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    Interview

    Jacques Généreux : «Pour sauver le meilleur de l’UE, il faut abolir le pire»

    Par Vittorio De Filippis
    Jacques Généreux, en janvier 2016.
    Jacques Généreux, en janvier 2016. Photo Bruno Levy. Divergence

    L’économiste, soutien de Jean-Luc Mélenchon, explique la nécessité d’établir un rapport de force au sein de l’Union, tout en affirmant l’attachement à l’Europe du mouvement La France insoumise.

    Jacques Généreux, économiste et coresponsable du programme de La France insoumise, auteur des Bonnes Raisons de voter Mélenchon (sorti jeudi aux éditions les Liens qui libèrent), détaille le projet européen du candidat et explique pourquoi il milite pour une renégociation des traités.

    Mélenchon au pouvoir, ce sera lui qui renégociera tout au niveau européen ?

    Ce sera d’abord celui qui s’affranchit de plusieurs règles stupides imposées par les traités européens. Mais, disons-le d’emblée, nous ne sommes pas des antieuropéens. Nous sommes aux antipodes du FN. Nous prenons toute la mesure des dangers qui pèsent sur l’Union européenne. Nous voulons engager l’effort nécessaire pour la sauver. Et nous refusons le discours nationaliste et simpliste du FN, qui martèle «l’euro et l’UE sont nuisibles alors sortons-en». Oui, nous exigerons une révision effective des traités, mais pas sous la forme d’un ultimatum.

    Ce ne sera donc pas du «tout ou rien» ?

    Evidemment non, puisqu’il ne s’agit pas de provoquer l’explosion de l’Union, mais de restaurer une logique de coopération entre les peuples européens. Mais pour sauver le meilleur de la construction européenne, il faut abolir le pire, à savoir la guerre économique par le dumping fiscal et social et l’obsession imbécile de l’équilibre budgétaire qui interdit des politiques économiques efficaces. Là-dessus, nous serons intransigeants, car si on ne remet pas cela en cause, l’Union est condamnée. Il faut bien comprendre à quel point la zone euro a viré à la folie. Les gouvernements prétendument proeuropéens n’ont pas sauvé la zone euro avec leurs fameux plans de sauvetage. Ils l’ont massacrée économiquement et humainement. Faut-il rappeler comment les Grecs ont été traités ?

    Mais comment redonner de l’espoir à ceux tentés de tourner le dos à l’idée d’une Europe unie ?

    Il nous faudra expliquer encore et encore à quel point la gestion cyniquement égoïste et brutale de la crise explique cette montée de désaffection à l’égard de l’Europe. Car cette gestion a gravement abîmé le sentiment de solidarité et de communauté d’intérêts des peuples. Ceux qui l’ont mise en œuvre ont ouvert un boulevard aux nationalistes. Ouvrons les yeux : les gouvernements en place sont déjà tous sortis de l’Union européenne, puisqu’ils ne s’occupent plus que de sauver leurs meubles, leurs banques, leur balance commerciale, puisqu’ils ne veulent plus payer pour les autres, puisqu’ils ne veulent plus rien faire ensemble et pour tous.

    Vous estimez que nous sommes promis au pire si on poursuit sur ce chemin…

    Oui, car notre Union est en voie de dislocation. La question n’est donc plus de savoir s’il faut sortir ou non d’une Union déjà morte. Elle est de savoir comment redonner un souffle à un vrai projet de coopération européenne. Au sentiment nationaliste xénophobe s’ajoute un sentiment des classes populaires qui ne sont pas spécialement xénophobes ou racistes, mais qui sont devant le constat que cette Europe-là n’est plus celle de la paix et du progrès. Elle est celle de la régression sociale et de la rivalité des nations. Pensez à la fameuse directive sur les «travailleurs détachés». On voit concrètement à quel point l’UE est une Europe de la mise en compétition des travailleurs les uns contre les autres. On voudrait faire naître le sentiment antieuropéen ou xénophobe qu’on ne s’y prendrait pas autrement.

    En quoi votre vision de l’Europe est-elle différente de celle des autres candidats ?

    Les Républicains ou En marche ? Ils ne veulent rien changer. Le FN veut tout casser et le PS croit aux miracles, espérant qu’un jour l’Europe sera à gauche toute et qu’un accord unanime pourra alors intervenir pour une refondation progressiste de l’Europe. N’oublions pas que la gauche était majoritaire à la fin des années 90. Mais c’était une gauche inspirée par «la troisième voie» du Britannique Tony Blair ou «le nouveau centre» de l’Allemand Gerhard Schröder. Une gauche persuadée des bienfaits du marché et qui n’a jamais mis en chantier la refondation démocratique et sociale de l’Union et de l’euro.

    Qu’est-ce qui ne marche pas fondamentalement ?

    Evoquons le sujet de la monnaie unique. On a retiré aux Etats la possibilité d’agir sur le taux de change et sur la politique monétaire, et on n’a cessé de limiter leurs marges de manœuvre budgétaires. Par conséquent, les pays de la zone euro n’ont d’autre moyen de soutenir leur économie que de pratiquer un dumping fiscal ou salarial. Et quand tous les pays se livrent à cette course à la compétitivité au détriment de leurs voisins, à l’arrivée, vous avez juste une Europe enlisée dans la stagnation. Tous les économistes le savent : si on ne corrige pas ce dysfonctionnement majeur, l’euro est insoutenable.

    Alors comment refonder cette Europe-là ?

    Il faut redonner plus de souplesse aux politiques budgétaires nationales, en tolérant l’endettement qui finance des investissements, en acceptant les déficits en phase de récession. Nous aurions aussi besoin d’un budget européen digne de ce nom, capable d’engager une politique industrielle européenne cohérente pour soutenir la transition écologique et l’innovation technologique. Il faut réformer la Banque centrale européenne de sorte qu’elle puisse financer directement la dette publique. Il faut surtout engager l’harmonisation fiscale et sociale pour bannir la pratique du dumping qui détruit l’Union.

    Mais pourquoi vouloir désobéir aux traités européens ?

    Parce que c’est la seule manière de redonner du sens au vote des citoyens et de contraindre les autres Etats à la refondation de l’Union. Parce que la France est ce grand pays qui a le poids et la puissance nécessaires pour provoquer ce choc. Si on se contente de «prier» nos partenaires de bien vouloir négocier, rien n’avancera. Notre message est le suivant : la France, en tout état de cause, n’hésitera pas à prendre des mesures unilatérales si les négociations n’avancent pas.

    Une fois au pouvoir, comment comptez-vous agir concrètement pour jeter les bases de cette nouvelle Europe que vous désirez ?

    Nous enverrons à nos partenaires et aux institutions un mémorandum qui sera rendu public, traduit et diffusé dans tous les pays de l’Union, expliquant la démarche de la France. Il n’est pas question de proposer une Europe taillée aux seules mesures de la France. Pas plus que nous ne conditionnerons notre participation à l’Union à la satisfaction d’exigences franco-françaises. Nous ne souhaitons que reprendre la route d’une véritable union des peuples, et non des marchands, fondée sur la coopération et la solidarité, et non sur la guerre économique, alors que nous sommes aujourd’hui en marche arrière vers la rivalité des nations. Nous ferons les concessions nécessaires, mais à condition que cela contribue à inverser le sens de cette marche.

    Pas de mesures unilatérales ?

    Bien sûr que si. Nous n’attendrons pas l’aboutissement des négociations pour contrôler les mouvements de capitaux afin de nous protéger contre l’évasion fiscale ou les produits financiers toxiques. Nous n’attendrons pas l’ouverture de négociations pour dénoncer le TSCG (traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance) adopté en 2012, comme nous mettrons un terme à l’application des directives sur les travailleurs détachés. Nous mettrons fin à la libéralisation des services publics. Quant au commerce international, nous refuserons de ratifier les traités de libre-échange comme le Tafta avec les Etats-Unis et le Ceta avec le Canada, et nous ferons tout pour que l’UE parle enfin d’une seule voix à l’Organisation mondiale du commerce et que nous instaurions une forme de protectionnisme solidaire.

    C’est la stratégie du rapport de force ?

    Oui. Et que risquons-nous en violant quelques articles des traités ? Rien. Un Etat peut demander à sortir de l’Union, mais personne ne peut exclure un pays, ni de l’UE ni de la zone euro. Personne ne cherchera à pousser la France vers la sortie, car ce serait la fin de l’euro et la fin de l’UE.

    Même pas l’Allemagne ?

    Surtout pas, car elle est engluée dans une stratégie de croissance qui a tout misé sur les exportations. Et tant que l’euro est là, elle est protégée contre les dévaluations compétitives des autres grands pays européens. Au pire, la France risquerait des amendes financières pour avoir violé les normes budgétaires. Nous avons et les moyens de les payer, et la faculté de ne pas les payer.

    Vous quitteriez l’euro ?

    Si nous n’avions le choix qu’entre la soumission sans conditions à des traités toxiques ou le retour à la souveraineté monétaire, nous demanderions au peuple français de décider. Mais nous avons un autre choix, car nous ne sommes pas dans la situation de la Grèce, et parce que personne ne veut que la France sorte de quoi que ce soit car, encore une fois, ce serait juste la fin de l’euro et de l’UE. La France, tout en restant formellement dans l’euro, peut prendre toutes les mesures et les libertés qui l’autorisent à mener une autre politique. C’est le meilleur moyen de convaincre bien d’autres partenaires, du Sud notamment, à nous imiter et à s’allier à nous pour refonder l’Union.

    Que pensez-vous de la proposition d’un nouveau traité de démocratisation de l’Europe ?

    C’est une bonne et vieille revendication de la gauche. Mais dans l’état actuel de désunion, c’est juste un beau rêve. Et quand bien même nous aurions cette fameuse Assemblée parlementaire de la zone euro, quel serait son pouvoir d’inverser la marche de l’Europe si elle est constituée de députés majoritairement de droite ou de la fausse gauche centriste qui, à ce jour, a soutenu l’Europe des marchands ? Non, je crois qu’il faut surtout instaurer un rapport de force. Et vite : le temps presse.

    Vittorio De Filippis
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