[Malek Taus|Malek Tawûs]] est un [[archange]] dans la religion yézidie. ''Malek Tawûs'' est souvent représenté par un [[paon]] selon son nom et parce que le paon symbolise la diversité, la beauté et le pouvoir. Pour les yézidis, leur dieu unique est le créateur du monde mais n’en est pas le conservateur. Cette tâche a été déléguée à un cortège de sept anges dirigé par le plus important d’entre eux : ''Malek Tâwus''. Selon la foi yézidie, ''Malek Tawûs'' est une émanation et un serviteur du Tout-Puissant. Le premier jour (un dimanche) Dieu a créé l'ange Azrail ([[Azazel]]), qui est une autre appellation de ''Malek Tawûs.'' Le deuxième jour (lundi) Dieu a créé Dardail, le troisième jour, Israfil, puis Machael, Anzazil et Chemnail{{refnec}}. Enfin, le septième jour (samedi) Dieu a créé Nourail. Dieu a ensuite proclamé « Malek Taous » chef de tous les autres anges. « Malek Tawûs » signifie littéralement « ange paon » en kurde. En un sens, on peut faire un parallèle avec le dieu Soleil iranien [[Mithra]], qui lui-même n'était pas le Dieu suprême, mais un serviteur de Dieu<ref name="France" />.

Dans l'Iran ancien le nom métaphorique du Soleil était « Tavous-é Falak », ce qui veut dire le « Paon Céleste ». Dans la [[Grèce antique]], le paon était le symbole du Soleil. Dans la mythologie [[hindouisme|hindoue]] les plumes du [[paon]] étaient considérées comme une représentation du ciel et des étoiles. Dans le yézidisme, le Soleil est considéré comme une source de bonté, de lumière, de chaleur mais surtout de vie. Cependant les Yézidis ne sont pas « des adorateurs du Soleil » : Dieu a créé le Soleil et les Yézidis se prosternent devant cette création divine<ref name="France" />.

=== Traditions et interdits du yézidisme ===
Les Yézidis possèdent deux livres sacrés : le ''Kitêba Cilwe'', le Livre des Révélations, et le ''Mishefa Reş'', le Livre noir. Le ''Kitêba Cilwe'' décrit Malek Taous et sa relation spéciale avec les yézidis, alors que le ''Mishefa Reş'' décrit la création de l’univers, des sept grands Anges, des Yézidis et les lois que ces derniers doivent suivre<ref name="France" />.

On peut observer un important nombre de rites que les Yézidis et les [[zoroastrisme|zoroastriens]] ont en commun. Les Yézidis prient {{nobr|5 fois}} par jour, comme les [[zoroastrisme|zoroastriens]], et comme les [[musulman]]s. On remarque également que la [[prière]] yézidie du matin (pendant laquelle les Yézidis prient en direction du [[Soleil]]) ressemble à la prière zoroastrienne. Comme les zoroastriens, les Yézidis sont organisés en [[Société de castes|castes]] et ont des [[tabou]]s liés aux {{nobr|4 éléments}} (terre, feu, air et eau). Les Yézidis pratiquent également le sacrifice du taureau (culte de [[Mithra]]), ce qui jadis était pratiqué par les [[Mazdéisme|mazdéens]] {{référence souhaitée}}. Les Yézidis et les zoroastriens partagent le même jour férié : le [[mercredi]]{{pourquoi}}<ref name="Fravar" />.

Les [[animal|animaux]] détiennent une place spéciale dans les vieilles religions, particulièrement dans le [[Culte de Mithra|mithraïsme]]. Certains animaux sont peints sur les icônes mithriaques, et les mêmes animaux sont représentés sur le temple [[Lalesh]]. Leurs interprétations sont aussi identiques à celles de la religion mithriaque. [[Mithra]], une divinité iranienne, a sacrifié selon la légende un taureau. Les Yézidis en font de même en automne. Ils sacrifient chaque année un taureau pour l'humanité entière et pour un monde plus harmonieux. Dans les temps anciens le taureau symbolisait l'automne et son abattage devait être suivi d'une année verte, pluvieuse et fructueuse. Dans le [[Culte de Mithra|mithraïsme]] le serpent symbolisait le [[chaos (mythologie)|cosmos]]. Les Yézidis respectent particulièrement le [[serpentes|serpent]] — surtout le serpent noir. Selon la foi yézidie, le serpent est un [[symbole]] de la sagesse. À l'entrée du temple Lalesh, un serpent noir est représenté<ref name="Fravar" />.

== Société yézidie ==
La société yézidie est une société de [[caste]]s et de [[clan]]s.

=== Système social yézidi ===
Les Yézidis ont un système de castes depuis leur fondation, mais le système a été mis à jour par le réformateur [[Cheikh Adi]]. Au sommet de cette hiérarchie il y a le « Prince » yézidi, le « Mîr ». Juste au-dessous de lui est le Baba Cheikh, le « [[Pape]] » yézidi. Les « Faqirs », les « Qewels » et les « Kocheks » (qui sont des serviteurs religieux) servent le Baba Cheikh. Toutes ces positions hiérarchiques sont prises par deux des trois castes yézidies principales, les Cheikhs et les Pirs, tandis que la majorité des Yézidis font partie de la caste des Murides. La tradition religieuse interdit aux Yézidis le [[mariage]] avec les personnes pratiquant une autre religion et entre les membres des différentes castes<ref name="France" />.

Le ''Mîr'' est le chef temporel et religieux des Yézidis. Il est reconnu par les Yézidis comme étant leur représentant officiel. Le titre du Mîr est [[hérédité|héréditaire]].

Le ''Baba Sheikh'' est le chef spirituel des Yézidis. Il est présent lors des rencontres religieuses importantes et lors des [[cérémonie]]s, particulièrement celles qui se font à Lalesh. Une fois par an le Baba Cheikh visite tous les villages yézidis pour donner ses bénédictions et célébrer des cérémonies religieuses. Pendant ces visites il résout également les éventuels conflits parmi les villageois<ref name="France" />.

La caste des Cheikhs est la plus honorée des trois castes : les Cheikhs exercent les fonctions les plus importantes dans la religion. « Cheikh » est un mot [[arabe]] qui signifie « dirigeant », « aîné d'une tribu », ou alors « homme saint ». La caste des Cheikhs a été fondée par [[Cheikh Adi]] et l'adhésion à cette caste est héréditaire.

La caste des ''Pîrin'' est la seconde caste religieuse des Yézidis. ''Pîr'' est un mot [[kurde]] qui veut dire « vieux » comme adjectif et « vieillard » comme nom.

Les ''Pîrin'' et les ''Cheikhs'' assistent aux [[mariages]], aux [[Rite funéraire|obsèques]], et jouent le rôle de conseiller familial. Il y a aujourd'hui 40 clans familiaux de la caste des Pîrins, alors qu'avant le {{s-|XII}} il y en avait 90.

La caste des ''Murides'' constitue la majorité des Yézidis. Cette caste n'est pas une caste religieuse, cependant les Murides peuvent porter un [[titre de noblesse]] (''Ara, Beg'' ou alors ''Makhul''). Il existe aujourd'hui 99 grandes familles au sein de cette caste<ref name="France" />.

=== Yézidis et Kurdistan ===
Pendant de longues décennies, connaître les statistiques du nombre de Yézidis en Irak était très difficile. Un temps, les Yézidis étaient même vus comme un peuple et une croyance en voie de disparition, et des chiffres indiquant moins de {{nombre|15000|Yézidis}} en Irak circulaient. De plus, souvent, en Occident, les Yézidis étaient confondus à tort avec les zoroastiens (croyance originelle de l'Iran), mais les Yézidis et les zoroastriens ont des croyances et une histoire différentes. En revanche, depuis 2003, et la chute de Saddam Hussein, un recensement des Yézidis indique des chiffres beaucoup plus importants en Irak, de l'ordre de plus de {{unité|600000|personnes}}, ce qui placerait l'Irak comme le pays ayant le plus de Yézidis au monde. En 2003, les Yézidis obtinrent deux députés en Irak, en vertu de la nouvelle constitution, plus favorable aux minorités. En Iran, le nombre de Yézidis doit être important aussi, mais ce pays tend à diminuer pour des raisons politiques le poids de cette communauté religieuse, en indiquant des chiffres tronqués. En Iran, les Yézidis subissent le même sort que les Zoroastriens.

Depuis 2003 et la chute de [[Saddam Hussein]], le droit des Yézidis de pratiquer leur culte est reconnu par la nouvelle Constitution irakienne et par la Constitution du Kurdistan fédéral. Les yézidis sont représentés au parlement et ont deux ministres<ref name="Visite" />.

En [[Turquie]], les Yézidis vivent dans le Sud-Est du pays, plus particulièrement dans la région d'Urfa-Viransehir. Mais leur nombre a diminué depuis les [[années 1970]], où la communauté comptait {{nombre|80000|personnes}} : {{formatnum:23000}} en 1985, 423 seulement selon le recensement de [[2000]] et finalement 377 en [[2007]] (dont [[Şanlıurfa|Urfa]] 243, [[Batman (ville)|Batman]] 72, [[Mardin]] 51, [[Diyarbakır]] {{nobr|11 personnes}}). Ils ont immigré en [[Europe]], surtout en [[Allemagne]] ({{unité|50000|personnes}}) et en [[Suède]] ({{nombre|20000|personnes}}). {{lesquelles |Cependant des sources non gouvernementales}} font état d'une dizaine de milliers dans la région de Van et du Caucase. {{référence souhaitée}}

Le PKK (parti des travailleurs du Kurdistan) doute des chiffres bas fournis par la Turquie, surtout quand les derniers chiffres des statistiques de 1965 indiquaient {{nombre|100000|Yézidis}} en Turquie.

{{référence nécessaire|En [[Syrie]], la communauté yézidie compte environ {{unité|150000|personnes}}}}. Ils sont essentiellement installés sur la frontière irakienne, au nord-est.

{{référence nécessaire|Des groupes Yézidis sont présents en Jordanie et en Afghanistan}}. {{référence nécessaire|En [[Arabie saoudite]], la religion yézidie n'est pas reconnue. Des groupes sont pourtant présents dans le Nord-Ouest du pays, mais on ignore le nombre d'adeptes de cette religion dont les membres sont persécutés en ce pays}}.

L'Arabie saoudite ne reconnaît pas la présence religieuse de Yézidis en son territoire, comme toute présence religieuse non-musulmane.

=== Ethnie ===
Certains Yézidis sont tentés de renier leurs liens ethniques avec la nation [[Kurdes|kurde]]. Cela est dû à des conflits religieux qui les ont opposés aux Kurdes musulmans<ref name="Minority" />.

On estime cependant que les yézidis sont ethniquement kurdes et qu'ils sont même une composante du peuple kurde<ref name="Minority" />, d'abord parce qu'ils parlent le [[kurmandji]], comme leurs voisins ; ensuite, parce que les traditions, coutumes et fêtes yézidies existent également chez les autres Kurdes. Enfin le yézidisme est la religion qui se rapproche le plus de ce que les [[Mèdes|anciens kurdes]] pratiquaient autrefois<ref name="Finance" />.

Avant l'apparition de l'islam, au {{s-|VII}}, les Kurdes étaient yézidis, [[zoroastrisme|zoroastriens]], [[juifs]] ou [[christianisme|chrétiens]]. Au fil du temps, beaucoup de Kurdes se convertirent à l'islam mais des chrétiens, des yézidis, des zoroastriens et des juifs demeurèrent au [[Kurdistan]] (la plupart des juifs partirent lors de la création de l'État d'Israël, entre 1947 et 1949). Si les musulmans ([[chiisme|chiites]], [[sunnisme|sunnites]], [[alévisme|alévis]], [[Yârsânisme|yârsânistes]]) sont de nos jours majoritaires au sein du peuple kurde, les Yézidis n'en demeurent pas moins une composante majeure<ref name="Minority" />.

== Persécutions ==
=== Génocide ===
{{Article détaillé|Génocide des Yézidis}}
Les tueries de Daech ont visé spécifiquement les Yézidis : esclavage sexuel des femmes vierges vendues aux chefs ou aux soldats, assassinats par balle, décapitation ou torture des autres femmes et des hommes pubères, enfants drogués, islamisés et transformés en combattants. Aucun partisan de Daech n'a été à ce jour jugé pour génocide. Le [[Sénat (France)|Sénat français]] a cependant reconnu l'existence du génocide des Yézidis le {{date-|14 novembre 2016}}<ref>{{Lien web |titre=proposition de résolution crimes de génocide, crimes contre l'humanité et crimes de guerre perpétrés contre les minorités ethniques et religieuses et les populations civiles en Syrie et en Irak |url=http://www.senat.fr/leg/ppr16-125.html |site=senat.fr |consulté le=2019-12-17}}.</ref>.

== Notes et références ==
{{Références}}

== Voir aussi ==
{{autres projets
| Commons = Category:Yazidism
| wiktionary = yézidisme
| wikiversity = Département:Yézidisme
| wikiversity titre = Département:Yézidisme
}}

=== Bibliographie ===
{{Légende plume}}

==== Textes sacrés ====
* ''Livre de la révélation'' (en kurde dialecte kurmanji ''Jilwe'', ''Ketêba Jelwa'', ''[[Kitêba Cilwe]]'' ; en arabe ''Kitâb al-Jilwah'' ; publié en 1913 ; attribué à Sheikh Adi ibn Musafir, mort en 1162) [https://en.wikisource.org/wiki/Kit%C3%AAba_Cilwe]. Trad. en anglais par Isya Joseph (1919) et E. G. Browne : ''Kitab al-Jilwah'', 2016, 32 p.[http://www.metaphysicspirit.com/books/Sacred%20Traditions%20of%20the%20Yezidiz.pdf]. Trad. en français par Anastase Marie de Saint Élie, "La découverte récente des deux livres sacrés des Yézidis", ''Anthropos'', Vienne, t. VI, 1911, {{p.|1-39}}.
* ''Livre noir'' (''Mashafâ Resh'' en kurde dialecte kurmanji, ''[[Mechef Rech]]'' ; publié en 1911). Trad. en anglais [http://www.metaphysicspirit.com/books/Sacred%20Traditions%20of%20the%20Yezidiz.pdf] [http://www.sacred-texts.com/asia/sby/sby11.htm]. Trad. en français par Anastase Marie de Saint Élie, « La découverte récente des deux livres sacrés des Yézidis », ''Anthropos'', Vienne, {{t.|VI}}, 1911, {{p.|1-39}}.
* extraits : [http://www.esoblogs.net/3037/le-livre-noir-des-yezidis/]

==== Sources historiques ====
* {{Ouvrage |auteur1=[[Muhammad al-Shahrastani]] |traducteur=Peeters/UNESCO |titre=Livre des religions et des sectes |année=1986-1995 |pages totales=578}}
* {{Ouvrage |auteur1=Mîr Sharaf al-Dîn Bidlîsi |traducteur=François-Bernard Charmoy |langue originale=[[persan]] |titre=Sharafnâma. Chronique dynastique kurde |lieu=Saint-Pétersbourg |éditeur=Académie des sciences |année=1868-1875}}

==== Études ====
* {{Ouvrage |langue=fr |auteur1=Bayram Balci |titre=Religion et politique dans le Caucase post-soviétique |sous-titre=les traditions réinventées à l'épreuve des influences extérieures |lieu=Paris, Istanbul |éditeur=Maisonneuve & Larose |année=2007 |pages totales=365 |isbn=978-2-7068-1967-4}}
* {{Ouvrage |auteur1=Mercier Célia |titre=Il nous traitait comme des bêtes |lieu=Paris |éditeur=[[Groupe Flammarion|Flammarion]] |année=2015}}
* {{Ouvrage |auteur1=[[Maurizio Garzoni]] |titre=Notice sur les Yésidis |année=1790}}
* {{Ouvrage |auteur1=[[Patrick Desbois]] |auteur2=Nastasie Costel |titre=La Fabrique des terroristes |sous-titre=dans les secrets de Daech |éditeur=[[Librairie Arthème Fayard|Fayard]] |année=2016}}
* {{Ouvrage |auteur1=[[Joachim Menant]] |préface=Gilles Munier |titre=Les Yezidis, Ceux Qu'on Appelait Les Adorateurs Du Diable |lieu=Paris |éditeur=[[Éditions Érick Bonnier|Erick Bonnier]] |année=2014}}
* {{Ouvrage |auteur1=Sabri Cigerli |titre=Les Kurdes et leur histoire |lieu=Paris |éditeur=[[Éditions L'Harmattan|L'Harmattan]] |collection=Comprendre le Moyen-Orient |année=1999}}
* {{Ouvrage |langue=en |auteur1=J. S. Guest |titre=The Yezidis |lieu=Londres |éditeur=KPI |année=1987}}
* {{Ouvrage |langue=en |auteur1=Ph. G. Kreyenbroek |titre=Yezidism |sous-titre=Its Background, Observances and Textual Tradition |éditeur=The Edwin Mellen Press |année=1995}}
* {{Ouvrage |auteur1=Roger Lescot |titre=Enquête sur les Yézidis de Syrie et du Djebel Sindjar |lieu=Beyrouth |éditeur=Librairie du Liban |année=1975}}
* {{Ouvrage |auteur1=[[Michel Malherbe (encyclopédiste)|Michel Malherbe]] |titre=Les religions de l'humanité |éditeur=Criterion |isbn=978-2-7413-0043-4 |isbn2=2-7413-0043-7}}
* {{Ouvrage |auteur1=Jacqueline Sammali |titre=Être Kurde, un délit ? Portrait d'un peuple nié |éditeur=[[Éditions L'Harmattan|L'Harmattan]] |année=2000}}
* {{Ouvrage |auteur1=J. Sellier |auteur2=A. Sellier |titre=Atlas des peuples d'Orient, [[Moyen-Orient]], [[Caucase]], [[Asie centrale]] |lieu=Paris |éditeur=[[La Découverte]] |année=1993}}
* {{Ouvrage |auteur1=D. Sourdel |auteur2=J. Sourdel |titre=Dictionnaire historique de l’Islam |lieu=Paris |éditeur=[[Presses universitaires de France|PUF]] |année=1996}}
* {{Ouvrage |auteur1=J. Yacoub |titre=Les Minorités dans le monde — Faits et analyses |lieu=Paris |éditeur=[[Éditions Desclée de Brouwer|Desclée de Brouwer]] |année=1998}}
* {{Ouvrage |auteur1=[[Stéphane Yerasimos]] |titre=Questions d'Orient — Frontières et minorités des Balkans au Caucase |lieu=Paris |éditeur=[[La Découverte]] / Hérodote |année=1993}}
* {{Ouvrage |titre=Les Kurdes yézidis en Géorgie |lieu=France |éditeur=Commission des recours des réfugiés |date=11 juin 2004}}
* {{Ouvrage |titre=Les Kurdes yézidis en Arménie |lieu=France |éditeur=Commission des recours des réfugiés |date=15 avril 2005}}
* {{Article |auteur=[[Marguerite Rutten]] |prénom2=Eugène |nom2=Cavaignac |prénom3=René |nom3=Largement |titre=Ninive |périodique=Supplément au Dictionnaire de la Bible 6 |année=1960, col. 480-505 |id=SDB}}
* {{Chapitre |langue=en |prénom1=Julian |nom1=Reade |titre chapitre=Ninive (Nineveh) |titre ouvrage=[[Reallexikon der Assyriologie und Vorderasiatischen Archäologie]] |volume={{IX}} (5-6) |lieu=Berlin |éditeur=De Gruyter |année=2000 |passage=388-433 |id=REA}}
* {{Ouvrage |langue=de |auteur1=Şefik Tagay |auteur2=Serhat Ortaç |titre=Die Eziden und das Ezidentum : Geschichte und Gegenwart einer vom Untergang bedrohten Religion |lieu=Hambourg |éditeur=Landeszentrale für politische Bildung |année=2016 |pages totales=217 |isbn=978-3-946246-03-9 |plume=oui}}

=== Articles connexes ===
* [[Nadia Murad]]
* [[Zoroastre]], [[zoroastrisme]]
* [[Sultanat du Bas-Yafa]] au Yémen
* [[Unités de résistance de Sinjar]]
* [[Yârsânisme]]
* [[Littérature kurde]]
* [[Histoire du peuple kurde]]

=== Liens externes ===
* {{Autorité}}
* {{Dictionnaires}}
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* {{Lien web |auteur=Jean-Paul Roux (directeur de recherche honoraire au {{abr|CNRS|Centre National de la Recherche Scientifique}}) |titre=Les Yézidis, « adorateurs du diable » |url=https://www.clio.fr/BIBLIOTHEQUE/les_yezidis_adorateurs_du_diable_.asp |site=clio.fr}}
* {{Lien web |titre=Les Yézidis |url=http://gdm.eurominority.org/www/gdm/71-2003-09-gdm1.asp |éditeur=Groupement pour les droits des minorités}}
* {{Lien web |titre=Portail informatif yézidis indépendant |url=http://ezidipress.com/fr/}}
* Juliette Duclos-Valois, anthropologue, [https://ehess.academia.edu/julietteduclosvalois liste des articles concernant le Sinjar et les Yézidis]
* Hélène Sallon, journaliste, [https://www.lemonde.fr/international/article/2019/09/20/irak-le-perilleux-retour-des-yezidis-au-sinjar_6012417_3210.html « Le périlleux retour des yézidis dans le Sinjar », ''Le Monde'', {{date-|22|9|2019}}]
* {{Lien web |url=https://www.institutkurde.org/info/kendal-nezan-le-martyre-des-yezidis-1187687628|titre=Le martyre des Yésidis|site=institutkurde.org}}, par Kendal Nezan, président de l’Institut kurde de Paris, ''Libération'', 21 août 2007.
* {{Lien web |langue=de |auteur=George Grigore |titre=Der Jesidismus ein Beispiel für religiösen Synkretismus |url=https://www.academia.edu/3168582/George_Grigore_Der_Jesidismus_ein_Beispiel_fur_religiosen_Synkretismus_Analele_Universitatii_din_Bucuresti_-_Limbi_si_literaturi_straine_nr._2_Bukarest_Editura_Universitatii_din_Bucuresti_2012_.83-94}}
* {{Lien web |titre=Les Ezidis de France |url=http://www.ezidi.fr |site=ezidi.fr}}
* {{Dailymotion|x92ecn|Traces - Le peuple du paon (bande-annonce, sous-titres en français)|fr}}.
* Religioscope : '[http://religion.info/french/articles/article_633.shtml#.VACBe2OHGT9 Analyse : les Yézidis, entre nationalisme Kurde et identité réinventée d'une minorité religieuse]' {{date-|11 décembre 2013}}

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Yézidisme
Homme yézidi en habit traditionnel.
Yézidi en habit traditionnel, Max Tilke, 1920.
Religion Monothéisme
Lieu Moyen-Orient, Caucase
Pays Kurdistan irakien
Pays de la diaspora
Langue parlée Kurmandji, arabe[1]
Temple principal Lalesh Nurani
Population environ 1 500 000[2]
Localité significative Sinjar

Le yézidisme, sharfadin ou religion des sept anges, est une religion monothéiste de la communauté ethno-religieuse yézidie[3] qui est présentée par ses pratiquants (les yézidis, yazidis ou yésides) comme plongeant ses racines dans l'Iran antique[4],[5],[6],[7],[8],[9].

Les yézidis forment une minorité confessionnelle. Ils sont adeptes d’un monothéisme issu d'anciennes croyances. On retrouve en effet de nombreuses similitudes entre le yézidisme actuel et les religions de l'Iran ancien. Ainsi, le yézidisme est considéré par ses pratiquants comme une survivance du mithraïsme iranien authentique qui s'est adapté à un environnement hostile en absorbant des éléments exogènes[10],[11], notamment les enseignements de Cheikh Adi[5], un savant soufi qui s'est installé dans la vallée de Lalesh au XIIe siècle[12]. Cependant d'autres études (européennes ou celles de théologiens musulmans) le considèrent comme un mouvement hétérodoxe de l'islam sunnite apparu au XIIe siècle et sur lequel des éléments pré-islamiques ont par la suite été greffés[10],[11].

Généralités[modifier | modifier le code]

Géographiquement localisé dans le Kurdistan, et dans le Caucase (Arménie, Géorgie), le yézidisme est présenté par ses pratiquants comme l'une des plus vieilles religions monothéistes[4],[6],[7].

Les Yézidis sont kurdophones et parlent exclusivement le dialecte kurmandji. Ils constituent moins de 5 % de la population kurde prise dans son ensemble. Ils vivent pour l'essentiel au Kurdistan irakien au Bahdinan, dans les deux districts de Sinjar (en) et de Sheixan (en) (au sud-ouest et au nord-est de Mossoul, au Kurdistan turc dans le district de Midyad (province de Mardin), dans le Caucase (essentiellement en Arménie) et dans d'autres régions de l'ancienne URSS. À la suite des persécutions, beaucoup d'entre eux ont émigré en Allemagne[13],[14].

Le principal lieu de culte des yézidis est le temple de Lalech. Ce lieu saint est situé dans la province de Ninive, dans le Kurdistan irakien[7].

Les yézidis possèdent deux livres sacrés : le Kitêba Cilwe, le Livre des Révélations, et le Mishefa Reş, le Livre noir. Le Kitêba Cilwe décrit Malek Taus (littéralement « l'ange-paon », l'émanation de Dieu) et sa relation spéciale avec les yézidis, alors que le Mishefa Reş décrit la création de l'Univers, des sept grands anges, des yézidis et les lois que les yézidis doivent suivre. Toutefois, des études académiques plus récentes mettent fortement en doute l'authenticité de ces textes qui seraient des faux diffusés par un antiquaire peu scrupuleux du nom de Jeremiah Shamir à Mossoul[15].

Le dialecte kurde kurmandji est la langue sacrée des Yézidis. Comme il s'agit de la langue employée dans les deux livres sacrés, toutes les prières et toutes les cérémonies sont lues, récitées et prononcées en kurmandji[16].

La transmission orale tient une grande place : peu de yézidis ont lu ou vu les deux livres saints. Les fidèles de cette religion croient en un dieu unique : Xwede. Ce mot est à rapprocher des mots god en anglais, Gott en allemand ou encore khodā (خدا) en persan. Malek Taous tient cependant une place importante dans cette religion. Avant de créer le monde, Dieu a créé les sept anges et désigné Malek Taous comme leur chef. Une fois le monde créé, Dieu a chargé Malek Taous de s'en occuper[7].

Les yézidis ont un système de castes depuis leur fondation, qui a cependant été modifié par Cheikh Adi au XIIe siècle. Au sommet de cette hiérarchie se trouve le prince yézidi, le « Mîr ». Juste au-dessous de lui il y a le Baba Cheikh, le « pape » yézidi. Les Faqirs, Qewels et Kocheks, qui sont des serviteurs religieux, servent le Baba Cheikh. Toutes ces positions hiérarchiques sont détenues par deux des trois castes yézidies principales, les Cheikhs et les Pirs, tandis que la majorité des yézidis sont de la caste de Murids, qui est la caste du commun des mortels[7].

Aspects démographiques[modifier | modifier le code]

Il est difficile de connaître le nombre exact de yézidis : une estimation donne un total de 800 000. Ils ont pu être 600 000 en Irak (essentiellement dans la région du Gouvernement régional du Kurdistan, qui est leur berceau historique) et 180 000 dans les anciennes républiques de l'URSS (Russie, Géorgie, Arménie). Il existe également des communautés importantes en Europe (notamment en Allemagne où ils sont environ 50 000), mais aussi aux États-Unis et au Canada[réf. nécessaire][8]. L’estimation du nombre de yézidis a toujours été très difficile. Les raisons de cette incertitude sont variables selon les époques, les pays mais aussi la source des estimations. La difficulté d’accès à leur zone d’habitation est un élément majeur. Ce sont en grande partie les persécutions physiques qui poussent les yézidis à rejoindre ces zones difficiles d’accès. Ces populations se trouvent de plus au cœur de nombreux enjeux politiques, ce qui contribue aussi à la difficulté d’estimations chiffrées : mise en place de quotas par exemple.

Traditionnellement, le nombre de yézidis fut toujours sous-estimé en Turquie, en Irak, en Syrie et même en Iran. Ainsi, les autorités irakiennes sous Saddam Hussein n'évoquaient que quelques milliers de yézidis en Irak. Après 2003, ce fut une grosse surprise pour les occupants américains d'estimer que la population yézidie était sans doute beaucoup plus importante qu'indiquée autrefois. En 2009, la CIA indiquait que les yézidis étaient sans doute plusieurs centaines de milliers en Irak, peut être 200 000 au moins, la fourchette basse des estimations étant de 60 000 individus au moins. Avant 2003, les autorités irakiennes indiquaient quelques milliers d'individus, l'estimation la plus basse étant 3 000 individus. De nos jours, avec les flux migratoires, il est toujours aussi difficile de recenser le nombre exact de yézidis. Avant 2003, il est établi que des villages entiers de yézidis n'étaient tout simplement pas recensés. De même, avec les pressions religieuses, pour vivre en paix, des familles yézidies se faisaient passer pour des musulmans aux agents recenseurs. En Turquie, il n'y a plus d'estimations de cette population depuis 1965.[réf. nécessaire] Le PKK, le Parti des travailleurs du Kurdistan affirme que plus de 100 000 Yézidis (2009) vivraient en Turquie.

En Irak, en , le congrès des Yézidis affirme qu'ils étaient plus de 600 000 en Irak, mais qu'entre 2014 et 2018, ils furent en partie victimes de génocide sous Daech, et une autre grande partie a choisi le chemin de l'exil.

En Iran, le nombre de yézidis est difficile à établir : les autorités iraniennes indiquent quelques milliers de représentants tout au plus, alors que différents mouvements kurdes indiquent au moins plus de 100 000 représentants. En Arabie Saoudite, la religion yézidie n'est pas reconnue, et ses membres, persécutés, doivent pratiquer clandestinement, ou partir pour l'étranger. Le nombre de yézidis en Arabie Saoudite est inconnu. Il existe de petits groupes de yézidis en Arménie, en Palestine, en Jordanie, au Pakistan, en Afghanistan, au Turkménistan, au Tadjikistan, en Égypte, au Koweït, et aux Émirats arabes unis. Aux États-Unis et au Canada, ils sont très dispersés, avec une immigration récente, de telle sorte qu'il est encore trop tôt pour que ces deux pays donnent des estimations sur le nombre de yézidis.

En Europe du fait de l'immigration, on trouve des groupes de yézidis en Allemagne, en France, au Royaume-Uni, en Belgique (90 % en province de Liège) et dans les pays scandinaves.

Dans l'ensemble du Kurdistan, la religion yézidie est bien vue et tolérée par les autochtones kurdes, car cette religion est l'un des éléments de l'identité, de l'histoire, de la culture, et de la vie des Kurdes. Pour les Turcs et les Arabes, ce sont une religion et des croyances qui relèvent du passé, et ses pratiquants sont considérés comme des ruraux arriérés. Pour les fondamentalistes musulmans, le yézidisme doit tout simplement disparaître, tout comme d'autres croyances et religions, comme les chrétiens, et les mandéens.

Depuis les conflits des années 1980, même si les Kurdes sont majoritairement musulmans sunnites, leurs regards sur les yézidis a changé, et ils montrent plus d'attention à cette religion de leurs ancêtres, alors qu'auparavant le sentiment à cet égard était plutôt indifférent et que cette religion était souvent assimilée, par exemple, au folklore local. Avec les exactions et massacres commis par l'organisation djihadiste radicale État islamique, il arrive que des Kurdes musulmans se convertissent au yézidisme, retrouvant ainsi la religion de leurs ancêtres.[réf. nécessaire]

Origines du nom Yézidi[modifier | modifier le code]

L'archange yezidi Taous Malek.

L’origine du nom même de yézidi est débattue. Le terme yézidi fait l’objet d’un double emploi. Il s’utilise aussi bien pour parler d’un individu appartenant à la tribu des Yézidis, que pour parler d’un pratiquant du yézidisme.

Les yézidis honorent l'archange Taous Malek (Tawûs veut dire paon). Le nom de yazidi provient du proto-iranien yazatah qui veut dire « être digne d'adoration » ou « être saint », d'où ange ou être suprême[17], que l'on retrouve dans l'avestique Yazata, le moyen-persan yazad et yazd, au pluriel yazdan, qui aboutit en persan moderne à izad et en kurde à yezid et yezdan.

Yezdan en kurde veut dire à la fois dieu — nom commun puisque le dieu des Yézidis s'appelle Xwede (le X se prononce comme une jota espagnole) — et divin. Mais le nom yézidi peut également provenir de Xwede Ez da (Men da), signifiant j'ai été créé par Dieu en kurde moderne. Les lettres YZD en écriture cunéiforme, trouvées sur une tablette mésopotamienne, confirment l’existence ancienne de leur croyance[7].

Pour Jean-Paul Roux, leur nom renvoie à celui du calife Yazīd Ier (680-683) qui réprima la révolte des partisans d'Ali et qui au cours de la bataille de Kerbala, tua Al-Hussein ibn Ali, fils de ʿAlī ibn ʾAbī Ṭalib et petit-fils du prophète Mahomet. Yazīd Ier étant la « bête noire » des chiites, il n'est pas possible de lier ces derniers aux Yézidis, qui resteront fidèles au calife omeyyade lors de la révolution abbasside de 750[18].

Histoire du yézidisme[modifier | modifier le code]

Difficulté d’étudier le yézidisme[modifier | modifier le code]

Yézidis à Mardin, fin du XIXe siècle.

L’une des premières références connues sur les Yézidis est le Livre de la Gloire, appelé Chronique des Kurdes, de Cheref ed-Din Khan, écrit en 1597. Cet émir de Bitlis (près du lac de Van, en Turquie) fait mention de sept grandes tribus kurdes, qui auraient été à un moment ou à un autre entièrement ou principalement yézidies. Dans la deuxième moitié du XIXe siècle, le vice-consul français de Mossoul, M. Siouffi, démontrait, contre l’opinion des nestoriens locaux, que le Cheikh Adi était musulman, et non l’apôtre chrétien Addaï. À la même époque, le professeur A.H. Layard étudie sérieusement cette communauté et ouvre la voie aux études ultérieures. Son nom est resté comme celui du premier savant s’étant penché sur l’étude des Yézidis. En Irak, des Yézidis ont publié un recueil de textes issus de leur tradition orale, en particulier de leur caste religieuse nommée Qewels. En URSS est cité le livre de deux auteurs yézidis, O. et J. Jelil : Kurdski folklor, publié en 1978. Les principaux ouvrages actuels de référence sont ceux de Ph. G. Kreyenbroek et de J. S. Guest. Ces auteurs insistent sur le fait que les Yézidis ne constituent pas une communauté compacte, mais des communautés dispersées, chacune méritant une étude particulière.

Moyen Âge[modifier | modifier le code]

Au XIIe siècle, le Cheikh Adi semble avoir eu une influence durable chez les Yézidis orientant leur religion vers le mysticisme. Il devint par la suite leur grand ancêtre fondateur[18]. Les Yézidis l'ont adopté comme leur saint archétypal. Adi a été célébré à cause de sa vie sainte. Il a fondé un ordre religieux nommé d'après lui-même, al-Adawiya. Son sépulcre est indiqué par trois coupoles coniques dans les environs du village de Baadri, non loin à l'est du monastère Rabban Hormizd. Son tombeau attire toujours un grand nombre de personnes sous forme notamment de processions de nuit à la lumière des torches qui comprennent des expositions du drap de couleur verte couvrant la tombe.

XVIe siècle[modifier | modifier le code]

En 1513, les Kurdes sont vus comme des gens vaillants et farouches[19]. Un document d'époque indique notamment que les Kurdes qui portent alors le turban n'ont pas voulu recevoir la secte de Sich Ismaël[19].

XVIIe siècle[modifier | modifier le code]

Au XVIIe siècle, les Jésides (Yézidis) avaient des différends avec les Turcs[20].

À la même époque, les us et coutumes de certains membres de cette communauté sont décrits par Michel Febvre[21]. Celui-ci considère que les Yézidis pouvaient détester les Turcs musulmans qui leur demandaient plusieurs sortes de tributs, et reconnaître une similitude entre Jésides et Jésus-Christ. Pour lui, les Jésides avaient deux formes d’habits : les uns étaient vêtus en noir, les autres à la manière du pays. Les habits noirs étaient portés par les fakirs, hommes mariés monogames et respectés. L'activité économique consistait alors à garder les troupeaux, notamment de chèvres, et à l’ensemencement des terres. Cela peut leur donner un air de nomades bien qu'ils aient une maison. Du fait de ce nomadisme, ils ne peuvent avoir accès aux raisins, fruits et herbes sans les voler. Ils cuisent leur pain sur une plaque de fer, avec un feu clair.

Les Yézidis sont décrits par les musulmans comme des adorateurs de Dieu mais, pour Michel Febvre, ils refusent surtout de maudire le diable qu'ils craignent. Il en donne plusieurs raisons. Ils appellent le diable l'Ange paon, « celui que vous savez », ou « celui que les ignorants maudissent ».

Pour Michel Febvre, ils n'ont pas de système d'écriture propre, ce qui provoque des variations dans leurs croyances, ainsi ils peuvent croire, selon les cas, à la Bible, à l'Évangile ou au Coran qu'ils peuvent d'ailleurs considérer tous trois comme descendus du Ciel. Ils peuvent apprendre des textes saints pour les chanter ou les jouer à la guitare ou lors d'un festin.

Ils font leur prière face au levant. Ils enterrent leurs morts, mais ne pleurent pas la mort des Yézidis vêtus de noir. Les Jésides noirs sont intronisés par les paroles : « Entre dans le feu et sache que dorénavant tu es disciple de Iézide, et qu'en cette qualité tu dois souffrir les injures, les opprobres et les persécutions des hommes pour l'amour de Dieu. Cet habit te rendra odieux à toutes les nations, mais agréable à ta divine majesté». » Ils s'interdisent de tuer des animaux. En revanche, l'adultère est vu comme un crime durement sanctionné.

Toujours selon Michel Febvre, à la même époque, une alliance est passée avec une armée d'une Église chrétienne[21].

En 1669, une Église chrétienne observe que les Jésides font partie du peuple kurde et en parlent la langue. À ce moment, l'Église pensa pouvoir convertir les Jésides[22]

XVIIIe siècle[modifier | modifier le code]

En 1745, d'après le Mercure de France, des Yézidis auraient été incorporés dans une troupe de 30 000 combattants kurdes[23].

À la même époque, Anton Friedrich Büsching, indique que des Kurdes habitaient déjà à Nasibin ville séparée par un désert très stérile de 30 ou 40 lieues de la ville de Mossoul[24].

À la même époque, on indique la présence d'une communauté yézidie au pied du mont Süphan Dağı situé au nord du lac de Van. À l'époque, ils sont considérés comme mal-aimés de leurs voisins perses et très attachés à leur croyance, dans laquelle ils reconnaissent les prophètes chrétiens et musulmans. Ils portent alors des vêtements noirs et une coiffure noire et rouge. Cette communauté ne pratique pas le prosélytisme[25].

XIXe siècle[modifier | modifier le code]

En 1838, certains Kurdes du Sindjar sont exterminés[26].

En 1832, le prince du Botan Bedirxan Beg lance une campagne d'islamisation des Yézididi. Ses troupes envahissent la région de Sheikhan, peuplée par des Yézidi. Malgré la résistance de la population, les troupes de Bedirxan réussissent à occuper les villages, se livrent à des pillages et à un massacre qui reste l'un des plus sanglants de l'histoire des Yézidi. Beaucoup tentent de s'échapper en se réfugiant à Shengal, mais ils se retrouvent à devoir franchir un Tigre tumultueux. Certains parviennent à franchir le fleuve à la nage, mais les autres sont massacrés sur les berges par les troupes qui les ont rattrapés. Le nombre de victimes s'élève à plus de 12000. Le prince des Yêzidi Ali Beg est capturé et envoyé chez le prince Mohamed de Rewanduz. Celui-ci l'exécute après qu'il a refusé de se convertir à l'islam. En 1844, Bedirxan Beg, qui s'est désormais émancipé des autorités ottomanes, lance une nouvelle campagne contre les Yézidis, cette fois dans la région de Tur Abdin. Ceux qui refusent de se convertir sont emprisonnés ou massacrés. Sept villages de la région acceptent de se convertir[14].

Le , les Turcs perdent une bataille contre les Kurdes à Mossoul, où des Yézidis sont engagés[27].

En 1878, le Journal des débats politiques et littéraires considère les Yézidis comme des nomades[28].

En 1892, Abdülhamid II décide de leur imposer l'impôt et le service militaire et de « redresser leurs croyances » pour les convertir à l'islam sunnite. L'armée ottomane de Ferik Ömer Vehbi Pacha ravage les villages yézidis et détruit le sanctuaire de Lalis où avait prêché le cheikh Adi[29].

En 1893, le , un responsable yézidi réfugié dans une montagne se soumet à Bakri Pacha[30].

En 1893, un écrit de 16 pages de Charles de Gertensberg est publié sur les Jésides[31].

Histoire des yézidis irakiens[modifier | modifier le code]

Drapeau yézidi

Malgré leur volonté de rester à l'écart des violents conflits confessionnels et politiques qui ensanglantent une grande partie de l'Irak, les relations avec les communautés sunnites voisines se sont gravement détériorées. Le , la communauté yézidie a été la cible de quatre attentats-suicides faisant plus de 400 morts[32] dans la province de Ninive. Ils faisaient suite à une série d'incidents, à commencer par la lapidation par les membres de sa communauté, y compris des membres de sa famille, le , de Doaa Khalil Assouad, une adolescente yézidie qui se serait convertie à l'islam pour épouser un musulman. Cette attaque a été l'une des plus meurtrières qu'ait connues l'Irak depuis le renversement de Saddam Hussein en 2003. C'est également la série d’attentats la plus meurtrière depuis ceux du 11 septembre 2001 aux États-Unis[33].

Massacres de Sinjâr[modifier | modifier le code]

Le , pendant la guerre d'Irak, la ville de Sinjar tombe aux mains des djihadistes du groupe État islamique (ex-EIIL)[34], à l'issue d'une brève bataille contre les peshmergas. Le , la région de Mossoul avait déjà été prise par les combattants de l’EIIL, l’État Islamique en Irak et au Levant, connu aussi sous son acronyme arabe de Daech.

Des dizaines de milliers de Yézidis fuient alors la ville et les villages environnants pour se réfugier au Kurdistan irakien[35],[36]. Mais lors de l'exode, environ 600 civils sont massacrés[37] et des centaines d'autres sont enlevés entre le 3 et le [38],[39]. Les femmes enlevées par l'EI sont considérées comme des « trophées de guerre »[40], torturées, violées, elles sont réduites à l’esclavage sexuel[41].

Dès le début de l'offensive en de l'État islamique en Irak et en Syrie, les forces armées du PKK et du PYD s'érigent en principale force capable de freiner l'avancée djihadiste, alors même que les troupes irakiennes lui opposent une résistance quasi nulle.

En , les Unités de protection du peuple (YPG) (milices révolutionnaires du PYD-PKK) se font connaître du monde entier à la suite de leur opération d'évacuation de 200 000 Yézidis encerclés dans les monts Sinjar en Irak et abandonnés par les peshmergas.

Les forces internationales jouent aussi un rôle important dans la libération du Sinjar, notamment par des raids aériens. Cependant, si la coalition internationale affiche clairement sa volonté de soutien aux réfugiés du Sinjar, elle se retrouve face à de nombreux dilemmes. Concernant le ravitaillement en armement, la coalition envoie des armes uniquement aux peshmergas irakiens qu'elle juge seule organisation fiable dans cette région. En effet, le PKK est classé comme organisation terroriste aux États-Unis et en Europe. Le YPG syrien, quant à lui, est considéré comme une branche du PKK turc. Une partie des combattants de première ligne est donc sous-équipée, mal armée et obligée de s’organiser selon ses propres moyens.

Diaspora yézidie[modifier | modifier le code]

Les Yézidis ont connu depuis leur origine de nombreux conflits religieux. La conséquence de cette succession de conflits est l’existence de plusieurs diasporas yézidies dans le monde aujourd'hui. Les Yézidis sont localisables au Kurdistan, mais aussi dans le Caucase au sein des anciens pays du bloc soviétique, ainsi qu'en Europe de l'Ouest, principalement en Allemagne. Des communautés yézidis peu nombreuses sont aussi présentes en Amérique du Nord.

Caucase[modifier | modifier le code]

La migration des Yézidis vers le Caucase a commencé au XIXe siècle avec la multiplication des persécutions physiques et des intimidations confessionnelles de l’Empire ottoman contre les Yézidis et d’autres minorités. En effet, les Yézidis ont souvent partagé le destin des Arméniens sur les routes de l’exode. En 1874, deux tribus yézidies arrivent dans le Caucase sous influence de la Russie tsariste et demandent le protectorat des autorités locales. Le statut des Yézidis au sein de l’Empire ottoman se dégrade encore lors de la prise de pouvoir de 1915 par les Jeunes-Turcs, parti politique nationaliste révolutionnaire, en plein cœur de la Guerre mondiale. La volonté du pouvoir en place est alors d’éradiquer tous les peuples de confessions non-musulmanes. Cette période marque une première vague de migration très importante de Yézidis dans le Caucase soviétique. Cette forte immigration continue jusqu’en 1920. Les Yézidis s’installent dans les régions d’Erevan dans l’actuelle Arménie, et de Tbilissi dans l’actuelle Géorgie. Ils fondent des villages mixtes avec des Arméniens. À cette époque, la Russie en accueillant sur ses terres des Yézidis affichait un acte de protectorat pour des minorités religieuses autres que chrétiennes.

En parallèle, après la révolution russe de 1917, la région du Caucase passe sous contrôle soviétique. En 1922, la Géorgie, l’Arménie et l’Azerbaïdjan sont regroupés au sein de la République socialiste fédérative soviétique de Transcaucasie. Les bolcheviques ont dans les années 1920 l’objectif de faire émerger « une véritable conscience politique soviétique » de cette région située à l’extrême sud-ouest de l’URSS. L’enjeu est donc de divulguer le modèle soviétique au sein des nombreuses minorités composant cette région. Chez les populations yézidies, cela passe par l’élévation du niveau social et culturel de cette population isolée dans des endroits difficiles d’accès. L’entreprise de cette politique bolchevique a pour conséquence de réduire le taux d’illettrisme chez les yézidis, mais, dans un même temps de provoquer le repli sur soi de cette communauté très attachée aux traditions ancestrales. Ce dernier point s’explique par la répression soviétique de toute manifestation religieuse. Les Yézidis forcés de pratiquer leurs cultes religieux dans la clandestinité vont progressivement abandonner une partie de leurs pratiques religieuses.

Durant les années 1937 et 1938 les Yézidis et les autres peuples minoritaires de la région sont victimes des répressions staliniennes. Le pouvoir soviétique en place juge ces populations « douteuses » car majoritairement présentes en dehors des frontières de l’URSS. De nombreuses familles kurdes et yézidies sont déportées en Asie centrale notamment au Kazakhstan. Cette première déportation n’est en réalité que l’ébauche de la déportation massive de 1944 qui s’apparente à un véritable « nettoyage ethnique ». Les Soviétiques justifient leur action en accusant ces peuples du Caucase de collaboration avec l’ennemi allemand. En effet, ces peuples caucasiens se seraient rapprochés de la Turquie, elle-même alliée à l’Allemagne nazie, car très proche géographiquement : les deux régions sont frontalières. Des régions comme celle de la Géorgie actuelle furent complètement nettoyées de leur population yézidie. Pour des raisons inconnues Staline fit stopper les déportations en 1950, dès 1956 des populations yézidies repeuplèrent le Caucase craignant l’assimilation aux populations musulmanes d’Asie centrale.

Après la Seconde Guerre mondiale « le rideau de fer » instauré par les Soviétiques a empêché tout retour des Yézidis dans leur région d’origine. Progressivement les peuples yézidis du Moyen-Orient et du Caucase vont connaître un éloignement culturel[42].

Europe de l'Ouest[modifier | modifier le code]

Les communautés yézidies présentes dans les pays du Caucase vont progressivement s'imprégner de la culture soviétique plus proche d'un modèle occidental.

Entre 1970 et 1990 de nombreuses réformes sociales permettent aux yézidis de bénéficier de privilèges et d’avantages sociaux grâce à leur statut de minorités. Dans les années 1980 la Géorgie est même qualifiée de « foyer culturel kurde ».

Les années 1990 et la chute du bloc soviétique marque un nouveau tournant. Pour les anciennes République socialiste soviétique d'Arménie et République socialiste soviétique de Géorgie, la préoccupation n’est plus l’intégration des minorités mais l’émergence d’une identité nationale. Les conséquences sont doubles. D’une part, les aides sociales sont revues à la baisse et les Yézidis sont de nouveau dans une situation de précarité économique. D’autre part, les Yézidis subissent les incitations à la haine raciale notamment véhiculée par la presse.

Ce revirement de situation touche surtout la jeune population yézidie qui dès 1995 préfère choisir l’immigration vers les pays d’Europe tels que l’Allemagne ou la France. D’autre part, les jeunes Yézidis qui choisissent de rester renoncent de plus en plus au yézidisme en se convertissant au christianisme. Ces choix sont guidés par l’espoir d’une intégration dans la société de ces pays. D’autant plus que, contrairement à leurs parents qui sont arrivés avec le statut d’immigrés, ces jeunes sont parfaitement intégrés sur le plan culturel et linguistique, mais se sentent toujours marginalisés du fait de leurs origines. De plus, les mariages entre yézidis et géorgiens ou arméniens sont aujourd’hui fréquents. Cette évolution peut paraître paradoxale : le yézidisme semblait mieux sauvegardé sous le régime communiste qui empêchait pourtant toute manifestation religieuse[42].

Amérique du Nord[modifier | modifier le code]

Des communautés yézidies sont aussi présentes en Amérique du Nord. On trouve ainsi des yézidis aux États-Unis et au Canada.

Religion yézidie[modifier | modifier le code]

Les Yézidis font remonter leur calendrier religieux à 6 764 années (en 2014)[7]. Par rapport à d'autres religions majeures, le calendrier yézidi a :

  • 4 750 années de plus que le calendrier chrétien (5 500 années de la Création à la naissance du Messie, plus 2 018 années = 7 518 années depuis la Création) ;
  • 990 années de plus que le calendrier juif (5 778 années en 2018) ;
  • 5 329 années de plus que le calendrier musulman.

Ce calcul des années s'étend depuis la Création à nos jours.

Origines de la croyance yézidie[modifier | modifier le code]

Entre le IXe et le VIIIe siècle av. J.-C., des tribus iraniennes (les Mèdes) s'installent sur les terres du Kurdistan actuel. Le zoroastrisme a été pendant des centaines d'années la religion dominante et a exercé une influence importante sur les Kurdes et sur leur croyances. Cependant une partie des Kurdes ne s'était pas convertie au zoroastrisme. Ils étaient restés fidèles à leur ancienne religion : le yazdanisme. Selon le kurdologue Serbi Rechid, le zoroastrisme s'est répandu en Médie à partir du VIe siècle av. J.-C., mais n'est pas devenu dominant. Jusqu'au Ve siècle apr. J.-C., la majorité des Kurdes habitant Zagros, Cizir, Botan et Kirkouk pratiquaient le yazdanisme[4].

Cette religion médique survit aujourd'hui à travers trois religions kurdes : le yézidisme, l'alévisme et le yârsânisme. D'ailleurs le mot « yazdanisme » est un terme académique du kurdologue Merhad Izady. Selon ce dernier, cette religion médique pouvait s'appeler « yazdanisme » mais également « yézidisme ». Merhad Izady a fabriqué le terme « yazdanisme » afin de différencier cette religion du yézidisme actuel. Car le yézidisme du XXIe siècle a subi des modifications depuis sa fondation. Notamment lors de la réforme de Cheikh Adi qui a eu lieu au XIIe siècle. Le yézidisme est une survivance de l'ancienne religion médique, qui au cours de son existence a absorbé des éléments exogènes, afin de s'adapter à un environnement hostile[4].

De nombreuses similitudes existent entre le yézidisme et le zoroastrisme. Mais, contrairement aux indications de nombreuses études publiées, le yézidisme n'est pas dérivé du zoroastrisme. Ces deux religions ont en effet des racines communes. Le yézidisme est une survivance de l'ancienne religion médique, religion dans laquelle le Dieu était tout-puissant et avait un serviteur, Mithra, qui est, entre autres, une divinité solaire. Aujourd'hui on retrouve la même interdépendance entre Xwede et l'archange Taous. Le zoroastrisme, quant à lui, est une réforme du mithraïsme / mazdéisme, autre appellation de cette ancienne religion médo-iranienne[4].

Les spécialistes des religions[17] soulignent le syncrétisme religieux dont est issu le yézidisme. La cosmogonie yézidie présente de troublantes similitudes avec les religions de l'ancien Iran, les religions prézoroastriennes puis zoroastriennes du VIIe siècle au IVe siècle av. J.-C. Ces analogies sont principalement dues à la présence de nombreux Kurdes de la vieille foi dans la vallée de Lalish et à l'isolement de cette dernière. Au XIIe siècle, Cheikh Adi, maître soufi, s'installe à Lalish et y enseigne ses préceptes auprès de la population yézidie. Adi adapte ses caractéristiques musulmanes au yézidisme. Cependant, si pour certains la croyance yézidie comprend des éléments qui permettent de la percevoir comme un syncrétisme religieux, cette thèse reste débattue.

La tradition orale de cette croyance est un des principaux facteurs qui jouèrent en sa défaveur aux yeux des musulmans. Ceux-ci, ne reconnaissant comme leurs égaux que les gens du Livre, voyaient d’un mauvais œil ces communautés rebelles et païennes. Or les yézidis ne sont pas des disciples d’une tradition religieuse uniquement orale : deux livres sacrés serviraient de bases à leurs lois et rites.

Description de la croyance yézidie[modifier | modifier le code]

Malek Tawûs est un archange dans la religion yézidie. Malek Tawûs est souvent représenté par un paon selon son nom et parce que le paon symbolise la diversité, la beauté et le pouvoir. Pour les yézidis, leur dieu unique est le créateur du monde mais n’en est pas le conservateur. Cette tâche a été déléguée à un cortège de sept anges dirigé par le plus important d’entre eux : Malek Tâwus. Selon la foi yézidie, Malek Tawûs est une émanation et un serviteur du Tout-Puissant. Le premier jour (un dimanche) Dieu a créé l'ange Azrail (Azazel), qui est une autre appellation de Malek Tawûs. Le deuxième jour (lundi) Dieu a créé Dardail, le troisième jour, Israfil, puis Machael, Anzazil et Chemnail[réf. nécessaire]. Enfin, le septième jour (samedi) Dieu a créé Nourail. Dieu a ensuite proclamé « Malek Taous » chef de tous les autres anges. « Malek Tawûs » signifie littéralement « ange paon » en kurde. En un sens, on peut faire un parallèle avec le dieu Soleil iranien Mithra, qui lui-même n'était pas le Dieu suprême, mais un serviteur de Dieu[7].

Dans l'Iran ancien le nom métaphorique du Soleil était « Tavous-é Falak », ce qui veut dire le « Paon Céleste ». Dans la Grèce antique, le paon était le symbole du Soleil. Dans la mythologie hindoue les plumes du paon étaient considérées comme une représentation du ciel et des étoiles. Dans le yézidisme, le Soleil est considéré comme une source de bonté, de lumière, de chaleur mais surtout de vie. Cependant les Yézidis ne sont pas « des adorateurs du Soleil » : Dieu a créé le Soleil et les Yézidis se prosternent devant cette création divine[7].

Traditions et interdits du yézidisme[modifier | modifier le code]

Les Yézidis possèdent deux livres sacrés : le Kitêba Cilwe, le Livre des Révélations, et le Mishefa Reş, le Livre noir. Le Kitêba Cilwe décrit Malek Taous et sa relation spéciale avec les yézidis, alors que le Mishefa Reş décrit la création de l’univers, des sept grands Anges, des Yézidis et les lois que ces derniers doivent suivre[7].

On peut observer un important nombre de rites que les Yézidis et les zoroastriens ont en commun. Les Yézidis prient 5 fois par jour, comme les zoroastriens, et comme les musulmans. On remarque également que la prière yézidie du matin (pendant laquelle les Yézidis prient en direction du Soleil) ressemble à la prière zoroastrienne. Comme les zoroastriens, les Yézidis sont organisés en castes et ont des tabous liés aux 4 éléments (terre, feu, air et eau). Les Yézidis pratiquent également le sacrifice du taureau (culte de Mithra), ce qui jadis était pratiqué par les mazdéens [réf. souhaitée]. Les Yézidis et les zoroastriens partagent le même jour férié : le mercredi[pourquoi ?][5].

Les animaux détiennent une place spéciale dans les vieilles religions, particulièrement dans le mithraïsme. Certains animaux sont peints sur les icônes mithriaques, et les mêmes animaux sont représentés sur le temple Lalesh. Leurs interprétations sont aussi identiques à celles de la religion mithriaque. Mithra, une divinité iranienne, a sacrifié selon la légende un taureau. Les Yézidis en font de même en automne. Ils sacrifient chaque année un taureau pour l'humanité entière et pour un monde plus harmonieux. Dans les temps anciens le taureau symbolisait l'automne et son abattage devait être suivi d'une année verte, pluvieuse et fructueuse. Dans le mithraïsme le serpent symbolisait le cosmos. Les Yézidis respectent particulièrement le serpent — surtout le serpent noir. Selon la foi yézidie, le serpent est un symbole de la sagesse. À l'entrée du temple Lalesh, un serpent noir est représenté[5].

Société yézidie[modifier | modifier le code]

La société yézidie est une société de castes et de clans.

Système social yézidi[modifier | modifier le code]

Les Yézidis ont un système de castes depuis leur fondation, mais le système a été mis à jour par le réformateur Cheikh Adi. Au sommet de cette hiérarchie il y a le « Prince » yézidi, le « Mîr ». Juste au-dessous de lui est le Baba Cheikh, le « Pape » yézidi. Les « Faqirs », les « Qewels » et les « Kocheks » (qui sont des serviteurs religieux) servent le Baba Cheikh. Toutes ces positions hiérarchiques sont prises par deux des trois castes yézidies principales, les Cheikhs et les Pirs, tandis que la majorité des Yézidis font partie de la caste des Murides. La tradition religieuse interdit aux Yézidis le mariage avec les personnes pratiquant une autre religion et entre les membres des différentes castes[7].

Le Mîr est le chef temporel et religieux des Yézidis. Il est reconnu par les Yézidis comme étant leur représentant officiel. Le titre du Mîr est héréditaire.

Le Baba Sheikh est le chef spirituel des Yézidis. Il est présent lors des rencontres religieuses importantes et lors des cérémonies, particulièrement celles qui se font à Lalesh. Une fois par an le Baba Cheikh visite tous les villages yézidis pour donner ses bénédictions et célébrer des cérémonies religieuses. Pendant ces visites il résout également les éventuels conflits parmi les villageois[7].

La caste des Cheikhs est la plus honorée des trois castes : les Cheikhs exercent les fonctions les plus importantes dans la religion. « Cheikh » est un mot arabe qui signifie « dirigeant », « aîné d'une tribu », ou alors « homme saint ». La caste des Cheikhs a été fondée par Cheikh Adi et l'adhésion à cette caste est héréditaire.

La caste des Pîrin est la seconde caste religieuse des Yézidis. Pîr est un mot kurde qui veut dire « vieux » comme adjectif et « vieillard » comme nom.

Les Pîrin et les Cheikhs assistent aux mariages, aux obsèques, et jouent le rôle de conseiller familial. Il y a aujourd'hui 40 clans familiaux de la caste des Pîrins, alors qu'avant le XIIe siècle il y en avait 90.

La caste des Murides constitue la majorité des Yézidis. Cette caste n'est pas une caste religieuse, cependant les Murides peuvent porter un titre de noblesse (Ara, Beg ou alors Makhul). Il existe aujourd'hui 99 grandes familles au sein de cette caste[7].

Yézidis et Kurdistan[modifier | modifier le code]

Pendant de longues décennies, connaître les statistiques du nombre de Yézidis en Irak était très difficile. Un temps, les Yézidis étaient même vus comme un peuple et une croyance en voie de disparition, et des chiffres indiquant moins de 15 000 Yézidis en Irak circulaient. De plus, souvent, en Occident, les Yézidis étaient confondus à tort avec les zoroastiens (croyance originelle de l'Iran), mais les Yézidis et les zoroastriens ont des croyances et une histoire différentes. En revanche, depuis 2003, et la chute de Saddam Hussein, un recensement des Yézidis indique des chiffres beaucoup plus importants en Irak, de l'ordre de plus de 600 000 personnes, ce qui placerait l'Irak comme le pays ayant le plus de Yézidis au monde. En 2003, les Yézidis obtinrent deux députés en Irak, en vertu de la nouvelle constitution, plus favorable aux minorités. En Iran, le nombre de Yézidis doit être important aussi, mais ce pays tend à diminuer pour des raisons politiques le poids de cette communauté religieuse, en indiquant des chiffres tronqués. En Iran, les Yézidis subissent le même sort que les Zoroastriens.

Depuis 2003 et la chute de Saddam Hussein, le droit des Yézidis de pratiquer leur culte est reconnu par la nouvelle Constitution irakienne et par la Constitution du Kurdistan fédéral. Les yézidis sont représentés au parlement et ont deux ministres[6].

En Turquie, les Yézidis vivent dans le Sud-Est du pays, plus particulièrement dans la région d'Urfa-Viransehir. Mais leur nombre a diminué depuis les années 1970, où la communauté comptait 80 000 personnes : 23 000 en 1985, 423 seulement selon le recensement de 2000 et finalement 377 en 2007 (dont Urfa 243, Batman 72, Mardin 51, Diyarbakır 11 personnes). Ils ont immigré en Europe, surtout en Allemagne (50 000 personnes) et en Suède (20 000 personnes). Cependant des sources non gouvernementales[Lesquelles ?] font état d'une dizaine de milliers dans la région de Van et du Caucase. [réf. souhaitée]

Le PKK (parti des travailleurs du Kurdistan) doute des chiffres bas fournis par la Turquie, surtout quand les derniers chiffres des statistiques de 1965 indiquaient 100 000 Yézidis en Turquie.

En Syrie, la communauté yézidie compte environ 150 000 personnes[réf. nécessaire]. Ils sont essentiellement installés sur la frontière irakienne, au nord-est.

Des groupes Yézidis sont présents en Jordanie et en Afghanistan[réf. nécessaire]. En Arabie saoudite, la religion yézidie n'est pas reconnue. Des groupes sont pourtant présents dans le Nord-Ouest du pays, mais on ignore le nombre d'adeptes de cette religion dont les membres sont persécutés en ce pays[réf. nécessaire].

L'Arabie saoudite ne reconnaît pas la présence religieuse de Yézidis en son territoire, comme toute présence religieuse non-musulmane.

Ethnie[modifier | modifier le code]

Certains Yézidis sont tentés de renier leurs liens ethniques avec la nation kurde. Cela est dû à des conflits religieux qui les ont opposés aux Kurdes musulmans[8].

On estime cependant que les yézidis sont ethniquement kurdes et qu'ils sont même une composante du peuple kurde[8], d'abord parce qu'ils parlent le kurmandji, comme leurs voisins ; ensuite, parce que les traditions, coutumes et fêtes yézidies existent également chez les autres Kurdes. Enfin le yézidisme est la religion qui se rapproche le plus de ce que les anciens kurdes pratiquaient autrefois[4].

Avant l'apparition de l'islam, au VIIe siècle, les Kurdes étaient yézidis, zoroastriens, juifs ou chrétiens. Au fil du temps, beaucoup de Kurdes se convertirent à l'islam mais des chrétiens, des yézidis, des zoroastriens et des juifs demeurèrent au Kurdistan (la plupart des juifs partirent lors de la création de l'État d'Israël, entre 1947 et 1949). Si les musulmans (chiites, sunnites, alévis, yârsânistes) sont de nos jours majoritaires au sein du peuple kurde, les Yézidis n'en demeurent pas moins une composante majeure[8].

Persécutions[modifier | modifier le code]

Génocide[modifier | modifier le code]

Les tueries de Daech ont visé spécifiquement les Yézidis : esclavage sexuel des femmes vierges vendues aux chefs ou aux soldats, assassinats par balle, décapitation ou torture des autres femmes et des hommes pubères, enfants drogués, islamisés et transformés en combattants. Aucun partisan de Daech n'a été à ce jour jugé pour génocide. Le Sénat français a cependant reconnu l'existence du génocide des Yézidis le [43].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. (en) « YAZIDIS i. GENERAL », sur iranicaonline.org (consulté le ) : « The Yazidis’ cultural practices are observably Kurdish, and almost all speak Kurmanji (Northern Kurdish), with the exception of the villages of Baʿšiqa and Baḥzānēin northern Iraq, where Arabic is spoken. Kurmanji is the language of almost all the orally transmitted religious traditions of the Yazidis. ».
  2. « Les Yezidis, communauté persécutée », sur pbs.twimg.com.
  3. (en) Christine Allison, « Evolution of Yezdi Religion. From Spoken Word to Written Scripture », ISIM newsletter, no 1,‎ (lire en ligne [PDF]).
  4. a b c d e et f (en) Tosine Reshid, « Yezidism: historical roots », International Journal of Kurdish Studies (en),‎ (lire en ligne [archive du ], consulté le ).
  5. a b c et d (en) Shamsaddin Megalommatis, « Yazidism and its Mazdean roots », sur fravahr.org15 mars 2010
  6. a b et c Ephrem-Isa Yousif, « Ma visite aux Yézidis du nord de l’Irak », sur eyousif.blogspot.com, .
  7. a b c d e f g h i j k l et m « Les Ezidis de France », sur ezidi.fr.
  8. a b c d et e Lucine Brutti-Japharova, « Les Yézidis et le Yézidisme », sur gdm.eurominority.org, .
  9. Kendal Nezan, « Le martyre des Yézidis », sur Libération, .
  10. a et b R. Lescot, Enquête sur les Yezidis de Syrie et du Djebel Sindjār, Beyrouth, Institut français de Damas, .
  11. a et b L. Massignon (dir.), Les Yezidis du Mont Sindjar « adorateurs d'Ibis, Études Carmélitaines sur Satan.
  12. (en) « YAZIDIS i. GENERAL », sur iranicaonline.org (consulté le ).
  13. (en) Michael M. Gunter, Historical Dictionary of the Kurds, Toronto/Oxford, Scarecrow Press, , 410 p. (ISBN 978-0-8108-6751-2).
  14. a et b Tagay et Ortaç 2016, p. 29-32, 49-50.
  15. J. F. Coakley, « Manuscripts for sale: Urmia. 1890-2 », Journal of Assyrian Academic Studies, vol. 20, no 2, 2006, référence dans laquelle il est fait mention des activités douteuses d'un antiquaire peu scrupuleux du nom de Jeremiah Shamir à Mossoul présenté comme la source des faux. Voir également Encyclopedia Iranica, édition en ligne, New York, 1996, à l'entrée "Jelwa, Ketab Al" qui donne des raisons linguistiques pour appuyer la forgerie en question. Pour des informations sur ce Jeremiah Shamir, voir John Guest, The Yezidi, a Study in Survival, London Routledge Kegan and Paul, 1987, et B. Acikyildiz, "The Yezidis: The History of a Community, Culture and Religion", I. B. Tauris and Co., New York, 2010, p. 89 et suivantes.
  16. Wirya Rehmany, Dictionnaire politique et historique des Kurdes, Paris, L'Harmattan, , 531 p. (ISBN 978-2-343-03282-5), p. 302.
  17. a et b Michel Malherbe, Les religions de l'humanité
  18. a et b « Les Yezidis, « adorateurs du diable », sur clio.fr, .
  19. a et b André Thevet, La cosmographie universelle d'André Thevet. Vol. 1 (Afrique, Asie) /,... illustrée de diverses figures des choses plus remarquables veuës par l'auteur... Tome 1er [-4e], (lire en ligne).
  20. Michel Febvre, L'état présent de la Turquie ou il est traité des vies, mœurs & coûtumes des Ottomans, & autres Peuples de leur Empire... Par le sieur Michel Febvre..., (lire en ligne).
  21. a et b Théâtre de la Turquie... Traduit d'italien en françois, par son auteur le Sr Michel Febvre, (lire en ligne).
  22. François-Timoléon Choisy, Histoire de l'Église. Tome 11 : , par M. l'abbé de Choisy,..., 1703-1723 (lire en ligne).
  23. Mercure de France : dédié au Roy, (lire en ligne).
  24. Anton Friedrich Büsching, Géographie de Busching. Empire ottoman, Arabie et Perse :, abrégée dans les objets les moins intéressans, augmentée dans ceux qui ont paru l'être, retouchée partout, & ornée d'un précis de l'histoire de chaque état. Par M. Bérenger..., 1776-1782 (lire en ligne).
  25. Nicolas Desmarest, Encyclopédie méthodique. Géographie-physique. Tome 5 /. Par le cit. Desmarest. Tome premier [-cinquième], 1795-1828 (lire en ligne).
  26. Élisée Reclus, Nouvelle géographie universelle : la terre et les hommes. Vol. 9 : par Élisée Reclus..., 1876-1894 (lire en ligne).
  27. Journal des débats politiques et littéraires, (lire en ligne).
  28. Journal des débats politiques et littéraires, (lire en ligne).
  29. Pierre Emmery, « Les Yézidis des monts Sinjar et la « nouvelle question d'Orient ». Retour sur le parcours d'une minorité en péril au sein du Moyen-Orient embrasé - Les clés du Moyen-Orient », sur lesclesdumoyenorient.com, (consulté le ).
  30. Journal des débats politiques et littéraires, (lire en ligne).
  31. Charles de Gertensberg, « Les Jézides, adorateurs du diable », Bulletin de la Société d'ethnographie : compte rendu des séances, notices scientifiques, discours, rapports et instructions,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  32. « Bagdad commande une enquête », sur Radio-Canada.ca, (consulté le ).
  33. « Le bilan des victimes des attentats anti-yézidis s'alourdit », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  34. « Irak : la ville de Sinjar tombe aux mains de l'Etat islamique », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  35. « Irak: crise humanitaire en vue après la prise de Sinjar aux Kurdes par les jihadistes », sur LExpress.fr, (consulté le ).
  36. « « Soutenons les yézidis d'Irak, il y a un risque de génocide » », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  37. « Les restes des corps de 25 Yazidis découverts dans un charnier en Irak », Libération,‎ (lire en ligne).
  38. « L'Irak accuse l’État islamique d'avoir assassiné au moins 500 Yézidis, dont certains enterrés vivants », sur Franceinfo, (consulté le ).
  39. « Irak : des dizaines de morts dans une attaque des djihadistes », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  40. « VIDEO. Kurdistan irakien : femmes prisonnières et esclaves », sur francetv info, (consulté le ).
  41. Mercier Célia, Ils nous traitaient comme des bêtes, Flammarion, , 280 p..
  42. a et b Bayram Balci et Raoul Motika, Religion et politique dans le Caucase post-soviétique : les traditions réinventées à l'épreuve des influences extérieures, Paris, Istanbul, Maisonneuve & Larose, Institut français d'études anatolienne, , 365 p. (ISBN 978-2-7068-1967-4).
  43. « proposition de résolution crimes de génocide, crimes contre l'humanité et crimes de guerre perpétrés contre les minorités ethniques et religieuses et les populations civiles en Syrie et en Irak », sur senat.fr (consulté le ).

Voir aussi[modifier | modifier le code]

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Bibliographie[modifier | modifier le code]

Document utilisé pour la rédaction de l’article : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

Textes sacrés[modifier | modifier le code]

  • Livre de la révélation (en kurde dialecte kurmanji Jilwe, Ketêba Jelwa, Kitêba Cilwe ; en arabe Kitâb al-Jilwah ; publié en 1913 ; attribué à Sheikh Adi ibn Musafir, mort en 1162) [1]. Trad. en anglais par Isya Joseph (1919) et E. G. Browne : Kitab al-Jilwah, 2016, 32 p.[2]. Trad. en français par Anastase Marie de Saint Élie, "La découverte récente des deux livres sacrés des Yézidis", Anthropos, Vienne, t. VI, 1911, p. 1-39.
  • Livre noir (Mashafâ Resh en kurde dialecte kurmanji, Mechef Rech ; publié en 1911). Trad. en anglais [3] [4]. Trad. en français par Anastase Marie de Saint Élie, « La découverte récente des deux livres sacrés des Yézidis », Anthropos, Vienne, t. VI, 1911, p. 1-39.
  • extraits : [5]

Sources historiques[modifier | modifier le code]

  • Muhammad al-Shahrastani (trad. Peeters/UNESCO), Livre des religions et des sectes, 1986-1995, 578 p.
  • Mîr Sharaf al-Dîn Bidlîsi (trad. François-Bernard Charmoy), Sharafnâma. Chronique dynastique kurde, Saint-Pétersbourg, Académie des sciences, 1868-1875

Études[modifier | modifier le code]

  • Bayram Balci, Religion et politique dans le Caucase post-soviétique : les traditions réinventées à l'épreuve des influences extérieures, Paris, Istanbul, Maisonneuve & Larose, , 365 p. (ISBN 978-2-7068-1967-4)
  • Mercier Célia, Il nous traitait comme des bêtes, Paris, Flammarion,
  • Maurizio Garzoni, Notice sur les Yésidis,
  • Patrick Desbois et Nastasie Costel, La Fabrique des terroristes : dans les secrets de Daech, Fayard,
  • Joachim Menant (préf. Gilles Munier), Les Yezidis, Ceux Qu'on Appelait Les Adorateurs Du Diable, Paris, Erick Bonnier,
  • Sabri Cigerli, Les Kurdes et leur histoire, Paris, L'Harmattan, coll. « Comprendre le Moyen-Orient »,
  • (en) J. S. Guest, The Yezidis, Londres, KPI,
  • (en) Ph. G. Kreyenbroek, Yezidism : Its Background, Observances and Textual Tradition, The Edwin Mellen Press,
  • Roger Lescot, Enquête sur les Yézidis de Syrie et du Djebel Sindjar, Beyrouth, Librairie du Liban,
  • Michel Malherbe, Les religions de l'humanité, Criterion (ISBN 978-2-7413-0043-4 et 2-7413-0043-7)
  • Jacqueline Sammali, Être Kurde, un délit ? Portrait d'un peuple nié, L'Harmattan,
  • J. Sellier et A. Sellier, Atlas des peuples d'Orient, Moyen-Orient, Caucase, Asie centrale, Paris, La Découverte,
  • D. Sourdel et J. Sourdel, Dictionnaire historique de l’Islam, Paris, PUF,
  • J. Yacoub, Les Minorités dans le monde — Faits et analyses, Paris, Desclée de Brouwer,
  • Stéphane Yerasimos, Questions d'Orient — Frontières et minorités des Balkans au Caucase, Paris, La Découverte / Hérodote,
  • Les Kurdes yézidis en Géorgie, France, Commission des recours des réfugiés,
  • Les Kurdes yézidis en Arménie, France, Commission des recours des réfugiés,
  • Marguerite Rutten, Eugène Cavaignac et René Largement, « Ninive », Supplément au Dictionnaire de la Bible 6,‎ 1960, col. 480-505
  • (en) Julian Reade, « Ninive (Nineveh) », dans Reallexikon der Assyriologie und Vorderasiatischen Archäologie, vol. IX (5-6), Berlin, De Gruyter, , p. 388-433
  • (de) Şefik Tagay et Serhat Ortaç, Die Eziden und das Ezidentum : Geschichte und Gegenwart einer vom Untergang bedrohten Religion, Hambourg, Landeszentrale für politische Bildung, , 217 p. (ISBN 978-3-946246-03-9). Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]