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Les 100 meilleurs batteurs de tous les temps

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The Police
© Lynn Goldsmith/Corbis/VCG via Getty Images

Des rois du rock au princes du punk, voici les 100 meilleurs batteurs de tous les temps, selon Rolling Stone 

16 juillet 1952 : Naissance de Stewart Copeland, batteur de The Police

100 – Christian Vander

Le musicien et compositeur Christian Vander fait partie des batteurs qui ne sont pas forcément connus pour leur jeu. Il est connu en particulier pour être le cofondateur du groupe Magma. « La musique de Magma est née un jour de printemps de mon amour pour John Coltrane et de ma profonde tristesse quant à l’incapacité des humains à se comprendre », a déclaré Vander dans une interview en 2015.

99 – Travis Barker

Travis Barker, du groupe Blink-182, est l’un des batteurs les plus célèbres du nouveau millénaire, grâce à sa sensibilité hardcore, son esthétique de skater, son énergie hip-hop et son attrait pour la pop – sans oublier sa facilité à travailler avec des superstars de l’EDM ou des rappeurs, et à faire le DJ pendant son temps libre. « Je peux faire des beats toute la journée, et c’est quelque chose qui me touche. Je n’ai jamais entendu parler d’un batteur qui sert des beats à des gens comme ça, qui les donne à mes amis hip-hop », a déclaré Barker à Drum ! Magazine. C’est un artiste au jeu féroce, qui n’a pas peur d’être théâtral.

98 – Steven Adler

Les débuts historiques de Guns N’ Roses, Appetite for Destruction, tirent une grande partie de leur dynamisme des rythmes à la fois tendus et swinguants de Steven Adler. « Au crédit de Steven, et à l’insu de la plupart des gens, l’ambiance et l’énergie d’Appetite lui sont largement dues, écrit Slash dans son autobiographie. Il avait un style de batterie inimitable qui ne pouvait pas vraiment être remplacé, une légèreté presque adolescente qui a donné au groupe son étincelle ». Le bassiste Duff McKagan est d’accord : « Sans son groove, nous n’aurions pas trouvé beaucoup de ces riffs, » a-t-il déclaré à The Onion A.V. Club en 2011. Adler, qui a été renvoyé du groupe en 1990, a été remplacé par des batteurs techniquement avancés comme Matt Sorum et Frank Ferrer. Remplacé mais jamais égalé !

97 – Cindy Blackman

En 1993, Cindy Blackman a changé le cours de sa carrière, passant d’une as du jazz à la Tony Williams à une rock star des arènes en tant que membre du groupe de Lenny Kravitz. « Mon travail [avec Lenny] consiste à jouer un rythme pendant des heures, à ajouter des remplissages et des couleurs excitantes, lorsque c’est approprié, a-t-elle déclaré à The Villager. Mon travail dans mon groupe ou dans une situation créative est une chose totalement différente. Nous pouvons commencer par un groove qui me plaît – je peux aussi jouer cela pendant des heures, mais je vais l’explorer, l’étendre et le modifier, jouer avec le rythme et intervenir avec les solistes. »

96 – Larry Mullen Jr

Le seul membre de U2 qui ressemble réellement à une rock star a débuté sa carrière à la fin des années 70 en tant qu’amateur post-punk. À un moment donné, ses camarades de groupe ont envisagé de le mettre à la porte, une décision encouragée lors de l’enregistrement de la première démo de U2, lorsqu’un producteur fut choqué par le chronométrage douteux de Mullen. Il a cependant renversé la situation pour devenir l’un des skinsmen les plus influents du rock. Technologiquement avisé et étonnamment funky, Mullen fait en sorte que les grooves de U2 soient toujours tournés vers l’avenir.

95 – Chris Dave

Bien qu’il ne soit pas un mainstream, le spécialiste du R&B de 42 ans, connu sous le nom de Daddy, est légendaire dans son milieu. À l’instar d’un ornement de capot de Cadillac ou d’un logo Tiffany, la présence de Chris Dave sur une session est une marque de pure classe ; il apparaît sur certains des albums les plus en vue de la pop contemporaine, dont 21 d’Adele et Black Messiah de D’Angelo. Même s’il a grandi en idolâtrant des grands noms du jazz comme Tony Williams – et, plus tard, en canalisant ces inspirations dans son travail aux côtés d’as de l’improvisation comme Robert Glasper – c’est en tant que batteur qu’il a eu le plus d’impact. Le grand don de Dave est de créer des rythmes qui font dresser l’oreille, souvent réalisés sur un kit bricolé avec jusqu’à cinq caisses claires, et qui se fondent parfaitement dans le son d’un groupe.

94 – Meg White

L’approche idiosyncrasique et primitive de Meg White à la batterie a été fondamentale pour la notoriété des White Stripes, qui ont porté leurs tenues aux couleurs bonbon et leur blues dépouillé jusqu’à la gloire au début des années 80. Des morceaux comme « Dead Leaves and the Dirty Ground » et « Blue Orchid » ont été animés par son jeu de batterie simple et trompeur, qui a contribué à définir le style des White Stripes. « Je la regardais souvent sur scène en me disant : « Je n’arrive pas à croire qu’elle soit là ». Je ne pense pas qu’elle ait compris à quel point elle était importante pour le groupe, pour moi et pour la musique », a déclaré Jack White à Rolling Stone en 2014. « Elle était l’antithèse d’un batteur moderne. Tellement enfantine, incroyable et inspirante. Tout le non-dit n’avait pas d’importance, parce que sur scène ? Rien de ce que je fais ne pourra dépasser ça. »

93 – Tomas Haake

Depuis le premier album de Meshuggah, Contradictions Collapse, paru en 1991, Haake a modifié son approche en ajoutant des rythmes électroniques et des motifs de batterie de plus en plus sophistiqués, grâce aux guitaristes Fredrik Thordendal et Mårten Hagström. « Les gars écrivent tous sur des ordinateurs, et j’émule ce qu’ils ont écrit, explique Haake. Cela rend parfois la batterie maladroite, mais en même temps, c’est un grand défi et un obstacle à surmonter. Cela me laisse vraiment en alerte. »

92 – Ralph Molina

Neil Young a joué avec de nombreux batteurs au cours des 50 dernières années, mais il revient toujours à Ralph Molina, qu’il a rencontré pour la première fois à l’époque de Buffalo Springfield, lorsqu’il était membre des Rockets. Comme ses comparses du Crazy Horse, Molina est tout sauf un virtuose à l’emporte-pièce. « Je peux commencer à jouer de la guitare, et Ralph peut la prendre sur le mauvais rythme et la jouer à l’envers, a déclaré Young au biographe Jimmy McDonough. Ça arrive tout le temps. Ça n’arrive jamais avec les groupes professionnels. » Il ne veut pas dire ça comme une insulte. C’est ce genre de jeu brut, qui vient des tripes – et un don pour les contretemps terreux qui se traînent avec une grâce élémentaire sous les envolées fuzzées caractéristiques de Young – qui a aidé Molina à poser les bases de « Down by the River », « Cinnamon Girl » et d’autres classiques intemporels. « Nous ne connaissons pas les chartes, nous n’avons pas de règles, a déclaré Molina en 2011 à propos de son travail avec Young. Nous commençons simplement à jouer. La magie semble se produire d’elle-même… «  La preuve en est évidente sur n’importe quel enregistrement du Crazy Horse, de Everybody Knows This Is Nowhere de 1969 à Psychedelic Pill de 2012.

91 – Brian Chippendale

« Toutes nos œuvres sont un moyen de nous amener à quelque chose qui change la donne d’un point de vue musical, a déclaré Brian Chippendale. Ou juste ce sentiment de, ‘Je ne vais pas m’arrêter. Je vais continuer à jouer du tambour aussi longtemps que je le peux ». Le duo de longue date de Chippendale, Lightning Bolt, traite le noise-rock comme une musique corporelle, sa grosse caisse palpitant de manière experte aux côtés de la basse fuzz-gush de Brian Gibson. « Lightning Bolt est passé il y a quelques années et s’est produit en Angleterre [à] All Tomorrow’s Parties, et il y avait ce petit extrait que tous mes amis m’ont envoyé », a déclaré Björk à Pitchfork au sujet de la présence de Chippendale sur l’album Volta de 2007. « Je l’ai écouté tellement de fois, et je n’ai jamais pensé sur terre que je travaillerais avec quelqu’un comme ça. »

90 – Janet Weiss

« Janet a créé une partie de batterie, féroce et solide, nous pouvions pratiquement nous frapper la tête contre elle », Corin Tucker a raconté à Drum ! comment Janet Weiss a rejoint Sleater-Kinney. « Puis nous étions trois. » Depuis qu’elle a fait équipe avec Tucker et Carrie Brownstein en 1996, Janet Weiss a été la fondation de l’institution alt-rock, tout en apportant ses talents mordants à Bright Eyes, the Jicks, the Shins et bien d’autres. Mais c’est son travail avec Sleater-Kinney qui s’est avéré le plus influent. « La musique, pour moi, est la plus immédiate de toutes les formes d’art. Peut-être parce que je suis physique. … Je tape sur des objets. Il y a une physicalité dans notre musique. Nous utilisons toutes les parties de notre corps », a-t-elle déclaré à Paper dans une interview consacrée à son supergroupe Wild Flag. « Les femmes n’ont pas souvent le droit d’être des animaux. Et là, nous le sommes. »

89 – Bill Stevenson

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Interview – Stereophonics : le retour des princes de Galles

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Kelly Jones
James D Kelly

A l’occasion de la sortie d’Oochya!, 12e album de Stereophonics, nous avons interviewé Kelly Jones. Selon lui le “monde d’après” est marqué par l’optimisme et la nostalgie.

3 juin 1974 : naissance de Kelly Jones, chanteur de Stereophonics

Comment avez-vous vécu la pandémie ?

Nous venions de finir notre tournée quand nous sommes entrés en confinement… C’était en avril. Ma femme a accouché de notre quatrième enfant, le 1er mai… La 1re année, j’ai donc consacré mon temps et mon énergie à ma famille. Puis, progressivement, j’ai commencé à redevenir créatif, à faire de la musique… et plein d’autres choses !
Cette pandémie a été pour moi la première occasion en 25 ans où il m’a fallu arrêter de bouger, de me produire sur scène… Et pourtant, il n’y a pas eu de relâchement ! C’était vraiment une période intéressante entre ce que ma tête ressentait (l’envie de bouger) et les envies de mon corps (s’arrêter). Il a donc fallu faire en sorte que les deux se rejoignent…

En quoi cela a influencé l’atmosphère de l’album ?

Ce disque est né d’un catalyseur, d’une idée : je voulais à l’origine faire une compilation de 25 ans de chansons… Mais, très vite, ça s’est transformé en compilation de chansons, certes, mais non-terminées ou non-utilisées jusque-là… Je suis donc très content de ce revirement ! Certaines démos ont été retravaillées. Un tas d’autres a été écrit pour l’occasion… Le groupe s’est réuni et nous avons enregistré quasiment tout l’album en sept jours, avant d’aller le mixer à Londres.

Qu’en pensez-vous, aujourd’hui, avec le recul ?

C’est un disque qui montre beaucoup de facettes différentes du groupe. Il y a vraiment des chansons rock’n’roll ! Mais ça n’a pas non plus empêché d’y joindre quelques titres pleins d’âme. Un équilibre entre moments magnifiques, suspendus, légers et d’autres qui sont plus… sombres. Réalistes.

La mer et le soleil sont des thèmes qui reviennent souvent… Est-ce parce que c’était le contexte d’écriture ?

Ah oui ? [il réfléchit] Je pense que les saisons et le climat peuvent permettre de décrire comment les gens se sentent et… leurs perspectives de vie. Le soleil qui se lève puis se couche représente le temps qui passe, le fait que demain est un autre jour. C’est une métaphore très pratique, accessible… en plus d’être universelle ! Mais, oui, j’ai toujours utilisé des descriptions assez cinématographique et pittoresques dans mes textes.

Vos textes sont d’ailleurs très optimistes. Est-ce l’amour, la nostalgie… ?

Il n’y a pas de thème général qui se dégage, de fil conducteur… Comment pourrait-il y avoir une unité, étant donné que l’ensemble a été écrit à des époques et avec des sentiments différents ?
Prenez “Right Place Right Time”… C’est une chanson consciente. Idem pour “Every Dog Has Its Day” ! Tout l’inverse d’un “Forever” très optimiste… “Hanging On Your Hinges” est très rock’n’roll à la Stooges ! Et puis, oui, il y a parfois de la nostalgie : “Close Enough To Drive Home” et “Seen That Look Before”, par exemple. C’est cette diversité d’idées et d’intention qui a inspiré le titre de l’album, pouvant autant signifier la surprise que la vengeance.

Samuel Degasne

Retrouvez cette interview de Stereophonics en intégralité dans l’hebdo de Rolling Stone n°74, disponible ici.

Oochya!, le nouvel album de Stereophonics, est disponible à l’achat et à l’écoute.

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Bruce Springsteen : 10 anecdotes sur “Darkness on the Edge of Town”

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bruce springsteen
© Getty Images

Le quatrième album studio de Bruce Springsteen, Darkness on the Edge of Town, est sorti le 02 juin 1978. (Re)découvrez comment le punk, la country et d’autres genres musicaux parsèment ce disque culte.

« Il y a quelque chose d’effrayant à voir nos rêves se réaliser, parce qu’ils peuvent ou non surpasser ce à quoi l’on s’attendait, » confiait Bruce Springsteen à Rolling Stone en 1987 au sujet de la genèse de son iconique Darkness on the Edge of Town, réédité depuis. « Je crois que lorsque les gens rêvent, ils rêvent d’une vie sans complication. Et ça n’existe pas. »

Les rêves de rock and roll de Bruce Springsteen devinrent réalité en 1975 avec la sortie de son troisième album, Born to Run. Encensé par la critique, il s’est hissé jusqu’à la troisième place du Billboard 200, son single éponyme grimpant quant à lui à la 21ème place du hit-parade, ce qui a permis à Springsteen de figurer simultanément en couverture du Time et de Newsweek, et d’établir sa réputation comme nouveau héro rock des seventies.

Mais avec le succès de Born to Run vinrent un déluge de prises de têtes et d’embûches, qui colorèrent de façon significative le ton du prochain album de Bruce Springsteen, et en retardèrent l’enregistrement.  « Born to Run m’avait permis de m’offrir un piano Steinway et une Corvette Chevrolet de 1960, » écrivait-il dans son autobiographie en 2016. « Pour le reste, ce n’était que des factures que Mike [Appel, le manager de Springsteen] avait dissimulé pour nous garder à flot. »

En plus des complications sus mentionnées et de la pression de faire mieux, Springsteen et le E Street Band ne pouvaient légalement pas entrer dans un studio d’enregistrement sans l’approbation de leur manager…  que Springsteen poursuivait en justice pour annuler le contrat qu’il avait signé avec sa société en 1972. Tandis que Bruce Springsteen et les E Streeters avaient tenté de planifier le début de l’enregistrement de la suite de Born to Run en juin 1976, ils ne commencent à enregistrer les morceaux qui deviendront par la suite Darkness on the Edge of Town qu’un an plus tard, après qu’Appel et Springsteen aient enfin réglé leur différent hors des tribunaux.

Darkness sorti dans les bacs le 2 Juin 1978, révélant un artiste dont le son et la vision avait dramatiquement changé depuis la sortie de Born to Run. Remballés les personnages se battant pour être libres ; les voilà remplacés par des chansons plus dures que tout ce que Springsteen avait enregistré jusque là, racontant les histoires de personnes écrasées par les mêmes réalités sociales auxquelles les personnages de Born to Run avaient désespérément essayés d’échapper.

« Avec Darkness, j’étais prêt au combat. » écrivait-il dans Born to Run. « Mes protagonistes devaient se défaire de tout ce qui était inutile pour survivre. Dans Born to Run, une bataille personnelle était engagée, mais une guerre collective continuait. Dans Darkness, les implications politiques des parcours de vie que je décrivais étaient au premier plan. »

  1. Darkness on the Edge of Town était le premier album que Bruce Springsteen a être enregistré des les conditions du live par le E Street Band, cependant ça ne veut pas dire que ça été rapide ou efficace.

A l’été 1977, le E Street Band – alors composé du guitariste Steve Van Zandt, du saxophoniste Clarence Clemons, du pianiste Roy Brittan, de l’organiste Danny Federici, du bassiste Garry Tallent et du batteur Max Weinberg – pouvait se plier presque immédiatement à tous les caprices musicaux de Bruce Springsteen, c’était donc logique que les chansons de Darkness soient enregistrées dans les conditions du live. Malheureusement, la recherche perpétuelle de Springsteen du son ultime a contrecarrée tout ce qu’un tel arrangement aurait pu avoir d’efficace. Mécontent de ce qu’il obtenait aux studios Atlantic de New York, Springsteen déplaça les séances d’enregistrements à la Record Plant. Le co-producteur Jon Landau et l’ingénieur Jimmy Iovine passèrent d’interminables semaines à essayer de trouver le mix de batterie idéal.

« Des journées durant, les seuls sons qui émanaient du Studio B de la Record Plant étaient l’interminable bruit sourd des coups de baguettes de Max sur les toms, » écrivait Bruce Springsteen dans Born to Run. « Lorsque le jeu de batterie est énergique mais que le mix est en sourdine, ça laisse pas mal de place pour les guitares. Lorsque les guitares sont puissantes mais ne font pas de vague, on peut avoir des batteries la taille d’une maison. Reste qu’il faut faire des choix » Entre le challenge sonique que représentaient un tel enregistrement et le nombre important de chansons écrites par Springsteen, il fallait bien un an.

  1. Des classiques américains comme La Prisonnière du Désert et A L’Est d’Eden ont lourdement influencé l’album.

Même si Darkness on the Edge of Town n’était un pas un concept album dans le sens classique du terme, Springsteen voulait que les chansons de l’album ait un aspect cinématographique, un désir qui est né de ses heures passées à regarder des films tels que La Prisonnière du Désert de John Ford et des films noir des années 40 et 50.  

« Il n’y a pas de répit qui tienne, » expliquait-il à Rolling Stone peu après la sortie de l’album. « On capture une action en train de se dérouler, et à un certain moment, la caméra s’éloigne et peu importe ce qui se passe, ça se pase. Les chansons que j’écris, elles n’ont pas de début ni de fin. La caméra fait le point et elle repart. »

Chuck Plotkin, qui a mixé l’album, se rappelle dans le documentaire The Promise : The Making of Darkness on the Edge of Town que Springsteen voulait que l’album soit cinématographique dans la façon dont il allait passer d’une chanson à l’autre.  En ce qui concerne la transition de « Badlands » à « Adam Raised a Cain », Springsteen a dit à Plotkin : « Voilà ce que je veux que tu fasses. Imagine que tu es au cinéma et qu’à l’écran il y a deux amants en train de pique-niquer. Et ensuite la caméra coupe brutalement sur un cadavre. Cette chanson c’est le cadavre. »

  1. Le son et le ton de Darkness on the Edge of Town sont en partie inspirés par le punk anglais.

« Je recherchais un son plus épuré, un peu plus énervé, » se rappelait Springsteen dans The Promise. « Je voulais endurcir les chansons. Je voulais que l’album ait du mordant. » Alors qu’un son plus énervé fonctionnait pour des titres comme « Badlands » ou « Adam Raised a Cain », Springsteen s’engage dans la voie des groupes punks Anglais comme les Sex Pistols et les Clash. « Darkness a été également influencé par l’explosion du punk à l’époque, » confiait-il au public du Festival SXSW en 2012. « J’ai acheté tous les nouveaux albums estampillés punk… Ils étaient courageux, vous mettaient au défi… et vous rendaient courageux. Beaucoup de cette énergie est présente dans le sous-texte de Darkness. En 1977, on ne pouvait pas ignorer ce genre de musique. Des pairs l’ont fait. Et ils ont eu tort. On ne pouvait pas ignorer ce défi. »

  1. Le nouvel amour de Bruce Springsteen pour la country l’a aidé à écrire les paroles de l’album.

Si le punk a impacté la musique de l’album, les paroles de Darkness, et particulièrement des chansons comme « Factory » et « Prove It All Night », révèlent une influence grandissante de la musique country sur l’écriture de Springsteen. Ayant ignoré longtemps la country traditionnelle, il s’est retrouvé attiré par la simplicité de ces paroles, la nature brute de ces sujets et son attitude souvent fataliste.

« J’ai trouvé le blues dans la country, » se rappelle Springsteen à l’ouverture du Festival SXSW. « C’était ‘le blues du travailleur’ : la réalisation stoïque de la réalité du quotidien, et les petits riens qui vous permettent de mettre un pied devant l’autre. J’ai trouvé que le fatalisme de la country me plaisait. C’était réfléchit. C’était drôle. Mais c’était assez fataliste. »

  1. Les deux plus grands hits issus des sessions d’enregistrement de Darkness on the Edge of Town furent enregistrées par d’autres artistes.

La période séparant Born to Run et Darkness on the Edge of Town fut une des plus prolifique de Springsteen en tant qu’auteur-compositeur. Il avait écrit tellement de chansons pour l’album que d’autres artistes finirent par profiter de ce surplus, à commencer par Southside Johnny, Robert Gordon, Greg Kihn et Gary U.S. Bonds. Alors que « Prove it All Night » était le seul single de Darkness à atteindre la 33ème place du Top 40, deux artistes ont connu un succès phénoménal avec des compositions du Boss : Les Pointer Sisters grimpèrent à la deuxième place des charts avec leur enregistrement de « Fire » et Patti Smith connu le plus grand succès de sa carrière avec « Because the Night, » qui a atteint la 13ème place des charts américains et la 5ème des britanniques.

Smith enregistrait Easter avec Jimmy Iovine au moment où ce dernier travaillait sur Darkness. Elle a pris le morceau inachevé « Because the Night » et y a ajouter un couplet inspiré par sa relation longue distance avec son futur mari Fred « Sonic » Smith. « Je savais que je n’allais pas terminer la chanson, parce que c’était une chanson d’amour, et à cette époque j’avais le sentiment de ne pas être capable de les écrire, » se rappelle Springsteen dans The Promise, expliquant sa décision de donner la chanson à Patti Smith. « J’étais réticent à écrire une vraie chanson d’amour comme ‘Because the Night’. Je crois que j’étais trop peureux pour écrire ça à l’époque. Mais elle, elle était courageuse. »

  1. « Darkness on the Edge of Town », “Racing in the Street” et “Badlands” ont tout d’abord été des titres, Bruce Springsteen complétant le reste des paroles plus tard.

Peut-être est-ce du à sa fascination grandissante avec le cinéma, mais Springsteen s’est retrouvé a essayer plusieurs manières d’écrire des chansons… dont l’écriture de simples titres qui sonnaient bien dans ses cahiers. « Quand on choisis un titre de chanson comme ‘Racing in the Street,’ on sait que ce sera une chanson difficile à écrire, » confiait-il à Rolling Stone en 2010. « Donc j’inventais les titres, et je partais à la recherche des chansons qui les mériteraient. »

  1. Le riff principal de ‘Badlands’ est tiré de ‘Don’t let Me Be Misunderstood’ de The Animals.

Durant sa carrière, Springsteen a souvent rendu hommage à The Animals, que ce soit en chantant leurs louanges en interview, ou en reprenant les hits du groupe britannique « We Gotta Get Out of This Place » et « It’s My Life » en concert. « Pour certains, c’était juste un des meilleurs groupes des Sixties, » expliquait-il dans son discours au SXSW en 2012. « Mais pour moi, The Animals était une vraie révélation. Leur premiers albums sont impressionnants. »

Durant son discours, Springsteen a aussi mentionné l’influence du groupe sur Darkness on the Edge of Town avant de joyeusement démontrer  comment il avait tiré le riff principal de « Badlands » de « Don’t Let Me Be Misunderstood ». « C’est le même putain de riff, mec. » confiait-il, jouant les intros des deux chansons l’une à la suite de l’autre. « Écoutez bien les jeunes : c’est comme ça que l’on vole avec succès d’accord ? »

  1. A l’origine l’album de Bruce Springsteen devait s’appeler Badlands et le département artistique de Columbia Records avait même crée une pochette d’album correspondante.

Malgré le fait que Springsteen et le E Street Band avaient travaillés plusieurs fois sur la chanson « Darkness on the Edge of Town » durant les premiers stades de l’enregistrement de l’album, la chanson ne fut complétée qu’en mars 1978. Columbia s’était alors contenté de « Badlands » et avait même commandé à son département artistique une maquette de la pochette de l’album en octobre 1977.

La liste des chansons de cette version précoce de l’album incluait « Badlands », « Streets of Fire », »Promised Land », « Prove It All Night », « Candy’s Room » (sous son titre provisoire « Candy’s Boy ») et « Racing in the Streets ». Figurait aussi deux chansons qui n’ont pas été inclut dans l’album définitif : « Don’t Look Back » fut remplacée par « Darkness on the Edge of Town » et « Independence Day » qui se retrouverait sur The River en 1980 aux côtés de « Drive All Night », « Sherry Darling » et « Ramrod », trois autres chansons qui furent originalement écrite et enregistrée durant les sessions d’enregistrement de Darkness.

  1. Le solo de saxophone de Clarence Clemons  sur « Badlands » a été ajouté à la dernière minute.

Alors que les chansons de Darkness commençaient à prendre forme, Springsteen réalisa que le son plus tendu qu’il cherchait demandait de se concentrer davantage sur son jeu de guitare, même si cela signifiait laisser moins de place au saxophoniste Clarence Clemons. « La guitare a fait son retour dans Darkness parce qu’il était devenu moins urbain. Si on réduit le saxo, ça laissera plus de place à la guitare, » expliquait-il à Rolling Stone en 2010. « Le sax est un instrument chaud et mélodique. Si je voulais quelque chose de plus sale et brut, il fallait de la guitare. »      

Darkness en état déjà à l’étape du mixage quand Springsteen a réalisé qu’il devait faire machine arrière. Il a donc appelé Clemons et lui a fait enregistrer le désormais célèbre solo de « Badlands ». « C’était un solo de guitare à la base, » se rappelle Springsteen dans The Promise. « À la fin de l’enregistrement, je pensais que nous manquions de saxophone. J’ai sorti ma guitare et Clarence a joué par-dessus. »  

  1. Les photos de Bruce Springsteen sur les pochettes de Darkness on the Edge of Town et The River proviennent de la même session avec le photographe Frank Stefanko.

« Je connaissais un peu Patti Smith au travers de notre travail sur ‘Because The Night’, » se rappelle Springsteen dans Born To Run. « Quand je lui ai rendu visite pendant une de ses représentations au Bottom Line, elle m’a donné le nom d’un photographe de South Jersey et m’a dit que je devrais le laisser me photographier. » Son nom était Frank Stefanko, et sa sensibilité visuelle brute était en parfaite adéquation avec la crudité de Darkness on the Edge of Town. Springsteen a tellement adoré le résultat de leur session photo de quatre jours qu’il utilisa les images pour la couverture de Darkness, mais également de The River.

« Bruce est allé en Californie pour travailler sur The River, » confiait Stefanki à Rolling Stone en 2017. «  »Il m’a appelé. Il avait en sa possession toutes les photos de la session Darkness. Il les feuilletait. Pendant deux semaines, on a eu de nombreux échanges. Il m’appelait depuis la Californie à deux heure du matin et me disait juste : ‘Sors la photo 28. Regarde le négatif numéro quatre. Est-ce qu’on peut rendre le côté droit un peu plus sombre ?’ Je passais la nuit dans ma chambre noire et je lui envoyais le tout par FedEx. On a fait ça jusqu’à ce qu’il choisisse un portrait en gros plan pour lequel il portait la même chemise à carreaux que dans ‘Corvette Winter’ [La photographie de Stefanko utilisée sur la couverture du livre Born to Run]. »

Par Dan Epstein

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Blink-182 : retour à roulettes

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Blink-182
Nicko Guihal / Live Nation

Le 9 octobre, Blink-182 était de retour avec son line up emblématique dans une Accor Arena remplie et acquise à la cause du trio.

1er juin 1999 : sortie d’Enema of the State de blink-182

Les venues des trois Californiens s’étaient faites rares en France. L’annonce du retour de Tom DeLonge au sein de blink-182 couplée avec celle du passage à l’Accor Arena, près de dix-neuf ans après leur dernière venue dans la salle parisienne, a suffi à faire bouger les foules. Ainsi, la salle remplie et le public motivé donne même quelques miettes de son enthousiasme à The Story So Far, groupe de punk-rock qui assure la première partie.

Mais l’enthousiasme explose en même temps que les feux d’artifice lorsque les musiciens, remontés comme jamais, arrivent sur scène et enchaînent les tubes comme “Dammit” ou “All The Small Things”, sans oublier leurs nouveaux morceaux, à l’approche de la sortie de One More Time, leur nouvel album. Avec une scène avancée dans la fosse, Mark Hoppus a la place pour sautiller en beau diable lorsqu’avec Tom DeLonge au chant ils ne se renvoient pas la balle. Côté batterie, Travis Barker montre qu’il n’a perdu ni son talent de batteur ni son sens de la démesure, en jouant sur une batterie suspendue à quelques mètres du sol le temps de quelques morceaux.

Si le spectacle foisonne d’effets délirants, blink-182 sait aussi amuser la galerie avec diverses blagues plus ou moins graveleuses entre Mark Hoppus et Tom DeLonge, offrant une capsule temporelle vers les années 2000. Le trio californien digne représentant du mouvement “punk à roulettes” montre qu’il est bel et bien de retour et que les années n’ont pas atteint sa forme juvénile. “What’s My Age Again?” On peine à y répondre.

Setlist :
  1. Anthem Part Two
  2. The Rock Show
  3. Family Reunion
  4. Man Overboard
  5. Feeling This
  6. Violence
  7. Up All Night
  8. Dumpweed
  9. Aliens Exist
  10. Dysentery Gary
  11. MORE THAN YOU KNOW
  12. EDGING
  13. DANCE WITH ME
  14. Happy Holidays, You Bastard
  15. Happy Holidays, You Bastard
  16. Stay Together for the Kids
  17. Always
  18. Down
  19. Bored to Death
  20. I Miss You
  21. Adam’s Song
  22. Ghost on the Dance Floor
  23. What’s My Age Again?
  24. First Date
  25. All the Small Things
  26. Dammit
  27. ONE MORE TIME

Mathieu David

Retrouvez ce live report dans Rolling Stone l’Hebdo n°133, disponible via notre boutique en ligne.

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31 mai 1948 : naissance de John “Bonzo” Bonham

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Led Zeppelin John Bonham
© Jeffrey Mayer/WireImage

Batteur mythique du non moins mythique Led Zeppelin. La disparition de John Bonham entérine la fin de l’un des plus grands groupes de rock’n’roll de l’histoire. Hommage

John Bonham, membre mythique de Led Zeppelin, est considéré comme l’un des plus grands et influents batteurs de rock de tous les temps. Bonham est né le 31 mai 1948 et mort le 25 septembre 1980 à l’âge de 32 ans.

On ne peut pas parler de la fin de Led Zeppelin – on ne peut pas parler de façon éloquente de Led Zeppelin en bien ou en mal – sans prendre en compte John Bonham. D’une certaine façon, il était le centre de l’histoire du groupe et la force qui propulsait sa musique. Bonham avait grandi un verre à la main dans le Black Country et se retrouva sur une scène musicale où, à l’époque, on buvait beaucoup. Le problème était que Bonham était alcoolique au plus haut degré. Beaucoup le décrivaient comme le plus chaleureux et réaliste des membres de Led Zeppelin quand il était sobre, mais après quelques verres, il pouvait être très agressif. Richard Cole pensait que le tempérament de Bonham venait de la tension qu’il éprouvait à être loin de sa femme et ses enfants. Dans Mojo, Nick Kent rapporta un souvenir que Bryan Ferry avait d’une nuit en compagnie de Bonham à Los Angeles : “Ferry a raconté que Bonham s’est mis à pleurer et l’a supplié de le ramener à la maison, dans sa famille dans les Midlands, terrifié par son appétit insatiable sur la route.”

« Jones dit plus tard à Cameron Crowe que sa mort avait l’air ‘terriblement arbitraire' »

Impitoyable

Mais parfois la conduite de Bonham était impitoyable. Un jour, d’après Hammer of the Gods, il tituba hors de la cabine du jet Starship, saoul, attrapa une hôtesse de l’air et annonça qu’il comptait la violer. Grant et Cole durent le ceinturer. Une autre fois, Bonham débarqua dans le bar rock le plus célèbre de L.A., le Rainbow, but dix Black Russians d’affilée, lança des regards mauvais à l’assemblée et quand une jeune femme le reconnut et lui sourit, il lui donna un coup de poing en plein visage et retourna boire.

Le 24 septembre 1980, Led Zeppelin se retrouva pour répéter avant la tournée américaine à venir. Bonham avait surmonté sa dépendance à l’héroïne et prenait un médicament pour calmer l’anxiété et la dépression – mais il avait aussi bu de la vodka toute la journée et l’alcool faisait empirer sa déprime. Plant se souvint que Bonham était fatigué et inconsolable : “Il disait, ‘Je ne veux pas faire ça. Tu joueras de la batterie et je chanterai.’ ” Bonham but pendant la répétition jusqu’à ce qu’il soit inutile de continuer à jouer. Puis le groupe se retrouva dans la nouvelle maison de Jimmy Page à Windsor. Bonham but plusieurs doubles vodkas et s’écroula vers minuit. Il fut installé dans une chambre d’amis par un assistant. Le lendemain, dans l’après-midi, John Paul Jones alla réveiller Bonham, accompagné par l’assistant de Plant, Benji LeFevre. Bonham était mort ; il s’était retourné dans son sommeil, avait bu de l’eau, vomi dans ses poumons et s’était étouffé. Jones dit plus tard à Cameron Crowe que sa mort avait l’air “terriblement arbitraire”.

« Il y avait aussi une sorte d’horrible innocence et d’intensité et, au milieu de tout ça, un génie magnifique. »

Anéantis

Ils n’en dirent pas plus pendant deux mois, mais tout était alors fini. “C’était si… définitif, dit Plant. Je n’ai jamais pensé à l’avenir du groupe ou de la musique.”

Dans l’histoire de Led Zeppelin, il y avait de l’orgueil et des fins tragiques. Il avait des jugements sévères et des sentiments anéantis – certains mérités, d’autres pas. Aussi une sorte d’horrible innocence et d’intensité et, au milieu de tout ça, un génie magnifique.

Il y avait surtout un poids à porter. Robert Plant – le membre du groupe qui semblait avait mûri le plus, mais à quel prix – garda ses distances vis-à-vis de l’histoire et de la musique de Led Zep pendant des années. À l’inverse, Jimmy Page, aimait l’histoire et la musique du groupe et en resta proche. Remasterisant les albums, compilant des lives inédits en CD et en DVD et jouant du Led Zeppelin sur scène dès qu’il le pouvait. De son côté, John Paul Jones vit calmement avec sa famille. Il travaille comme arrangeur et producteur et enregistre sans tapage (il a surmonté ses problèmes de drogue en 1983).

Page, Plant et Jones jouèrent ensemble quelques fois après 1980 – au Live Aid en 1985, au 40e anniversaire d’Atlantic Records en 1988 et lors de l’intronisation du groupe au Rock & Roll Hall of Fame en 1995 – mais aucune de ces occasions ne les combla. Pas même ce tout dernier concert en 2007 à l’O2 Arena de Londres en hommage à Ahmet Ertegun. Avec Jason Bonham, fils du regretté John, derrière les fûts. Ils savaient ce qui manquait.

Belkacem Bahlouli

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Ephemeride

Tom Morello : « Mes seules armes, une guitare et quelques micros »

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Le guitariste militant Tom Morello fête aujourd’hui ses 60 ans ! Il embarque ses riffs et ses effets dans ses univers inédits pour lui… Entretien 

Jouer avec les mots, les faire claquer surtout, Tom Morello a toujours aimé ça, presque autant que de… trafiquer sa guitare. Fut un temps, celui de Rage Against the Machine, le diplômé d’Harvard laissait ça à Zack de La Rocha mais n’en pensait pas moins. Les formules et les phrases choc s’enchaînent quand il évoque son nouveau projet, Atlas Underground, amalgame assez étourdissant, musicalement comme dans ses textes sur lequel il a commencé à se pencher il y a maintenant quatre ans. Pour ce qu’il nomme volontiers une “conspiration sonore clandestine”, Morello le metalleux – il est le premier à reconnaître que c’est là son berceau musical – est allé se frotter aux cadors du hip hop américain (Big Boy, Killer Mike, Vis Mensa, GZA et RZA du Wu-Tang Clan, etc.) et de l’electro (Whethan, Josh Carter de Phantogram, Nico Stadi…), de la pop (Portugal the Man), de la folk (Marcus Mumford) ou du blues (Gary Clark Jr.) avec la volonté assumée de bouger les lignes et de ne rien abandonner de son activisme. Avant de retourner en studio avec les Prophets of Rage, Tom Morello se pose – brièvement – et s’explique.

Votre ambition affichée avec ce nouvel album était d’en faire un “Hendrix d’aujourd’hui”. Or, lui ne s’est jamais montré ouvertement politique dans ses textes.

C’est juste. Mais pour ce qui est du son, c’est autre chose. Si l’on devait établir un Top 10 des chansons les plus politiques de tous les temps, son interprétation de l’hymne américain à Woodstock y figurerait à coup sûr. Redéfinir, re contextualiser une telle chanson comme il l’a fait a remis en question la définition même de ce que signifie la musique ; et ça c’est profondément politique. Tu n’as pas besoin de mot pour ça.

Ce serait donc l’idée derrière ce nouvel album.

D’une certaine façon. À ma façon. Je vois en quelque sorte ce projet comme un cheval de Troie. Il veut se frayer un chemin sur un terrain, l’electro ou le hip hop, où les idées qu’il défend et la manière de les défendre ne sont peut-être pas forcément les bienvenues. La guitare n’a plus vraiment sa place dans les charts et ne l’a pas non plus sur les dancefloors. Idem pour les messages de révolte et de libération. Or c’est de ça qu’il s’agit ici. La guitare fait le lien avec tout ça, l’entremetteuse aussi (rires).

Atlas Underground serait-il le Judgment Night d’aujourd’hui ?

J’avais détesté cet album. Tout le monde avait trouvé ça génial, pas moi. Son résultat en tout cas, au-delà de la bonne idée [mêler pour les besoins d’une bande originale en 1993 artistes orientés rock ou metal avec d’autres venant de l’univers du hip-hop : Slayer avec Ice-T, Pearl Jam et Cypress Hill, etc.] Mais il contenait les graines de ce qui allait provoquer plus tard mes collaborations avec The Prodigy ou Crystal Method sur leur album Tweekend qui sont elles-mêmes à la base du concept d’Atlas… D’ailleurs à l’époque, s’ils n’avaient été aussi lents à travailler et sans cesse rivés sur leurs ordinateurs, j’aurais pu pousser plus loin l’expérience avec les gars de Crystal Method (rires).

« Ma seule responsabilité en tant qu’artiste est de rendre le travail que je fais et aime le plus authentique possible. »

Sur “We Don’t Need You”, Vic Mensa parle du 11 septembre comme d’un hoax. Tom Morello verserait-il dans les théories du complot ?

Non, non, je ne souscris à rien de tout ça et je suis certain que lui non plus (rires) ! Faudrait que l’on mette ça au clair. Je ne sais pas ce qui lui est passé par la tête…

Le riff de “Vigilante Nocturno” date des sessions d’Evil Empire, le second album de Rage Against the Machine en 1996. Vous en avez beaucoup comme ça au frigo ?

Un paquet (rires) ! Mon ordinateur en est rempli. Vous voulez un autre exemple ? Les toutes premières notes que l’on entend sur un album de Rage, à savoir celles de l’intro de “Bombtrack”, c’est quelque chose que j’avais composé à 19 ans lors de ma première année à l’université. Je l’avais gardé sur une cassette. Chaque fois que j’attaque un nouvel album ou un nouveau projet, je passe en revue les idées que j’ai pu stocker pour savoir si elles peuvent avoir une nouvelle vie.

On a pu lire encore que vous considériez cet album comme l’occasion d’une prise de conscience, qu’il était temps de sauver à la fois la planète et nos âmes d’artistes. En quoi ces âmes sont-elles en danger ?

Il s’agit de transformer nos convictions en vocation. Nous arrivons à un moment crucial de l’histoire du monde où il nous fait choisir. Faut-il prendre le risque en tant qu’organisation collective de poursuivre l’activité qui est la nôtre depuis deux siècles ? Mes seules armes, ce sont une guitare et quelques micros dans un studio. Je vais donc utiliser ce mégaphone du mieux que je peux pour que ma créativité me permettre de me battre tant qu’il en est encore temps.

À qui cherchez-vous à vous adresser ? À ceux qui vous suivent depuis Rage Against the Machine ou à un nouvel auditoire qui viendrait à vous via l’electro ou le hip-hop ?

Je ne vois pas les choses comme ça et je ne sais pas si le public de Vic Mensa ou de Knife Party veut entendre un solo de guitare. Ma seule responsabilité en tant qu’artiste est de rendre le travail que je fais et aime le plus authentique possible. Le public de ces artistes est en effet à des années-lumière de celui de Rage Against the Machine ou Audioslave. Mon envie était de les exposer tous à quelque chose qui ne leur est pas coutumier. Après, advienne que pourra.

Propos recueillis par Xavier Bonnet

Cet entretien a été initialement publié en 2018.

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