www.fgks.org   »   [go: up one dir, main page]

Search Direct User 100 Zoom Quiz ? Libération Diamond clock xml netvibes live anciens-numeros data desintox diapo edito election-2017 election essentiel generique idee jo next portrait radio son alerte top-100 star une video scroll Facebook Whatsapp Twitter insta vine later glass Mail print Facebook Instagram Twitter Calendar download cross zoom-in zoom-out previous next truck visa mastercard user-libe user-doc user-doc-list user-mail user-security user-settings user-shop user-star Ruban abo Losange orange List check Most read Ptit Libé sport blog voyage
    Reportage

    Saint-Malo, miroir d’outre-tombe

    Par Bernadette Sauvaget Envoyée spéciale à Saint-Malo

    Déambulations dans la cité fortifiée et ses voisines Combourg et Dinan, visitées à l’aune des écrits de l’enfant du pays, Chateaubriand.

    La tombe de Chateaubriand, sur l’îlot du Grand-Bé, accessible à marée basse.
    La tombe de Chateaubriand, sur l’îlot du Grand-Bé, accessible à marée basse. Photo Michel Viard. Horizon features. Leemage

    Rome, Berlin, Paris, l’Orient, l’Amérique… Rien de moins ! Fils de capitaine de bateau qui se livra au commerce triangulaire (et donc à la traite d’esclaves) entre la Guinée et les Antilles, François-René de Chateaubriand, écrivain, diplomate et homme politique, fut un grand voyageur, en raison, sans doute, de son enracinement breton.

    Pour comprendre son âme romantique et mélancolique, il faut surtout suivre sa trace dans sa région natale, celle où l’on ne parle pas breton mais gallo, riche de ses herbages et de ses marins aventuriers. Là, le vent souffle, souvent et fort, avant de se fracasser contre le granit. Et pour mettre ses pas dans ceux de François-René de Chateaubriand, il faut prendre en mains un monument de la littérature, les Mémoires d’outre-tombe

    Combourg, la vocation

    «C’est dans les bois de Combourg que je suis devenu ce que je suis, que j’ai commencé à sentir la première atteinte de cet ennui que j’ai traîné toute ma vie, de cette tristesse qui a fait mon tourment et ma félicité. […] Là, j’ai cherché un cœur qui pût entendre le mien ; là, j’ai vu se réunir, puis se disperser ma famille.»

    A Combourg, donc, tout est désormais «Chateaubriand» : le camping, le cabinet immobilier, le club de basket aussi… Entre le Mont-Saint-Michel et Saint-Malo, cette jolie bourgade bretonne de 6 000 habitants doit sa renommée à François-René. Les gens du pays vous diront qu’il faut y venir un lundi. Pour le marché, l’un des plus fameux de la région, avec sa centaine de marchands ambulants. Il vaut, on n’en doute pas, le détour.

    René Auguste, le père, a racheté en 1761 le comté de Combourg. Fortune faite, seize ans plus tard, le riche armateur malouin s’y installe avec sa famille. Flanqué de quatre massives tours, le château, une ancienne forteresse médiévale remaniée, domine la petite ville au charme certain avec ses vieilles demeures (comme la maison de la Lanterne), ses ruelles et son «lac tranquille».

    Dépressif, René Auguste ? Oui, à en croire l’écrivain. «Le calme morne du château de Combourg était augmenté par l’humeur taciturne et insociable de mon père. Au lieu de resserrer sa famille et ses gens autour de lui, il les avait dispersés à toutes les aires de vent de l’édifice», livre-t-il. A Combourg, François-René passe les longs moments de son enfance et de son adolescence. «La vie que nous menions, […] ma sœur et moi, augmentait l’exaltation de notre âge et de notre caractère.» De là, dit le romantique, est née sa vocation d’écrivain. Combourg, en somme, fut une source.

    Dinan, l’inconnue

    «Orné de vieux arbres, remparé de vieilles tours, Dinan est bâti dans un site pittoresque, sur une haute colline au pied de laquelle coule la Rance, que remonte la mer ; il domine des vallées à pentes agréablement boisées. Les eaux minérales de Dinan ont quelque renom. Cette ville, tout historique, […] montrait parmi ses antiquités le cœur de du Guesclin : poussière héroïque qui, dérobée pendant la Révolution, fut pour servir à faire de la peinture», raconte Chateaubriand.

    A 25 kilomètres de Combourg, la ville est un joyau médiéval, riche encore de ses maisons à pans de bois et de ses anciens couvents. En toute saison (mais surtout en hiver et au printemps), y flâner est un pur bonheur, entre découvertes architecturales et jolis magasins. Retirée dans les terres, ancienne base arrière du commerce malouin (les tisserands notamment y fabriquaient les voiles pour les bateaux), Dinan, riche cité ducale (la duchesse Anne viendra s’y retirer à la mort de son royal époux) devrait être une étape incontournable d’un séjour en Bretagne.

    François-René, lui, y arrive en octobre 1783. Il passe une année au collège des Laurents qui subsiste aujourd’hui, mais caché derrière une construction moderne. Il hésite alors sur le chemin à donner à sa vie et songe, sans doute pour faire plaisir à sa mère, à une carrière dans l’Eglise : «La vérité est que je ne cherchais qu’à gagner du temps, car j’ignorais ce que je voulais…»

    Ceinte de trois kilomètres de remparts, la ville domine la vallée de la Rance. Un spectaculaire viaduc, construit au milieu du XIXe siècle, enjambe la rivière. En contrebas, un ravissant port de plaisance est le point de départ pour des croisières, elles aussi romantiques, qui remontent vers la baie de Saint-Malo.

    Saint-Malo, le début et la fin

    «La chambre où ma mère accoucha domine une partie déserte des murs de la ville, et à travers les fenêtres de cette chambre on aperçoit une mer qui s’étend à perte de vue, en se brisant sur des écueils. […] J’étais presque mort quand je vins au jour. Le mugissement des vagues, soulevées par une bourrasque annonçant l’équinoxe d’automne, empêchait d’entendre mes cris. […] Il n’y a pas de jour où, rêvant à ce que j’ai été, je ne revoie en pensée le rocher sur lequel je suis né, la chambre où ma mère m’infligea la vie, la tempête dont le bruit berça mon premier sommeil», écrit François-René à propos de Saint-Malo.

    Ce grand voyageur y fut viscéralement attaché. La cité corsaire lui a sans doute donné le goût du grand large… Pour les amoureux de la mer (et du vent), il faut, c’est vrai, venir et revenir à Saint-Malo. Surtout au moment des grandes marées d’équinoxe. La ville intramuros est austère, minérale mais les échappées vers la mer, notamment du haut de ses remparts, sont incomparables. Bordant une grande plage, la promenade du Sillon laisse, elle, découvrir des joyaux d’architecture balnéaire, de belles et prestigieuses villas.

    Chateaubriand y est donc né (le 4 septembre 1768) et y a grandi. «C’est sur la grève du côté de la pleine mer entre ce château et un fort appelé le Fort Royal que se rassemblaient les enfants de la ville, se souvient-il. C’est là que conduit par ma bonne ou par un domestique, j’ai été élevé comme le compagnon des vents et des flots : mon grand plaisir était de lutter contre les tempêtes ou de jouer avec les vagues qui tantôt se retiraient devant moi, tantôt couraient après moi sur la rive.»

    A partir de la plage de Bon-Secours, bordant les remparts, on rejoint à pied l’îlot du Grand-Bé. La promenade se fait à marée basse (gare donc aux horaires). Plantée face au large, la tombe de François-René y scrute la mer. Chateaubriand a dû un peu batailler pour obtenir ce privilège. «Un grand écrivain français a voulu reposer ici pour n’y entendre que le vent et la mer. Passant, respecte sa dernière volonté», lit-on sur l’épitaphe. Dernier message d’outre-tombe du poète.

    Bernadette Sauvaget Envoyée spéciale à Saint-Malo
    Un mot à ajouter ?
    xiti