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PP | 1/7782 1050 Bruxelles P.006842                ­€­‚ƒ„ †ƒ† ‡ 1  Alain DIERKENS, Président Anne VANDENbULcKE, Vice-Présidente Jean-Marie DUVOSEL, Vice-Président Stéphane DEmETER, Secrétaire général David KUSmAN, Trésorier Membres : Laurent BAVAY, Ann DEGRAEVE, Robert DE MÛELENAERE, Alexandra DE POORTER, Roland DE TImARY DE BINcKUm, David GUILARDIAN, Jean HOUSSIAU, Jean LEmAYLLEUX, Christophe LOIR, Didier MARTENS, Marina PELTZER et André VANRIE Membres d’honneur de la Société : Jean-Claude ÉchEmENT, Jean-Pierre VANDEN BRANDEN et Jean-Didier VAN PUYVELDE  Pierre ANAGNOSTOPOULOS (historien de l’art) Mohammed BARRY (opérateur) Laurent BENOIS (opérateur) André DE HARENNE (développeur multimédia) Ousmane DIALLO (opérateur) Michel FOURNY (archéologue) Frédéric LÉGAT (opérateur) Nancy ScARPITTA (secrétaire) Marie VANhUYSSE (archéologue) BULLETIN D’INFORMATION de la Société royale d’Archéologie de Bruxelles N°89 - SEPTEMBRE 2022 Éditeur responsable : Alain DIERKENS. Square des Latins, 65 - 1050 Bruxelles Réalisation : André DE HARENNE Avec le soutien de la Ville de Bruxelles, d’Urban.brussels et de la Commision communautaire française. En couverture : En haut, la flèche de l’Hôtel de Ville de Bruxelles avec, à l’avant-plan, la rénovation du toit de la Bourse. En bas, relief sculpté de la Bourse, côté rue de la Bourse. Photographies André de Harenne, 10-05-2022. 2 Résumé d’une conférence Aux côtés de Jean Capart La première campagne de fouilles à Elkab (Égypte) à travers la correspondance de Violette Verhoogen par Laurent Bavay Université libre de Bruxelles Évoquer l’Égypte devant la Société royale d’Archéologie de Bruxelles était l’occasion de rendre un hommage à notre vice-présidente récemment disparue, Claire Bernard-Dickstein (1933-2020). Peu de temps avant son départ, elle avait souhaité nous confier une archive familiale, dont elle avait bien sûr mesuré l’intérêt historiographique. Cette archive se composait de trois lots de lettres, qu’elle avait héritées de sa tante, Violette Verhoogen, décédée en 2001 après une carrière achevée en 1963 comme conservateur en chef des Musées royaux d’Art et d’Histoire. À plusieurs reprises, Violette Verhoogen avait effectué des séjours scientifiques à l’étranger, durant lesquels elle avait entretenu une correspondance très suivie avec ses parents à Bruxelles. Alors qu’elle était attachée à la section des Antiquités grecques et romaines du Musée, elle a ainsi participé en 1937 aux fouilles d’Elkab à l’invitation de Jean Capart, le père fondateur de l’égyptologie belge, alors directeur du Musée du Cinquantenaire. Cette correspondance égyptienne nous offre un témoignage de première main, inédit, sur cette campagne, qui fut la première campagne de fouille belge dans le sanctuaire de la déesse Nekhbet. Une brève présentation de cette documentation est ici offerte à la mémoire de ces deux femmes remarquables. Née le 16 mars 1898 à Bruxelles dans une famille de médecins renommés, Violette Verhoogen étudie la philologie classique à l’Université libre de Bruxelles avec l’helléniste Émile Boisacq et le byzantiniste Henri Grégoire (qui sera aussi doyen de la Faculté des Lettres de l’Université du Caire de 1925 à 1927 avant de revenir à Bruxelles). Elle soutient en 1924 une thèse de doctorat intitulée Essai de restitution d’un poème du cycle épique : les chants cypriens. Dans la foulée, elle est lauréate de la Bourse de voyage du Gouvernement, grâce à laquelle elle réalise un séjour d’étude à Oxford, où elle rencontre notamment l’historien de l’art grec John Beazley avec qui elle conservera des contacts toute sa vie. C’est aussi la Bourse de voyage qui lui permet de séjourner à l’American School of Classical Studies d’Athènes, de novembre 1925 à juin 1926, 10 durant la dictature de Theodoros Pangalos. La correspondance qu’elle entretient avec ses parents durant ce séjour forme le premier lot de vingttrois lettres conservé par Claire Dickstein. Violette Verhoogen entre aux Musées royaux d’Art et d’Histoire de Bruxelles en janvier 1929 en tant que collaboratrice libre attachée à Jean Capart, qui est conservateur en chef du musée depuis 1925. Devenue conservateur-adjoint, elle assiste le conservateur de la section des Antiquités grecques et romaines, Fernand Mayence, avant de lui succéder en 1944. En 1960 enfin, elle est nommée conservateur en chef du Musée à la suite du comte Joseph de Borchgrave d’Altena, jusqu’à son admission à la retraite trois ans plus tard (fig. 1). C’est donc alors qu’elle travaille depuis sept ans au Cinquantenaire que Capart l’invite à participer à la première campagne de fouille sur le site d’Elkab. En 1937, Jean Capart a déjà accompli l’essentiel de son œuvre. Arrivé au Musée en 1897, nommé conservateur adjoint trois ans plus tard, il a organisé et considérablement développé la collection égyptienne des Musées. Dès 1902 (il est alors âgé de 24 ans) l’Université de Liège crée pour lui la première chaire d’égyptologie en Belgique, qui lui permettra Fig. 1 : Violette Verhoogen (1898-2001). Légende au dos de l’image : « 31 mai 1980, IIIe colloque Apamée. Soirée chez les Delvoye ». Charles Delvoye, professeur d’archéologie classique à l’ulb, apparaît de profil (archives V. Verhoogen, coll. L. Bavay). 11 de former ses premiers collaborateurs. En février 1923, il sera l’un des premiers à visiter la tombe de Toutankhamon, découverte trois mois plus tôt, en compagnie de la Reine Élisabeth et du prince Léopold ; la tombe est alors encore presque intacte, et il est le témoin privilégié de l’ouverture de la chambre funéraire. C’est au cours de ce voyage qu’il recevra le soutien royal pour créer, à son retour en Belgique, la Fondation égyptologique Reine Élisabeth (fERE), placée sous le haut patronage de la Reine et du roi Fouad Ier d’Égypte. Il crée une revue, la Chronique d’Égypte, pour diffuser les recherches menées au sein de la fERE, une maison d’édition, développe la bibliothèque du musée qui devient (et reste encore) l’une des meilleures au monde pour l’égyptologie. La réputation internationale de la fERE et de Capart est considérable et, comme l’a montré le biographe de Capart, Jean-Michel Bruffaerts, Bruxelles est alors envisagée par la communauté scientifique pour devenir capitale de l’égyptologie. Capart se voit même proposer en 1936 la direction du Service des Antiquités de l’Égypte, offre qu’il déclinera. Mais une chose manquait encore à ces réalisations : offrir à la Belgique une fouille archéologique en Égypte, à l’égal des grandes nations égyptologiques. Après plusieurs tentatives décevantes et sans lendemain, c’est sur le site d’Elkab que Capart jettera son dévolu. Sur la rive droite du Nil, environ 80 km au sud de Louqsor, le site est alors peu connu du public comme des égyptologues. Elkab a été très ravagée et il reste peu de vestiges visibles. Principalement une haute muraille en briques crues qui entourait l’agglomération, et que les voyageurs (dont Jean Capart) pouvaient apercevoir depuis le train en descendant vers Assouan, puisque la ligne de chemin de fer traversait le site. Pourtant la ville a été l’une des plus importantes de l’Égypte ancienne, qui abritait le sanctuaire de la déesse tutélaire de la Haute-Égypte et protectrice de la royauté, Nekhbet, représentée sous la forme d’un vautour. Son occupation remonte à la période prédynastique au IVe millénaire et la ville est restée un centre urbain important jusqu’à la conquête arabe du pays. C’est en 1930 seulement que Capart s’y arrête et découvre le site. Peu de temps après, il fait visiter Elkab au Roi Albert Ier et à la Reine Élisabeth à l’occasion de leur deuxième voyage conjoint sur les rives du Nil (le quatrième pour Élisabeth !). Capart aurait achevé la visite royale du 27 mars 1930 par ces mots adressés à la Reine : « Madame, si un jour la Fondation égyptologique en a le moyen, c’est ici que je voudrais travailler ». Il faudra tout de même un peu de patience pour que ce vœu soit exaucé. L’occasion vient en 1936. Un riche mécène, longtemps resté anonyme mais aujourd’hui identifié au 12 milliardaire américain Marius de Zayas Enriquez, offre à Capart de financer quatre campagnes de fouilles. Sans attendre, il adresse une demande de concession de fouille pour Elkab au Service des Antiquités. Et après quelques difficultés administratives, le permis de fouille est délivré le 28 décembre 1936. Jean Capart constitue rapidement sa petite équipe (fig. 2). Il sera secondé par sa plus proche collaboratrice, Marcelle Werbrouck, qui lui a succédé à la tête de la section Égypte lorsqu’il prit la direction du musée. Les Égyptiens s’étant opposés – à la fureur de Capart – à ce qu’une femme dirige une fouille archéologique, c’est un jeune homme entré à la Fondation en 1928 à l’âge de 17 ans qui assistera le maître sur le terrain : né en Égypte, d’origine arménienne, Arpag Mekhitarian présente l’avantage de parler l’arabe et connaît bien le pays ; il jouera un rôle important dans les fouilles d’Elkab. L’équipe comprend encore Éléonore Bille-De Mot, petite-fille du bourgmestre de Bruxelles Émile De Mot, et fille de Jean De Mot, conservateur au Musée du Cinquantenaire tué en 1918, qui est alors assistante à la fERE. Et Jean Stiénon, l’architecte de la mission Fig. 2 : L’équipe de fouille 1937 sur la terrasse de la maison Somers Clarke à Elkab. De gauche à droite : Marcelle Werbrouck, Arpag Mekhitarian, Jean Capart, Violette Verhoogen, Jean Stiénon, Éléonore Bille-De Mot (archives aere / egke). 13 diplômé de l’Académie des BeauxArts de Bruxelles. Enfin, Violette Verhoogen, qui nous fait suivre leur voyage à travers sa correspondance, composée de vingt-quatre lettres et cartes postales couvrant les quelque trois mois que dura son périple (fig. 3). L’équipe se rend en train de Bruxelles à Marseille le 15 janvier 1937, sans Capart toutefois qui les rejoindra plus tard en Égypte. Le jour même, ils embarquent sur le S.S. Champollion des Messageries maritimes qui lève l’ancre pour Alexandrie. Arrivés le 19 janvier dans le grand Fig. 3 : Lettre de Violette Verhoogen à port égyptien, c’est la découverte de ses parents, depuis Elkab le 20 février 1937 (correspondance V. Verhoogen, l’Orient, les formalités de douane, la coll. L. Bavay). ville grouillante, qui rappelle malgré tout Le Pirée... Le groupe se rend immédiatement au Caire pour entreprendre les démarches administratives auprès du Service des Antiquités. Tout est prêt, mais le directeur français, Étienne Drioton, est absent, il accompagne le roi Farouk en visite en Haute-Égypte. Violette visite le musée du Caire et le trésor de Toutankhamon : « Inimaginable comme quantité d’or et de pièces de mobilier, comme richesse de travail —mais tout de même aussi, impression d’assez mauvais goût et de richesse de parvenu » (lettre du 23/1). On décide rapidement de descendre à Louqsor où se trouve Drioton avec le roi pour obtenir les signatures nécessaires sans devoir attendre son retour au Caire, et que l’équipe puisse s’installer à Elkab. Le 24 janvier, les papiers signés, le groupe se rend une première fois à Elkab et découvre la maison qui servira de lieu de vie et de travail à la mission belge. « C’est presque un château : situation merveilleuse sur un éperon rocheux dominant un coude du Nil » (carte postale du 24/1) (fig. 4). Capart a obtenu l’autorisation d’occuper la maison construite en 1906 par l’architecte et égyptologue anglais George Somers Clarke (18411926). Sans doute l’une des plus belles maisons de fouille en Égypte, 14 Fig. 4 : La maison Somers Clarke à Elkab (D. Huyge, « Somers Clarke House. La maison de fouille de la mission archéologique à Elkab », dans Ceci n’est pas une pyramide… Un siècle de recherche archéologique belge en Égypte, Louvain-Paris, 2012, p. 60). 15 surplombant directement le Nil, elle a été conçue en s’inspirant des grands monastères chrétiens du Delta du Nil. Délaissée depuis la mort de son propriétaire, « Beit Clarke » demande à être remise en état. Les Belges reçoivent l’aide de Hugues Naus, le directeur de la sucrerie d’Ermant, fils d’Henri Naus Bey, un industriel belge qui a fait fortune en Égypte comme directeur de la Société générale des Sucreries et de la Raffinerie d’Égypte. Très influent, introduit à la cour du roi d’Égypte, c’est lui que Capart avait sollicité sur les conseils de la Reine Élisabeth pour présider la Fondation égyptologique, à laquelle il apportera un soutien précieux jusqu’à son décès en 1938. Les travaux de la maison, supervisés par Stiénon, prennent encore quelques jours, que la partie féminine de l’équipe emploie aux derniers achats à Louqsor. Violette décrit de façon très vivante les longues séances de marchandage, menées par l’arabophone Mekhitarian, dans les échoppes du souk de la ville et leurs improbables marchandises, faïences de Boch et verres du Val-Saint-Lambert... On rencontre aussi, au détour des mondanités et des visites, les personnalités de la communauté égyptologique thébaine du moment. Finalement, le 5 février, Jean Capart rejoint l’équipe à pied d’œuvre à Elkab, la fouille va pouvoir commencer. Capart choisit de porter les efforts sur la ville, à l’intérieur de la grande muraille en briques crues (fig. 5). Et plus particulièrement sur le secteur des temples, entourés de leur propre enceinte, dans la partie sudouest de l’ensemble urbain. Il s’agit d’abord de redégager les blocs et les murs des temples identifiés par Somers Clarke, de sorte que l’architecte Stiénon puisse lever un plan complet des vestiges. Au-delà, l’ambition des recherches est formulée par Jean Capart : réunir toute la documentation possible pour écrire l’histoire d’Elkab et surtout de ses temples et leur cultes. Les premiers coups de pioche sont donnés le 16 février (fig. 6). « Levés en même temps que le soleil, nous quittions notre maison à 7 heures, en groupe serré – que suivait une escorte imposante dont on voyait à chaque instant grossir le nombre. Le bruit s’étant répandu qu’on embauchait des ouvriers, les fellahs surgissaient littéralement du sol à notre passage » (lettre du 16/2). Dès les premières heures de travail, des éléments d’architecture et de sculpture sont mis au jour. Au cours de la première demi-heure, on dégage une statue de lion assis au nom de Sethi Ier, 16 Fig. 5 : Plan du site d’Elkab dressé par Jean Stiénon d’après les relevés de Somers Clarke (d’après Fouilles de El Kab. Documents. Livraison I, Bruxelles, fere, 1940, pl. i-ii). Fig. 6 : Le premier jour de fouille à Elkab, 16 février 1937 (cc by-nc-sa 4.0 © mrah-kmkg). 17 le père de Ramsès II (fig. 7). Dans ses Impressions et souvenirs, Capart rapporte l’ambiance du moment : « Pour nous, c’était notre lion Belgique surgissant sur notre chantier pour nous garantir une heureuse campagne ». L’enthousiasme est partagé par Violette : « Nous avons été tristes de devoir quitter le chantier à midi ! » (lettre du 16/2). Les travaux débutaient donc sous les meilleurs auspices. Durant toute la campagne, de nombreux blocs et statues seront dégagés, éléments d’architecture de diverses périodes qui attestent l’intense activité de bâtisseurs des pharaons dans les temples dédiés à Thot et Nekhbet. Le chantier est aussi rythmé par les er événements de la vie quotidienne. Fig. 7 : Statue de lion de Sethi I , découverte le premier jour de fouille (J. Capart, Le dimanche 21 février est jour du Elkab. Fouilles en Égypte, impressions et Grand Baïram, l’Aïd el-Kebir, la souvenirs, Bruxelles, Vromant, 1946, fronfête du sacrifice. Mais il est égale- tispice). ment celui de l’anniversaire de Jean Capart, qui fête ses 60 ans. Pour honorer le moudir (directeur) et le Baïram, le sheikh Ibrahim du village organise une grande fantasia, fête arabe animée par des cavalcades. Violette fait le récit de cette fête : « Ce matin tous les ouvriers du chantier sont arrivés ainsi que toute la population, hommes, femmes et enfants, des villages et hameaux environnants. Les hommes sont tous en robes foncées, noires généralement, et leurs turbans sont bleus plutôt que blancs. (...) Les femmes se tenaient à l’écart, groupées sur toutes les éminences voisines – les fillettes, toutes en robes rouges, un voile noir assez court sur la tête, et les gamins en robes rougies couraient dans les jambes des participants et piaillaient comme des nuées de moineaux. (...) La musique consistait en battements de tambours curieusement rythmés, et une mélopée très monotone jouée par une espèce de clarinette ou de hautbois. Des hommes ont exécuté une sorte de combat avec leurs gros gourdins [note : une danse traditionnelle de 18 Haute-Égypte, le tahtib, danse du bâton], deux chameliers aux écharpes multicolores ont tourné en rond, un cavalier a essayé de faire galoper son cheval dans notre enclos – mais comme celui-ci était trop étroit, il a assez rapidement renoncé, deux danseuses se sont trémoussées, on faisait un bruit formidable. Je ne puis pas dire que c’était très beau, mais c’était extrêmement pittoresque – surtout vu de la terrasse supérieure de la maison, d’où l’on voyait comme des colonnes de fourmis s’avancer par toutes les pistes du désert et les sentiers au travers des cultures » (lettre du 21/2). Capart consacre lui aussi un chapitre de ses Impressions et souvenirs d’Elkab à cette mémorable fantasia, un événement immortalisé par plusieurs photographies sur plaque de verre (fig. 8). Fig. 8 : Fête célébrant le 60e anniversaire de Jean Capart, Elkab le 21 février 1937. Au centre, les deux danseuses décrites dans la correspondance de Violette Verhoogen (cc by-nc-sa 4.0 © mrah-kmkg) Jean Capart tient informée de l’avancement des travaux la Reine Élisabeth, qui continue à manifester son soutien : « Il y a aussi une autre nouvelle qui remplit d’orgueil M. Capart. Le comte G. de Grunne lui a écrit de la part de la reine Élisabeth disant que la reine voudrait manifester sa sympathie pour les fouilles en faisant un don qui permette d’installer convenablement et même confortablement la maison de la mission (moyen, je suppose, de ne pas froisser le mécène en lui retirant la gloire du subside 19 de travail). Aussi on fait de grands projets pour le mobilier de l’année prochaine ! » (Lettre du 28/2). Violette Verhoogen quitte Elkab le 21 mars, quelques jours avant Capart et les deux hommes qui fermeront le chantier. Mais elle ne rentre pas directement en Belgique. Accompagnée d’Éléonore Bille-De Mot et de Marcelle Werbrouck, elle s’arrête en Moyenne Égypte pour visiter les principaux sites de la région (Tell el-Amarna, Touna el-Gebel). Au Caire, elles sont rejointes par Capart, Mekhitarian et Stiénon, avec un programme de visites très chargé : musée égyptien, musée islamique, musée copte, mosquées, pyramides de Giza. Et le site de Saqqara, « très intéressant, si pas toujours beau ! » (lettre du 5/4). Le retour n’est pas direct non plus. D’Alexandrie, elle s’arrête cinq jours à Athènes. De toute façon, écrit-elle à sa mère, « M. Mayence m’a écrit de ne rentrer que le plus tard possible en ajoutant qu’on se passait fort bien de moi au Musée ! » (lettre du 2/4). Puis du Pirée à Gênes avec escales à Rhodes et à Naples, et enfin le train pour Bruxelles, où elle arrive le 22 avril. C’est la fin de cette aventure égyptienne, et son unique voyage dans le pays. À son retour en Belgique, les nuages de la guerre s’amoncellent déjà en Europe. Dès les premières heures du conflit, elle s’investit très activement dans la Résistance belge. C’est son amie Éléonore Bille-De Mot, avec laquelle elle a partagé la campagne d’Elkab, qui recommande la conservatrice à l’attention de Thérèse de Radiguès, figure de la Résistance durant la Première Guerre mondiale. Sous le nom de Clotilde et le numéro de code 5, Violette Verhoogen rejoint dès mai 1940 le noyau du réseau Clarence, dirigé par Walthère Dewé. L’importance de son action est soulignée par les honneurs et les décorations qui lui seront décernées : le grade de Capitaine A.R.A. (Agent de Renseignement et d’Action), la Croix de Guerre 1939-1945 avec palme et la King’s Medal for Courage in the Cause of Freedom britannique. Après la guerre, elle participera encore en 1953 à une autre fouille belge de Méditerranée orientale, historique elle aussi : la mission d’Apamée de Syrie. Là encore, elle écrit à ses parents à Bruxelles et cette correspondance nous a également été transmise par Claire Dickstein. Violette Verhoogen sera admise à la retraite en 1963, cédant le poste de conservateur en chef à Pierre Gilbert. On sait peu de choses sur le reste de sa vie, qu’elle passe à Ixelles. Elle décède le 4 décembre 2001 à l’âge de 103 ans. 20 La correspondance égyptienne de Violette Verhoogen a été intégralement numérisée et retranscrite, et sera bientôt accessible librement en ligne. Ce travail a été réalisé dans le cadre d’un projet de recherche EOS (Excellence of Science) financé conjointement par le fNRS et le fwO : « Pyramids & Progress. Belgian Expansionism and the Making of Egyptology, 1830-1952 » (EOS 30885993), qui rassemble une vingtaine d’égyptologues et d’historiens contemporanéistes de la KU Leuven, de l’Université de Gand (UGent), de l’ULb, des Musées royaux d’Art et d’Histoire et du Musée royal de Mariemont, coordonnés par le professeur Harco Willems (KU Leuven), pour étudier la formation de l’égyptologie dans notre pays dans le contexte de l’expansionnisme belge entre l’indépendance de la Belgique et la révolution des Officiers libres en Égypte. Ressources : – Jean-Michel BRUffAERTS, « Jean Capart, pionnier des fouilles belges en Égypte », dans Laurent BAVAY et al. (éd.), Ceci n’est pas une pyramide… Un siècle de recherche archéologique belge en Égypte, Louvain, 2012, p. 20-31. – Jean-Michel BRUffAERTS, « Bruxelles, capitale de l’égyptologie ? Le rêve de Jean Capart (1877-1947) », dans Susanne BIcKEL et al. (éd.), Ägyptologen und Ägyptologien zwischen Kaiserreich und Gründung der beiden deutschen Staaten, Berlin, 2013 (Zeitschrift für Ägyptische Sprache und Altertumskunde Ägyptens. Beihefte), p. 193-241. – Jean CAPART, Elkab. Fouilles en Égypte, impressions et souvenirs, Bruxelles, Vromant, 1946. – Gustave FISchER, « Violette Verhoogen, humaniste et résistante », dans Mémoire d’Ixelles. Bulletin du Cercle d’Histoire locale d’Ixelles, n° 35, septembre 1989, p. 18-21. – Luc LImmE, « Elkab, 1937-2007. Seventy Years of Belgian Archaeological Research », dans British Museum Studies in Ancient Egypt and Sudan, t. 9, 2008, p. 15-50. – https://www.pyramidsandprogress.be : site web du projet EOS « Pyramids & Progress ». – https://jeancapart.org : site web du Fonds Jean Capart, géré par la Fondation Roi Baudouin. – https://www.sura-project.be : site web du projet Sura aux Musées royaux d’Art et d’Histoire, numérisation et mise en ligne des archives photographiques de la fERE et des mRAh. Résumé d’une conférence tenue le 17 mai 2022 à la tribune de la Société royale d’Archéologie de Bruxelles dans les locaux du Grand Serment Royal et de Saint-Georges des Arbalétriers de Bruxelles. 21  La cotisation annuelle est inchangée : 35 €, à verser sur le compte BE24 0000 0265 1938 de la Société royale d’Archéologie de Bruxelles. Elle donne le droit de recevoir les Annales, ainsi que la Lettre mensuelle et les Bulletins d’information, et permet de participer aux diverses activités de la Société (conférences et visites). Un supplément de 5 € est demandé pour la livraison postale des Annales qui, à défaut, sont distribuées lors des réunions et des activités. Merci d’indiquer clairement sur le virement, soit «Membre» (35 €), soit «Membre + port» (40 €).  Comité de rédaction de ce 89e bulletin d’information E D’A R C H É O L OG IE D BR UXE L LE S S OC I É T É AL E RO Y Pierre ANAGNOSTOPOULOS Laurent BAVAY Alain DIERKENS Laure-Anne FINOULST Michel FOURNY Martine VRIJENS Fondée à Bruxelles en 1887  03 05 10 Mot du Président En hommage à Thibaut Davidovic (1942-2022) Aux côtés de Jean Capart 22 28 33 39 Les sarcophages du haut Moyen Âge en Gaule du Nord Don d’un important fonds de clichés du photographe Jacques Stuyck Roland Bonaparte à la Société d’Archéologie de Bruxelles Les visites de la Société royale d’Archéologie de Bruxelles  psum Ouverts du lundi au vendredi de 8h30 à 12h et de 13h à 17h. Local : UB.1.163 - ULB Solbosch M Société royale d’Archéologie de Bruxelles asbl Z E c/o Université libre de Bruxelles / CP 133/01 50, avenue Franklin Roosevelt 1050 Bruxelles 02 650 24 97 secretariat@srab.be Découvrez nos publications, nos activités mensuelles, nos chantiers en cours :