Concilier entre développement et conservation à Grand-Bassam
L'inscription de la Ville Historique de Grand-Bassam sur la liste du Patrimoine Mondial offre de nouvelles opportunités pour promouvoir le développement durable de la ville. D'une part, l'inscription a permis le renforcement des normes en termes de gestion des sites, du cadre juridique et institutionnel et de l’engagement de la communauté. D'autre part, la ville a désormais accès à une aide technique et économique supplémentaire et son attractivité en tant que destination touristique a fortement augmenté.
Cela a créé une occasion unique pour promouvoir le développement économique durable et contribuer à l’amélioration de la vie locale. Malgré ce contexte positif, des zones d'ombre subsistent. Par conséquent, l'amélioration de la gestion du site est devenue de la plus haute importance.
Afin d'améliorer la gestion du patrimoine mondial, les cadres juridique et institutionnel et de promouvoir le développement durable, un programme diversifié d'initiatives a été élaboré. Le programme vise à concilier et trouver un équilibre entre la conservation et la mise en valeur des valeurs patrimoniales du site et les besoins sociaux et économiques des locaux.
1. Renforcement du cadre juridique et institutionnel
Le ministère de la culture ivoirien élabore actuellement une mise à jour du plan de conservation et de gestion du Patrimoine Mondial de la ville historique de Grand-Bassam, avec le soutien de l'UNESCO et le financement du gouvernement norvégien. Le processus de mise à jour a réuni tous les Etats-membres impliqués dans la gestion du bien. Le nouveau plan de conservation et de gestion vise à renforcer les capacités de l’entité responsable de la gestion du patrimoine mondial local et à améliorer son autonomie financière et opérationnelle.
Atelier de mise à jour du plan de conservation et de gestion de la Ville Historique de Grand Bassam en juillet 2021 © Archives Bureau UNESCO Abidjan
De plus, l’État de Côte d'Ivoire est en train de réviser la loi n. 87-806 du 28 juillet 1987 concernant la protection du patrimoine culturel afin d'améliorer la protection du patrimoine culturel immatériel, archéologique et subaquatique, et d'établir des sanctions pénales. Parallèlement à cette initiative, la Côte d'Ivoire mène un projet de révision des textes concernant l'organisation des institutions locales de gestion du Patrimoine Mondial afin d'améliorer leurs performances.
2. Favoriser la participation de la communauté locale à la gestion du patrimoine mondial
Afin de promouvoir l'implication des communautés dans la gestion du patrimoine mondial, la Maison du Patrimoine Culturel a été créé par les autorités nationales. Il est connu sous le nom de Secrétariat Exécutif du Programme de Gestion de la Ville historique de Grand-Bassam ou Maison du Patrimoine Culturel de Grand-Bassam. Cet office s'appuie sur des entités locales de gestion, dont un Comité Local de Gestion et une Commission chargée d'examiner et de délivrer les autorisations de construire. Les entités locales de gestion sont composées des autorités politiques, administratives, traditionnelles et religieuses, ainsi que des représentants associatifs et des entreprises locales, qui participent conjointement au processus décisionnel. Cette démarche participative vise à accroître l'implication, la connexion et le sens de responsabilité des Etats-membres et des communautés locales vis-à-vis de la gestion du site.
Visite guidée de Michel CAMDESSUS dans la Ville historique en 2018 en présence du Maire EZALE et du gestionnaire du site DJAKO © Archives MPC
3. Activités de sensibilisation et d'éducation
La Maison du Patrimoine Culturel de Grand-Bassam organise des visites guidées pour le public afin de sensibiliser et éduquer aux valeurs patrimoniales du site. Une attention particulière est portée aux enfants et aux adolescents, qui participent à des visites guidées spéciales et à des ateliers pédagogiques dans les écoles. Parallèlement, des conférences et des expositions thématiques sont organisées chaque année le 18 avril, à l'occasion de la Journée internationale des monuments et des sites.
Ouverture de la 2ème édition de la Journée Internationale des Monuments et Site à la Maison du Patrimoine Culturel en 2018 © Archives MPC
Visite guidée de la Ville Historique de Grand Bassam par le collège Blaise Pascal d'Abidjan © MPC Archives
4. Développement du tourisme culturel
L'inscription du site sur la liste du Patrimoine Mondial a augmenté l'attractivité de Grand-Bassam en tant que destination touristique, aussi bien pour les visiteurs nationaux qu'internationaux. Par conséquent, il existe une opportunité de développer des infrastructures et des services liés au tourisme, tels que l'hébergement, l'hôtellerie, la restauration, le transport, les guides touristiques et l'artisanat. Si correctement géré, le tourisme durable peut grandement contribuer à l’amélioration de la vie des locaux et au développement économique.
Dans ce contexte, un cadre de partenariats public-privé (PPP) est en cours d'élaboration avec l'appui du Comité National de Pilotage des Partenariats Public-Privé et de la Banque Africaine de Développement. Les PPP sont particulièrement envisagés pour les biens immobiliers publics adaptés à ce type de développement mais seront également ouverts aux actifs privés. Il est prévu que les PPP conduiront au développement d'infrastructures touristiques dans la ville historique de Grand-Bassam, d'une manière qui respecte les objectifs de conservation et de gestion du site et qui contribue aux moyens de subsistance locaux. La réutilisation de bâtiments historiques pour de nouvelles fonctions, telles que des hôtels ou des galeries, sera également encouragée.
Enfin, le projet Tutorat a mis en place un programme de baux emphytéotiques, à travers lequel les opérateurs commerciaux peuvent obtenir des baux à long terme sur des bâtiments privés en échange de leur restauration ou réhabilitation.
Avis du Comité du patrimoine mondial
Le plan de développement durable de la ville historique de Grand-Bassam et ses différentes initiatives ont été examinés lors de la 44ème session du Comité du Patrimoine Mondial en 2021. Le Comité a favorablement accueilli le projet de révision du plan de conservation et de gestion (y compris le plan de gestion des risques), ainsi que les initiatives de coopération prises en faveur de la restauration du patrimoine, notamment à travers des accords de partenariat public-privé. Cependant, le Comité a également exprimé sa profonde préoccupation face à l'accélération de la dégradation de l'état de conservation de plusieurs édifices patrimoniaux, et a demandé à l'État-partie d'envisager ces initiatives de manière planifiée, avec un accent particulier sur les opérations de groupes en les renforçant à travers :
- La consolidation et la mise à jour de l’inventaire du patrimoine déjà existant,
- L’établissement de diagnostics architecturaux et culturels approfondis,
- Le renforcement du suivi et du contrôle des règles d’urbanisme et de construction et de l’application de la réglementation par tous les acteurs concernés, publics et privés,
- Le renforcement des capacités des professionnels du patrimoine et de la construction,
- L'établissement d'un comité de suivi des travaux de restauration.
En outre, le Comité a demandé à l'État partie de renforcer la gestion du site et a encouragé la finalisation du projet de révision du plan de conservation et de gestion. (Décision 44 COM 7B.2).
Solutions et stratégies d'action pour le climat
Les inondations de 2019 témoignent de la vulnérabilité de la ville face aux catastrophes naturelles et au changement climatique. Afin de réduire et de gérer les risques de catastrophe, l’office de gestion du patrimoine élabore un plan de gestion des risques, qui sera intégré dans le plan de gestion du patrimoine mondial mis à jour. Deux ateliers thématiques ont été réalisés en 2015 et 2021 par la Maison du Patrimoine Culturel, avec le soutien de l'UNESCO.
Parallèlement, il est essentiel de renforcer la résilience des populations locales et vulnérables face aux catastrophes naturelles, notamment en renforçant les capacités de l'organisme de gestion du patrimoine mondial et des communautés locales en matière de gestion des risques de catastrophe. Celui-ci doit également tenir compte des principes endogènes de gestion des catastrophes des communautés locales, afin de minimiser leur impact humain, social et économique. Suite aux inondations de 2019, la communauté locale N'zima s'est engagée dans les processus coutumiers et traditionnel de gestion de crise à travers les chefs traditionnels tels que les prêtresses et les guerriers du roi et des rituels traditionnels pour conjurer le mauvais sort. Ce processus a renforcé la capacité de la communauté à répondre à la crise, vue dans la continuité d'une longue histoire de catastrophes naturelles à Grand-Bassam.
Lancement des travaux d'ouverture de l'embouchure du fleuve Comoé par les autorités ivoiriennes en novembre 2019 © MPC Archives
Conclusion
L'inscription d'un site sur la Liste du patrimoine mondial crée des opportunités uniques pour le développement local. Cependant, parvenir à un développement durable après l'inscription au patrimoine mondial n'est pas une tâche facile et nécessite un programme d'actions de grande envergure, allant de la conservation du patrimoine physique aux programmes d'éducation et de sensibilisation, de financement, de planification et de gestion, et, au cadre juridique et institutionnel. L'étude de cas de la ville historique de Grand-Bassam montre qu'un engagement et un dévouement continus sont nécessaires pour exploiter pleinement le potentiel du patrimoine culturel afin de contribuer au développement durable. De plus, des initiatives innovantes telles que le développement de partenariats public/privé et de baux emphytéotiques permettent d'appréhender le large éventail d'outils disponibles pour mener à bien cette vision.
Source : M. DJAKO Romaric, gestionnaire du site de la Ville historique de Grand-Bassam, 2021; Bureau national de l'UNESCO à Abidjan, 2021