Un bouc émissaire nommé Luba Ntambo – LeCongolais v2.7
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Publié: 19 sept 2012

Un bouc émissaire nommé Luba Ntambo


«Le malheur peut être un pont vers le bonheur», dit la sagesse asiatique. La mutinerie des militaires des FARDC, étiquetés CNDP, est un événement malheureux pour les dégâts qu’elle cause au plan économique et humain. Cet événement a engendré un «effet collatéral» que ses initiateurs n’avaient pas prévu. Il s’agit de la «libération» de la parole. L’émission des critiques à l’encontre du Rwanda de Paul Kagame n’est plus perçue comme un «blasphème» depuis que le M-23 s’est érigé en mouvement rebelle.

Lors de la rentrée parlementaire, samedi 15 septembre, le président de l’Assemblée nationale, le PPRD Aubin Minaku, a surpris l’auditoire. Il y a quelques semaines, Minaku imposait le huis clos chaque fois que les débats en plénière portaient sur la crise au Nord Kivu et l’implication avérée du régime de Kigali. Samedi 15 septembre, Minaku a retrouvé comme par enchantement un brin de « courage » digne d’un «représentant du peuple». Il a annoncé la motion de défiance introduite contre le ministre de la Défense tout en promettant des bosses et des plaies aux « traîtres à la nation ».

Dans son allocution inaugurale, le président de l’Assemblée nationale a annoncé l’existence d’une motion de défiance contre le ministre de la Défense. Celui-ci est attendu devant la Représentation nationale pour fournir des explications sur la situation sécuritaire dans cette partie du pays.

Pharmacien de formation, l’actuel ministre congolais de la Défense, Alexandre Luba Ntambo, occupe ce poste depuis le 28 avril dernier. Quelles sont les explications que ce «pauvre irresponsable» pourrait donner dans ce pays où les questions militaires et sécuritaires sont gérées en toute discrétion par le président de la République et quelques personnalités civiles et militaires sulfureuses telles que John Numbi Banza, Amisi Kumba dit Tango four, Delphin Kahimbi et autre Kalev Mutond et Pierre Lumbi Okongo? Cherche-t-on à déterminer les responsabilités sur le désordre sécuritaire et militaire qui règne à l’Est – depuis près de deux décennies – ou simplement un bouc émissaire devant servir de «fusible» pour épargner le véritable coupable ?

En un mot comme en cent, «Joseph Kabila» est le responsable de l’instabilité qui menace l’intégrité du territoire national à partir des provinces du Kivu. Sous sa présidence, on a vu fleurir des bandes armées nationales et étrangères qui sèment la terreur et la mort dans ces deux régions ainsi que dans la Province orientale. L’homme a brillé par une impuissance frisant la connivence.

Poser la question de la responsabilité sur la crise actuelle au Nord Kivu revient à identifier l’Institution qui exerce l’effectivité du pouvoir exécutif au Congo-Kinshasa. Est-ce le gouvernement ? Est-ce le président de la République ?

Que disent les principes ? L’article 91 de la Constitution stipule : «Le gouvernement définit en concertation avec le président de la République la politique de la Nation et en assume la responsabilité. Le gouvernement conduit la politique de la Nation. La défense, la sécurité et les affaires étrangères sont des domaines de collaboration entre le président de la République et le gouvernement. Le gouvernement dispose de l’administration publique, des Forces armées, de la police nationale et des services de sécurité. Le gouvernement est responsable devant l’Assemblée nationale dans les conditions prévues aux articles 90 et 100».

Dans la partique, le gouvernement fait de la figuration. Il ne jouit d’aucun droit de regard sur les Forces armées, la police nationale et les services de sécurité civils et militaires. Encore moins sur l’administration publique. Les provinces, les districts et les territoires peinent à jouer le rôle de relais du gouvernement faute de moyens financiers et matériels concentrés à la Présidence de la République.

Sur papier, le Congo démocratique est chapeauté par un régime parlementaire où le chef de l’Etat est réputé politiquement irresponsable. Et pourtant, c’est bien ce dernier qui prend les grandes décisions politiques et « manage » les affaires nationales au quotidien. Interrogé sur les priorités de son gouvernement (voir le magazine « Notre Afrik » juillet-août 2012), le Premier ministre Augustin Matata Ponyo n’a pas dit autre chose : «Elles reposent sur les missions assignées par le président de la République. (…) ». Cela voudrait-il dire que le gouvernement ne conduit nullement la politique de la nation comme tel que la Constitution l’énonce? Poser la question revient à y répondre.

Qui oubliera qu’à l’insu du gouvernement et de l’état-major général de l’armée congolaise, « Joseph Kabila » avait confié, dès décembre 2006, au « général » John Numbi Banza Tambo, inspecteur général de la police nationale, la mission d’aller négocier des questions militaires avec Laurent Nkunda, alors chef du CNDP ? Qui oubliera que « Joseph Kabila » a signé un « accord militaire secret » avec le Rwanda en décembre 2008 à l’insu du gouvernement et du Parlement? Qui oubliera que John Numbi a été chargé de la gestion du déploiement des soldats rwandais sur le sol congolais dans le cadre de l’Opération «Umoja Wetu» en janvier 2009? Qui oubliera, au plan politique, la décision inconstitutionnelle du même «Kabila», en mai 2009, retirant la gestion du Compte du trésor au Premier ministre ? Qui ignore que c’est la Présidence de la République qui pose des actes de gestion en réglant les factures relatives aux grands travaux effectués à travers le pays ?

La crise qui prévaut au Nord Kivu doit être l’occasion de procéder à un aménagement du pouvoir politique afin de mettre un terme à l’omnipotence injustifiée de l’Institution « président de la République ». Il s’agit de savoir si le Congo est dirigé par un régime parlementaire ou présidentiel. Il n’est pas sain que le chef de l’Etat pose des actes de gestion sans devoir rendre compte…

Il est clair que «Joseph Kabila» est le véritable détenteur du pouvoir exécutif. Il préside, gouverne et « administre » le pays. Le gouvernement ne détient que l’apparence du pouvoir. « Joseph » doit, dès lors, assumer la responsabilité de ses actes en venant s‘expliquer devant la Représentation nationale sur les tenants et les aboutissants du désordre sécuritaire qui règne dans la partie orientale du pays en général et au Nord Kivu en particulier.

Toute motion de défiance à l’encontre du ministre de la Défense ne serait qu’une fuite en avant. Une tentative désespérée de faire expier un bouc émissaire. L’opinion congolaise n’est plus dupe.

BAUDOUIN AMBA WETSHI/CI

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