www.fgks.org   »   [go: up one dir, main page]

Academia.eduAcademia.edu
L’église de Mont-Saint-Hilaire Une façade-écran cache un bijou de la décoration intérieure Chœur et autels latéraux Photo : Germain Casavant La façade-écran est un type de façade qui, comme en Angleterre, à l'époque médiévale, ne montre pas de correspondance stricte avec la structure de l'intérieur de l'édifice, en opposition avec les principes mêmes du gothique français. Elle se présente, à l'église de Mont-Saint-Hilaire, telle une construction littéralement plaquée devant la nef et s'explique, en fait, ici, par l'abandon du projet initial de façade à deux tours inspirée de celle de l'église voisine de Saint-Jean-sur-Richelieu. L'effet produit est exceptionnel en architecture religieuse québécoise. Lorsque le visiteur arrive devant l'édifice, l'ensemble de la structure demeure cachée derrière ce simple mur maçonné qui déborde de chaque côté de la nef et qui dépasse, en hauteur, les toitures. Pourtant, une fois à l'intérieur, on oublie immédiatement cette composition extérieure rigide. Le décor constitue en effet un des sommets du genre au Québec. Avant le décor : le gros-œuvre Ensemble intérieur Photo : François Brault Voûte de l'abside Photo : Germain Casavant Le devis de construction de l'ensemble maçonné est établi en 1830, alors que la fabrique conclut un marché avec Augustin Leblanc, entrepreneur de Saint-Grégoire de Nicolet, pour remplacer l'ancienne chapelle-presbytère de 1798. On choisit un plan récollet à chevet plat, comme c'est souvent le cas dans la région montréalaise. Ce sont des problèmes financiers, entraînant un ralentissement des travaux, qui imposent une modification au projet initial dès 1834. On abandonne alors la construction des clochers latéraux, que l'on remplace par une tour unique intégrée à la charpente derrière le pignon de la façade. Cette campagne de travaux se termine en 1837, avec la consécration de l'édifice. Sont alors complétés, le gros-œuvre, la charpente, la toiture, la fausse voûte et les supports qui prendront l'apparence de colonnes néogothiques une fois le décor mis en place. Le style néogothique se retrouve déjà dans les ouvertures en tiers-points de la façade, alors qu'elles sont en plein cintre sur les longs pans. Un décor néo-gothique animé Revers de la façade Photo : Germain Casavant Adoration des mages, toile du chœur Photo : Germain Casavant Peut-être désirait-on à l'origine un décor à la Quévillon, on ne le sait pas vraiment. Les ouvertures en plein cintre de la nef et du chœur laissent supposer que le style néogothique n'y était pas prévu. On a par contre finalement opté pour une décoration inspirée de celle de la basilique NotreDame de Montréal, réalisée selon ce style entre 1824 et 1829. La mise en place de l'ensemble sculpté débute en 1842, sous la direction d'Antoine Prévost, menuisier de Beloeil. C'est à cette époque que la voûte et les colonnes sont conçues. La forme dynamique de cet espace structuré selon trois nefs d'égale hauteur est mise en valeur par la finesse des colonnes composées de faisceaux de huit colonnettes terminées par des chapiteaux au tailloir arrondi. On choisit, sans doute pour respecter la composition dynamique de la nef, de compléter l'ensemble par un chœur qui imite la structure à pans coupés des chevets des églises médiévales. La structure angulaire de la maçonnerie est alors littéralement habillée par le décor sculpté, créant ainsi un espace à l'arrière du retable comme on le faisait sous le Régime français. Des portes de chaque côté du maître-autel permettent d'accéder à cet espace avant de se rendre à la sacristie. Des ajouts mineurs, en 1853 et en 1878-1879, complètent la structure du décor qui est demeuré inchangé jusqu'à aujourd'hui. Le premier ajout correspond aux tribunes du revers de la façade, alors qu'en 1878, on réalise le maître-autel et on ajoute les meneaux de bois aux baies de la nef pour leur donner une apparence gothique.La mise en valeur du décor sculpté par les peintures d'Ozias Leduc Comme à Notre-Dame de Montréal, la force de l'enveloppe intérieure de l'église Saint-Hilaire-sur-Richelieu prend toute son ampleur avec la réalisation du décor peint. C'est Ozias Leduc qui le met en œuvre entre 1896 et 1900. « Les décors des surfaces des murs et des voûtes sont exécutés dès 1896. On y retrouve principalement des motifs végétaux stylisés. Le monde naturel se mêle intimement au message spirituel et une flore symbolique parsème le décor. Dans le chœur, la voûte en cul-de-four est unifiée par un motif de vigne fleurie courant sur un treillis. L'architecture peinte crée ainsi une sorte de jardin clos où s'épanouit une plante symbolisant le Christ. Façade principale Photo : Germain Casavant Dans la nef et les bas-côtés, la voûte est ornée de couronnes de laurier réunies par un ruban au centre des quelles on retrouve principalement des attributs divins et les instruments de la passion. » (Laurier Lacroix et Guy-André Roy. « Église de la paroisse Saint-Hilaire-sur-Richelieu », Les chemins de la mémoire, t. II, Québec, Les Publications du Québec, 1991, p. 277.) Le reste de la décoration est accomplie après le retour de Leduc d'un séjour à Londres et Paris en 1897. Le programme iconographique est complexe. Il cherche à montrer les bases mêmes du catholicisme plutôt que de mettre en évidence des dévotions à des saints selon une conception plus traditionnelle. La dernière implication de l'artiste dans le chantier paroissial consiste, en 1928-1929, à superviser la pose de vitraux que G.E. Pellus a réalisés selon ses cartons. L'ensemble exceptionnel, tant par sa cohérence que par le raffinement du détail, représente un des sommets de la décoration intérieure religieuse au Québec. L'austère façade-écran cache et protège en quelque sorte ce trésor inestimable. Charles Bourget Bibliographie: • • Lacroix, Laurier et Guy-André Roy. « Église de la paroisse Saint-Hilaire-sur-Richelieu », Les chemins de la mémoire, t. II, Québec, Les Publications du Québec, 1991, p. 276-279. Stirling, J. Craig. Ozias Leduc et la décoration intérieure de l'église de Saint-Hilaire. Québec, ministère des Affaires culturelles, 1985, 279 p. (Coll. « Civilisation du Québec » no 33).