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« L’opium des imbéciles » : Rudy Reichstadt vent debout contre la tolérance au complotisme

Cet essai dense et volontariste pourfend tout autant les diffuseurs des théories du complot que ceux qui leur trouvent des excuses.

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Publié le 25 septembre 2019 à 06h00

Temps de Lecture 2 min.

Le livre. Rudy Reichstadt en a marre. Le fondateur du site Conspiracy Watch, qui publie depuis plusieurs années une veille très complète sur les théories et théoriciens du complot, en a assez de voir les « truthers » du 11-Septembre, voire les défenseurs de la Terre plate, bénéficier d’une oreille compatissante, voire complaisante. Non, insiste Rudy Reichstadt dans son essai, il n’y a pas de bonnes excuses pour croire au grand complot.

« Le complotisme ne relève pas de la psychiatrie. Il est avant tout une ressource discursive mise au service d’une lutte politique », écrit-il, dans cet essai dense où il développe l’idée que derrière toute théorie du complot se cache le spectre d’une idéologie qui préfère avancer masquée. « Un bénévole de France Terre d’asile ne peut pas croire que Mamadou Gassama, le jeune Malien qui est allé secourir au mépris du danger un enfant de 4 ans suspendu au balcon d’un immeuble, est l’acteur d’une farce mise en scène par on ne sait quel lobby pro-immigration. »

Semer le doute

Les théories du complot sont, en réalité, bien plus pernicieuses qu’on ne se le représente habituellement, juge M. Reichstadt. Leur but premier n’est pas de convaincre d’une thèse ; il est surtout de détruire le référentiel commun, qui « rabaisse la réalité factuelle au niveau de l’opinion ». C’est pour cela que les actions d’« agents étrangers » ou de sombres « forces subversives » font partie de la boîte à outils classique des gouvernements autoritaires, estime-t-il. Semer la confusion, noyer le poisson est à la fois simple et efficace ; c’est la raison pour laquelle après l’empoisonnement de Sergueï Skripal, en 2018, une dizaine de théories différentes ont été diffusées par des sites et médias pro-Poutine. L’important n’est pas tant d’établir un récit concluant, mais de faire en sorte que l’on ne puisse s’empêcher de douter.

Le complotisme est loin d’être réservé aux services de propagande étatique. Armé de quelques recettes rhétoriques prémâchées, comme le fait de se retrancher derrière le fait de « simplement poser des questions », le « premier imbécile venu » peut, « moyennant un investissement intellectuel modique, (…) faire semblant d’en imposer ». D’autres acteurs de la complosphère y trouvent une rétribution bien plus directe, en vivant de la vente de produits dérivés ou de la publicité en ligne.

La tentation est parfois grande de considérer les complotistes comme de doux dingues, et le complotisme comme « une lubie inoffensive, aux côtés de l’homéopathie et de l’astrologie. Mais la théorie du complot falsifie l’histoire (…). Elle prépare les génocides ». Et nécessite, argue Rudy Reichstadt, que chacun prenne ses responsabilités – médias, plates-formes numériques comme simples citoyens. « L’enjeu est trop important », conclut cet essai nerveux et dense. « Mais rien n’est perdu. L’immense majorité d’entre nous est à la fois douée de raison et capable de bonne foi. »

L’Opium des imbéciles : Essai sur la question complotiste, de Rudy Reichstadt, éd. Grasset, 192 pages, 17 euros.

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